Le problème de l'Être et de la Destinée: édition intégrale - Léon Denis - E-Book

Le problème de l'Être et de la Destinée: édition intégrale E-Book

Léon Denis

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Beschreibung

"Une constatation douloureuse frappe le penseur au soir de la vie. Elle devient encore plus poignante à la suite des impressions ressenties à son retour dans l'espace. Il s'aperçoit alors que l'enseignement dispensé par les institutions humaines en général - religions, écoles, universités - s'il nous apprend beaucoup de choses superflues, en revanche ne nous apprend presque rien de ce que nous avons le plus besoin de connaître pour la conduite, la direction de l'existence terrestre et la préparation à l'Au-delà."...

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TITLE

Léon DENIS

LE PROBLEME DE L'ETRE ET DE LA DESTINEE

EDITION ELECTRONIQUE 2016 - Anna Ruggieri

INTRODUCTION

INTRODUCTION

Une constatation douloureuse frappe le penseur au soir de la vie. Elle devient encore plus poignante à la suite des impressions ressenties à son retour dans l'espace. Il s'aperçoit alors que l'enseignement dispensé par les institutions humaines en général - religions, écoles, universités - s'il nous apprend beaucoup de choses superflues, en revanche ne nous apprend presque rien de ce que nous avons le plus besoin de connaître pour la conduite, la direction de l'existence terrestre et la préparation à l'Au-delà.

Ceux à qui incombe la haute mission d'éclairer et de guider l'âme humaine semblent ignorer sa nature et ses véritables destins.

Dans les milieux universitaires, unecomplète incertitude règne encore sur la solution du plus important problème que l'homme se soit jamais posé au cours de son passage sur la terre. Cette incertitude rejaillit sur tout l'enseignement. La plupart des professeurs et instituteurs écartent systématiquement de leurs leçons tout ce qui touche au problème de la vie, aux questions de but et de finalité.

Nous retrouvons la même impuissance chez le prêtre. Par ses affirmations dénuées de preuves, il ne réussit guère à communiquer aux âmes dont il a la charge une croyance qui ne répond plus ni aux règles d'une saine critique ni aux exigences de la raison.

En réalité, dans l'Université comme dans l'Eglise, l'âme moderne ne rencontre qu'obscurité et contradiction en tout ce qui touche au problème de sanature et de son avenir. C'est à cet état de choses qu'il faut attribuer en grande partie les maux de notre temps : l'incohérence des idées, le désordre des consciences, l'anarchie morale et sociale.

L'éducation que l'on dispense aux générations est compliquée ; mais elle n'éclaire pas, pour elles, le chemin de la vie ; elle ne les trempe pas pour les luttes de l'existence. L'enseignement classique peut apprendre à cultiver, à orner l'intelligence ; il n'apprend pas à agir, à aimer, à sedévouer. Il apprend encore moins à se faire une conception de la destinée qui développe les énergies profondes du moi et oriente nos élans, nos efforts vers un but élevé. Pourtant, cette conception est indispensable à tout être, à toute société, car elle est le soutien, laconsolation suprême aux heures difficiles, la source des mâles vertus et des hautes inspirations.

Carl du Prel rapporte le fait suivant[1] :

«Un de mes amis, professeur à l'Université, eut la douleur de perdre sa fille, ce qui raviva en lui le problème de l'immortalité. Il s'adressa à ses collègues, professeurs de philosophie, espérant trouver des consolations dans leurs réponses. Ce fut une amère déception : il avait demandé du pain, on lui offrit une pierre ; il cherchait une affirmation, on lui répondit par un "peut-être" !»

Francisque Sarcey, ce modèle accompli du professeur d'Université, écrivait[2] : «Je suis sur cette terre. J'ignore absolument comment j'y suis venu et pourquoi on m'y a jeté. Je n'ignore pas moins comment j'en sortirai et ce qu'il adviendra de moi quand j'en serai sorti.»

On ne peut l'avouer plus franchement : la philosophie de l'école, après tant de siècles d'études et de labeur, n'est encore qu'une doctrine sans lumière, sans chaleur, sans vie[3].L'âme de nos enfants, ballottée entre des systèmes divers et contradictoires : le positivisme d'Auguste Comte, le naturalisme d'Hegel, le matérialisme de Stuart Mill, l'éclectisme de Cousin, etc., flotte incertaine, sans idéal, sans but précis.

De là le découragement précoce et le pessimisme dissolvant, maladies des sociétés décadentes, menaces terribles pour l'avenir, auxquelles s'ajoute le scepticisme amer et railleur de tant de jeunes hommes qui ne croientplus qu'à la fortune et n'honorent que le succès.

L'éminent professeur Raoul Pictet signale cet état d'esprit dans l'Introduction de son dernier ouvrage sur les sciences physiques[4]. Il parle de l'effet désastreux produit par les théories matérialistes sur la mentalité de ses élèves, et conclut ainsi :

«Ces pauvres jeunes gens admettent que tout ce qui se passe dans le monde est l'effetnécessaire et fatalde conditions premières, où leur volonté n'intervient pas ; ils considèrent que leur propre existence est forcément lejouetde la fatalité inéluctable, à laquelle ils sont attachés, pieds et poings liés.

Ces jeunes gens cessent la lutte à la rencontre des premières difficultés.Ils ne croient plus à eux mêmes. Ils deviennentdes tombes vivantes, où ils enferment pêle-mêle leurs espérances, leurs efforts, leurs désirs, fosse commune de tout ce qui a fait battre leur coeur jusqu'au jour de l'empoisonnement.»

Tout ceci n'est pas seulement applicable à une partie de notre jeunesse, mais aussi à beaucoup d'hommes de notre temps et de notre génération, chez qui on peut constater une sorte de lassitude morale et d'affaissement.

F. Myers le reconnaît à son tour : «Il y a, dit-il[5], comme une inquiétude, unmécontentement, un manque de confiance dans la vraie valeur de la vie. Le pessimisme est la maladie morale de notre temps.»

Les théories d'outre-Rhin, les doctrines de Nietzsche, de Schopenhauer, d'Haeckel, etc., n'ont pas peu contribué, elles aussi, à développer cet état de choses. Leur influence s'est partout répandue. On doit leur attribuer, en grande partie, ce lent travail, oeuvre obscure de scepticisme et de découragement, qui se poursuit dans l'âme contemporaine.

Il est temps de réagir avec vigueurcontre ces doctrines funestes et de rechercher, en dehors de l'ornière officielle et des vieilles croyances, de nouvelles méthodes d'enseignement, qui répondent aux impérieux besoins de l'heure présente. Il faut préparer les esprits aux nécessités, aux combats de la vie actuelle et des vies ultérieures ; il faut surtout apprendre à l'être humain à se connaître, à développer, en vue de ses fins, les forces latentes qui dorment en lui.

Jusqu'ici, la pensée s'est confinée en des cercles étroits : religions,écoles ou systèmes qui s'excluent et se combattent réciproquement. De là cette division profonde des esprits, ces courants violents et contraires qui troublent et bouleversent le milieu social.

Apprenons à sortir de ces cercles rigides et à donner un libre essor à la pensée. Chaque système contient une part de vérité ; aucun ne contient la réalité tout entière. L'univers et la vie ont des aspects trop variés, trop nombreux pour qu'aucun système puisse les embrasser tous. De ces conceptions disparates, il faut dégager les fragments de vérité qu'elles contiennent, les rapprocher, les mettre d'accord ; puis, les unissant aux nouveaux et multiples aspects de la vérité que nous découvrons chaque jour, s'acheminer vers l'unité majestueuse et l'harmonie de la pensée.

La crise morale et la décadence de notre époque proviennent, pour une grande part, de ce que l'esprit humain s'est immobilisé trop longtemps. Il faut l'arracher à l'inertie, aux routines séculaires, le porter vers les hautes altitudes, sans perdre devue les bases solides que vient lui offrir une science agrandie et renouvelée. Cette science de demain, nous travaillons à la constituer. Elle nous procurera le critérium indispensable, les moyens de vérification et de contrôle, sans lesquels la pensée, livrée à elle même, risquera toujours de s'égarer.

*

* *

Le trouble et l'incertitude que nous constatons dans l'enseignement se répercutent et se retrouvent, disions-nous, dans l'ordre social tout entier.

Partout, au-dedans comme au-dehors, c'est unétat de crise inquiétant. Sous la surface brillante d'une civilisation raffinée, se cache un malaise profond. L'irritation s'accroît dans les rangs sociaux. Le conflit des intérêts, la lutte pour la vie deviennent de jour en jour plus âpres. Le sentiment du devoir s'est affaibli dans la conscience populaire, au point que beaucoup d'hommes ne savent plus même où est le devoir. La loi du nombre, c'est-à-dire de la forceaveugle, domine plus que jamais. De perfides rhéteurs s'appliquent à déchaîner les passions, les mauvais instincts de la foule, à répandre des théories malsaines, parfois criminelles. Puis, quand le flot monte et que le vent souffle en tempête, ils se dérobent ou éludent toute responsabilité.

Où est donc l'explication de cette énigme, de cettecontradiction frappante entre les aspirations généreuses de notre temps et la réalité brutale des faits ? Pourquoi un régime qui avait suscité tant d'espérances menace-t-il d'aboutir à l'anarchie, à la rupture de tout équilibre social ?

L'inexorable logique va nous répondre : La démocratie, radicale ou socialiste, dans ses masses profondes et dans son esprit dirigeant, s'inspirant, elle aussi, des doctrines négatives, ne pouvait aboutir qu'à un résultat négatif pour le bonheur et l'élévation de l'humanité. Tant vaut l'idéal, tant vaut l'homme ; tant vaut la nation, tant vaut le pays !

Les doctrines négatives, dans leurs conséquences extrêmes, aboutissent fatalement à l'anarchie, c'est-à-dire au vide, au néant social. L'histoire humaine en a déjà fait plusieurs fois la pénible expérience.

Tant qu'il s'est agi de détruire les restes du passé, de donner le dernier coup aux privilèges restés debout, la démocratie s'est habilement servie de ses moyens d'action. Mais, aujourd'hui, il importe de construire la cité de l'avenir, la cité future, le vaste édifice qui doit abriter la pensée des générations. Et devant cette tâche, les doctrines négatives montrent leur insuffisance et révèlent leur fragilité ; nous voyons les meilleurs ouvriers se débattre dans une sorte d'impuissance matérielle et morale.

Aucune oeuvre humaine ne peut être grande et durable si elle ne s'inspire, en théorie et en pratique, dans ses principes et dans ses applications, des lois éternelles de l'univers. Tout ce qui est conçu, édifié en dehors des lois supérieures est bâti sur le sable et s'écroule.

Or, les doctrines du socialisme actuel ont une tare capitale. Elles veulent imposer une règle en contradiction avec la nature de la véritable loi de l'humanité : le niveau égalitaire.

L'évolution individuelle et progressive est la loi fondamentale de la nature et de la vie. C'est la raison d'être de l'homme, la norme de l'univers. S'insurger contre elle, lui substituer une autre fin, serait aussi insensé que de vouloir arrêter le mouvement de laterre ou le flux et le reflux des océans.

Le côté le plus faible de la doctrine socialiste, c'est l'ignorance absolue de l'homme, de son principe essentiel, des lois qui président à ses destins. Et lorsqu'on ignore l'homme individuel, comment pourrait-ongouverner l'homme social ?

La source de tous nos maux est dans notre manque de savoir et notre infériorité morale. Toute société restera faible et divisée aussi longtemps que la défiance, le doute, l'égoïsme, l'envie, la haine la domineront. On ne transforme pas une société par des lois. Les lois, les institutions ne sont rien sans les moeurs, sans les croyances élevées. Quelles que soient d'ailleurs la forme politique et la législation d'un peuple, s'il possède de bonnes moeurs et de fermes convictions,il sera toujours plus heureux et plus puissant qu'un autre peuple de moralité inférieure.

Une société étant la résultante des forces individuelles, bonnes ou mauvaises, pour améliorer la forme de cette société, il faut agir d'abord sur l'intelligence et sur la conscience des individus.

Mais, pour la démocratie socialiste, l'homme intérieur, l'homme de la conscience individuelle n'existe pas ; la collectivité l'absorbe tout entier. Les principes qu'elle adopte ne sont plus qu'une négation de toute philosophie élevée et de toute cause supérieure. On ne songe guère qu'à conquérir des droits. Et cependant la jouissance des droits ne va pas sans la pratique des devoirs. Le droit sans le devoir, qui le limite et le corrige, n'engendrera que de nouveaux déchirements, de nouvelles souffrances.

C'est pourquoi la poussée formidable du socialisme ne fait que déplacer les appétits, les convoitises, les causes du malaise et substitue aux oppressions du passé un despotisme nouveau, plus intolérable encore. Nous en voyons l'exemple en Russie.

Déjà, nous pouvons mesurer l'étendue des désastres causés par les doctrines négatives. Le déterminisme, le matérialisme, en niant la liberté humaine et la responsabilité, sapent les bases mêmes de l'Ethique universelle. Le monde moral n'est plus qu'une annexe de la physiologie, c'est-à-dire le règne, la manifestation de la force aveugle et irresponsable. Les esprits d'élite professent le nihilisme métaphysique, et la masse humaine, le peuple, sans croyances, sans principes fixes, estlivré à des hommes qui exploitent ses passions et spéculent sur ses convoitises.

Le positivisme, pour être moins absolu, n'est pas moins funeste dans ses conséquences. Par sa théorie de l'inconnaissable, il supprime les notions de but et de large évolution. Il prend l'homme dans la phase actuelle de sa vie, simple fragment de sa destinée, et l'empêche de voir devant et derrière lui ; méthode stérile et dangereuse, faite, semble-t-il, pour des aveugles d'esprit, et que l'on a proclamée bien faussement la plus belle conquête de l'esprit moderne.

Tel est l'état actuel de la société. Le danger est immense, et si quelque grande rénovation spiritualiste et scientifique ne se produisait, le monde sombrerait dans l'incohérence et la confusion.

Nos hommes degouvernement sentent déjà ce qu'il en coûte de vivre dans une société où les bases essentielles de la morale sont ébranlées, où les sanctions sont factices ou impuissantes, où tout se confond, même la notion élémentaire du bien et du mal.

Les Eglises, ilest vrai, malgré leurs formes usées et leur esprit rétrograde, groupent encore autour d'elles beaucoup d'âmes sensibles : mais elles sont devenues incapables de conjurer le péril, par l'impossibilité où elles se sont mises de fournir une définition précisede la destinée humaine et de l'Au-delà, appuyée sur des faits probants.

L'humanité, lassée des dogmes et des spéculations sans preuves, s'est plongée dans le matérialisme ou l'indifférence. Il n'y a plus de salut pour la pensée que dans une doctrine basée sur l'expérience et le témoignage des faits.

D'où viendra cette doctrine ? De l'abîme où nous glissons, quelle puissance nous tirera ? Quel idéal nouveau viendra rendre à l'homme la confiance en l'avenir et l'ardeur pour le bien ? Aux heures tragiques de l'histoire, quand tout semblait désespéré, le secours n'a jamais manqué. L'âme humaine ne peut s'enliser entièrement et périr. Au moment où les croyances du passé se voilent, une conception nouvelle de la vie et de la destinée, basée sur la science des faits, reparaît. La grande tradition revit sous des formes élargies, plus jeunes et plus belles. Elle montre à tous un avenir plein d'espérance et de promesses. Saluons le nouveau règne de l'Idée, victorieuse de la matière, et travaillons à préparer ses voies !

La tâche à accomplir est grande, l'éducation de l'homme est à refaire entièrement. Cette éducation, nous l'avons vu, ni l'Université, ni l'Église ne sont en mesure de la donner, puisqu'elles ne possèdent plus les synthèses nécessaires pour éclairer la marche des nouvelles générations. Une seule doctrine peut offrir cette synthèse, celle du spiritualisme scientifique ; déjà, elle monte à l'horizon du monde intellectuel et semble devoir illuminer l'avenir.

A cette philosophie, à cette science, libre, indépendante, affranchie de toute pression officielle, de toute compromission politique, les découvertes contemporaines apportent chaque jour de nouvelles et précieuses contributions. Les phénomènes du magnétisme, de la radioactivité, de la télépathie, sontdes applications d'un même principe, les manifestations d'une même loi qui régit à la fois l'être et l'univers.

Encore quelques années de labeur patient, d'expérimentation consciencieuse, de recherches persévérantes, et la nouvelle éducation aura trouvésa formule scientifique, sa base essentielle. Cet événement sera le plus grand fait de l'Histoire depuis l'apparition du christianisme.

L'éducation, on le sait, est le plus puissant facteur du progrès ; elle contient en germe tout l'avenir. Mais, pour être complète, elle doit s'inspirer de l'étude de la vie sous ses deux formes alternantes, visible et invisible : de la vie dans sa plénitude, dans son évolution ascendante vers les sommets de la nature et de la pensée.

Les précepteurs de l'humanité ont doncun devoir immédiat à remplir. C'est de remettre le spiritualisme à la base de l'éducation, de travailler à refaire l'homme intérieur et la santé morale. Il faut réveiller l'âme humaine, endormie par une rhétorique funeste, lui montrer ses pouvoirs cachés,l'obliger à prendre conscience d'elle-même, à réaliser ses glorieux destins.

La science moderne a analysé le monde extérieur ; ses trouées dans l'univers objectif sont profondes : ce sera son honneur et sa gloire ; mais elle ne sait rien encore del'univers invisible et du monde intérieur. C'est là l'empire illimité qui lui reste à conquérir. Savoir par quels liens l'homme se rattache à l'ensemble, descendre dans les replis mystérieux de l'être, où l'ombre et la lumière se mêlent comme dans la caverne de Platon, en parcourir les labyrinthes, les réduits secrets, ausculter le moi normal et le moi profond, la conscience et la subconscience, il n'est pas d'étude plus nécessaire. Tant que les Ecoles et les Académies ne l'auront pas introduite dans leursprogrammes, elles n'auront rien fait pour l'éducation définitive de l'humanité.

Mais déjà nous voyons surgir et se constituer toute une psychologie merveilleuse et imprévue, d'où vont se dégager une nouvelle conception de l'être et la notion d'une loi supérieure qui embrasse et résout tous les problèmes de l'évolution et du devenir.

*

* *

Un temps s'achève ; des temps nouveaux s'annoncent. L'heure où nous sommes est une heure de crise et d'enfantement douloureux. Les formes épuisées du passé pâlissentet s'affaissent pour faire place à d'autres, d'abord vagues et confuses, mais qui se précisent de plus en plus. En elles s'ébauche la pensée grandissante de l'humanité.

L'esprit humain est en travail : partout, sous l'apparente décomposition des idées etdes principes, partout, dans la science, dans l'art, dans la philosophie et même au sein des religions, l'observateur attentif peut constater qu'une lente et laborieuse gestation se produit. La science,elle surtout, jette à profusion des semences aux riches promesses. Le siècle qui monte sera celui des éclosions puissantes.

Les formes et les conceptions du passé, disions-nous, ne suffisent plus. Si respectable que paraisse cet héritage ; malgré le sentiment pieux avec lequel on peut considérer les enseignements légués par nos pères, on sent généralement, on comprend que cet enseignement n'a pas suffi à dissiper le mystère angoissant du pourquoi de la vie.

Cependant, on veut vivre et agir, à notre époque, avec plus d'intensité que jamais ; mais peut-on vivre et agir pleinement sans être conscient du but à atteindre ? L'état de l'âme contemporaine appelle, réclame une science, un art, une religion de lumière et de liberté qui viennent la délivrer de ses doutes, l'affranchir des vieilles servitudes et des misères de la pensée, la guider vers les horizons radieux où elle se sent portée par sa nature même et par l'impulsion de forces irrésistibles.

On parle souvent de progrès ; mais qu'entend-on par progrès ? Est-ce là un mot vide et sonore, dans la bouche d'orateurs pour la plupart matérialistes, ou bien a-t-il un sens déterminé ? Vingt civilisations ont passé sur la terre, éclairant de leurs lueurs la marche de l'humanité. Leurs grands foyers ont brillé dans la nuit des siècles, puis se sont éteints. Et l'homme ne discerne pas encore, derrière les horizons limités de sa pensée, l'au-delà sans limites où le porte son destin. Impuissant à dissiper le mystère qui l'entoure, il use ses forces aux oeuvres de la terre et se dérobe aux splendeurs de sa tâche spirituelle, celle qui fera sa vraie grandeur.

La foi au progrès ne va pas sans la foi en l'avenir, en l'avenir de chacun et de tous. Les hommes ne progressent et n'avancent que s'ils croient à cet avenir et s'ils marchent avec confiance, avec certitude vers l'idéal entrevu.

Le progrès ne consiste pas seulement dans les oeuvres matérielles, dans la création de machines puissantes et de tout l'outillage industriel ; il ne consiste pas davantage à trouver des procédés nouveaux d'art, de littérature ou des formes d'éloquence. Son plus haut objectif est de saisir, d'atteindre l'idée maîtresse, l'idée mère qui fécondera toute la vie humaine, la sourcehaute et pure d'où découleront à la fois les vérités, les principes, les sentiments qui inspireront les oeuvres fortes et les nobles actions.

Il est temps de le comprendre : la civilisation ne peut grandir, la société ne peut monter que si une pensée toujours plus élevée, une lumière toujours plus vive viennent inspirer, éclairer les esprits et toucher les coeurs en les rénovant. L'idée seule, la pensée est mère de l'action. La volonté de réaliser la plénitude de l'être, toujours meilleur, toujours plus grand, peut seule nous conduire vers ces cimes lointaines où la science, l'art, toute l'oeuvre humaine en un mot, trouverason épanouissement, sa régénération.

Tout nous le dit : l'univers est régi par la loi d'évolution ; c'est là ce que nous entendons par le mot progrès. Et nous-mêmes, dans notre principe de vie, dans notre âme et notre conscience, nous sommes soumis à jamais à cette loi. On ne saurait méconnaître aujourd'hui cette force souveraine qui emporte l'âme et ses oeuvres à travers l'infini du temps et de l'espace, vers un but toujours plus élevé ; mais une telle loi n'est réalisable que par nos efforts.

Pour faire oeuvre utile, pour coopérer à l'évolution générale et en recueillir tous les fruits, il faut avant tout apprendre à discerner, à saisir la raison, la cause et le but de cette évolution, savoir où elle conduit, afin de participer, dans la plénitude des forces et des facultés qui sommeillent en nous, à cette ascension grandiose.

Notre devoir est de tracer sa voie à l'humanité future, dont nous ferons encore partie intégrante, comme nous l'apprennent la communion des âmes, la révélation des grands Instructeurs invisibles, et comme la nature l'apprend aussi par ses milliers de voix, par le renouvellement perpétuel de toutes choses, à ceux qui savent l'étudier et la comprendre.

Allons donc vers l'avenir, vers la vie toujours renaissante, par la voie immense que nous ouvre un spiritualisme régénéré !

Foi du passé, sciences, philosophies, religions, éclairez-vous d'une flamme nouvelle ; secouez vos vieux linceuls et les cendres qui les recouvrent. Ecoutez les voir révélatrices de la tombe ;elles nous apportentun renouveau de la pensée avec les secrets de l'Au-delà, que l'homme a besoin de connaître pour mieux vivre, mieux agir et mieux mourir !

PREMIERE PARTIE-LE PROBLEME DE L'ETRE.

________

I. - L'EVOLUTION DE LA PENSEE.

Une loi, avons-nous dit,régit l'évolution de la pensée, comme elle régit l'évolution physique des êtres et des mondes ; la compréhension de l'univers se développe avec les progrès de l'esprit humain.

Cette conception générale de l'univers et de la vie a été exprimée de mille façons, sous mille formes diverses dans le passé. Elle l'est aujourd'hui en d'autres termes plus larges et le sera toujours avec plus d'ampleur, à mesure que l'humanité gravira les degrés de son ascension.

La science voit s'élargir sans cesse son champ d'exploration. Tous les jours, à l'aide de ses puissants instruments d'observation et d'analyse, elle découvre de nouveaux aspects de la matière, de la force et de la vie. Mais ce que ces instruments constatent, l'esprit l'avait discerné depuis longtemps, car l'essor de la pensée devance toujours et dépasse les moyens d'action de la science positive. Les instruments ne seraient rien, sans l'intelligence, sans la volonté qui les dirige.

La science est incertaine et changeante, elle se renouvelle sans cesse. Sesméthodes, ses théories, ses calculs, édifiés à grand-peine, s'écroulent devant une observation plus attentive ou une induction plus profonde, pour faire place à d'autres théories, qui ne seront pas plus définitives.[6]

La science nucléaire, par exemple, a renversé la théorie de l'atome indivisible qui, depuis deux mille ans, servait de base à la physique et à la chimie. Combien de découvertes analogues ont démontré dans le passé la faiblesse de l'esprit scientifique ! Celui-ci n'atteindra le réel qu'en s'élevant au-dessus du mirage des faits matériels, vers la région des causes et des lois.

C'est de cette façon que la science a pu déterminer les principes immuables de la logique et des mathématiques. Il n'en est pas de même dansles autres ordres de recherches. Le savant y apporte trop souvent ses préjugés, ses tendances, ses routines, tous les éléments d'une personnalité étroite, comme nous pouvons le constater dans le domaine des études psychiques, surtout en France, où il s'est trouvé, jusqu'ici, assez peu de savants courageux et vraiment éclairés pour suivre une voie déjà largement frayée par les plus belles intelligences des autres nations.

Malgré tout, l'esprit humain avance pas à pas dans la connaissance de l'être et de l'univers. Nos données sur la force et la matière se modifient chaque jour ; la personnalité humaine se révèle sous des aspects inattendus. En présence de tant de phénomènes expérimentalement constatés, en présence des témoignages qui s'accumulent de toutesparts[7], nul esprit clairvoyant ne peut plus nier la réalité de la survivance ; nul ne peut plus éluder les conséquences morales et les responsabilités qu'elle entraîne.

Ce que nous disons de la science, on pourrait également ledire des philosophies et des religions qui se sont succédé à travers les siècles. Elles constituent autant d'étapes ou de stations parcourues par l'humanité encore enfant, s'élevant vers des plans spirituels de plus en plus vastes et qui se relient entreeux. Dans leur enchaînement, ces croyances diverses nous apparaissent comme le développement graduel de l'idéal divin, reflété dans la pensée avec d'autant plus d'éclat et de pureté, que celle-ci s'affine et s'épure.

C'est pourquoi les croyances et les connaissances d'un temps ou d'un milieu semblent être, pour le temps ou le milieu où elles règnent, la représentation de la vérité telle que les hommes de cette époque peuvent la saisir et la comprendre, jusqu'à ce que le développement de leurs facultés et de leurs consciences les rende aptes à percevoir une forme plus haute, une radiation plus intense de cette vérité.

A ce point de vue, le fétichisme lui même s'explique, malgré ses rites sanglants. C'est le premier bégaiement de l'âme enfantine, s'essayantà épeler le divin langage et qui fixe, sous des traits grossiers, sous des formes appropriées à son état mental, sa conception vague, confuse, rudimentaire, d'un monde supérieur.

Les paganismes représentent un concept plus élevé, quoique très anthropomorphique. Les dieux y sont semblables aux hommes ; ils en ont toutes les passions, toutes les faiblesses. Mais déjà, la notion de l'idéal s'épure avec celle du bien. Un rayon de l'éternelle beauté vient féconder les civilisations au berceau.

Plus haut voicil'idée chrétienne, toute de sacrifice, de renoncement dans son essence. Le paganisme grec était la religion de la nature radieuse ; le christianisme est celle de l'humanité souffrante, religion des catacombes, des cryptes et des tombeaux, qui a pris naissance dans la persécution et la douleur et garde l'empreinte de son origine. Réaction nécessaire contre la sensualité païenne, elle deviendra, par son exagération même, impuissante à la vaincre, car, avec le scepticisme, la sensualité renaîtra.

Le christianisme, à son origine, doit être considéré comme le plus grand effort tenté par le monde invisible pour communiquer ostensiblement avec notre humanité. C'est, suivant l'expression de F. Myers, «le premier message authentique de l'Au-delà». Déjà, les religions païennes étaient riches en phénomènes occultes de toutes sortes et en faits dedivination. Mais la résurrection, c'est-à-dire les apparitions du Christ matérialisé après sa mort, constituent la manifestation la plus puissante dont les hommes aient été témoins. Elle fut le signal d'une entrée en scène du monde des Esprits, qui se produisit de mille manières dans les premiers temps chrétiens. Nous avons dit ailleurs[8] comment et pourquoi, peu à peu, le voile de l'Au-delà s'abaissade nouveau et le silence se fit, sauf pour quelques privilégiés : voyants, extatiques, prophètes.

Nous assistons aujourd'hui à une nouvelle poussée du monde invisible dans l'histoire. Les manifestations de l'Au-delà, de passagères et isolées, tendent à devenir permanentes et universelles. Une voie s'établit entre les deux mondes, d'abord simple piste, étroit sentier, mais qui s'élargit, s'améliore peu à peu et deviendra une route large et sûre. Le christianisme a eu pourpoint de départ des phénomènes d'une nature semblable à ceux que l'on constate de nos jours dans le domaine des sciences psychiques. C'est par ces faits que se révèlent l'influence et l'action d'un monde spirituel, véritable demeure et patrie éternelle des âmes. Par eux, une trouée bleue s'ouvre sur la vie infinie ; l'espérance va renaître dans les coeurs angoissés, et l'humanité se réconciliera avec la mort.

*

* *

Les religions ont contribué puissamment à l'éducation humaine ; elles ont opposé un frein aux passions violentes, à labarbarie des âges de fer, et gravé fortement la notion morale au fond des consciences. L'esthétique religieuse a enfanté des chefs d'oeuvre dans tous les domaines ; elle a participé dans une large mesure à la révélation d'art et de beauté qui se poursuit àtravers les siècles. L'art grec avait créé des merveilles. L'art chrétien a atteint le sublime dans ces cathédrales gothiques qui se dressent, bibles de pierre, sous le ciel, avec leurs fières tours sculptées, leurs nefs imposantes, qu'emplissent les vibrations des orgues et des chants sacrés, leurs hautes ogives, d'où la lumière descend à flots et ruisselle sur les fresques et les statues ; mais son rôle s'achève, car, déjà, il se copie, ou se repose, comme épuisé.

L'erreur religieuse, et surtout l'erreur catholique, n'est pas de l'ordre esthétique, lequel ne trompe pas : elle est de l'ordre logique. Elle consiste à enfermer la religion en des dogmes étroits, en des formes rigides. Alors que le mouvement est la loi même de la vie, le catholicisme a immobilisé la pensée, au lieu de provoquer son essor.

Il est dans la nature de l'homme d'épuiser toutes les formes d'une idée, de se porter aux extrêmes, avant de reprendre le cours normal de son évolution. Chaque vérité religieuse, affirmée par un novateur, s'affaiblit et s'altère par la suite, les disciples étant presque toujours incapables de se maintenir à la hauteur où le maître les a attirés. La doctrine devient, dès lors, une source d'abus et provoque, peu à peu, un mouvement contraire dans le sens du scepticisme et de la négation. A la foi aveugle succède l'incrédulité ; le matérialisme fait son oeuvre ; et c'estseulement lorsqu'il a montré toute son impuissance dans l'ordre social qu'une rénovation idéaliste devient possible.

Dès les premiers temps duchristianisme, des courants divers : judaïque, hellénique, gnostique, se mêlent et se heurtent dans le lit de la religion naissante. Des schismes éclatent ; les déchirements, les conflits se succèdent, au milieu desquels la pensée du Christ se voile peu àpeu et s'obscurcit. Nous avons montré[9] de quelles altérations, de quels remaniements successifs la doctrine chrétienne a été l'objet à la suite des âges. Le véritable christianisme était une loi d'amour et de liberté ; les églises en ont fait une loi de crainte et d'asservissement. De là l'éloignement graduel des penseurs pour l'Église ; de là l'affaiblissement de l'esprit religieux dans notre pays.

A la faveur du trouble qui envahit les esprits et les consciences, le matérialisme a gagné du terrain. Sa morale, prétendue scientifique, qui proclame la nécessité de la lutte pour la vie, la disparition des faibles et la sélection des forts, règne aujourd'hui presque en souveraine dans la vie publique comme dans la vie privée. Toutesles activités se portent vers la conquête du bien-être et des jouissances physiques. Faute d'entraînement moral et de discipline, les ressorts de l'âme française se détendent ; le malaise et la discorde se glissent partout, dans la famille, dans la nation. C'est là, disions-nous, une période de crise. Rien ne meurt, malgré les apparences ; tout se transforme et se renouvelle. Le doute qui assiège les âmes à notre époque prépare la voie aux convictions de demain, à la foi intelligente et éclairée qui régnera sur l'avenir et s'étendra à tous les peuples, à toutes les races.

Quoique jeune encore et divisée par les nécessités de territoire, de distance, de climat, l'humanité a commencé à prendre conscience d'elle-même. Au-dessus, au-delà des antagonismes politiques et religieux, des groupements d'intelligences se constituent. Des hommes hantés des mêmes problèmes, aiguillonnés par les mêmes soucis, inspirés de l'Invisible, travaillent à une oeuvre commune et poursuivent les mêmes solutions. Peu à peu, les éléments d'une science psychologique et d'une croyance universelle apparaissent, se fortifient, s'étendent. Nombre de témoins impartiaux y voient le prélude d'un mouvement de la pensée qui tend à embrasser toutes les sociétés de la terre[10].

L'idée religieuse achève de parcourir son cycle inférieur, et les plans d'une spiritualité plus haute se dessinent. On peut dire que la religion est l'effort de l'humanité pour communier avecl'essence éternelle et divine. Voilà pourquoi il y aura toujours des religions et des cultes, de plus en plus larges et conformes aux lois supérieures de l'esthétique, qui sont l'expression de l'harmonie universelle. Le beau, dans ses règles les plus élevées, est une loi divine, et ses manifestations, en se rattachant à l'idée de Dieu, revêtiront forcément un caractère religieux.

A mesure que la pensée mûrit, des missionnaires de tous ordres viennent provoquer la rénovation religieuse au sein des humanités. Nous assistons au prélude d'une de ces rénovations,plus grande et plus profonde que les précédentes. Elle n'a plus seulement des hommes pour mandataires et pour interprètes, ce qui rendrait cette nouvelle dispensation aussi précaire que les autres. Ce sont les Esprits inspirateurs, les génies de l'espace,qui exercent à la fois leur action sur toute la surface du globe et dans tous les domaines de la pensée. Sur tous les points, un nouveau spiritualisme apparaît. Et aussitôt, la question se pose : Qu'es-tu ? lui demande-t-on : science ou religion ? Espritsétroits, croyez-vous donc que la pensée doive suivre éternellement les ornières que le passé a creusé !

Jusqu'ici, tous les domaines intellectuels ont été séparés les uns des autres, enclos de barrières, de murailles : la science d'un côté, la religion del'autre ; la philosophie et la métaphysique sont hérissées de broussailles impénétrables. Alors que tout est simple, vaste et profond dans le domaine de l'âme comme dans celui de l'univers, l'esprit de système a tout compliqué, rétréci, divisé. La religion a été murée dans la sombre geôle des dogmes et des mystères ; la science, emprisonnée dans les plus bas étages de la matière. Là, n'est pas la vraie religion, ni la vraie science. Il suffira de s'élever au-dessus de ces classifications arbitraires pour comprendre que tout se concilie et se réconcilie dans une vision plus haute.

Est-ce que, dès aujourd'hui, notre science, quoique élémentaire, dès qu'elle se livre à l'étude de l'espace et des mondes, ne provoque pas aussitôt un sentiment d'enthousiasme,d'admiration presque religieuse ? Lisez les ouvrages des grands astronomes, des mathématiciens de génie. Ils vous diront que l'univers est un prodige de sagesse, d'harmonie, de beauté, et que, déjà, dans la pénétration des lois supérieures, se réalise l'union de la science, de l'art et de la religion par la vision de Dieu dans son oeuvre. Parvenue à ces hauteurs, l'étude devient une contemplation et la pensée se change en prière !

Le spiritualisme moderne va accentuer, développer cette tendance, lui donnerun sens plus clair et plus précis. Par son côté expérimental, il n'est encore qu'une science ; par le but de sesrecherches, il plonge à travers les régions invisibles et s'élève jusqu'aux sources éternelles d'où découlent toute force et toute vie. Par là, il unit l'homme à la Puissance divine et devient une doctrine, une philosophie religieuse. Il est, de plus, le lien qui réunit deux humanités. Par lui, les esprits prisonniers dans la chair et ceux qui en sont délivrés s'appellent, se répondent ; entre eux, une véritable communion s'établit.

Il ne faut donc pas voir là une religion dans le sens étroit, dans le sens actuel de ce mot. Les religions de notre temps veulent des dogmes et des prêtres, et la doctrine nouvelle n'en comporte pas. Elle est ouverteà tous les chercheurs ; l'esprit de libre critique, d'examen et de contrôle préside à ses investigations.

Les dogmes et les prêtres sont nécessaires, et le seront longtemps encore, aux âmes jeunes et timides qui pénètrent chaque jour dans le cercle de lavie terrestre et ne peuvent se diriger seules dans la voie de la connaissance, ni analyser leurs besoins et leurs sensations.

Le spiritualisme moderne s'adresse surtout aux âmes évoluées, aux esprits libres et majeurs, qui veulent trouver par eux-mêmes la solution des grands problèmes et la formule de leurCredo. Il leur offre une conception, une interprétation des vérités et des lois universelles, basée sur l'expérimentation, sur la raison et sur l'enseignement des Esprits. Ajoutez-y la révélation des devoirs et des responsabilités, qui, seule, donne une base solide à notre instinct de justice. Puis, avec la force morale, les satisfactions du coeur, la joie de retrouver, au moins par la pensée, quelquefois même par la forme[11],les êtres aimés que l'on croyait perdus. A la preuve de leur survivance, se joint la certitude de les rejoindre et de revivre avec eux des vies sans nombre, vies d'ascension, de bonheur ou de progrès.

Ainsi, graduellement, les problèmes les plus obscurss'éclairent ; l'Au-delà s'entrouvre ; le côté divin des êtres et des choses se révèle. Par la force de ces enseignements, tôt ou tard, l'âme humaine montera, et, des hauteurs atteintes, elle verra que tout se relie, que les différentes théories, contradictoires et hostiles en apparence, ne sont que les aspects divers d'un même tout. Les lois du majestueux univers se résumeront, pour elle, en une loi unique, à la fois force intelligente et consciente, mode de pensée et d'action. Et par là, tous les mondes, tous les êtres se trouveront reliés dans une même unité puissante, associés dans une même harmonie, entraînés vers un même but.

Un jour viendra où tous les petits systèmes, étroits et vieillis, se fondront en une vaste synthèse, embrassant tous les royaumes de l'idée. Sciences, philosophies, religions, aujourd'hui divisées, se rejoindront dans la lumière et ce sera la vie, la splendeur de l'esprit, le règne de laConnaissance.

Dans cet accord magnifique, les sciences fourniront la précision et la méthode dans l'ordre des faits ; les philosophies, la rigueur de leurs déductions logiques ; la poésie, l'irradiation de ses lumières et la magie de ses couleurs. La religion y ajoutera les qualités du sentiment et la notion d'esthétique élevée. Ainsi se réaliseront la beauté dans la force et l'unité de la pensée. L'âme s'orientera vers les plus hautes cimes, tout en maintenant l'équilibre de relation nécessaire qui doit régler la marche parallèle et rythmée de l'intelligence et de la conscience, dans leur ascensionà la conquête du Bien et du Vrai.

II. - LE CRITERIUM DE LA DOCTRINE DES ESPRITS.

Le spiritualisme moderne repose sur tout un ensemble de faits : les uns, simplement physiques, nous ont révélé l'existence et le mode d'action de forces longtemps inconnues ; les autres ont un caractère intelligent, ce sont : l'écriture directe ou automatique, la typtologie, les discours prononcés dans la transe ou incorporation. Toutes ces manifestations, nous les avons passées en revue et analysées ailleurs[12]. Nous avons vu qu'elles s'accompagnent fréquemment de marques, de preuves établissant l'identité et l'intervention d'âmes humaines qui ont vécu sur la terre et sont libérées par la mort.

C'est au moyen de ces phénomènes que les Esprits[13] ont répandu leurs enseignements dans le monde, et ces enseignements ont été, comme nous le verrons, confirmés sur bien des points par l'expérience.

Le nouveau spiritualisme s'adresse donc à la fois aux sens et à l'intelligence.Expérimental, quand il étudie les phénomènes qui lui servent de base ; rationnel, quand il contrôle les enseignements qui en découlent, il constitue un instrument puissant pour la recherche de la vérité, puisqu'il peut servir simultanément dans tous les domaines de la connaissance.

Les révélations des Esprits, disions-nous, sont confirmées par l'expérience. Sous le nom defluides, les Esprits nous ont enseigné théoriquement et démontré pratiquement, dès 1850[14], l'existence desforces impondérables que la science rejetaita priori. Le premier parmi les savants jouissant d'une grande autorité, sir W. Crookes a constaté, depuis, la réalité de ces forces, et la science actuelle en reconnaît chaque jour l'importance et la variété, grâce aux découvertes célèbres de Roentgen, Hertz, Becquerel, Curie, G. Le Bon, etc..

Les Esprits affirmaient et démontraient l'action possible de l'âme sur l'âme, à toutes distances, sans le secours des organes, et cet ordre de faits ne soulevait pas moins d'opposition et d'incrédulité.

Or, les phénomènes de la télépathie, de la suggestion mentale, de la transmission des pensées, observés et provoqués aujourd'hui en tous milieux, sont venus, par milliers, confirmer ces révélations.

Les Espritsenseignaient la préexistence, la survivance, les vies successives de l'âme.

Et voici que les expériences de F. Colavida, E. Marata, celles du colonel de Rochas, les miennes, etc., établissent que non seulement les souvenirs des moindres détails de la vieactuelle, jusque dans la plus tendre enfance, mais encore ceux des vies antérieures, sont gravés dans les replis cachés de la conscience. Tout un passé, voilé à l'état de veille, reparaît, revit dans la transe. En effet, ces souvenirs ont pu être reconstitués chez un certain nombre de sujets endormis, comme nous l'établirons plus loin, lorsque nous aborderons plus spécialement cette question[15].

On le voit, le spiritualisme moderne ne saurait, à l'exemple des anciennes doctrinesspiritualistes, être considéré comme un pur concept métaphysique. Il se présente avec un tout autre caractère et répond aux exigences d'une génération élevée à l'école du criticisme et du rationalisme, rendue défiante par les exagérations d'un mysticismemaladif et agonisant.

Croire ne suffit plus aujourd'hui ; on veut savoir. Aucune conception philosophique ou morale n'a chance de succès si elle ne s'appuie sur une démonstration à la fois logique, mathématique et positive et si, en outre, elle n'est couronnée par une sanction qui satisfasse tous nos instincts de justice.

On peut remarquer que ces conditions, Allan Kardec les a parfaitement remplies dans le magistral exposé que contient sonLivre des Esprits.

Ce livre est le résultat d'un immense travailde classement, de coordination, d'élimination portant sur d'innombrables messages, venus de sources diverses, inconnues les unes des autres, messages obtenus sur tous les points du monde et que ce compilateur éminent a réuni, après s'être assuré de leur authenticité. Il a eu soin d'écarter les opinions isolées, les témoignages douteux, pour ne retenir que les points sur lesquels les affirmations étaient concordantes.

Ce travail est loin d'être terminé. Il se poursuit tous les jours, depuis la mort du grand initiateur. Déjà nous possédons une synthèse puissante, dont Kardec a tracé les grandes lignes et que les héritiers de sa pensée s'efforcent de développer avec le concours du monde invisible. Chacun d'eux apporte son grain de sable à l'édifice commun, àcet édifice dont les bases se fortifient chaque jour par l'expérimentation scientifique, mais dont le couronnement s'élèvera toujours plus haut.

Moi-même, je puis le dire, j'ai été favorisé des enseignements de guides spirituels, dont l'assistance et lesconseils ne m'ont jamais fait défaut depuis quarante années. Leurs révélations ont pris un caractère particulièrement didactique au cours de séances qui se sont succédé pendant huit ans et dont j'ai souvent parlé dans un précédent ouvrage[16].

Dans l'oeuvre d'Allan Kardec, l'enseignement des Esprits est accompagné, pour chaque question, de considérations, de commentaires, d'éclaircissements qui font ressortir avec plus de netteté la beauté des principes et l'harmonie de l'ensemble. C'est en cela que se montrent les qualités de l'auteur. Il s'est attaché, avant tout, à donner un sens clair et précis aux expressions qui reviennent habituellement dans son raisonnement philosophique ; puis à bien définir les termes qui pouvaient êtreinterprétés dans des sens différents. Il savait que la confusion qui règne dans la plupart des systèmes provient du défaut de clarté des expressions familières à leurs auteurs.

Une autre règle, non moins essentielle dans tout exposé méthodique et qu'AllanKardec a scrupuleusement observé, est celle qui consiste à circonscrire les idées et à les présenter dans des conditions qui les rendent compréhensibles pour tout lecteur. Enfin, après avoir développé ces idées dans un ordre et par un enchaînement qui lesreliaient entre elles, il a su en dégager des conclusions, qui constituent déjà, dans l'ordre rationnel et dans la mesure des concepts humains, une réalité, une certitude.

C'est pourquoi nous nous proposons d'adopter ici les termes, les vues, les méthodes utilisés par Allan Kardec, comme étant les plus sûrs, en nous réservant d'ajouter à notre travail tous les développements résultant des cinquante années de recherches et d'expérimentation qui se sont écoulées depuis l'apparition de ses oeuvres.

On le voit donc par tout ceci, la doctrine des Esprits, dont Kardec était l'interprète et le compilateur judicieux, réunit, au même titre que les systèmes philosophiques les plus appréciés, les qualités essentielles de clarté, de logique et de rigueur.

Mais, ce qu'aucun système ne pouvait offrir, c'est l'imposant ensemble de manifestations à l'aide desquelles cette doctrine s'est affirmée d'abord dans le monde, puis a pu être contrôlée, chaque jour, en tous milieux. Elle s'adresse aux hommes de tous rangs, de toutes conditions, et non seulement à leurs sens, à leur intelligence, mais aussi à ce qu'il y a de meilleur en eux, à leur raison, à leur conscience. Ces puissances intimes ne constituent-elles pas, dans leur union, uncritériumdu bien et du mal, du vrai etdu faux, plus ou moins clair ou voilé, sans doute, selon l'avancement des âmes, mais qu'on retrouve en chacune d'elles comme un reflet de l'éternelle raison dont elles émanent ?

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Il y a deux choses dans la doctrine des Esprits : une révélation dumonde spirituel et une découverte humaine ; c'est-à-dire : d'une part, un enseignement universel, extra-terrestre, identique à lui-même dans ses parties essentielles et son sens général ; de l'autre, une confirmation personnelle et humaine, qui se poursuitsuivant les règles de la logique, de l'expérience et de la raison. La conviction qui s'en dégage se fortifie et se précise de plus en plus, à mesure que les communications deviennent plus nombreuses et que, par cela même, les moyens de vérification se multiplient et s'étendent.

Nous n'avions connu jusqu'ici que des systèmes personnels, des révélations particulières. Aujourd'hui, ce sont des milliers de voix, les voix des défunts, qui se font entendre. Le monde invisible entre en action, et dans le nombrede ses agents, d'éminents Esprits se laissent reconnaître par la force et la beauté de leurs enseignements. Les grands génies de l'espace, poussés par une impulsion divine, viennent guider la pensée vers de radieux sommets[17].

N'y a-t-il pas là une dispensation autrement vaste et grandiose que toutes celles du passé ? La différence dans les moyens n'a d'égale que celle des résultats. Comparons :

La révélation personnelle est faillible. Tous les systèmes philosophiques humains,toutes les théories individuelles, aussi bien celles d'Aristote, de Thomas d'Aquin, de Kant, de Descartes, de Spinoza que celles de nos contemporains, sont nécessairement influencées par les opinions, les tendances, les préjugés, les sentiments du révélateur. Il en est de même pour les conditions de temps et de lieu dans lesquelles elles se produisent. On pourrait en dire autant des doctrines religieuses.

La révélation des Esprits, impersonnelle, universelle, échappe à la plupart de ces influences, en mêmetemps qu'elle réunit la plus grande somme de probabilités, sinon de certitudes. Elle ne peut être ni étouffée, ni dénaturée. Aucun homme, aucune nation, aucune église n'en a le privilège. Elle défie toutes les inquisitions et se produit là où l'on s'attend le moins à la rencontrer. On a vu les hommes qui lui étaient le plus hostiles, ramenés à d'autres vues par la puissance des manifestations, remués jusqu'au fond de l'âme par les appels et les exhortations de leurs proches décédés, se faire d'eux-mêmes les instruments d'une active propagande.

Les avertis comme saint Paul ne manquent pas dans le spiritisme, et ce sont des phénomènes d'un ordre semblable à celui du «chemin de Damas» qui ont provoqué leur changement d'opinion.

Les Esprits ont suscité de nombreux médiums dans tous les milieux, au sein des classes et des partis les plus divers et même jusqu'au fond des sanctuaires. Des prêtres, des pasteurs ont reçu leurs instructions et les ont propagées ouvertement ou bien sous le voile de l'anonymat[18]. Leurs parents, leurs amis défunts, remplissaient près d'eux l'office de maîtres et de révélateurs, ajoutant à leurs enseignements des preuves formelles, irrécusables, de leur identité.

C'est par de tels moyens que le spiritisme apu envahir le monde et le couvrir de ses foyers. Il existe un majestueux accord dans toutes ces voix qui se sont élevées simultanément pour faire entendre à nos sociétés sceptiques la bonne nouvelle de la survivance, et fournir l'explication des problèmesde la mort et de la douleur. La révélation a pénétré par voie médianimique au coeur des familles et jusqu'au fond des bouges et des enfers sociaux. N'a-t-on pas vu les forçats du bagne de Tarragone adresser au Congrès spirite international de Barcelone, en1888, une adhésion touchante en faveur d'une doctrine qui, disaient-ils, les avait ramenés au bien et réconciliés avec le devoir[19] !

Dans le spiritisme, la multiplicité des sources d'enseignement et de diffusion constitue donc un contrôle permanent, qui déjoue et rend stériles toutes les oppositions, toutes les intrigues. Par sa nature même, la révélation des Esprits se dérobe aux tentatives d'accaparement ou de falsification. Devant elle, les velléités de dissidence ou de domination restent stériles, car si l'on parvenait à l'éteindre ou à la dénaturer sur un point, elle se rallumerait aussitôt sur cent autres, se jouant ainsi des ambitions malsaines et des perfidies.

Dans cet immense mouvement révélateur, les âmes obéissentà des ordres venus d'en haut ; elles le déclarent elles-mêmes. Leur action est réglée d'après un plan tracé à l'avance et qui se déroule avec une majestueuse ampleur. Un conseil invisible préside à son exécution, du sein des espaces. Il est composé de grands Esprits de toutes les races, de toutes les religions, des âmes d'élite qui ont vécu en ce monde suivant la loi d'amour et de sacrifice. Ces puissances bienfaisantes planent entre le ciel et la terre, les unissant d'un trait de lumière, par lequel montent sans cesse les prières et descendent les inspirations.

En ce qui touche la concordance des enseignements spirites, il est pourtant un fait, une exception qui a frappé certains observateurs, et dont on s'est servi comme d'un argument capital contre le spiritisme. Pourquoi, nous objecte-t-on, les Esprits qui, dans l'ensemble des pays latins, affirment la loi des vies successives et les réincarnations de l'âme sur la terre, la nient-ils, ou la passent-ils sous silence dans les pays anglo-saxons ? Comment expliquer une contradiction aussi flagrante ? N'y a-t-il pas là de quoi détruire l'unité de doctrine qui caractérise la révélation nouvelle ?

Remarquons qu'il n'y a pas là de contradiction, mais simplement une gradation nécessitée par des préjugés de caste,de race et de religion, invétérés en certains pays. L'enseignement des Esprits, plus complet, plus étendu dès le principe dans les milieux latins, a été restreint à l'origine et gradué en d'autres régions pour des raisons d'opportunité. On peut constaterque le nombre s'accroît tous les jours, en Angleterre et en Amérique, des communications spirites affirmant le principe des réincarnations successives. Plusieurs d'entre elles fournissent même des arguments précieux dans la discussion ouverte entre spiritualistes de différentes écoles. L'idée réincarnationiste a gagné assez de terrain au-delà de l'Atlantique pour qu'un des principaux organes spiritualistes américains lui ait été entièrement acquis. LeLight, de Londres, après avoir longtemps écarté cette question, la discute aujourd'hui avec impartialité.

Il semble donc que, s'il y a eu des ombres et des contradictions au début, elles n'étaient qu'apparentes et ne résistent guère à un examen sérieux.

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Comme toutes les nouvelles doctrines, larévélation spirite a soulevé bien des objections et des critiques. Relevons-en quelques-unes. Tout d'abord, on nous accuse de nous être trop pressés de philosopher ; on nous blâme d'avoir édifié, sur la base des phénomènes, un système hâtif, une doctrine prématurée, et d'avoir compromis ainsi le caractère positif du spiritualisme moderne.

Un écrivain de valeur, se faisant l'interprète d'un certain nombre de psychistes, résumait leurs critiques en ces termes : «Une objection sérieuse contre l'hypothèse spirite est celle qui se réfère à la philosophie dont certains hommes trop pressés ont doté le spiritisme. Le spiritisme, qui ne devrait être encore qu'une science à peine débutante, est déjà une philosophie immense, pour laquelle l'univers n'a pas de secrets.»

Nous pourrions rappeler à cet auteur que les hommes dont il parle n'ont joué en tout ceci que le rôle d'intermédiaires, se bornant à coordonner et à publier les enseignements qui leur parvenaient par voie médianimique.

D'autre part, remarquons-le, il yaura toujours des indifférents, des sceptiques, des attardés pour trouver que nous nous sommes trop pressés. Aucun progrès ne serait possible s'il fallait attendre les retardataires. Il est vraiment plaisant de voir des gens qui s'intéressent d'hier à cesquestions, régenter des hommes comme Allan Kardec, par exemple. Celui-ci ne s'est hasardé à publier ses travaux qu'après des années de laborieuses recherches et de mûres réflexions, obéissant en cela à des ordres formels et puisant à des sources d'information dont nos excellents critiques ne semblent même pas avoir une idée.

Tous ceux qui suivent avec attention le développement des études psychiques, peuvent constater que les résultats acquis sont venus confirmer sur tous ses points et fortifier de plus en plus l'oeuvre de Kardec.

Frédéric Myers, l'éminent professeur de Cambridge, qui fut pendant vingt ans, dit Ch. Richet, l'âme de laSociety for psychical Research, de Londres, et que le Congrèsofficielinternational de psychologie de Paris éleva, en 1900, à la dignité de président d'honneur, Myers le déclare dans les dernières pages de son oeuvre magistrale :la Personnalité humaine, sa Survivance, dont la publication a produit dans le monde savant unesensation profonde :«Pour tout chercheur éclairé et consciencieux, ces recherches aboutissent logiquement et nécessairement à une vaste synthèse philosophique et religieuse.»Partant de ces données, il consacre son dixième chapitre à une «généralisation ou conclusion qui établit un rapport plus clair entre les nouvelles découvertes et les schémas déjà existants de la pensée et des croyances des hommes civilisés[20].»

Il termine ainsi l'exposé de son travail :

«... Bacon avait prévu la victoire progressive de l'observation et de l'expérience dans tous les domaines des études humaines ; dans tous, sauf un : le domaine des "choses divines". Je tiens à montrer que cette grande exception n'est pas justifiée.Je prétends qu'il existeune méthode d'arriver à la connaissance de ces choses divines avec la même certitude, la même assurance auxquelles nous devons les progrès dans la connaissance des choses terrestres. L'autorité desEglises sera ainsi remplacée par celle de l'observation etde l'expérience. Les impulsions de la foi se transformeront en convictions raisonnées et résolues qui feront naître un idéal supérieur à tous ceux que l'humanité avait connus jusqu'ici.»

Ainsi, ce que certains critiques à courtes vues considèrent comme une tentative prématurée, apparaît à F. Myers comme «une évolution nécessaire et inévitable». La synthèse philosophique qui couronne son oeuvre a reçu les plus hautes approbations. Pour sir Oliver Lodge, l'académicien anglais, «elle constitue vraiment un des schémas de l'existence les plus vastes, les plus compréhensibles et les mieux fondés qu'on ait jamais vus[21].»

Le professeur Flournoy, de Genève, en fait le plus grand éloge dans sesArchives de psychologie de la Suisse romande(juin 1903).

En France, d'autres hommes de science, sans être spirites, aboutissent à des conclusions identiques.

M. Maxwell, docteur en médecine, procureur général près la Cour d'appel de Bordeaux, s'exprimait ainsi[22] :

«Le spiritisme vient à son heure et répond à un besoin général... L'extension que prend cette doctrine est un des plus curieux phénomènes de l'époque actuelle. Nous assistons à ce qui me paraît être la naissance d'une véritable religion, sans cérémonial rituel et sans clergé, mais ayant des assemblées et des pratiques. Je trouve pour ma part un intérêt extrême à ces réunions et j'ai l'impression d'assister à la naissance d'un mouvement religieux appelé à de grandes destinées.»

En face de ces témoignages, les récriminations de nos contradicteurs tombent d'elles-mêmes. A quoi devons-nous attribuer leur aversion pour la doctrine des Esprits ? Serait-ce à ce fait, que l'enseignement spirite, avec sa loi des responsabilités, l'enchaînement des causes et des effets qu'il nous montre dans le domaine moral, et les exemples de sanction qu'il nous apporte, devient un terrible gêneur pour quantité de personnes peu soucieuses de philosophie ?

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Parlant des faits psychiques, F. Myers dit[23] : «Ces observations, expériences et inductions ouvrent la porte à une révélation.» Il est évident que le jour où des relations ont été établies avec le monde des Esprits, par la force même des choses, le problème de l'être et de la destinée s'est poséaussitôt avec toutes ses conséquences, et sous des aspects nouveaux.

Quoi qu'on puisse dire, il n'était pas possible de communiquer avec nos parents et amis défunts en faisant abstraction de tout ce qui se rattache à leur mode d'existence ; en se désintéressant de leurs vues, forcément élargies et différentes de ce qu'elles étaient sur la terre, au moins pour les âmes déjà évoluées.

A aucune époque de l'Histoire, l'homme n'a pu se soustraire à ces grands problèmes de l'être, de la vie, de la mort, de ladouleur. Malgré son impuissance à les résoudre, ils l'ont sans cesse hanté, revenant toujours avec plus de force, chaque fois qu'il tentait de les écarter, se glissant dans tous les événements de sa vie, dans tous les replis de son entendement, frappant pour ainsi dire, aux portes de sa conscience. Et lorsqu'une source nouvelle d'enseignements, de consolations, de forces morales, lorsque de vastes horizons s'ouvrent à la pensée, comment celle-ci pourrait-elle rester indifférente ? Ne s'agit-il pas de nous,en même temps que de nos proches ? N'est-ce pas notre sort futur, notre sort de demain qui est en question ?

Eh quoi ! ce tourment, cette angoisse de l'inconnu qui assiège l'âme à travers les temps ; cette intuition confuse d'un monde meilleur, pressenti,désiré ; ce souci de Dieu et de sa justice peuvent être, dans une nouvelle et plus large mesure, apaisés, éclairés, satisfaits, et nous en dédaignerions les moyens ? N'y a-t-il pas, dans ce désir, dans ce besoin de la pensée de sonder le grand mystère, undes plus beaux privilèges de l'être humain ; n'est-ce pas là ce qui fait la dignité, la beauté, la raison d'être de sa vie ?

Et chaque fois que nous avons méconnu ce droit, ce privilège ; chaque fois que, renonçant pour un temps à tourner ses regards vers l'Au-delà, à diriger ses pensées vers une vie plus haute, l'homme a voulu restreindre son horizon à la vie présente, n'a-t-on pas vu, dans ce même temps,les misères morales s'aggraver, le fardeau de l'existence s'appesantir plus lourdement sur les épaules des malheureux, le désespoir et le suicide multiplier leurs ravages, et les sociétés s'acheminer vers la décadence et l'anarchie ?

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* *

Un autre genre d'objection est celui-ci : La philosophie spirite, nous dit-on, n'a pas de consistance. Les communications sur lesquelles elle repose proviennent, le plus souvent, du médium lui-même, de son propre inconscient, ou bien des assistants. Le médium en transe «lit dans l'esprit des consultants les doctrines qui y sont entassées, doctrines éclectiques, empruntées à toutes les philosophies du monde et surtout à l'hindouisme».

L'auteur de ces lignes a-t-il bien réfléchi aux difficultés que doit présenter un tel exercice ? Serait-il capable de nous expliquer les procédés à l'aide desquels on peut lire, à première vue, dans le cerveau d'autrui, les doctrines qui y sont «entassées» ? S'il le peut, qu'il le fasse, sinon nous serons fondés à voir dans ses allégations des mots, rien que des mots, employés à la légère et pour les besoins d'une critique de parti pris.Tel qui ne veut pas paraître dupe des sentiments est souvent dupé par les mots. L'incrédulité systématique sur un point devient de la crédulité naïve sur un autre[24].

Rappelons d'abord que les opinions de la plupart des médiums, au début des manifestations, étaient entièrement opposées à celles exprimées par les messages. Presque tous avaient reçu une éducation religieuse et étaient imbus des idées de paradis et d'enfer. Leurs vues sur la vie future, quand ils en avaient, différaient sensiblement de celles exposées par les Esprits. C'est encore fréquemment le cas aujourd'hui ; c'était celui de trois médiums de notre groupe, dames catholiques et pratiquantes qui, malgré les enseignements philosophiques qu'elles recevaient et transmettaient, ne renoncèrent jamais complètement à leurs habitudes cultuelles.

Quant aux assistants, aux auditeurs, aux personnes désignées sous le nom de «consultants», n'oublions pas non plus qu'à l'aube du spiritisme, en France, c'est-à-dire versl'époque d'Allan Kardec, les hommes possédant des notions de philosophie, soit orientale, soit druidique, comportant la théorie des transmigrations ou vies successives de l'âme, ces hommes étaient bien peu nombreux, et il fallait les chercher au sein des académies ou dans quelques milieux scientifiques très fermés.

Nous demanderons à nos contradicteurs comment des médiums innombrables, dispersés sur tous les points de la terre, inconnus les uns des autres, auraient pu arriver à constituer d'eux-mêmes les bases d'une doctrine assez solide pour résister à toutes les attaques, à tous les assauts, assez exacte pour que ses principes aient pu être confirmés et se confirment chaque jour par l'expérience, comme nous l'avons établi au début de ce chapitre.

Au sujet de la sincérité des communications médianimiques et de leur portée philosophique, rappelons les paroles d'un orateur, dont les opinions ne paraîtront pas suspectes aux yeux de tous ceux qui connaissent l'aversion de la plupart des hommes d'église pour lespiritisme.

Dans un sermon, prononcé le 7 avril 1899, à New York, le révérend J. Savage, prédicateur de renom, disait :

«Les balivernes qui, soi-disant, viennent de l'Au-delà, sont légion. Et, en même temps, il existe toute une littérature de morale desplus pures et d'enseignements spiritualistes incomparables. Je sais un livre, par exemple, dont l'auteur était un gradué d'Oxford, pasteur de l'Église anglaise, et qui est devenu spirite et médium[25]. Son livre a été écritautomatiquement. Parfois, pour détourner sa pensée du travail qu'accomplissait sa main, il lisait Platon en grec. Et son livre, contrairement à ce que l'on admet en général pour des oeuvres de ce genre, se trouvait en opposition absolue avec ses propres croyances religieuses, si bien qu'il se convertit avant qu'il l'eût terminé. Cet ouvrage renferme des enseignements moraux et spirituels dignes de n'importe quelle Bible du monde.

Les premiers âges du christianisme, vous vous en souviendrez si vous lisez saint Paul, étaient composés de gens avec lesquels les personnes considérées ne voulaient avoir rien de commun. Le spiritualisme a débuté jusqu'aux temps actuels par un groupement du même genre. Mais, de nos jours, beaucoup de noms fameux se rangent sous cette bannière, et l'on y trouve les hommes les meilleurs et les plus intelligents. Rappelez-vous donc que c'est un grand mouvement très sincère en général[26].»

Dans son discours, le révérend Savage a su faire la part des choses. Ilest certain que les communications médianimiques n'offrent pas toutes un égal intérêt. Beaucoup se composent debanalités, de redites, de lieux communs. Tous les Esprits ne sont pas aptes à nous donner d'utiles et profonds enseignements. Comme sur la terre et plus encore, l'échelle des êtres, dans l'espace, comporte des degrés infinis. On y rencontre les plus nobles intelligences comme les âmes les plus vulgaires. Mais, parfois, les esprits inférieurs, eux-mêmes, en nous décrivant leur situation morale, leurs impressions à la mort et dans l'Au-delà, en nous initiant aux détails de leur nouvelle existence, nous fournissent des matériaux précieux pour déterminer les conditions de la survivance selon les diverses catégories d'esprits. Il y a donc des élémentsd'instruction à puiser un peu partout dans nos rapports avec les Invisibles. Cependant, tout n'est pas à retenir. C'est à l'expérimentateur prudent et avisé à savoir séparer l'or de sa gangue. La vérité ne nous arrive pas toujours nue, et l'action d'en haut laisse aux facultés et à la raison de l'homme le champ nécessaire pour s'exercer et se développer.

En tout ceci, de sérieuses précautions doivent être prises, un continuel et vigilant contrôle doit être exercé. Il faut se mettre en garde contre les fraudes, conscientes ou inconscientes, et voir s'il n'y a pas, dans les messages écrits, un simple cas d'automatisme. Dans ce but, il convient de s'assurer que les communications, par la forme et par le fond, sont au-dessus des capacités du médium. Il faut exiger des preuves d'identité de la part des manifestants et ne se départir de toute rigueur que dans les cas où les enseignements, par leur supériorité et leur majestueuse ampleur, s'imposent d'eux-mêmes et surpassent de bien haut les possibilités du transmetteur.

Quand l'authenticité des communications est assurée, il faut encore comparer entre eux, et passer au crible d'un jugement sévère, les principes scientifiques et philosophiques qu'elles exposent, et accepter seulement les points sur lesquels la presque unanimité des vues est établie.

En dehors des fraudes d'origine humaine, il y a aussi les mystifications de source occulte. Tous les expérimentateurs sérieux savent qu'il existe deux spiritismes. L'un pratiqué à tort et à travers, sans méthode, sans élévation de pensée, attire à nous les badauds de l'espace, les Esprits légers et moqueurs, qui sont nombreux dans l'atmosphère terrestre. L'autre, plus grave, pratiqué avec mesure, avec un sentiment respectueux, nous met en rapport avec les Esprits avancés, désireux de secourir et d'éclairer ceux qui les appellent d'un coeur fervent. C'est là ce que les religions ont connu et désigné sous le nom de «communion des saints».

On demande encore : Comment, dans ce vaste ensemble de communications dont les auteurs sont invisibles, peut-on distinguer ce qui provient des entités supérieures et doit être conservé ?A cette question, il n'est qu'une réponse : Comment distinguons-nous les bons et les mauvais livres des auteurs depuis longtemps décédés ? Comment distinguer un langage noble et élevé d'un langage banal et vulgaire ? N'avons-nous pas un jugement, une règle pour mesurer la qualité des pensées, qu'elles proviennent de notre monde ou de l'autre ? Nous pouvons juger les messages médianimiques surtout par leurseffets moralisateurs ; ils sont grands parfois et ont amélioré bien des caractères, purifié bien des consciences. C'est là le plus sûr critérium de tout enseignement philosophique.

Dans nos rapports avec les Invisibles, il existe aussi des signes de reconnaissance pour distinguer les bons Esprits des âmes arriérées. Les sensitifs reconnaissent facilement la nature des fluides : doux, agréables chez les bons ; violents, glacials, pénibles à supporter chez les esprits mauvais. Un de nos médiums annonçait toujours à l'avance l'arrivée de «l'Esprit bleu», qui se révélait par des vibrations harmonieuses et des radiations brillantes. Il en est qui se distinguent à l'odeur, perceptible pour certains médiums. Délicates, suaves chez les uns[27], ces odeurs sont répugnantes chez d'autres. L'élévation d'un Esprit se mesure à la pureté de ses fluides, à la beauté de sa forme et de son langage.

Dans cet ordre de recherches, ce qui frappe, persuade et convainc le plus, ce sont les entretiens établis avec ceux de nos parents et amis qui nous ont précédés dans la vie de l'espace. Quand des preuves incontestables d'identité nous ont assurés de leur présence, que l'intimité d'autrefois, la confiance et l'abandon règnent de nouveau entre eux et nous,les révélations obtenues dans ces conditions prennent un caractère des plus suggestifs. Devant elles, les dernières hésitations du scepticisme s'évanouissent forcément pour faire place aux élans du coeur.

Peut-on résister en effet aux accents, aux appelsde ceux qui ont partagé notre vie, entouré nos premiers pas de leur tendre sollicitude, de ces compagnons de notre enfance, de notre jeunesse, de notre virilité, qui, un à un, se sont évanouis dans la mort, laissant, à chaque départ, notre route plus solitaire, plus désolée ? Ils reviennent dans la transe, avec des attitudes, des inflexions de voix, des rappels de souvenirs, avec mille et mille preuves d'identité, banales dans leurs détails pour des étrangers, mais si émouvantes pour les intéressés ! Ils nous instruisent des problèmes de l'Au-delà, nous exhortent et nous consolent. Les hommes les plus froids, les plus doctes expérimentateurs, comme le professeur Hyslop, n'ont pu résister à ces influences d'outre-tombe[28].Ceci ledémontre : il n'y a pas seulement, dans le spiritisme, comme certains le prétendent, des pratiques frivoles et abusives, mais plutôt un mobile noble et généreux, c'est-à-dire l'attachement à nos morts, l'intérêt que nous portons à leur souvenir. N'est-cepas là un des côtés les plus respectables de la nature humaine, un des sentiments, une des forces qui élèvent l'homme au-dessus de la matière et le différencient de la brute ?