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L'ordre des Frères mineurs a été donné à l'Eglise entre tous les ordres religieux, pour édifier les fidèles dans la foi et les moeurs par les enseignements de la doctrine et les exemples d'une bonne vie, pour leur apprendre à marcher sur leurs traces et fortifier leur foi contre la perversité des hérésies. Il a été placé comme un flambeau dont l'éclat doit dissiper les ténèbres de la maison et remplir de courage les ouvriers qui y travaillent. Mais pour retirer un fruit plus abondant de ces divers moyens d'édification, cet ordre a besoin d'être revêtu de quatre ornements distincts, sans lesquels il ne saurait profiter aux autres comme il convient, bien que pour lui-même il puisse se passer de quelqu'un d'entre eux.
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ISBN: 978-1-312-05006-8

Réponses à Diverses Questions touchant la Règle de Saint François
Saint Bonaventure
PRÉFACE.
QUESTION I. Pourquoi, tant d'ordres saints et approuvés existant déjà dans le monde, saint François a voulu établir une règle nouvelle.
QUESTION II. Pourquoi les frères mineurs prêchent au peuple et entendent les confessions, alors qu'ils n'ont point la charge ordinaire des âmes.
QUESTION III. Pourquoi les frères mineurs s'appliquent à l'étude des lettres.
QUESTION IV. Pourquoi les frères mineurs n'ont rien de propre ni en particulier ni en commun.
QUESTION V. Pourquoi les frères mineurs ne demeurent pas dans la solitude.
QUESTION VI. Pourquoi les frères mineurs ont de grands couvents.
QUESTION VII. Pourquoi les frères mineurs recueillent et conservent plus qu'il ne faut pour la nourriture d'un seul jour.
QUESTION VIII. Pourquoi les frères mineurs demandent plus aujourd'hui qu'autrefois.
QUESTION IX. Quelle est la cause de cette impatience à supporter la misère dont il vient d'être parlé dans la réponse précédente.
QUESTION X. Pourquoi tons les hommes ne sont pas reçus indistinctement dans l'ordre.
QUESTION XI. Pourquoi les frères mineurs ne se livrent pas au travail des mains pour gagner leur vie.
QUESTION XII. Si l'on peut passer d'une religion quelconque à la religion de saint François.
QUESTION XIII. Si après avoir fait profession dans l'ordre de saint François, on peut en sortir et passer à un autre.
QUESTION XIV. S'il est permis à l'ordre des Frères mineurs de chasser quelqu'un pour ses fautes; et si celui qui est sorti, venant à se repentir, demande à être reçu de nouveau, on peut le refuser.
QUESTION XV. Si l'on doit recevoir dans l'ordre de saint François tous ceux qui s'y présentent.
QUESTION XVI. Pourquoi eu religion il y a des hommes de moeurs dépravées.
QUESTION XVII. Pourquoi tous les hommes d'une vie irrégulière ne sont pas chassés de l'ordre.
QUESTION XVIII. A quels signes une religion est reconnue bonne et peut être jugée meilleure qu'une autre.
QUESTION XIX. Pour quelles causes les ordres s'affaiblissent dans la vie religieuse, alors qu'ils semblent faire des progrès en certaines choses purement extérieures.
QUESTION XX. Pourquoi il y a quelquefois des dissensions parmi les religieux.
QUESTION XXI. Quelles actions les religieux doivent cacher.
QUESTION XXII. Pourquoi les religieux de saint François s'asseyent à la table des riches.
QUESTION XXIII. Pourquoi les religieux rendent plus d'honneurs aux riches qu'aux pauvres.
QUESTION XXIV. Comment les frères mineurs peuvent posséder des maisons, des jardins, des livres, etc.
QUESTION XXV. Si les frères mineurs transgressent leur règle en faisant recevoir et garder par d'autres l'argent qui leur est offert en aumône.
QUESTION XXVI. Si les frères mineurs peuvent recevoir l'aumône de ceux qui ramassent d'une manière injuste.
PRÉFACE.
L'ordre des Frères mineurs a été donné à l'Eglise entre tous les ordres religieux, pour édifier les fidèles dans la foi et les moeurs par les enseignements de la doctrine et les exemples d'une bonne vie, pour leur apprendre à marcher sur leurs traces et fortifier leur foi contre la perversité des hérésies. Il a été placé comme un flambeau dont l'éclat doit dissiper les ténèbres de la maison et remplir de courage les ouvriers qui y travaillent. Mais pour retirer un fruit plus abondant de ces divers moyens d'édification, cet ordre a besoin d'être revêtu de quatre ornements distincts, sans lesquels il ne saurait profiter aux autres comme il convient, bien que pour lui-même il puisse se passer de quelqu'un d'entre eux. Le premier est une vie irrépréhensible; elle est pour nous d'une utilité souveraine et elle édifie le prochain. Le second est la science des saintes Ecritures, sans laquelle on ne saurait enseigner ni sûrement ni utilement les autres. Le troisième est le pouvoir de prêcher et d’entendre les confessions; car on rend par là aux fidèles les services les plus considérables. Le quatrième, enfin, est une réponse satisfaisante à certains doutes de personnes qui ne comprennent pas comment, dans un ordre, plusieurs choses puissent se faire raisonnablement et licitement, et bien plus, nécessairement et d'une façon méritoire. Ces choses les remplissent d'étonnement et les scandalisent. Il faut donc leur montrer comment et de quelle manière de pareilles choses sont conformes à la raison, puisque nous sommes tenus à les observer. Notre lumière doit briller aux yeux de tous si nous ne voulons pas que nos oeuvres deviennent un piège aux aveugles. Aussi le Seigneur a-t-il dit: Vous êtes la lumière du monde... Que votre lumière brille devant les hommes. Il nous est donc important de mettre au grand jour des choses qui, non comprises, pourraient être regardées comme des ténèbres et nuire à l'édification du prochain; il nous est nécessaire d'en rendre raison. Quand un homme ne connaît point un art, il ne comprend point de quelle utilité peuvent être certains instruments de cet art entre les mains des ouvriers. Ainsi le plus souvent les mondains et les ignorants sont dans un tel étonnement de voir les hommes spirituels faire telles ou telles choses, qu'il est avantageux d'en dérober plusieurs à leur regard, non par dissimulation, mais par sagesse, pour ne point nuire aux faibles et ne pas donner une occasion de scandale aux hommes d'une intelligence bornée. « Otez la rouille de l'argent, dit l'Ecriture, et il s'en formera un vase très-pure. Enlevez du bien ce qui peut prêter au soupçon, en en rendant raison, et il paraîtra pur, et ce qui semblait vicieux sera considéré comme excellent. De là cette parole de saint Pierre: Soyez toujours prêts à répondre, pour votre défense, à tous ceux qui vous demanderont raison de votre espérance. Les oeuvres de Dieu sont elles-mêmes d'une pureté éclatante, et cependant elles sont souvent, pour les ignorants et les infidèles, une occasion de ruine lorsqu'ils ne les comprennent pas et les expliquent d'une façon grossière ou perverse. Heureux, dit le Seigneur, celui qui ne prendra point de moi un sujet de scandale. Et le Prophète dit également: Vous serez saint avec celui qui est saint, et vous userez de détour à l'égard de celui dont la conduite n'est pas droite. Si donc vous désirez voir votre flambeau répandre des rayons plus lumineux, éloignez les obstacles, et sa clarté jaillira plus pure et plus éclatante.
QUESTION I. Pourquoi, tant d'ordres saints et approuvés existant déjà dans le monde, saint François a voulu établir une règle nouvelle.
On demande donc pourquoi, tant de saints ordres existant, tant de règles étant approuvées, saint François a voulu établir une nouvelle règle, comme si les instituts des autres saints ne suffisaient pas.
Je réponds: Notre père, saint François, plein de l'esprit de Dieu, embrasé du zèle de sa charité et de l'amour du prochain, brûlait en son coeur d'un triple désir. Il aurait voulu pouvoir imiter Jésus-Christ en toute vertu et en toute perfection; s'attacher à Dieu sans réserve en le goûtant par une contemplation assidue; lui gagner le plus d'hommes possible et sauver ces âmes pour lesquelles le Sauveur a daigné être crucifié et mourir. Or, comme ce n'était point assez pour lui d'accomplir tout cela en personne, il résolut d'établir un ordre afin d'avoir, non-seulement dans le temps présent, mais encore dans l'avenir, un grand nombre de coopérateurs appliqués à imiter sa sainteté et à ramener une multitude d'âmes à Dieu. Les ordres que notre saint trouva dans l'Eglise avaient bien quelques-unes de ces trois choses; car les cénobites imitent Jésus-Christ dans la pratique des vertus, les ermites s'adonnent très-fréquemment à la contemplation divine, les clercs dirigent les peuples, ils sont chargés des âmes en vertu de leur ministère, et ils doivent exercer à leur égard une vigilance souveraine. Mais aucun ordre ne réunissait ces trois choses ensemble. Alors, instruit par l'Esprit-Saint, il fit une nouvelle règle et il établit un nouvel ordre ayant pour but de marcher sur les traces de Jésus-Christ en pratiquant les conseils évangéliques, en vivant dans l'obéissance, la chasteté et le renoncement aux biens; de s'adonner utilement au salut des âmes par la prédication et la confession, et d'arriver aux pures jouissances de la céleste contemplation en observant la pauvreté la plus rigoureuse et en gardant ainsi une liberté entière d'esprit. Si quelquefois dans cet ordre le travail extérieur vient interrompre le repos de la contemplation, la liberté du coeur n'étant distraite par aucune sollicitude des choses temporelles, laisse aux hommes fervents une grande facilité de répondre à leur vocation spirituelle, comme de prier, de lire, de méditer, de contempler. Or, le tumulte des soins terrestres nous empêche plus fortement d'arriver à la pureté de la dévotion, que le travail extérieur des oeuvres de vertu, car l'importunité de tels soins produit l'inquiétude de l'esprit quand le corps est en repos. Au contraire, l'exercice fidèle des bonnes oeuvres donne le repos à la conscience, et en l'affermissant il l'élève vers les célestes hauteurs. Ce travail est comme la préparation d'un banquet où l'homme doit goûter l'allégresse et le repos. Ainsi le Seigneur s'occupait durant le jour à enseigner sa doctrine au peuple et à guérir les malades, et il consacrait les nuits à prier dans les lieux retirés. Le jour, il enseignait dans le temple, dit saint Luc, et la nuit, sortant de la ville, il se retirait sur le mont des Oliviers. Et le Prophète dit de même: Le Seigneur a fait éclater sa miséricorde durant le jour, et la nuit a retenti de cantiques à son nom. Saint François a voulu que ses frères fussent astreints à travailler au salut des âmes, non par un précepte rigoureux, mais seulement par le sentiment d'une charité toute libre; il a voulu leur faire acquérir des mérites en sauvant les autres et les soustraire aux dangers attachés à leur ruine; il les a rendus participants dans le gain et mis à l'abri des pertes. Ils doivent arracher les hommes aux périls du naufrage ou de l'incendie, en demeurant en sûreté sur la pierre ferme et sans courir le risque de s'abîmer avec ceux qui périssent dans le péché.
QUESTION II. Pourquoi les frères mineurs prêchent au peuple et entendent les confessions, alors qu'ils n'ont point la charge ordinaire des âmes.
Mais, nous dit-on, puisque vous ne voulez point accepter le soin ordinaire des âmes, pourquoi prêchez-vous au peuple et entendez-vous les confessions?
Vous portez votre faulx dans la moisson des autres; car c'est là l'affaire de ceux qui ont charge d'âmes. Vous faites injure aux pasteurs; vous exercez à leur préjudice un ministère qui leur a été confié; vous trompez ceux que vous absolvez, n'ayant pas sur eux la juridiction ordinaire. Vous agissez contre les saints canons et mettez vos âmes en péril.
Je réponds: Nous ne faisons injure à personne, nous ne trompons personne; mais le saint-siège, qui a sans intermédiaire le soin de l'Eglise, et de qui les autres pasteurs, tant supérieurs qu'inférieurs, reçoivent leur juridiction, soit médiatement, soit immédiatement; le saint-siège, dis-je, d'où émanent toutes les lois canoniques, a vu qu'en ces derniers temps les jours périlleux dont parle l'Apôtre menaçaient; que, d'un autre côté, le filet de la prédication évangélique ayant été jeté, avait entraîné à la foi une si grande multitude d'hommes qu'il en rompait; que la moisson des fidèles était abondante et les ouvriers peu nombreux à cause des péchés qui se multiplient chaque jour dans l'Eglise; il a vu que les évêques adonnés aux affaires du dehors ne peuvent s'appliquer aux choses spirituelles; que peu de pasteurs résident en personne dans leurs églises, mais qu'ils contient à des vicaires et à des mercenaires leurs brebis ou autrement les âmes dont ils sont chargés; qu'en plusieurs de ces hommes se rencontrent beaucoup de défauts: l'ignorance, une vie sans régularité, la négligence et autres vices qui les rendent inhabiles au gouverneraient des âmes, et ainsi les peuples demeurent sans être instruits de leurs devoirs, sans être arrachés de la fange du péché. Alors il nous a appelés au secours du clergé et des fidèles, afin que, par la prédication et la confession, nous apportassions quelque soulagement aux âmes, et qu'en acceptant une partie du fardeau des pasteurs ils fussent d'autant allégés. Ainsi Pierre et ses compagnons ne pouvant à eux seuls tirer jusqu'aux rivages de la mer leurs filets à cause de la multitude de poissons dont ils étaient remplis, firent signe à Jacques et à Jean qui étaient dans une autre barque, image de la vie religieuse, de venir les aider pour les empêcher de périr et de perdre le fruit de leur pêche. Lors donc qu'envoyés par le signe apostolique, accueillis par la bienveillance des évêques, nous remplissons vis-à-vis de leurs sujets l'office de prédicateurs et de confesseurs, c'est au nom de la charité et en vertu de l'autorité de leurs supérieurs que nous les absolvons; nous ne les trompons pas, mais nous les secourons; nous ne portons aucun préjudice à leurs pasteurs, mais nous leur rendons service; car nous travaillons pour eux et nous exhortons les fidèles à leur rendre l'obéissance qui leur est due. Si le curé peut commettre à un autre le soin de son troupeau, combien plus le peuvent le Pape et les évêques qui ont une puissance plus entière sur tous les hommes confiés à leur sollicitude sans distinction aucune? Et ensuite si nous donnons aux fidèles par charité et sans y être forcés les secours spirituels en les instruisant, en priant et en les absolvant de leurs fautes dans la confession, de leur côté ils pourvoient à nos besoins corporels par une charité parfaitement libre et sans y être contraints en aucune manière; et d'ailleurs le Seigneur a établi que ceux qui annoncent l'Evangile peuvent vivre de l'Evangile.