Coup de Chaud à Bénodet - Stéphane Jaffrézic - E-Book

Coup de Chaud à Bénodet E-Book

Stéphane Jaffrezic

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Beschreibung

Un incendie criminel ravage une villa de Bénodet et fait deux victimes : le commandant de police en retraite et son épouse.

Pour contrarier la fraîcheur hivernale qui s’est installée sur la Bretagne, un incendie ravage une villa de Bénodet. Le sinistre, d’origine criminelle, pourrait faire l’objet d’un simple entrefilet dans la presse locale, si l’on ne devait déplorer la découverte de deux corps. L’identité des propriétaires est rapidement établie. Il s’agit d’un commandant de police en retraite, et de son épouse. Le capitaine Maxime Moreau ayant travaillé sous ses ordres, le juge d’instruction confie l'affaire à l’antenne de police judiciaire de Quimper, au détriment de la gendarmerie de Fouesnant. Plusieurs hypothèses jettent les bases des premières investigations, avant qu’un incroyable rebondissement ne bouleverse la donne.

Grâce à ce 13e tome des enquêtes de Maxime Moreau, plongez au cœur de la Bretagne, suivez pas à pas les investigations de la police judiciaire de Quimper et laissez-vous surprendre par les incroyables rebondissements de leur enquête !

EXTRAIT

— Bonjour. Police. J’ai quelques questions à vous poser.
Plus que mes paroles, ma carte aimante son regard et cristallise son attention.
— La police ! Mais nous ne vous avons pas appelé !
— C’est sûrement parce que vous n’aviez pas de raison de le faire. Je viens pour une petite enquête de routine. Vous accepteriez de me laisser entrer ?
— Oui, bien sûr, allez-y !
— Hum, ça vous dérangerait de tenir votre chien ? Sans en avoir la phobie, je me méfie toujours. Un coup de dent est si vite arrivé…
— En ma présence, Brutus ne ferait pas de mal à une mouche. Et encore moins au mollet ou à l’arrière-train d’un policier !
De fait, lorsque le portillon pivote sur ses gonds, le berger allemand, langue pendante et semblant peiner à reprendre son souffle alors qu’il n’a pas fait d’effort, lève le museau vers son maître. Celui-ci demeurant sans réaction alors que j’approche du duo, le chien comprend que je suis le bienvenu. En gage de soumission, il s’allonge de tout son long, posant sa gueule sur ses pattes antérieures.
— Allons à l’intérieur, conseille Grégoire Parizon, il y fera meilleur !
— Votre chien est d’une obéissance rare. C’est vous qui l’avez éduqué ?
— Pas seulement moi. J’ai bénéficié des recommandations et du savoir-faire d’un dresseur. Le résultat est fantastique, bien au-delà de ce que j’espérais. Mylène, nous avons un visiteur !
Dans le séjour, je ressens sur mes joues une bouffée de chaleur. Le contraste avec l’extérieur est total, car nous passons instantanément de deux ou trois degrés à plus de vingt-cinq. Assise dans un fauteuil près de la cheminée qui crépite en consumant une belle bûche sur un lit de braises ardentes, l’interpellée lève les yeux du livre dans lequel elle était plongée.
— Ce monsieur est de la police. Il veut nous poser des questions sur… sur quoi, au fait, vous ne me l’avez pas dit ! sursaute-t-il soudain en s’apercevant que le sujet n’a pas été abordé car la conversation a roulé sur la docilité de Brutus.
— J’enquête sur l’incendie qui a ravagé la villa de vos amis Céline et Daniel Bernier. Nous avons pu établir que ce n’est pas le fruit du hasard, mais nos investigations pour démasquer le pyromane sont pour l’instant sans résultat.
— Si ce n’est pas malheureux ! soliloque la femme, entendant par là non pas que la maréchaussée ne se met pas en lumière, mais qu’il y a dans nos contrées des quidams frappadingues, ou sacrément mal intentionnés.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Natif de Concarneau, Stéphane Jaffrézic habite et travaille à Quimper. Une conversation avec un ami sur un nouveau phénomène de société lui a inspiré son quinzième roman policier. Il est par ailleurs organisateur de murder parties et président du collectif d’auteurs “L’assassin habite dans le 29”.

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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

REMERCIEMENTS

- Mes fidèles lectrices et lecteurs qui par leurs compliments et encouragements se révèlent une extraordinaire source de motivation,

- Sébastien Taillard pour m’avoir soufflé l’idée de cette intrigue,

- Dominique Quéroué et Pascal Tanguy pour leurs compétences techniques,

- Mes sœurs Corinne et Monique Jaffrézic pour leur sérieux travail de relecture,

- Toute l’équipe des Éditions Alain Bargain pour son formidable travail.

I

— Allô !

— Capitaine Moreau ?

— Oui, c’est bien moi.

— Bonjour. Ici le juge d’instruction Hugo Desmant. Comment allez-vous ?

— Bien, merci, et vous-même ?

— Très bien également. Pourriez-vous passer à mon bureau dans l’heure qui vient ? Vous êtes à Quimper ?

— Je suis en planque sur Quimper, mais je peux me libérer dans le quart d’heure.

— Entendu. Eh bien je vous attends.

Assise à côté de moi dans la voiture, le brigadier-chef Suzy Villard n’a rien raté de la courte conversation.

— Tu as une idée de ce qu’il te veut ?

— Pas du tout. Il est du genre imprévisible, Desmant : il peut tout aussi bien se montrer cassant qu’agréable. Hum, je ne pense pas que ce soit pour nous saisir d’une nouvelle affaire, parce que, d’habitude, il le fait directement par téléphone. S’il me convoque, ce n’est pas seulement pour m’offrir un café et des petits gâteaux.

— Tu crois que c’est pour te refiler un carton jaune ?

— Tant que ce n’est pas un carton rouge… Je n’en sais rien. Il n’y a rien eu de spécial, ces dernières semaines. Non, franchement, je ne vois pas ce qu’il me veut.

Un silence puis elle demande :

— On fait comment ? Tu pars avec la voiture et je trouve un endroit d’où je pourrai chouffer sans être vue, ou je te dépose au tribunal et je reviens, ou encore j’appelle Simon ou Justin pour que l’un des deux me rejoigne ?

— Non, reste là au cas où ça bougerait. Garde la voiture, je vais y aller à pied. Ça va me donner le temps de cogiter sur ce qu’il me veut. Et puis je ferai mentalement le point sur l’affaire qui nous occupe. Par contre, ne reste pas seule : appelle Simon ou Juju à la rescousse. À plus !

Le froid me surprend dès que je sors. Heureusement que je me suis équipé d’une casquette et d’un blouson bien chaud. Les mains au fond de mes poches pour ne pas les exposer aux morsures de l’hiver, je rentre la tête dans les épaules et prends la direction du palais de justice.

De la route de Pont-l’Abbé au tribunal, il y a environ un kilomètre. Faire le point sur l’affaire qui nous occupe en ce moment monopolise mon attention durant moins de deux cents mètres. Nous sommes confrontés à un nouveau réseau de drogue, qui arrose toute la Cornouaille. Un dealer de bas étage, pris sur le fait lors d’une vente de produits, nous a balancé une piste que nous suivons allégrement pour identifier le rôle de chacun. L’objectif est bien entendu de remonter jusqu’au grossiste. Suzy et moi étions en planque dans une voiture, pendant que les brigadiers chefs, Justin Débolo et Simon Jaouen, bien au chaud au bureau, se chargeaient de retranscrire les SMS et conversations téléphoniques d’individus liés au trafic et placés sous écoute.

Je parcours les derniers huit cents mètres à observer l’Odet qui s’écoule paresseusement en cette période de mortes eaux, tout en m’interrogeant sur le motif de cette convocation. J’ai beau chercher, je ne vois pas quel grief le juge d’instruction pourrait avoir contre nous, ou contre moi. C’est encore plus inquiétant, finalement. Quand on a fait une connerie, on sait ce que l’on nous reproche, mais quand on n’a rien fait d’exceptionnel, on se torture les méninges sans rien en extraire de positif.

Après avoir montré patte blanche aux vigiles placés à l’entrée, je suis rapidement face à Desmant.

— Entrez, capitaine Moreau.

Après une virile poignée de main, il contourne son bureau et du geste m’invite à m’asseoir de l’autre côté. Quelques secondes pour ranger en pile une liasse de feuillets, puis il prend un menu dossier qu’il ouvre. Enfin il lève les yeux vers moi.

— Vous êtes au courant de l’incendie de cette nuit, à Bénodet ?

— J’en ai entendu parler sur France Bleu Breizh Izel ce matin, lors du flash info de 8 heures. Il semblerait qu’il ne reste rien de la maison, et qu’il y a une victime à déplorer.

— Tout est parti en fumée ! Les pompiers ont été appelés à une 1 heure 04 minutes. Ils n’ont rien pu faire, malgré l’active participation des collègues de plusieurs casernes de la région.

Ce rendez-vous a une drôle d’entame. Accueil courtois, évocation d’un fait divers, tragique il est vrai, mais en lequel je ne saurais être concerné. Quand va-t-il ouvrir les hostilités ?

— La gendarmerie de Fouesnant est sur le coup. Les TIC1 de Quimper s’attachent à rechercher l’origine du sinistre, ce qui devrait nécessiter un certain temps. Il y avait vraisemblablement deux personnes dans la maison, il y a donc de grandes chances pour qu’il y ait finalement deux victimes. Je serai prévenu dans la minute si l’on découvre un second corps.

Les coudes au contact du meuble, il pose une main sur l’autre, puis son menton sur le tout, et dit en détachant ses mots :

— Si je vous ai fait venir, c’est parce que nous sommes d’ores et déjà certains de la nature criminelle de cet incendie, puisque le feu a pris en divers points. J’ai pris la décision de retirer l’enquête de flagrance d’abord attribuée à la gendarmerie, et de vous confier cette affaire, à vous et votre équipe.

— Pourquoi nous ? Bénodet est en secteur gendarmerie, nous n’avons pas à nous immiscer dans leurs enquêtes. Ils ne vont sûrement pas apprécier de se voir dessaisis.

— Cela me regarde. En tant que juge d’instruction, intervenant sur ordre du procureur, je décide du bien-fondé de cette décision et cela dans l’unique préoccupation d’obtenir de bons résultats. Ce n’est pas que je vous suppose plus qualifié que vos collègues gendarmes, même s’il faut admettre que vos excellents résultats lors des dernières grosses affaires plaident pour vous, mais il y a une particularité qui fait que j’ai pensé à vous… Quelle relation aviez-vous avec Daniel Bernier, votre ancien supérieur, lorsque vous étiez en poste à Concarneau ?

— Daniel serait la victime ? demandé-je, le souffle coupé par la surprise.

— On peut malheureusement le redouter, car il s’agit de son domicile. Lui ou sa femme. Peut-être les deux. Alors, l’état de votre relation avec Daniel Bernier ?

Il ne me laisse pas accuser le coup. Je ne vais pas écraser une larme, mais je suis tout de même ébranlé par la nouvelle. Si on ne s’estimait pas plus que cela, Daniel Bernier et moi avons travaillé ensemble, ce qui crée un minimum de liens, quand on sait le temps qu’on passe au boulot. Il est toujours délicat de répondre à une telle question, surtout quand on ignore les affinités qui pourraient unir celui qui pose la question et l’intéressé. Si on s’épanche de trop, on peut finir par le regretter. Il n’est pas dans mes habitudes de tourner autour du pot, mais il n’est pas non plus dans mes habitudes de médire, a fortiori en apprenant de façon abrupte la mort du concerné.

— Il n’était pas toujours facile. Je devais parfois composer pour ne pas le heurter. Daniel était de l’ancienne école, il avait des principes auxquels on ne devait pas déroger sous peine de s’attirer ses foudres.

— Merci pour votre franchise, Capitaine. Cela correspond globalement à ce que la lecture de son dossier m’a permis d’apprendre sur son compte.

Il passe une main dans ses cheveux pourtant coupés court, avant d’ajouter :

— Les gendarmes comprendront ma décision lorsque je m’en expliquerai. Bernier, tout au long de sa carrière, a entretenu de mauvaises relations avec les forces de gendarmerie. Comme vous le disiez, il était de l’ancienne école, celle qui maintenait police et gendarmerie chacune de leur côté, et que tout opposait. Désormais, tout cela a changé. Cependant, comme c’était une forte tête, et qu’il y a peut-être encore quelques ressentiments à son sujet, j’estime préférable que ce soit un policier plutôt qu’un gendarme qui s’occupe de ce dossier. Et tant qu’à choisir un service de police, le vôtre me paraît tout indiqué, puisque vous l’avez connu de son vivant.

Il attrape le fin dossier, me le tend par-dessus le bureau :

— Capitaine Moreau, vous et votre équipe de l’antenne de la Police Judiciaire de Quimper êtes chargés de cette affaire. Dans un premier temps, entrez en contact avec la gendarmerie de Fouesnant pour qu’elle vous transmette le résultat de ses premières investigations. Merci de me tenir au courant des avancées de votre enquête, au fur et à mesure. Oh, j’ai glissé la commission rogatoire dans le dossier.

En disant cela, il s’est levé et a marché vers la porte, signe que l’entretien est terminé. Une ultime poignée de main, un sourire coincé de sa part, une mine un tantinet renfrognée de la mienne, et déjà la porte se referme.

*

Quand Daniel Bernier a pris sa retraite et quitté le commissariat de Concarneau, je lui ai momentanément succédé, avant ma mutation à l’antenne de la police judiciaire de Quimper. Son départ fut un soulagement pour moi, et à un degré moindre, pour l’ensemble du personnel, qui n’était pas directement à son contact. Il n’avait pas son pareil pour tirer au flanc, et lorsqu’une enquête était close avec succès, il s’arrangeait pour s’octroyer les lauriers de la victoire. Dans le cas contraire, il ne se gênait pas pour me faire porter les torts. Drôle de personnage. De devoir enquêter sur les conditions de son décès, pour tenter de définir s’il y a eu meurtre ou non, ne me plaît pas outrageusement. Soyons clairs, la probabilité d’un crime est peu probable, malgré ce que les premiers éléments laissent apparaître, mais comme l’une des victimes est un ancien commandant de police, il convient de s’en assurer et d’aborder ce dossier avec le plus grand sérieux. Nous sommes donc partis pour des vérifications à n’en plus finir.

Tout en avertissant par téléphone Suzy qui, dans l’intervalle a été rejointe par Justin, qu’elle devra se passer de ma présence, c’est à grandes enjambées que, le dossier sous le bras, j’avance vers le commissariat. À peine un regard vers le mont Frugy, un autre vers l’Odet où dans ses eaux claires errent des mulets à la recherche de nourriture, un dernier pour la Préfecture et son architecture néo-Renaissance, et j’embouque la rue Théodore Le Hars, où est situé le commissariat. Au troisième étage, un casque sur les oreilles et une tasse de café à portée de main, Simon est en plein boulot. En m’apercevant, un point d’interrogation naît dans son regard.

— Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne retournes pas avec Suzy ?

— Eh non, il y a contre-ordre. Tu viens avec moi, on fait un saut à Bénodet.

— Cool ! On se charge ?

— Je ne sais pas… A priori, il n’y a pas de raison, mais dans le doute on va faire prendre l’air à nos flingues.

Le Sig-Sauer dans son holster, nous sommes en voiture deux minutes plus tard. Durant le trajet qui dure un bon quart d’heure, j’expose à Simon la teneur de mon entretien avec le juge d’instruction, puis je lui narre mes années de boulot sous les ordres de Bernier, la vieille baderne comme je le surnommais en off. Arrivés à destination, Simon convient que je n’ai pas rigolé tous les jours, lors de ma période concarnoise.

Il est 10 heures quand nous parvenons sur la Corniche de l’estuaire. Deux gendarmes interdisent l’accès aux curieux, mais ma carte professionnelle est un précieux sésame.

Une bourrasque accentue l’ouverture de la portière, manquant de me surprendre et de me faire lâcher prise. Il fait froid, il fait gris, mais même lorsque les conditions climatiques ne sont pas réunies, c’est toujours un régal que de se repaître du spectacle. Des bateaux de plaisance se balancent au gré du courant amplifié par le vent, et, sur l’autre rive de l’Odet qui ici vient se jeter dans l’Océan Atlantique, Sainte-Marine semble encore endormie. Sur la droite – je serais tenté de dire à tribord tant la proximité de la mer m’amènerait à user du jargon maritime – le pont de Cornouaille fait un lien entre le Pays Fouesnantais et le Pays Bigouden. Le paysage défile devant mes yeux pour venir jusqu’à bâbord, où là-bas, plus loin, la pointe de Combrit est l’ultime terre avant l’archipel des Glénan.

Les ruines ont fini de fumer. Néanmoins, les pompiers assurent une veille. Il ne subsiste que les murs et les poutres maîtresses de la toiture, ou plus exactement des toitures, car il existe plusieurs pans à cette villa aux dimensions – pharaoniques serait exagéré – alors disons exceptionnelles. Il est vraisemblable qu’elle fut construite dans la première moitié du vingtième siècle, voire le premier quart, pour une riche famille qui devait compter de nombreux enfants, et peut-être aussi du personnel de maison. Signe d’opulence, le mur de clôture, haut de deux mètres, est en pierres de taille. Un interphone est encastré dans la maçonnerie d’un pilier qui soutient un portail plein qui, lorsqu’il est fermé, ne laisse rien deviner du jardin. Un enrobé noir d’une trentaine de mètres sépare deux pelouses impeccablement tondues. Il est cependant clair que nous ne voyons pas la totalité du jardin, qui disparaît derrière la ruine. Sur l’une des pelouses, l’abri de la piscine enterrée, qui doit mesurer dans les quinze mètres sur six, s’est disloqué sous l’effet de la chaleur. Il ne subsiste que les parties métalliques, bien que certaines se soient effondrées et que d’autres baignent dans l’eau constellée de débris de toutes sortes. Un peu plus loin, le garage, certainement bâti à une époque plus récente que la maison, ne possède plus que ses murs.

Près du fourgon des pompiers, un véhicule blanc de la gendarmerie souligne la présence des TIC. Un peu plus loin se tiennent trois gendarmes, parmi lesquels je reconnais le lieutenant Paul Le Franc. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer, il y a quelques années, lors d’une enquête conjointement menée2. Je lui dois d’ailleurs de m’avoir sauvé, alors que ma vie ne tenait qu’à un fil. M’apercevant, il marche dans notre direction.

Il n’a pas changé, ou si peu. Il a toujours le cheveu court, et un regard dur que n’atténuent pas ses yeux très clairs. Sa voix non plus n’a pas changé, de même que sa manière calme et sereine de s’exprimer.

— Bonjour capitaine Moreau, fait-il en montant la main à hauteur de son képi.

— Bonjour Paul. Maxime, c’est bien plus facile que capitaine Moreau. Je te rappelle que notre dernière rencontre s’est déroulée dans un restaurant, pour fêter dignement notre succès dans une affaire compliquée, et que ce jour-là nous nous sommes tutoyés. Tu te souviens de Simon ? Il était avec nous, ce soir-là.

— Bien sûr. Bonjour Simon. Je me souviens aussi du restaurant, nous y avions très bien mangé. Le juge d’instruction Desmant vient de m’aviser de notre destitution de cette enquête au profit de ton service. J’en ignore la raison, mais s’il a agi ainsi, c’est qu’il a ses raisons.

Ce n’est pas la peine de discuter ici des mauvaises relations que Bernier avait avec la gendarmerie dans son ensemble. Autant éluder.

— Crois bien que je n’y suis pour rien. Il se trouve que j’ai exercé sous les ordres de Daniel Bernier, et à ce titre je le connaissais. C’est pour cela que Desmant a pensé à moi.

— J’ai appris tout à l’heure qu’il était policier. Je peux comprendre que tu sois affecté. Il n’y a pas de souci pour le dessaisissement, ne t’inquiète pas.

Je sens qu’il pense réellement ce qu’il dit. Quand d’autres en prendraient ombrage, sa discipline militaire le conduit à ne pas s’offusquer d’une décision de la hiérarchie. C’est toujours agréable de travailler avec quelqu’un d’intelligent.

— Comment se fait-il que ce n’est pas la gendarmerie de Bénodet qui gère ?

— Il n’y a pas de gendarmerie à Bénodet, Maxime. Enfin, si, mais seulement en période estivale. Durant l’été, quelques gendarmes sont détachés, et leur brigade est située près de l’office de tourisme.

— Ah bon, je croyais que c’était toute l’année. Tu peux nous résumer les faits. Ce que je sais tient en ce dossier qui, pour l’heure, est quasiment vide. Il ne contient que les coordonnées de la maison et le nom des propriétaires, Daniel et Céline Bernier.

— Le feu aurait pris vers une heure du matin, ou un peu plus tôt. Le SDIS3 a reçu l’appel d’un homme qui circulait en voiture sur la corniche à une heure zéro quatre ce matin. Les pompiers de Bénodet sont arrivés sur zone à une heure dix-huit. Ils ont tout de suite estimé qu’il leur fallait des renforts, alors ceux de Fouesnant et ceux de Quimper ont rappliqué aussi vite qu’ils ont pu. Cependant, il était trop tard pour sauver l’essentiel. Le feu a été circonscrit vers 4 heures. Le responsable des pompiers sous-entend, au vu de la propagation du feu, et cela en raison de la grande superficie de la maison, qu’il y aurait peut-être une anomalie.

— C’est pour cela que le procureur a fait appel à un juge d’instruction. De quel genre, cette anomalie ?

— Il n’y a rien de définitif, car il faudra tenir compte de l’avis des TIC, mais la piste criminelle est une évidence. Il y a environ dix mètres entre la maison et le garage, et la piscine est à plus de vingt mètres. Et tout a cramé ! Ce n’est peut-être pas un hasard…

— Soit ! Il faut admettre que c’est étrange, mais ce n’est peut-être pas impossible non plus. Le vent a pu faciliter la propagation. Tu as le nom du gars qui a appelé les pompiers ?

— Oui. J’ai enregistré son témoignage tout à l’heure. Le procès-verbal d’audition est dans ma voiture. J’irai te le chercher tout à l’heure.

— Merci Paul. Il n’a rien dit de particulier ?

— Non. C’est le patron d’un bar situé sur le port. Après la fermeture, il a fait un peu de ménage. Il empruntait la corniche pour rentrer chez lui. Il n’a vu personne, n’a croisé aucune voiture. J’ai quand même vérifié son témoignage, et les trois derniers clients du bar confirment que le bar a fermé à minuit, et qu’ils étaient avec lui jusqu’à une heure du matin pour un petit verre entre amis. Les pompiers ayant été prévenus à une heure quatre, cela ne lui laissait pas le temps de jouer au pyromane.

— Bon boulot ! Dans quelle pièce a-t-on trouvé le corps ?

— Il était au rez-de-chaussée, mais à cela rien de surprenant puisqu’il n’y a plus d’étage. Les planchers et les escaliers étaient en bois. Tout a brûlé. On a trouvé le corps dans une pièce qui devait servir à ranger le matériel de bricolage, puisque parmi les décombres on a repéré des outils. Il était sous une plaque de zinc, ce qui fait qu’il n’est pas complètement carbonisé. La plaque a servi de rempart contre la puissance des flammes, même s’il est clair que le corps est méconnaissable.

— Il est toujours sur place ?

— Oui. Les spécialistes n’ont pas terminé leur travail. À mon avis, ils en ont pour un bout de temps. Il y a de la superficie, et au sol il y a une belle épaisseur de mobilier détruit, dont il ne reste que les parties métalliques. Sans compter les planchers qui se sont effondrés, avec le mobilier des pièces des étages. Ils progressent lentement, un peu comme des archéologues qui examinent les différentes strates. Ils sont à la recherche du deuxième corps, et veulent découvrir l’endroit où le feu a pris, et pour quel motif.

— On est certain qu’il y a un deuxième corps ?

— Non, mais il y a de fortes chances.

— Ça risque de durer, alors.

— Oh oui ! Dès lors qu’on a découvert le corps, on a décidé de procéder en faisant un zoom ; Sur mes indications, ils ont commencé par les abords, à la recherche d’un indice quant à la nature de l’incendie, et en se rapprochant progressivement vers la cible. Mais maintenant que vous êtes là, nous allons vous laisser la place.

— J’imagine que tu as autre chose à faire. Par contre, est-ce que tu pourrais laisser les deux gendarmes à notre disposition pendant quelques heures, pour filtrer les accès ?

— Oui, avec plaisir.

— Merci Paul. Je peux me permettre de te téléphoner si j’ai un souci ?

— Bien sûr ! Avant de partir, venez, que je vous présente les TIC.

Les deux gendarmes avec qui il était précédemment nous rejoignent lorsque nous accédons à la dernière marche du perron.

Une odeur âcre nous prend à la gorge, plus prégnante à chaque pas. Les TIC ont du mérite, à œuvrer sans relâche dans cette atmosphère étouffante. Ils sont trois, en combinaison blanche salie de suie, gantés et masqués, et portant une capuche. L’un prend des photos, tandis que les deux autres écartent avec précaution des gravats, des morceaux de bois calcinés, ou encore les ressorts d’un sommier, selon les recommandations des gendarmes qui dirigent les opérations.

— Stanislas ! Oh, Stanislas !

S’arrêtant de prendre des clichés, qui plus tard enrichiront leur procès-verbal et donneront une parfaite image des lieux et de la violence de l’incendie, l’interpellé fait volte-face.

— Comme vous avez commencé le boulot, l’Identité Judiciaire ne se déplace pas. C’est à ces messieurs de la Police Judiciaire que vous rendrez compte. Tu as une idée du temps qu’il vous faudra ?

L’appareil photo pendant à son cou, le technicien observe la scène autour de lui, fait mentalement une estimation chiffrée, puis hausse les épaules avant d’écarter son masque pour émettre :

— Ce n’est pas facile à déterminer, mais on en a pour une bonne partie de la journée. Au moins jusqu’à 4 ou 5 heures de l’après-midi. Peut-être un peu plus, peut-être un peu moins.

Un pouce tendu du lieutenant Le Franc indique que nous avons compris. Un dernier regard sur l’étendue du désastre, puis nous refluons vers une zone où nous pourrons respirer plus librement.

Un petit moment de flottement s’ensuit. Qu’allons-nous faire durant ce laps de temps ? Autant réunir des renseignements sur les propriétaires. Certes, je connaissais Daniel Bernier, mais seulement sur le plan professionnel. Et encore, cela remonte à quatre années. Par contre, je ne sais rien de rien de son épouse. On peut imaginer qu’elle devait gagner plus que correctement sa vie, pour qu’ils aient pu acquérir cette immense bâtisse. Il y a là matière à creuser.

— Dis, Paul, tu peux nous parler du couple Bernier ? Leurs habitudes, leur mode de vie, leurs sources de revenus, leurs amis, leurs familles respectives… enfin, tout le toutim ! Tu es dans le job, tu sais ce que j’attends de toi.

— Je n’en sais pas grand-chose. Le maire de Bénodet est venu ce matin de bonne heure. Il connaissait très peu Daniel Bernier, et il était plus disert sur les parents et grands-parents de Céline que sur elle. Des gens très discrets, selon le maire. Si on allait à la brigade ? On pourrait tout aussi bien discuter autour d’un café plutôt que de rester ici à se les geler.

— Ça me semble une excellente proposition ! Simon, tu réquisitionnes Justin. Vous ne serez pas trop de deux pour superviser les TIC et enregistrer les scellés, s’il y en a. Par contre, si jamais il y a une pause, tu fais le tour des voisins, s’il te plaît. Il y a peut-être des renseignements à glaner.

Un acquiescement et il s’éloigne. Quelques recommandations aux deux gendarmes qui gardent l’accès, puis Le Franc et moi mettons le cap sur Fouesnant.

*

M’ayant remis le procès-verbal d’audition du patron de bar, Paul Le Franc traite quelques affaires courantes, se renseigne sur Céline et Daniel Bernier, avant de me rejoindre dans son bureau, nanti de tasses de café fumantes.

— Bon, comme tu le sais mieux que moi, Daniel Bernier était retraité de la police, qu’il a quittée il y a quatre ans avec le grade de commandant. Céline Bernier, Dupontel de son nom de jeune fille, était plus jeune que lui de treize ans. Native de Rambouillet, dans les Yvelines, grosso modo à mi-chemin entre Paris et Chartres, elle est issue d’une riche famille qui a fait fortune dans la fabrication en série de matériel agricole. Ses grands-parents ont monté une boîte qui a vite connu une embellie, de sorte qu’ils ont embauché à tour de bras. Le père de Céline a fait prospérer plus encore l’entreprise, qui a été cédée à un grand groupe il y a une quinzaine d’années. Sans doute parce que la région leur plaisait, ils ont investi une partie de leurs bénéfices dans l’immense résidence de Bénodet. Le papa est décédé il y a douze ans, et la maman deux ans plus tard. Autant dire qu’ils n’ont pas vraiment profité de leur retraite. Céline, qui était leur seule enfant, a hérité de la totalité de leurs biens. Même après versement des taxes, il y en avait pour une petite fortune, de sorte qu’elle n’a jamais plus travaillé. Avant cela, elle a dû le faire dans l’entreprise familiale, à un poste élevé, mais elle a démissionné lors de la vente et a suivi ses parents à Bénodet.

Il avale une gorgée de café, et j’en profite pour glisser :

— Je n’ai jamais rencontré sa femme. Jamais il ne m’a confié sa situation aisée.

— J’y arrive, tu vas voir. Voilà pour leur source de revenus. Pour ce qui est de leurs familles, on a pu établir qu’elle n’en avait plus. Daniel, quant à lui, a été marié, et a divorcé il y a quatre ans, sitôt en retraite. Sa femme a conservé leur maison, qui est localisée à Fouesnant, Descente de Bellevue, le long de la plage de Cap Coz.

— Elle a été prévenue ?

— Je n’ai pas jugé utile de le faire. Après tout, ils étaient séparés depuis plusieurs années. Par contre, maintenant que tu prends le relais, je te cède le soin d’entrer en relation avec leurs enfants, et avec son ex-femme si tu le juges utile. Ils ont une fille qui habite Londres, et un garçon qui vit du côté de Toulouse. Elle travaille dans le milieu de la finance, lui est ingénieur dans l’aéronautique. Céline Dupontel et Daniel Bernier se sont mariés devant le maire de Bénodet il y a près de trois ans.

Une autre gorgée de café, puis il poursuit :

— Ils étaient discrets. On ne leur connaît pas d’amis. On ignore ce qu’ils avaient comme loisirs, ou s’ils étaient inscrits dans une association.

Son téléphone sonne juste quand il termine son exposé.

— Allô ! Entendu. Le capitaine Moreau est avec moi. Je le lui dis tout de suite. Bon courage, à plus tard.

Raccrochant, il ne tarde effectivement pas à livrer une dramatique information :

— C’était Stanislas Le Pennec : ils viennent de trouver le deuxième corps.

1 Techniciens en identité criminelle, ils sont à la gendarmerie ce qu’est l’Identité Judiciaire à la police.

2 Voir Disparitions en Pays Fouesnantais, même auteur, même collection.

3 Service Départemental d’Incendie et de Secours.

II

Deux gendarmes sont venus remplacer les deux premiers, qui se sont fendus de quelques mots d’encouragement avant d’aller se réchauffer à la brigade. Une chance qu’il ne pleuve pas, sinon leur tâche serait encore plus ingrate. Les pompiers, quant à eux, ont quitté la place car tout risque de reprise du feu est désormais écarté.

Faisant preuve de professionnalisme, mais irrespectueux du code de la route, tout en me rendant illico sur place, j’ai appelé le juge d’instruction. Hugo Desmant, tout comme nous, redoutait la découverte du deuxième corps. Si l’incendie s’était produit de jour, l’un ou l’autre aurait pu être absent, parti faire des courses ou tout bonnement chercher du pain ou se balader sur le front de mer. Mais de nuit, entre minuit et une heure du matin, il est prévisible que le couple devait dormir du sommeil du juste. On ne peut qu’espérer qu’ils dormaient, en effet, et qu’ils n’ont pas souffert, décédant par asphyxie comme c’est majoritairement le cas lors d’un incendie.

N’apercevant pas Simon qui doit s’atteler à l’enquête de proximité, j’approche sans faire de bruit, pour ne pas troubler les TIC. Arrivé dans l’intervalle, Justin s’est couvert d’un bonnet inesthétique mais efficace par ce froid qu’il n’a jamais connu avant d’arriver en métropole.

Le second corps, est tout aussi méconnaissable que le premier. Pour le néophyte, impossible d’affirmer s’il s’agit de celui d’un homme, ou de celui d’une femme. L’autopsie, qui sera pratiquée au plus tôt, lèvera le voile. Ce sera vraisemblablement demain. Quitte à chambouler le planning de la légiste, la nature criminelle de l’incendie étant prouvée, la machine judiciaire se met en branle et se montre prioritaire.

— Ah, vous êtes là ! me hèle l’un des techniciens que je reconnais comme étant Stanislas. Vous pouvez approcher ?

Me frayant un chemin en faisant attention où je pose le pied, je les rejoins. La combinaison initialement blanche, comporte de nombreuses et larges traînées noires, à l’instar des gants. Le masque aussi est recouvert d’une pellicule de suie, plus épaisse au niveau de la bouche. Lui et Justin m’attendent, pendant que les deux autres TIC installent des cavaliers avant de mitrailler les lieux sous tous les angles.

— C’est là que nous l’avons trouvé, fait Justin en montrant un point près d’un mur. L’autre était là-bas, à une dizaine de mètres. En clair, tout semble indiquer qu’ils n’étaient pas ensemble quand ils sont morts.

— C’est peut-être lors de l’effondrement d’un plancher qu’ils ont basculé l’un vers la droite et l’autre vers la gauche, risqué-je.

— Non, réfute le TIC. Nous avons découvert le premier corps sous une certaine masse de matériaux, comme des restes de mobilier et de lattes de plancher, des poutres et des ardoises. Or, le second corps était sous une masse plus importante. Il est clair pour nous que l’une des victimes était à l’étage, dans sa chambre sans doute, et plus logiquement dans son lit, alors que l’autre était au rez-de-chaussée.

Cette analyse est d’une infinie justesse. Je ne peux mettre en balance l’affirmation du spécialiste. Elle est fondée sur une étude précise des lieux, et fait appel à ses compétences et son expérience, ainsi qu’à celles de ses deux équipiers. Ce principe étant posé, quelle pourrait être l’explication ?

— L’un a pu monter se coucher pendant que l’autre regardait la télé, hasarde Justin.

— C’est possible, en effet, mais le premier corps est un peu moins calciné que celui-ci, car il était en partie protégé par une plaque de zinc. Or, des plaques de zinc de ce format ne traînent pas dans une maison. On peut donc présumer que cette pièce un peu à l’écart était une sorte de débarras. Mais bon, tout est possible, dans l’état actuel. Je voulais vous signifier oralement ce constat, qui figurera dans notre rapport final.

— Merci. Je reste avec vous, désormais. Pouvons-nous prendre nos dispositions pour faire acheminer les corps vers le PML1 ?

— Oui. Nous avons terminé nos relevés les concernant. C’est maintenant au tour de la légiste de travailler.

Je passe les minutes suivantes à contacter une entreprise de pompes funèbres, pendant que mon collègue martiniquais note sur l’étiquette d’un scellé ce qu’il renfermera, à savoir de la cendre qu’il conviendra d’analyser. Lorsque rendez-vous est pris, je vais prévenir les gendarmes en faction afin qu’ils laissent passer le véhicule mortuaire lorsqu’il arrivera. C’est alors que je rencontre Simon.

— Alors, ta pêche aux renseignements ?

— Ce n’est pas une pêche miraculeuse. Un voisin m’a dit qu’il n’avait rien entendu. Ce sont les pompiers qui l’ont réveillé. En curieux, il est allé voir, et c’est alors qu’il s’est fait la réflexion qu’il n’avait pas été tiré des bras de Morphée par l’alarme.

— L’alarme qui protégeait la maison ? Ce serait bien de se renseigner pour savoir si une alarme retentit lors d’un incendie. Il se peut qu’un incendie neutralise le compteur électrique, et dans ce cas l’alarme ne se déclenche pas.

— Ce n’est pas certain. Il y a parfois un onduleur qui prend le relais, en cas de coupure de courant. Je me tuyauterai là-dessus ce soir. J’ai un copain qui bosse dans ce domaine.

Le temps s’écoule lentement. C’est regrettable de devoir patienter ici, alors que Suzy doit trouver son temps long à planquer seule, et aurait certainement apprécié qu’on la remplace. Je me fends d’un coup de fil pour prendre de ses nouvelles.

— Rien de neuf, soupire Suzy. Je suis frigorifiée dans la voiture. Je suis obligée de démarrer régulièrement le moteur pour avoir du chauffage. Même si elles ne sont pas toujours hilarantes, j’aurais apprécié la compagnie de Justin et ses histoires drôles.

— On les connaît déjà toutes, répliqué-je. Ce serait bien qu’il renouvelle son stock. Tu as de la chance, au moins il ne te prend pas la tête avec ses tours de magie.

— Tu ne crois pas si bien dire ! Tout à l’heure, il avait sorti son jeu de cartes, et il les manipulait à m’en donner le tournis. Il faut avouer qu’il a du talent. Il ne se trompe jamais.

— Ne le lui dis pas, sinon il va se la jouer star. Tiens, le voilà justement. Hé, Justin, Suzy dit que tu es un futur grand magicien. Tu l’as scotchée, dans la voiture.