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"Itinéraire de l'Âme à Dieu" est une méditation théologique qui trace un chemin spirituel à travers les étapes de la contemplation et de l'union avec Dieu. Saint Bonaventure utilise une approche philosophique et théologique pour explorer comment l'âme peut progressivement transcender les réalités terrestres pour atteindre une connaissance directe et une union avec Dieu.
Ce texte est profondément enraciné dans la tradition chrétienne et franciscaine, offrant une vision spirituelle qui combine la pensée académique avec une profonde dévotion mystique. Il est considéré comme l'une des œuvres les plus importantes de Bonaventure et a eu une influence significative sur la spiritualité chrétienne médiévale.
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ISBN: 978-1-312-05508-7

Itinéraire de l'Ame à Dieu
Saint Bonaventure
PROLOGUE.
CHAPITRE I. Des degrés d'élévation à Dieu, et de la contemplation du Seigneur par les traces de sa puissance créatrice.
CHAPITRE II.De la contemplation de Dieu dans les traces de sa présence imprimées en ce monde sensible.
CHAPITRE III. De la contemplation de Dieu par son image gravée dans les facultés naturelles de notre âme.
CHAPITRE IV. De la contemplation de Dieu en son image reformée par la grâce divine.
CHAPITRE V. De la contemplation de l'unité divine par son nom principal, qui est l’ETRE.
CHAPITRE VI. De la contemplation de la Trinité bienheureuse en son nom, qui est SOUVERAINEMENT BON.
CHAPITRE VII. Du ravissement spirituel et mystique, dans lequel le repos est donné à notre intelligence et notre affection passe tout entière en Dieu.
PROLOGUE.
J'invoque, en commençant, le premier principe, le Père éternel, d'où descend toute illumination, comme de la source même des lumières, d'où viennent toute grâce excellente et tout don parfait; je l'invoque par Jésus-Christ, son Fils et Notre-Seigneur, afin que, par l'intercession de la très-sainte vierge Marie, Mère de ce même Fils, et du bienheureux François, notre guide et notre père, il éclaire les yeux de notre fine et dirige nos pas dans la voie de cette paix qui surpasse tout sentiment. C'est Jésus-Christ qui l'a enseignée et donnée aux hommes, et de nos jours, François, notre salut père, en a été de nouveau le prédicateur, car il l'annonçait au commencement et à la fin de toutes ses prédications, il la souhaitait en toute rencontre et soupirait après elle en toutes ses contemplations, semblable à cet homme de Jérusalem, à ce prophète pacifique qui se conservait dans la paix avec ceux qui haïssaient la paix, et s'écriait: Demandez tout ce qui peut contribuer à la paix de Jérusalem. En effet, il savait que le trône de Salomon n'était fondé que sur la paix, car il est écrit: Il a établi sa demeure dans la paix et en séjour dans Sion Comme à l'exemple de notre bienheureux père, dont je suis, malgré mon indignité parfaite, le septième successeur dans la charge de supérieur général de mes frères, je brûlais du désir de trouver la paix; il m'est arrivé, par une grâce du ciel, de me retirer au mont Alverne, comme en un lieu de repos, afin chercher cette paix de l'âme, trente-trois ans après que saint François y eut séjourné. Là méditant par duels exercices spirituels je pourrais m'élever jusqu'à Dieu, je me rappelai entre autres choses le miracle arrivé à notre père en ce lieu même, la vision d'un séraphin ailé, qui lui apparut crucifié. Après y avoir réfléchi, il me sembla aussitôt que cette vision nous représentait le ravissement de François en sa contemplation, et qu'elle nous montrait la voie pour y parvenir. Car par les six ailes du séraphin on peul entendre six élévations diverses oit l'âme est illuminée successivement, et qui lui sont comme autant de degrés pour arriver, au milieu des ravissements enseignés par la sagesse chrétienne, à la possession de la paix.
Or, la voie qui y conduit n'est autre qu'un amour très-ardent pour Jésus crucifié; c'est cet amour qui, après avoir ravi saint Paul jusqu'au troisième ciel, le transformera en son Sauveur, de telle sorte qu'il s'écriait: Je suis attaché à la croix avec Jésus-Christ. Je vis; mais non, ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. C'est cet amour qui absorba tellement l'âme de François que ses trace, se manifestèrent en sa chair lorsque, pendant les deux dernières années de sa vie, il porta en son corps, les stigmates sacrés de la Passion.
Ces six ailes du séraphin sont donc six degrés successifs d'illumination, qui partent de la créature pont nous conduire jusqu'à Dieu, à qui l'on ne saurai! arriver que par Jésus crucifié. Car celui qui n'entre pas par la porte en la bergerie, mais y pénètre d'ailleurs, est un voleur et un larron; mais celui qui s'introduira par la porte, entrera et sortira, et prouvera, des raturages en abondance. C'est pour cela que saint Jean nous dit dans l'Apocalypse: Bienheureux ceux qui lavent leurs vêtements dans le sang de l'Agneau, afin d'avoir droit a l'arbre de vie et d'entrer dans la ville sainte par les portes. Et par ces paroles, que semble-t-il indiquer autre chose, sinon qu'on ne peut arriver par la contemplation à la céleste Jérusalem à moins d'y entrer par le sang de l'Agneau, qui en est comme la porte?
Au reste, on ne saurait être en aucune façon apte à ces saintes contemplations qui conduisent l'âme jusqu'aux, ravissements, si l'on n'est, avec Daniel, un homme de désirs. Or, ces désirs s'enflamment en nous de deux manières: d'abord par les cris de la prière, qui nous fait pousser en notre coeur les gémissements les plus profonds; et ensuite par l'éclat lumineux qui, dans la contemplation elle-même, pénètre notre âme lorsqu'elle s'est tournée directement et avec une vive attention vers le rayon de la céleste lumière. Je commence donc par inviter, au nom de Jésus crucifié, dont le sang nous purifie des souillures de nos crimes, celui qui lira cet ouvrage, à s'exercer aux gémissements de la prière, et je le conjure de ne pas croire qu'il suffise de la lecture sans l'onction, de la considération sans la dévotion, de la recherche sans l'admiration, de l'attention profonde sans la joie du coeur, de l'habileté sans la piété, de la science sans la charité, de l'intelligence sans l'humilité, de l'application sans la grâce, et de la lumière sans le souffle de la divine sagesse. C'est à ceux que la grâce céleste a prévenus, à ceux qui sont humbles et pieux, aux coeurs pleins de componction et de dévotion, aux cœurs marqués de l'onction suave d'une sainte joie, épris de l'amour de la sagesse suprême et embrasés du désir de la posséder, à ceux qui veulent sincèrement s'appliquer à glorifier Dieu, à l'aimer et à le goûter, c'est, dis-je, à ceux-là que je propose les considérations renfermés en ce livre, et je les prie de se souvenir que la lumière extérieure est peu de chose, ou même n'est rien, si le miroir de notre âme n'a été d'abord purifié et rendu propre à en réfléchir l'éclat. Commencez donc, ô homme de Dieu, par tourner vos regards vers l'aiguillon de votre conscience et par écouter les reproches qu'elle vous adresse, avant de les élever vers les rayons de la sagesse qui se répandent dans le miroir de votre âme, de peur que leur lumière éclatante ne vous éblouisse et ne vous fasse tomber dans un ultime de ténèbres plus profondes.
Il m'a semblé bon de diviser ce traité en sept chapitres, avec un titre en avant de chacun pour en rendre l'intelligence plus facile. Je vous prie donc de regarder l'intention de celui qui écrit plutôt que son travail, le sens des mots plutôt que la négligence du style, la vérité plutôt que la beauté du discours, le sentiment plutôt que l'éclat du savoir. Mais pour cela ces considérations demandent une méditation sérieuse, et non une lecture rapide et légère.
CHAPITRE I. Des degrés d'élévation à Dieu, et de la contemplation du Seigneur par les traces de sa puissance créatrice.
Bienheureux est l'homme qui attend de vous son secours, mon Dieu; il a établi dans son coeur des degrés pour s'élever à vous du milieu de cette vallée de larmes, du lieu où il a fixé son séjour. — La béatitude n'étant autre chose que la jouissance du souverain bien, et ce bien suprême étant placé au-dessus de nous, nul ne peut arriver au bonheur qu'en s'élevant au-dessus de soi-même, non par des efforts corporels, mais par l'action de son esprit. Or, nous sommes impuissants à nous élever de la sorte si une vertu supérieure ne nous vient en aide. Quelles que soient nos dispositions intérieures, elles demeurent sans effet si elles ne sont assistées du secours d’en haut; mais ce secours n'est donné qu'à veux qui l'implorent avec dévotion el humilité, et celte prière fervente est ce que l'on appelle soupirer vers la grâce divine en celte vallée de larmes. L'oraison est donc le principe et la source de notre élévation vers Dieu. Aussi saint Denis, roulant, nous instruire de ce qui concerne les ravissements de l'âme, donne-t-il l'oraison comme premier moyen. Prions donc et disons au Seigneur notre lieu: Conduisez-moi, Seigneur, dans votre voie, et faites-moi entrer en votre vérité. Que mon coeur se réjouisse dans la crainte de votre nom.
En priant ainsi nous recevons la lumière qui nous lait connaître les degrés par où nous devons nous élever. Car dans l'état de notre nature, l'universalité des choses est une échelle destinée à nous faire mouler vers Dieu; et, parmi ces choses, les unes nous offrent une trace de la puissance de leur auteur, les autres nous en représentent une image; les unes sont corporelles, les autres spirituelles; les unes sont temporelles, les autres éternelles; les unes sont placées hors de nous, les autres nous sont intérieures. Or, pour arriver à la considération du premier principe, qui est essentiellement spirituel et éternel, et en même temps placé au-dessus de nous, il nous faut passer à travers ce qui nous est une trace de sa puissance; c'est l'être corporel, extérieur et temporel. Ce passage est ce qu'on appelle être conduit dans la voie de Dieu. Il nous faut aussi entrer en notre âme, qui est l'image éternelle du Seigneur, un être spirituel, placé au-dedans de nous; et c'est là faire son entrée en la vérité. Il faut ensuite que, fixant nos regards sur le Premier principe, nous arrivions jusqu'à lui; et c'est là se réjouir dans la connaissance de Dieu et la crainte respectueuse de sa majesté. Nous avons donc ici le voyage de trois jours au milieu de la solitude, et en même temps la triple illumination d'un seul et même jour, dont la première peut être comparée au soir, la seconde au matin, la troisième au midi. Cette illumination embrasse la triple existence des choses: en elles-mêmes, en notre intelligence et dans la pensée de Dieu, selon cette parole: Qu'il soit fait, il fit et il fut fait. Elle se rapporte aussi à la triple substance de Jésus-Christ qui est notre échelle véritable, c'est-à-dire à son corps, à son âme et à sa divinité.
Selon ce même ordre, notre âme s'offre à nous également sous un triple aspect. Par rapport aux choses extérieures elle est animale ou sensuelle; intérieurement et en elle-même elle est esprit; et considérée au-dessus d'elle-même elle est intelligence. Nous devons donc, partant de ces divers points, chercher à nous élever à Dieu afin de l'aimer de tout notre esprit, de tout notre coeur et de toutes nos forces. C'est en cela que consiste l'observance parfaite de la loi, en même temps que toute la sagesse chrétienne.
Mais comme chacun de ces degrés en forme deux, selon que nous considérons Dieu comme le commencement et la fin de tout, selon que nous le contemplons en chacun d'eux comme par un miroir et comma en un miroir, ou bien enfin selon que chacune de ces considérations se fait en elle-même ou jointe à un autre, il est nécessaire de former six degrés de ces trois. Et de même que Dieu a consacré six jours à la création de l'univers et s'est reposé le septième, de même il faut que le monde inférieur soit conduit au parfait repos de la contemplation en passant par six degrés successifs d'illumination. Cet ordre était figuré par les six degrés qui conduisaient au trône de Salomon. De même les séraphins que vit Isaïe avaient six ailes, de même encore Dieu n'appela Moïse du milieu de la nuée qu'après six jours, et ce fut également six jours après les avoir avertis que Jésus-Christ conduisit ses disciples sur la montagne et qu'il fut transfiguré en leur présence.
Selon ces six degrés d'élévation à Dieu, notre âme possède donc six degrés ou puissances pour monter des choses les plus basses aux plus élevées, des choses extérieures aux intérieures, des choses temporelles à celles de l'éternité. Ce sont: les sens, l'imagination, la raison, l'intellect, l'intelligence, le sommet de l'esprit ou autrement l'étincelle de la conscience. Ces degrés ont été implantés en nous par la création, défigurés par le péché, rétablis par la grâce, purifiés par la justice, exercés par la science, et rendus parfaits par la sagesse. Selon l'institution première de notre nature, l'homme fut créé apte à goûter le repos de la contemplation, et c'est pour cela que Dieu le plaça dans un paradis de délices. Mais s'étant porté de la vraie lumière à un bien passager, il se trouva par sa propre faute incliné vers la terre, ce qui imprima à la nature humaine une double misère: l'ignorance de l'esprit et la concupiscence de la chair. Ainsi l'homme est aveugle et assis au milieu des ténèbres; il ne voit point la lumière du ciel si la grâce, aidée de la justice, ne lui vient en aide contre sa concupiscence, si la science, accompagnée de la sagesse, ne dissipe son ignorance; et tout cela s'accomplit par Jésus-Christ, qui a été établi par Dieu pour être notre sagesse et notre justice, notre sanctification et notre rédemption. Etant la vertu et la sagesse même de Dieu, le Verbe incarné plein de grâce et de vérité, il a répandu sur nous la grâce et la vérité. Il nous a donné la grâce de la charité qui, partant d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère, reforme l'âme tout entière selon le triple aspect dont nous avons parlé. Il nous a enseigné la vérité selon les trois modes de la théologie. Par les symboles il nous a appris à bien user des choses sensibles; par la réalité, à faire de même pour les choses intellectuelles et par la mysticité, à nous porter aux choses placées au-dessus de nous-mêmes.