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Extrait : "GRÉMIO, sortant de la maison du concierge. Il me semble, en vérité, que j'entends marcher dans la cour : à quatre heures du matin, c'est singulier. Hum ! hum ! que veut dire cela ? Il avance ; un homme enveloppé d'un manteau descend d'une fenêtre du rez-de-chaussée. GRÉMIO : De la fenêtre de madame Lucrèce ? Arrête, qui que tu sois ! L'HOMME : Laisse-moi passer, ou je te tue ! Il le frappe et s'enfuit dans le jardin."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :
● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 65
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ANDRÉ DEL SARTO, peintre.
CORDIANI, Peintres élèves d’André.
LIONEL, Peintres élèves d’André.
CÉSARIO, Peintres élèves d’André.
GRÉMIO, concierge.
MATHURIN, domestiques
JEAN, domestiques
PEINTRES, VALETS, etc.
UN MÉDECIN.
LUCRETIA DEL FEDE, femme d’André.
SPINETTE, suivante.
(Florence.)
La maison d’André. – Une cour, un jardin au fond
Il me semble, en vérité, que j’entends marcher dans la cour : à quatre heures du matin, c’est singulier. Hum ! hum ! que veut dire cela ?
Il avance ; un homme enveloppe d’un manteau descend d’une fenêtre du rez-de-chaussée.
De la fenêtre de madame Lucrèce ? Arrête, qui que tu sois !
Laisse-moi passer, ou je le tue !
Il le frappe et s’enfuit dans le jardin.
Au meurtre ! au voleur ! Jean, au secours !
Ou’est-ce ? qu’as-tu à crier, Cremio ?
Il y a un voleur dans le jardin.
Vieux fou ! tu te seras grisé.
De la fenêtre de madame Lucrèce, de sa propre fenêtre, je l’ai vu descendre. Ah ! je suis blessé ! il m’a frappé au bras de son stylet.
Tu veux rire ! ton manteau est à peine déchiré. Quel conte viens-tu faire, Grémio ? Qui diable veux-tu avoir vu descendre de la fenêtre de Lucrèce, à cette heure-ci ? Sais-tu, sot que tu es, qu’il ne ferait pas bon l’aller redire à son mari ?
Je l’ai vu comme je vous vois.
Tu as bu, Grémio ; tu vois double.
Double ! je n’en ai vu qu’un.
Pourquoi réveilles-tu une maison entière avant le lever du soleil ? et une maison comme celle-ci, pleine de jeunes gens, de valets ! T’a-t-on payé pour imaginer ce mauvais roman sur le compte de la femme de mon meilleur ami ? Tu cries au voleur, et tu prétends qu’on a sauté par sa fenêtre ? Es-tu fou ou es-tu payé ? Dis, réponds ; que je t’entende.
Mon Dieu ! mon Seigneur Jésus ! je l’ai vu ; en vérité de Dieu, je l’ai vu. Que vous ai-je fait ? je l’ai vu.
Écoute. Grémio. Prends celle bourse, elle peut être moins lourde que celle qu’on t’a donnée pour inventer cette histoire-là. Va-t’en la boire à ma santé. Tu sais que je suis l’ami de ton maître, n’est-ce pas ? Je ne suis pas un voleur, moi ; je ne suis pas de moitié dans le vol qu’on lui ferait ? Tu me connais depuis dix ans comme je connais André. Eh bien, Grémio, pas un mot là-dessus. Bois à ma santé ; pas un mot, entends-tu ? ou je le fais chasser de la maison. Va, Grémio, rentre chez toi, mon vieux camarade. Que tout cela soit oublié !
Je l’ai vu, mon Dieu ; sur ma tête, sur celle de mon père, je l’ai vu ; vu, bien vu.
Il rentre.
Cordiani ! Cordiani !
Cordiani paraît.
Insensé ! en es-tu venu là ? André, ton ami, le mien, le bon, le pauvre André !
Elle m’aime, ô Damien, elle m’aime ! Que vas-tu me dire ? je suis heureux. Regarde-moi ; elle m’aime ! Je cours dans ce jardin depuis hier, je me suis jeté dans les herbes humides ; j’ai frappé les statues et les arbres, et j’ai couvert de baisers terribles les gazons qu’elle avait foulés.
Et cet homme qui te surprend ! À quoi penses-tu ! Et André ! André ! Cordiani !
Que sais-je ? je puis être coupable, tu peux avoir raison, nous en parlerons demain, un jour, plus tard ; laisse-moi être heureux. Je me trompe peut-être, elle ne m’aime peut-être pas ; un caprice, oui, un caprice seulement, et rien de plus mais laisse-moi être heureux.
Rien de plus ? et tu brises comme une paille un lien de vingt-cinq années ? et tu sors de cette chambre ? Tu peux être coupable ? et les rideaux qui se sont refermés sur toi sont encore agités autour d’elle ? et l’homme qui le voit sortir crie au meurtre ?
Ah ! mon ami, que cette femme-là est belle !
Insensé ! insensé !
Si tu savais quelle région j’habite ! comme le son de sa voix seulement fait bouillonner en moi une vie nouvelle ! comme les larmes lui viennent aux yeux au-devant de tout ce qui est beau, tendre et pur comme elle ! Ô mon Dieu ! c’est un autel sublime que le bonheur. Puisse la joie de mon âme monter à toi comme un doux encens ! Damien, les poètes se sont trompés : est-ce l’esprit du mal qui est l’ange déchu ? C’est celui de l’amour qui, après le grand œuvre, ne voulut pas quitter la terre, et tandis que ses frères remontaient au ciel, laissa tomber ses ailes d’or en poudre aux pieds de la beauté qu’il avait créée.
Je te parlerai dans un autre moment. Le soleil se lève ; dans une heure, quelqu’un viendra s’asseoir aussi sur ce banc ; il posera comme toi ses mains sur son visage, et ce ne sont pas des larmes de joie qu’il cachera. À quoi penses-tu ?
Je pense au coin obscur d’une certaine taverne, où je me suis assis tant de fois, regrettant ma journée. Je pense à Florence qui s’éveille, aux promenades, aux passants qui se croisent ; au monde, où j’ai erré vingt ans comme un spectre sans sépulture ; à ces rues désertes où je me plongeais au sein des nuits, poussé par quelque dessein sinistre ; je pense âmes travaux, à mes jours de découragement ; j’ouvre les bras, et je vois passer les fantômes des femmes que j’ai possédées ; mes plaisirs, mes peines, mes espérances ! Ah ! mon ami ! comme tout est foudroyé, comme tout ce qui fermentait en moi s’est réuni en une seule pensée : l’aimer ! C’est ainsi que mille insectes épars dans la poussière viennent se réunir dans un rayon du soleil.
Que veux-tu que je te dise ? et de quoi servent les paroles quand elles viennent après l’action ? Un amour comme le lien n’a pas d’ami.
Qu’ai-je eu dans le cœur jusqu’à présent ? Dieu merci, je n’ai jamais cherché la science, je n’ai voulu d’aucun état ; je n’ai jamais donné un centre aux cercles gigantesques de la pensée ; je n’y ai laissé entrer que l’amour des arts, qui est l’encens de l’autel, mais qui n’en est pas le dieu. J’ai vécu de mon pinceau, de mon travail ; mais mon travail n’a nourri que mon corps ; mon âme a gardé sa faim céleste. J’ai posé sur le seuil de mon cœur le fouet dont Jésus-Christ flagella les vendeurs du temple. Dieu merci, je n’ai jamais aimé ; mon cœur n’était à rien jusqu’à ce qu’il fût à elle.
Comment exprimer tout ce qui se passe dans mon âme ? Je te vois heureux. Ne m’es-tu pas aussi cher que lui ?
Et maintenant qu’elle est à moi ; maintenant qu’assis à ma table je laisse couler comme de douces larmes les vers insensés qui lui parlent de mon amour, et que je crois sentir derrière moi son fantôme charmant s’incliner sur mon épaule pour les lire ; maintenant que j’ai un nom sur les lèvres, ô mon ami ! quel est, l’homme ici-bas qui n’a pas vu apparaître cent fois, mille fois, dans ses rêves, un être adoré, fait pour lui, devant vivre pour lui ? Eh bien ! quand un seul jour au monde on devrait rencontrer cet être, le serrer dans ses bras et mourir !
Tout ce que je puis te répondre, Cordiani, c’est que ton bonheur m’épouvante. Qu’André l’ignore, voilà l’important !
Que veut dire cela ? Crois-tu que je l’aie séduite ? qu’elle ait réfléchi et que j’aie réfléchi ? Depuis un an je la vois tous les jours ; je lui parle, et elle me répond ; je fais un geste, et elle me comprend. Elle se met au clavecin, elle chante, et moi, les lèvres entrouvertes, je regarde une longue larme tomber en silence sur ses bras nus. Et de quel droit ne serait-elle pas à moi ?
De quel droit ?