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Zoé, une danseuse franco-irlandaise, virtuose de la « Sean-nós danse », transforme une rencontre fortuite et troublante en un véritable affrontement culturel et discursif. Confrontée à la médiocrité, à la violence et au racisme, elle utilise son esprit vif et sa passion pour la philosophie comme une arme de résilience intellectuelle. Au-delà d’une simple exploration idéologique, cette histoire est une démonstration fascinante du pouvoir de l’esprit et de l’art face à l’adversité.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pascal Viriot est un pèlerin sur le chemin tortueux et escarpé de la connaissance qui voyage, depuis toujours, à travers la lecture et principalement la poésie. Après de nombreuses années passées à lire, il décide enfin de se faire lire en rédigeant cet ouvrage qu’il propose au lecteur.
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Pascal Viriot
Zoé, une fugue irlandaise
La grâce et le paumé
Roman
© Lys Bleu Éditions – Pascal Viriot
ISBN : 979-10-422-3334-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le prénom Zoé vient du grec zoos, « la vie ».
Non, la vie n’est pas qu’une immense vallée de larmes.
Zoé est franco-irlandaise, elle aime la musique, les pubs irlandais, la danse et la fête. Elle n’aime pas les bulles pour ce qu’elles ont de pétillant, mais elle aime le son des verres qui se rencontrent et l’amitié que ces bulles peuvent faire naître parfois. Elle chérit cet éclat éphémère qui s’évanouit dès que l’aube arrive et comme une fille, elle a les yeux qui brillent le temps d’une fiesta une rose dans le cœur. Elle aime le jaillissement des rires. Elle recherche les échanges de regards scintillants. Elle se sent bien au milieu des cris de joie surgissant des discussions de cette jeunesse présente pour un rancard et pour la foire.
Aujourd’hui est un mot de passe, rien n’est plus important que l’instant présent. Tout ce bel âge, assidûment au rendez-vous et bien sapé pour l’occasion, convoque tous leur ange gardien pour la veillée. Un peu de parfum, un zeste d’univers dans l’attitude et des caresses dans la besace.
La rencontre ?
C’est le sujet et c’est grâce à elle que les verres se conjuguent. Hier est déjà mort, on verra bien demain ! Trinquons ! Dansons ! Si ce n’est pas le printemps, inventons-le pour la soirée.
Nous pouvons si nous le voulons, avec un petit sourire moqueur, créer cette nouvelle lune ou la terre est invisible.
Oublions là cette planète !
Déguisons-nous pour l’occasion. Soyons d’un nouveau monde et répondons présents. Elle est de cette jeunesse qui n’a pas connu l’automne et qui prépare une fleur avant de faire un fruit.
Nous venons tous d’ailleurs et de partout pour boire cette bière qui force la cohésion. Bientôt nous serons transformés par ces petites bulles de joie qui pétillent dans les verres et dans les yeux.
Pour passer commande, tout se fait au bar, dès votre arrivée. Vous êtes accueillis et à peine la commande passée, vous devez payer comptant. Alors vous pourrez embarquer vos verres en direction de votre table pour rejoindre vos amis.
Impossible de négocier pour payer plus tard ! Dans un Pub, on sert et on encaisse dans la minute, cela évite les problèmes. Ces bars à bières sont très fréquentés et il est difficile de savoir :
Qui a bu ?
Qui a payé ?
C’est pour cela que les serveurs encaissent de suite. Une fois assis, vous pourrez apprécier le charme du pub irlandais. Le plus souvent, vous trouverez un décor fait de boiseries, d’objets anciens et d’affiches publicitaires vantant les mérites de quelques grandes marques d’alcools du pays.
« Cognac camus » et Whisky de 8 ans d’âge single malt. De quoi vous donner l’envie d’une euphorie.
D’autres préfèrent déguster les fameux « irish coffee », cocktail mythique à base de café, de sucre, de whisky et de crème. Boisson spécialement inventée en 1943 pour accueillir les Américains transis de froid qui débarquaient à l’aéroport de Foynes.
Dans les pubs vous entendrez les chansons entraînantes du groupe « The Pogues », inévitables compagnons de fiesta. La chanson préférée de Zoé est : « Fairytale Of New York » qui commence par ces paroles :
C’était la veille de Noël bébé dans un bar.
Elle chante surtout quand les paroles disent :
Je t’aime bébé.
Je peux encore voir un temps meilleur.
Quand nos rêves seront réalité.
Je t’aime bébé et je rêve de toi.
I love you baby I can see a better time…
Toutes ces notes de musique et ce malt miellé vont faire trembler le plafond dans la soirée. Attention à vous de jouer ! Faites vos jeux ! Laissez rouler le temps qui passe et soyez son ami ce soir, ne prenez rien à contre temps ! C’est un voyage.
Tout le monde est prêt pour le départ ! On entend autour des tables les expressions typiques du pays :
— What’s the crac ?
(ou comment vas-tu, quoi de neuf ?)
Avouez que cela sonne mieux en irlandais !
— What’s the crac ?
Et si une Irlandaise dit que vous êtes un cracker, c’est que vous lui avez tapé dans l’œil !
Zoé connaît cette expression, elle l’utilise souvent pour se rapprocher de cette partie d’elle-même qui vient du pays de la Guinness. Passé la porte de ce pub, vous êtes en Irlande ! Elle connaît, use et abuse aussi de cette expression qui la sort de tous les embarras et avec un sourire bien sûr !
— Sure look it !
C’est une expression irlandaise passe-partout. Sa signification réelle, personne ne la connaît et ça l’arrange bien. S’il arrive un moment dans une discussion où elle ne sait pas vraiment quoi répondre par manque d’information, elle s’en sert. Ce groupe de mots est une issue de secours !
— Sure look it !
Cette expression est très pratique et acceptée par tous. Elle est toujours dans le ton c’est un joker verbal. Rien ne lui résiste. Cette interjection joyeuse met tout le monde instantanément d’accord. Chacun se reconnaît dans cette image sonore et sourit de ce carré d’as sorti à bon escient. C’est un premier pas, une porte ouverte pour faire la fête, un laissez-passer.
Quelques photos et instruments sont accrochés aux murs du Pub, pour rendre le lieu encore plus pittoresque. Ne cherchez plus, vous y êtes, de douze heures à l’ouverture jusqu’à vingt-quatre heures pour la fermeture.
Et si votre pinte n’est pas encore vide à l’heure de la fermeture, le personnel a souvent la gentillesse de vous attendre, sans vous jeter dehors. Dans certains Pubs la tendance est de repousser les heures de fermeture, afin de prolonger ces moments de gaieté. La clientèle commande une dernière pinte juste avant la dernière demi-heure pour prolonger le plaisir d’être ensemble. C’est obligatoirement ces Pubs qui sont choisis par Zoé.
Elle y mange son plat favori, celui qui l’emmène directement au pays : « le fish and chips ».
C’est un plat rapide et savoureux qui convient parfaitement aux lacets de sa bourse. Impossible de se ruiner avec un « fish and chips » !
Du poisson ultra frais, morue, raie, colin ou haddock cuisiné à la minute et de succulentes frites maison à un prix très économique. C’est un vrai délice pour Zoé. Rien ne vaut le goût d’une vraie pomme de terre ! Frite sur place le plus souvent enveloppée dans du papier journal. Elle les déguste une à une avec ses doigts. Elle se sent bien dans le brouhaha des pubs, en communauté.
Lorsqu’il faut danser, elle doit être prête c’est là que tout se passe. Dans ce cas précis, boire une pinte ou deux peut être la cause d’un faux pas, d’une glissade, d’une blessure. La danse et la bière ne vont pas ensemble. Le risque de se luxer une cheville n’est pas envisageable. Zoé a peur de tomber et ne s’autorise aucune improvisation, elle ne prend pas le risque de l’alcool.
Sa pinte de bière Zoé la boit à petites gorgées et quelquefois ne la finit pas. L’ambiance festive et les lumières tamisées ont déjà dissipé sa timidité. Croiser les pieds en avançant la tête en l’air pour faire la fête et claquer des talons en rythme avec d’autres danseurs nécessitent la maîtrise de son corps et de son esprit. Déjà Zoé se laisse emporter par les vagues de coups de claquettes irlandaises sur le sol, à l’unisson avec tous les saltimbanques et noctambules de la soirée. Elle surfe et montre quelques pas de compétition c’est sa signature, son droit de passage.
Concentrée, elle garde les bras le long de son corps et ça lui donne du cachet. Elle se sait regardée. Tomber serait une catastrophe, elle deviendrait la risée des danseurs et buveurs de bière. Dans ces moments de réjouissances populaires, il faut tenir le gouvernail et filer entre les roulis fiévreux comme à la Saint-Patrick.
Résolue, elle danse et se passionne d’être dans le mouvement. Toute cette cadence c’est son vertige, ses premiers pas dans la communauté humaine. C’est en dansant qu’elle a commencé à aimer le contact humain. La danse est son langage. Avec les claquettes irlandaises, elle goûte un bonheur simple et populaire. Elle a parfois la tête qui tourne, mais ce sont des petits moments de félicité et ce moulin peut continuer à fonctionner, elle n’en sera pas malade. Elle a l’impression d’être à sa place dans ce vacarme organisé. Elle se déplace pour rencontrer cette jeunesse qui l’enivre un peu.
Elle est très loin des premières danses irlandaises dansées par les druides pour célébrer la nature et les animaux. Ce soir et tous les soirs la jeunesse danse pour rire et profiter de la vie, de l’instant. Il n’y a pas de pub dans les forêts. D’ailleurs il n’y a presque plus de forêt !
À Paris, il faut connaître les codes, ne rentre pas dans la danse qui veut. Son observation pendant toutes ces années dans les fêtes lui a beaucoup appris. Zoé regardait les autres danser avec envie, chaque pas était inspecté afin d’être reproduit dès qu’elle en avait l’occasion. Elle a très vite eu envie de danser, de partager. Zoé s’inquiète encore de connaître tous les bons endroits où l’on peut danser irlandais.
Dans sa jeunesse dès le début du spectacle, elle ne ratait rien de ces introductions vocales d’hommes et de femmes. Il y avait comme un appel une invitation à la danse qu’elle ne pouvait refuser. Elle rêvait de ces costumes, de cet entrain collectif. Ces troupes de danseurs la faisaient rêver. Elle se projetait mentalement entre deux danseurs et mimait dans son esprit chaque pas l’un après l’autre. La tête droite et souriante, elle aurait pu être à leur côté.
Elle le voulait tant !
Être de la troupe ?
Mais comment faire ?
Apprendre avec des amis ?
Elle a essayé, mais ses camarades se sont souvent trompés, ils n’avaient pas la même ambition qu’elle. Chacun avait sa méthode et Zoé n’arrivait pas à comprendre le lien collectif de cette danse. Elle voulait en connaître toutes les bases et les subtilités. C’est pour cela qu’elle a rapidement rejoint une école :
Le lac à danses.
C’est dans cette école qu’elle a appris et fini par sentir l’unité dans le nombre, main dans la main chacun à sa place et pourtant tous ensemble.
Unis par l’attention et l’intention. Ne faire qu’un avec les rythmes énergiques irlandais. Les mêmes pas de danse pour tous, tous dans le même pas de danse, les mêmes coups de talon sur le sol au même instant. Les mêmes envolées vers le ciel, quelle puissance ! C’est cette énergie partagée qui la rend heureuse et fait apparaître le meilleur d’elle-même. Énergie, joie, travail, solidarité dans la fête et camaraderie forment un décor qui la déride. Zoé se détend un peu. Tout devient plus léger dans ce monde dansé.
Pour ce faire elle s’est acheté les indispensables claquettes de danse.
Elle a aussi appris à mettre des bandelettes sur chacun de ses orteils pour les protéger des innombrables coups de percussion qu’elle donnera avec le bout de ses pieds. Dans ces moments de frappes au sol, elle ne fait pas de concession. Il faut que le son sorte net, puissant, précis et ces pas répétitifs accompagnent le tambour c’est cela qui peut meurtrir les orteils. Ne pas les protéger c’est prendre le risque de s’abîmer et peut-être se priver de danser pendant huit à dix jours. C’est rater les autres cours pendant le temps de la réparation. C’est dix jours sans danser…
Dix jours ! C’est impossible.
Comment peut-on en arriver là ? Le temps de s’occuper de la douleur et des soins qui guériront les pieds meurtris n’a pas lieu d’être. La blessure est hors sujet ! C’est en amont qu’il faut prévoir. Le remède se prépare avant la blessure. La prévoyance et la prévention sont déjà un antidote. Surtout éviter de rater un cours ! Rater un cours ? C’est une double peine.
Zoé s’est acheté des chaussons spéciaux qui lui permettent de travailler seule dans le silence devant le miroir. C’est l’apprentissage du galop irlandais. Les pas suggèrent une fougue, une douce turbulence. Uniquement pour activer la mémoire du corps, car la danse fait l’impasse sur tout ce qui est réflexion. Quand tu danses, le mouvement est prioritaire. Le corps porte la danse. C’est la chair qui décide.
Recommencer et recommencer encore ! Danser est un mouvement, un élan, un engagement, une fête, un cadeau. Cela doit devenir une seconde nature et pourquoi pas la première ? Il faut être rigoureux dans l’effort avant de briller sur scène. Levez-vous et dansez ! Scrutez les étoiles !
Elle commence à comprendre la technique rigoureuse d’un solo de danse.
Le visage est uniquement là pour porter la joie. Toute impression d’effort doit être gommée. La bouche et les yeux souples comme une plume trans- -mettent une émotion limpide. Le corps sait où il va et comment il y va. Sans interrompre la porteuse de félicité. Le physique est un véhicule autonome. Il est programmé au service de la performance. Il déroule acrobaties et voltiges, tout est codé. Le visage charme de sa générosité, séduit, captive. Lointain, il doit convaincre que le bonheur est présent et qu’il est là maintenant sur le plateau. Devant vous à portée de main.
Au rendez-vous, regardez-le, regardez-nous ! Regardez-moi ! C’est la mission du visage et c’est aussi ce pour quoi le spectacle existe.
Les pas suggèrent une fougue, une douce turbulence, ils créent le mouvement de bas en haut, à droite et à gauche. Le visage cherche le contact, il ensorcelle, il enchante, c’est un complice, il s’illumine, il rassure.
Avant de s’élancer pour danser, assise dans les coulisses ou dans les vestiaires du club, Zoé n’oublie pas de faire quelques étirements pour garder sa souplesse. C’est indispensable. À l’école, au lac à danses devant le miroir immense, elle a maintes fois travaillé et retravaillé les pas qu’elle doit faire. Seule puis en groupe surveillant son reflet dans le miroir, elle a dansé et dansé à nouveau. Toujours pour former et éduquer cette indispensable mémoire du corps. Affiner son véhicule.
Certains jours lorsqu’elle est isolée et que le temps des cours est terminé, qu’il n’y a aucune activité de prévue dans la salle.
C’est une aubaine ! Tous les adhérents s’en sont allés. Enfin seule devant le miroir. C’est le moment de se lâcher avec son baladeur sur les oreilles. Seule au monde après avoir choisi la plus belle musique irlandaise, celle qu’elle préfère, elle appuie sur le bouton play et cale ses oreillettes.
Cela commence toujours par le chant d’une voix féminine, soprano, cristalline, seule et fragile. De suite enveloppée par un accord au synthétiseur comme pour l’empêcher de tomber. C’est un immense et tendre voile consonant, quelques notes apaisantes en mode majeur. Et dans cet arpège très vite se mettent à chanter plusieurs voix masculines, enracinées, énergiques. Les voix féminines suivent rapidement et leur douceur apaise l’esprit. Elles nous font entrer dans un songe. N’hésitez pas, la porte est ouverte.
Les instruments à cordes insistent sur chaque note en les détachant, une à une les rendant uniques. Les guitares installent une dynamique. Les jambes de Zoé battent légèrement le tempo, elles sont impatientes. Zoé est très attentive et à cet instant, à cet instant seulement elle n’est plus avec nous ! Elle est seule, prête à bondir, résolue à repousser très loin ses malheurs pour nous mettre en joie. Elle aime ce moment fragile où rien n’est encore joué.
Elle doit réunir son courage pour gagner et vaincre sa peur. Parfois elle a l’impression qu’elle ne sera pas vaillante. Il n’y a pas de plan B !
Complices, les percussions légères et les Bodhràns confirment que le départ est imminent. Tout est verrouillé. Les Bodhràns frappent en rythme de plus en plus fort pour annoncer un accord de guitare, une bouteille à la mer, le message est passé. Zoé compte dans sa tête quelques mesures et un, deux, trois, quatre, elle entre sur le plateau avec ce fameux pas irlandais qu’elle maîtrise maintenant.
Ce n’est pas de l’à peu près c’est de la dentelle, ses pas sont vifs et gracieux. Elle saute et rebondit comme une gazelle. Plus de stress à cet instant, Zoé est persuadée que des petites créatures irlandaises légendaires et bienfaisantes sont avec elle toujours cachées prêtes à la servir. Alors forte de la compagnie de ces petits lutins, elle se permet des gestes souples avec ses mains qui traversent rapidement ses cheveux.
Elles saute et croise ses pieds lorsqu’elle est en l’air puis rebondit exactement sur le début de la mesure pour reprendre la même figure et courir à petits pas au bout de la salle. Tout est comme sur le papier à musique accompagnée de ses génies imaginaires, rien ne l’arrête. Les deux parties de seize mesures s’enchaînent et se répètent avec toujours autant de dynamisme. C’est une gigue irlandaise enivrante. Une douce transe. Maintenant le son des percussions enveloppe ce chant qui la fait cabrioler. Zoé répète sans cesse les figures rythmiques qui doivent se conclure par ses coups de chaussures sur le sol bien appuyés avec la musique. Puis tout doit s’enchaîner rapidement et recommencer aussitôt, droite devant la glace qui la reflète, elle sourit pour trouver sa plus belle image. Elle cherche à s’améliorer.
Son reflet la guide du bon côté et la ramène en réalité. L’imaginaire prend parfois le dessus lorsqu’elle travaille seule. C’est si facile de se laisser aller, en rêve tout est possible. La vie n’est-elle pas elle-même issue d’un rêve ?
Son visage s’illumine c’est un plaisir d’avoir cette salle de temps en temps, car elle ose et s’aventure, chose qu’elle ne peut pas faire avec une troupe. C’est toujours un beau moment de travail qu’être au rendez-vous seule devant ce miroir.
La souplesse de ses pas rend l’exercice agréable à danser, agréable à regarder. Lorsque les tambours prennent la direction musicale en frappant fort sur leur peau tendue, rien ne peut retenir Zoé. Les flûtes mettent du vent dans ses voiles passionnées et Zoé est repartie.
Cette nouvelle pulsation l’invite à une nouvelle improvisation. Après tout, elle est seule sur le parquet ! Tout peut arriver comme dans un bon film ?
Zoé accepte ce défi imaginaire et reprend le chemin d’une nouvelle danse.
Tout peut arriver, comme dans un bon film.
Avez-vous entendu cette averse de tambours dans les oreillettes ? Ce ne peut être que pour elle ? Il se passe quelque chose. Dans l’instant elle répond à ce nouvel appel. Elle s’invente un partenaire, car elle en aura un plus tard.
Sure look it !
Le temps de fermer les yeux et de les ouvrir et le voici qui entre dans la danse. Il saute et frappe du pied pour accompagner les tambours. C’est un bon danseur et elle est intimidée par ses performances rythmiques. Il est impressionnant. Puis vient le moment des interventions redoublées des tambours et le danseur doit répondre tout de suite avec les claquements de ses pieds sur le sol pour lui faire sentir son impatience.
Que fait-elle ?
Où est-elle ?
Il est remarquable ! Elle rougit un peu, c’est le désir de le rejoindre dans ce pas de danse qui l’émeut. Zoé ne sait pas encore faire des percussions, pas aussi bien que lui. Il est expert dans ce domaine. Elle l’imagine dans ces prouesses, tournant et sautant de plus en plus haut. Évidemment c’est le plus beau ! Seule dans cette salle l’illusion fonctionne à merveille. La porte est verrouillée, personne ne viendra couper le fil de ses rêves. Ce n’est pas le moment d’oublier la danse irlandaise ! Zoé n’effacera pas d’un trait toutes ses heures de travail. Ce n’est pas ce prince qui pourra l’empêcher de danser. Même s’il est le plus beau ! Aujourd’hui elle ose ! Ils danseront ensemble. Certains rêves sont presque réels.
C’est avec une marche légère telle une gazelle qu’elle s’approche de son danseur imaginaire.
Dans ses pensées les plus osées, elle tourbillonne autour de lui pour l’inviter à un duo. Son corps tourne agilement, elle ne le regarde pas encore. C’est un défi ! Il doit comprendre, attendons un peu.
Puis main dans la main ils font ensemble les premiers pas de danse, la tête droite, les yeux sur une ligne d’horizon et les pieds tapant le sol en cadence. Elle tourne autour de lui heureuse de montrer comment elle danse. Ils se séparent puis s’éloignent l’un de l’autre et à nouveau se retrouvent à tourner, épaule contre épaule. Toujours en tapant du pied en rythme et ensemble sans une seule faute de frappe ! L’illusion fonctionne à merveille. Ces deux-là sont certainement faits pour danser en duo. C’est évident !
Un jour peut-être ?
Zoé sait bien qu’elle est seule à danser devant le miroir, mais cette musique fait apparaître des désirs et les désirs mènent parfois à une réalité. Sa solitude dans le studio, tout ce vide autour d’elle ne la met pas en valeur. Pourquoi ne pas inventer ? Devant le miroir elle visualise une troupe et ça lui fait du bien de ne plus être seule. Lorsqu’elle danse, le soleil se lève. Après avoir terminé sa préparation physique, Zoé est apaisée. Heureuse, épuisée, elle se dit qu’un jour peut-être ce scénario sera une réalité. Apaisée, elle s’en retourne dans son appartement parisien. Les transports en commun ne sont pas loin.
En ville ou dans le métro, partout où cela est possible, assise, debout elle tape sur son corps les croches et les doubles croches sans se tromper avec les accents sur les temps forts. C’est un vocabulaire, il faut être excellente et ne pas oublier une double croche, ni en ajouter évidemment. C’est avec la rythmique de ses pas qu’elle frappe sur ses genoux lorsqu’elle marche. Ses pas donnent la vitesse du tempo, ils lui servent de métronome. Le rythme l’accompagne partout. Tout est rythme sauf la mort qui s’en dispense. Elle sourit.
Les moutons sont blancs ! Ils ne supportent pas que l’un d’entre eux soit noir, c’est comme dans une danse irlandaise tous les pas sont identiques, pas de croches à l’envers, pas de claquements de talons solitaires. Aucune improvisation.
Surtout ne pas faire l’asticot ! Acting the maggot ! (En irlandais)
Mon Dieu ! Cela s’entendrait immédiatement !
Dans ces moments-là, lorsqu’il y a une erreur, on se sent bien seul. Les autres danseurs et danseuses continuent. Il faut les rattraper très rapidement et prendre le train en marche sans se louper. Une deuxième erreur serait mal venue.
— Acting the maggot ! Surtout ne pas faire l’asticot !
Il faut du « par cœur », de la mémoire inébranlable et c’est pour cela que la salle de répétition est incontournable.
Répétitions ? Tout est dit dans le mot. Recommencer et recommencer encore. Zoé fréquente cette salle trois fois par semaine. Surtout lorsqu’elle prépare un spectacle.
Les mains dans le dos dans son petit appartement elle a des heures de danse derrière elle, pas après pas elle a répété sans cesse pour acquérir de l’assurance, ses pieds sont impatients de claquer le sol avec les talons maintenant que c’est possible. Maintenant qu’elle s’approche de l’expertise. Cette danse est devenue un moteur qui la propulse avec élégance sur les pistes. Elle est impatiente de danser avec le chant des flûtes et des cornemuses. Elle aimerait trouver les musiciens qui la feraient danser. Elle serait heureuse de compter :
Et un deux trois, un deux trois, un deux trois. Puis jusqu’à sept en avançant de côté à droite puis à gauche. Et un deux trois, un deux trois, un deux trois…
Tout cela est bien acquis aujourd’hui. Quand les jambes passent en mode automatique, qu’elles sont souples et décidées, qu’elles deviennent motrices, c’est facile d’avoir la bonne mine. Le sourire aux vents et les yeux dans les étoiles. Le bonheur répond de suite présent si les jambes en connaissent le chemin. Il ne reste plus qu’à montrer une élégance, légère et naturelle et chacun comprendra que cette danse est aussi faite pour lui. Zoé ne sait pas si la danse célèbre la vie ou si la vie célèbre la danse ! Peu importe ! Peut-être un peu des deux ?
Les années passent…
Zoé est maintenant dans le cours avancé professionnel. Comme un musicien elle est capable d’improviser sur tous les rythmes, avec aisance. Les élèves professionnels peuvent à terme intégrer n’importe quel spectacle si la demande se présente. Ils attendent tous cette opportunité. Dans une nouvelle représentation droite comme un I, le regard au large. Zoé doit inviter au voyage. Hisser les voiles et laisser souffler dans son dos le son des cornemuses irlandaises. Elle est maintenant une danseuse experte, capitaine dans son art. Le son guidera ses pas comme le vent souffle dans les voiles d’une gazelle des îles.
Elle ne se laisse pas perturber par les claquements de mains en contre temps des danseurs qui dansent autour d’elle. Bien au contraire ils sont ses alliés. C’est une fête de se rencontrer sur les planches du théâtre. Tous les danseurs partagent ce plaisir intense sous les feux des projecteurs. Elle est attendue. Elle arrive… Zoé a soif d’être.
Jolie dans sa mini-jupe bleue avec ses collants noirs à motifs celtiques de couleur blanc cassé, argenté. Zoé sait qu’on la regarde. Elle aime montrer sa beauté d’âme. Tout se passe dans les yeux. Quand elle danse, elle salue la joie d’être en vie et la vie lui rend sa révérence.
C’est facile, elle est heureuse. Zoé s’incline devant son public comme autrefois il fallait s’incliner devant le roi. Elle aime ces spectateurs qui sont venus la rencontrer. Sans eux sa vie ne serait pas la même. Attention Zoé, le rideau va s’ouvrir…
Le son de la cornemuse irlandaise la fait frissonner, il semble venir de très loin et Zoé perçoit ses vibratos comme un appel. Alors elle claque des talons sur le sol pour s’enraciner et rester ancrée, surtout ne pas écouter le chant des sirènes réputées magnifiques et envoûtantes. Le chant de la cornemuse lui fait cet effet, elle a du mal à résister à cet appel. Trop tard les sirènes ont gagné. Zoé est fascinée. N’y a-t-il pas le mot muse dans cornemuse ?
Emportée par un festival rythmique qui la mène sur le chemin. Rien de mieux pour rester sur terre. Elle aime le show et ne peut plus s’en passer maintenant. Ses pieds frappent et enflamment son cœur. Le spectacle est devenu une partie de ses valeurs. Elle en arrive parfois à comparer la vie à une grande pièce de théâtre. Elle ne sait plus.
Pendant qu’une partie de la troupe est en action, les autres claquent des mains c’est mécanique. Ils recommencent et recommencent encore.
La musique s’arrête. Simplement des mains qui se battent entre elles. C’est fou ce que deux mains humaines peuvent créer d’émotions quand elles se réunissent pour une fête.
Lorsque les violons s’invitent, la troupe est au summum de son art. C’est à ce moment que le spectacle devient un soleil. Chaque artiste en est un faisceau. Danseurs et danseuses délivrent un rayon de bonheur qui ne manque pas d’atteindre ceux qui sont à l’écoute. Le spectacle avance et la troupe unie est en confiance. Aucun spectateur n’est oublié.
C’est une transmission de vie à vie où Zoé a toute sa place, car son nom veut dire soleil.
Ce prénom provient du mot Zoé dans sa forme grecque et cela désigne tout simplement la vie. Alors Zoé n’est pas peu fière. Elle danse et remercie secrètement la Grèce d’avoir inspiré ses parents qui lui ont donné ce nom. C’est une des raisons qui l’a poussée à dévorer l’Iliade et l’Odyssée. Pour en savoir plus sur ce pays généreux. Ces deux livres, chef-d’œuvre d’Homère, ont été sa nourriture. Ils ont peuplé tous ses rêves d’enfant.
Zoé bénéficie aujourd’hui du courage et de l’entêtement de ses héros qui avancent et créent leur destin malgré les obstacles. Elle pense avoir hérité du caractère fougueux d’Achille, mais ne se voit pas fille de Zeus surpassant le monde par sa beauté. Non, elle reste modeste sur ce plan. Elle a peut-être des prières personnelles pour la déesse Athéna. Divinité de la sagesse et des artistes, c’est tout ce qu’elle a voulu en retenir. Athéna ? Elle lui parle de temps en temps en attendant ses conseils qui se font rares.
L’Antiquité est bien loin et dans la vie de Zoé pas d’obstacles colossaux. Elle n’a pas été abandonnée à sa naissance par ses parents comme Pâris le fut par le roi Priam. Non ! Elle ne risque pas d’être dévorée par des fauves et la guerre de Troie est terminée depuis longtemps. Rien de tout cela ne peut lui arriver.
Mais ce qu’il faut de courage dans une vie de femme parfois !
Il fait bon de se rapprocher de ces demi-dieux. Que cela soit vrai ou pas ? Peu importe, elle est toujours emportée par la vivacité de ces récits de la Grèce antique. N’étaient-ils pas un peu humains tous ces dieux grecs avec leurs défauts ? Oui, c’est un beau décor pour sa vie quotidienne. Elle adapte la vigueur de ses héros à sa ligne de vie.
Elle y puise la force de mettre un pied devant l’autre, d’autres l’ont bien fait avant elle.
Tout comme Pâris Zoé a survécu à ses difficultés. Le courage et les qualités des Dieux ne sont pas faits uniquement pour les hommes, elle est devenue une belle jeune femme élégante au regard vif. Quelquefois il lui semble qu’elle doit faire appel à la même vaillance que ces demi-dieux grecs. Ils sont toujours là, pas très loin prêts à la soutenir. Fragile !
Elle peut être très éprouvée et chercher en vain, des pouvoirs de super héros pour se libérer des malheurs qui la menacent et qui peuvent la faire tomber. Oui, ses peurs l’ont déjà fait vaciller.
Zoé a quelques remèdes pour contrer ses vertiges :
Elle retient que l’immense Victor Hugo disait de l’Iliade et de l’Odyssée : Le monde naît, Homère chante.
Zoé a secrètement ajouté à cette citation : Le monde naît, Homère chante, Zoé danse !
Cela lui fait du bien, c’est juste une plaisanterie qui lui donne du baume au cœur et ça marche ! Zoé danse ! Elle s’inclut dans le monde avec les plus grands à ses côtés. C’est son rêve. Pourquoi pas, si personne ne le sait ?
Le rêve est une réalité ! C’est son évidence. Lorsqu’elle en a besoin, rien ne peut l’empêcher de croire à ses rêves. Elle est curieuse de tout depuis qu’elle fréquente les conférences de la paix.
Entrée dans ce réseau depuis peu, c’est une danseuse qui lui en a parlé. Elles sont parties ensemble pour écouter cet homme d’un nouveau monde à la portée de tous.
Un nouveau monde !? Elle commence à peine à découvrir le sien ! Zoé a toujours vu cet homme comme un ermite, car il lui donne les moyens d’éclairer sa vie et cette image du vieil homme dans la nuit noire avec une lanterne lui convient. En l’écoutant, elle découvre sa propre lumière par petites étincelles. Des petites étincelles, tout le monde peut en avoir. Ce conférencier la laisse trouver son propre chemin. Elle tente de le découvrir. Elle a du mal et trébuche de temps en temps. Mais elle avance c’est pour cela qu’elle continue et cherche à comprendre ce qu’il veut dire.
Que pense-t-il de l’erreur ?
À quoi servent nos faiblesses, celles qui nous font hésiter parfois ?
Cet homme ouvre les yeux et débride la conscience de Zoé.
C’est en écoutant ses conférences attentivement, en prenant des notes et en les relisant plusieurs fois avec intérêt qu’elle valide quelques idées extraites de ses discours. Oui il a raison ! Ses intuitions sont justes et son enseignement est profondément enraciné dans la paix. Elle le sent. Ce n’est pas facile ! Son chemin est courageux. Son cœur est fiable. Sa poésie et la musique de ses textes donnent envie de danser. Zoé s’inquiète des conférences à venir…
Cet homme lui fait découvrir un chemin intérieur qu’elle n’osait pas rêver. Par ses recommandations il permet à Zoé de déceler en son intimité un espace aussi vaste qu’un ciel étoilé. À chaque réunion elle palpite de ces vérités qui frappent à sa porte. Zoé comprend pourquoi elle a un cœur maintenant. Avant elle n’osait pas s’en approcher. Avec ses discours, elle commence à croire que ses rêves ne sont pas nuisibles, mieux ils sont indispensables.
— Croyez en vos rêves, ne vous dévalorisez pas !
Ce sont ses mots et elle les a retenus. Désormais cette phrase ne la quitte plus. Elle se la répète lorsque la météo de ses désirs s’assombrit.
Lorsque trop de nuages cachent son soleil intérieur. En relisant ses notes, elle s’arrête sur quelques paragraphes et ne comprend pas ce qu’il veut dire.
Comment faire pour avoir autant de force ?
Où est le soleil dont il parle souvent ?
Pourquoi répète-t-il que nous sommes tous des héros ?
Changer la vie ! C’est joli, mais comment faire ?
Elle déchiffre et analyse en boucles certaines tirades.
Chaque individu ne serait en vie que pour prendre le chemin qui l’éloigne de ses tendances les plus sombres. L’être humain ne serait sur terre que pour sortir de sa grotte et goûter le plein air… C’est un beau programme !
Son souffle ne serait qu’un ascenseur pour accéder à un bien-être indestructible caché au fond de sa vie. Nous aurions tous en nous un état élevé nous donnant vue sur notre quiétude et notre réussite. Fort de ce regard, nous devrions avancer en confiance.
Qu’avait-il voulu dire ?
Sortir de sa grotte ?
Elle n’a pas eu le temps de noter la suite. Secrètement elle s’interroge :
— Et si c’était lui mon état élevé ? Mais non ! Je mélange tout.
Cet homme parle de ses faiblesses, il met à jour sa fragilité et son inquiétude comme s’il la connaissait depuis longtemps. Il découvre sa vulnérabilité. Comment peut-il le savoir ? Elle qui sait si bien les cacher !
Vexée, elle a dans un premier temps loupé volontairement quelques rendez-vous avec ces conférences philosophiques. Pour mettre un peu de distance. Elle a peur qu’il la devine encore un peu plus. Comment pouvait-il savoir qu’elle avait du tourment ? Qu’elle était triste à ne plus se connaître ? Seule au monde ! Comment savait-il ?
Le temps a passé. Elle est retournée aux conférences de la paix en se disant qu’elle n’est peut-être pas la seule à éprouver cette douleur. Elle s’est dit que toutes ses questions sans réponse, d’autres se les sont posées avant elle. Avec le recul elle a pensé qu’il ne la désignait pas précisément, que ces remarques étaient générales. Elle s’est dit qu’elle s’est vexée rapidement et inutilement.
Cela voudrait dire que ses peurs, ses maladresses, son égoïsme sont partagés par d’autres. Cela signifie que toutes ces personnes qui attendent le prochain colloque seraient aussi dans l’attente de réponses à leurs questions. Qu’elles souffriraient parfois tout comme elle ? Zoé devient moins susceptible et accepte le partage, la mise en commun de certaines difficultés d’être.
Il y aurait donc un tronc commun de la souffrance ? La réponse est oui ! Et elles sont nombreuses à prendre des notes, à les relire pour guérir une blessure. Mieux ! Certaines personnes s’en seraient libérées ? À les écouter, le tourment peut devenir le composant d’un remède ! C’est ce qu’elle a entendu, mais pas encore bien compris.