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Un bipolaire enfin heureux ! raconte la vie mouvementée d’un homme souffrant de bipolarité. Passant du rire aux larmes et des Enfers des addictions au Paradis d’être papa…
Une véritable invitation à un voyage dans le temps, celui d’une vie, différente, enrichissante et passionnante.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gildas Fere n'en est pas à son coup d'essai. Déjà bien connu pour ses textes bien ciselés et engagés dans la défense du plus démuni, pour une justice sociale, il nous réale de ses textes à sens profond.
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Seitenzahl: 89
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GILDAS FERE
A Aurélie, Julie et Mathis…
A mon papa
A mon ami Julien qui est mort dans la rue…
« Je me remets à écouter Bach
Je me remets à sentir la terre du jardin
Je me remets à penser à des poèmes
Et à des romans
Je me remets au silence qui fait d’un matin
Pluvieux le début du monde de demain. »
PIER PAOLO PASOLINI
Je suis un homme heureux.
Bipolaire mais heureux.
Il y a quelques années, le propos aurait été différent.
J’aurais écrit, je suis un homme malheureux, bipolaire et malheureux…
J’ai 50 ans et tous les jours j’avale une bonne dizaine de médicaments aux noms étranges.
Cela fait bien plus de la moitié de mon existence que ça dure.
J’en ai rencontré des psychiatres, des psychologues et même des hypnotiseurs.
Quelques charlatans payés en espèces…
J’en ai fréquenté des hôpitaux et des cliniques psychiatriques dans tous les coins de France où j’ai vécu.
J’en ai bu des hectolitres d’alcool, j’en ai dépensé des fortunes au PMU et je ne compte plus les femmes sans visage et sans prénom.
J’aurai vérifié des milliers de fois que ma braguette était bien fermée et que mes plaques de cuisson étaient bien éteintes.
Jusqu’à faire cinq cents kilomètres dans la journée pour m’assurer que la porte d’entrée de mon appartement parisien n’était pas restée entrouverte…
En plein mois d’août.
Je suis né le 19 janvier 1973 à Rouen et jusqu’à mes dix ans j’ai grandi épanoui dans un petit pavillon à deux pas de la gare de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
J’étais premier ou deuxième de la classe.
Je collectionnais les tableaux d’honneur et les images.
En revanche, dans la famille, j’étais le petit dernier.
Le chouchou…
Celui qui grimpe sur les genoux de tout le monde pour des bisous ou des câlins en fin de repas.
Et tandis que mon frère et ma sœur allaient voir « La Boum » au cinéma, je jouais seul avec mes petites voitures et mes Playmobil.
Parfois, j’inventais des jeux plus étranges.
Avaler des pièces de monnaie ou croquer à pleines dents dans les verres Duralex de la cantine.
Les restaurants étaient devenus la hantise de mes parents.
Rien de grave, disait ce brave Docteur Lemaire, le médecin de famille.
Rien de grave…
Cela fait des années qu’on me répète cette phrase et cela fait des années que je ne l’entends pas.
J’ai pourtant une bonne ouïe…
J’aurais dû écrire ce nouveau livre à la clinique Océane du Havre.
Le séjour était programmé et j’avais déjà bouclé ma valise.
Nouveaux troubles bipolaires.
La clinique Océane, je connais.
Les bars PMU du Havre aussi.
Un premier séjour en 2015.
Un second en 2016.
Echec total.
Mais sans l’existence de cette satanée clinique, je n’aurais jamais connu la femme de ma vie.
Trois rencontres éphémères, trois conquêtes absurdes et par le jeu de l’amour et du hasard l’étoile la plus brillante de mon ciel trop souvent si sombre.
À l’origine, mon parcours est un sans-faute.
Un an d’avance, Bac Littéraire avec mention.
Licence de Droit Public.
Professorat des écoles.
Premier poste à l’âge de 23 ans.
L’histoire est belle lorsqu’elle est racontée comme ça.
Mais il y a une autre façon de voir les choses.
J’ai failli faire deux premières, je me suis inscrit en lettres modernes avant de me raviser la veille de la rentrée universitaire, j’ai redoublé ma deuxième année de Droit à causes de fêtes alcoolisées et de fréquentations douteuses.
Et je me suis retrouvé prof quand je me rêvais journaliste.
Il y a toujours plusieurs versions des faits chez un bipolaire.
Du calme avant la tempête.
Ouragan, vent violent.
Puis, plus rien.
Le néant.
Le très-bas.
En 1983, année de naissance de la femme qui a changé ma vie, nous avons quitté la Seine Maritime pour le Calvados.
Mon père, qui travaillait à la SNCF venait d’être nommé à Caen et moi, j’entrais au Collège.
C’est d’ailleurs là qu’a commencé ma courte carrière en politique puisque j’ai été élu délégué de classe de la 6ème à la 3ème.
Vaste fumisterie, les délégués ne servent à rien.
J’étais « l’intello » avec un an d’avance et la cible des cancres boutonneux…
Avec tous mes complexes physiques, les cours de piscine étaient un cauchemar.
J’enviais les filles qui séchaient ce supplice à cause de leurs règles.
Les premiers troubles de la puberté.
Les premiers troubles tout court.
Peut-on parler de troubles bipolaires à treize ans ?
Je n’en sais rien, je ne suis pas psychiatre.
Et les garçons commencent à embrasser les filles et les filles ne s’intéressent pas à moi.
Pourtant j’aimerais bien…
Mes copains volent « Lui » ou « Playboy » chez le marchand de journaux de la rue des Boutiques à deux pas du collège et moi je découvre l’érotisme dans un chapitre de « Vipère au poing » d’Hervé Bazin.
Onanisme littéraire.
Sans image.
Et voilà la culpabilité qui fait son apparition.
Le bien et le mal.
Le mal en l’occurrence.
Le pêché.
Ce mot étrange que j’entends à la messe tous les dimanches.
Et voilà que maintenant il faut se confesser.
Vider son sac.
Alors j’invente, je raconte des histoires.
Une pièce de deux francs dans le porte-monnaie de maman, un mensonge à la maîtresse.
Pas de quoi aller en prison…
Ecrire une autobiographie à cinquante ans passés n’est-ce pas finalement une entreprise de gigantesque confession…
J’espère simplement que mes lecteurs ne seront pas que des curés…
Bien que je ne cours pas après l’extrême onction, j’aimerais bien vivre en paix, enfin.
Mardi 12 février.
3h47 du matin.
Le miracle.
Pas à Lourdes mais à la clinique du Parc à Caen.
On est arrivés à 3h20 devant la porte des Urgences de la maternité.
Non sans mal.
Il a d’abord fallu gratter le pare-brise de la voiture d’Aurélie car il faisait Moins 2.
Je n’ai jamais été aussi vite de ma vie pour dégager la glace d’un pare-brise.
Record du monde battu…
Et ces hurlements, et cette sueur et ce cri.
Mathis.
Julie a un petit frère.
Et nous un fils.
On est tellement heureux qu’on voudrait en faire un autre, deux autres, trois autres.
Nous sommes sur un nuage.
La météo est avec nous.
On se croirait au mois d’août.
Je passe toutes mes journées à la maternité.
Avec Julie et mon cousin Jocelyn qui sera le futur parrain de Mathis.
Jocelyn m’a ramassé dans le caniveau quelques mois auparavant et il me voit sur ma planète de joie et d’amour fou.
J’ai 46 ans, l’âge où il n’était pas rare d’être grand-père autrefois et je suis un homme comblé.
Bipolaire mais comblé…
C’est ce qu’on appelle toucher le fond.
J’ai trouvé mon rythme de croisière.
Quatre bouteilles de vin par jour.
Je les achète vers 7h30, à l’ouverture du magasin.
Et le peu d’argent qu’il me reste, je le joue au Maryland, le Bar-PMU en face du château de Caen.
Si je compte bien, cela fait vingt-cinq ans que je bois.
Parfois, l’Enfer et le Paradis ne font qu’un.
C’est au Maryland que pour la première fois de ma vie, j’ai vu Aurélie.
Cathédrale du bonheur.
Un après-midi du mois d’août, je me promenais en ville un peu désœuvré.
J’appelle Wil, copain d’infortune pour lui demander ce qu’il fait.
Mois de mai.
Il est six heures du matin.
Je me réveille sur un chemin qui longe l’Orne, le fleuve qui traverse Caen.
Débraillé, amoché.
Trou noir.
Je ne me souviens de rien.
Je traverse toute la ville pour rentrer chez moi.
J’ai mal partout.
Devant la glace, je prends peur. J’ai un œil au beurre noir et de multiples plaies.
Dans trois jours je pars au Festival de Cannes et je ne ressemble plus à rien.
Je file aux Urgences et après quelques heures d’attente, j’en ressors plus présentable.
Direction La Croisette avec une paire de lunettes de soleil et de la pommade pour cacher la misère.
Je n’ai nulle part où loger mais l’amie d’une amie de ma mère est la secrétaire de Gilles Jacob, le grand patron du Festival et j’ai mes entrées où je veux.
En moins d’une semaine, j’aurai serré la main de Hugh Grant et Johnny Depp, fait la bise à Elodie Bouchez et Judith Godrèche, vu une dizaine de films et dormi sur un matelas dans le garage d’un pavillon appartenant à des retraités qui faisaient leur beurre pendant le Festival.
Le Martinez et le Carlton, ce sera pour une autre fois.
Ou bien jamais.
J’avais des rêves de dingue.
Une Palme d’Or et un César.
Je suis professeur des écoles stagiaire à Créteil, Val de Marne.
L’année du Concours de Professeur des écoles.
4000 candidats pour 700 places.
L’année du premier roman.
Jamais publié.
Une dizaine de lecteurs au total.
Parmi eux, Catherine, une collègue de l’IUFM, ancienne journaliste de 34 ans qui veut devenir prof.
On parle de François Truffaut et de Jean-Pierre Léaud à longueur de journée.
Je me sens attiré par elle mais j’ai l’impression d’être un enfant.
Nous partons quelques jours à Vaison-la-Romaine pour réviser notre concours chez une amie commune.
Ma consommation d’alcool est déjà conséquente et je me lève tous les jours à midi.
Un matin, je dis bien un matin, on toque à la porte de ma chambre.
C’est Catherine. Elle est en nuisette et m’apporte une tasse de café.
Elle s’assoit sur le bord du lit.
Elle attend un signe, un petit geste.
Je ne dis rien, je suis paralysé.
Et l’après-midi même, je suis dans le TGV pour Paris.
J’essayais de me convaincre que l’amour n’est qu’un jeu et que ça ne sert à rien.
J’ai été reçu en 87ème position au Concours.
Je n’ai plus jamais revu Catherine.
Elle est partie vivre aux Etats-Unis et a changé de nom de famille.
Quant à moi, mon destin se jouera du côté de Choisy-le-Roi…
J’ai revu le Docteur Vasse, le psychiatre du CMP.
Pour la première fois, il ne porte pas de masque et je découvre un homme charmant mais débordé.