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"Six personnages en quête d'auteur" est une pièce publiée en 1921 et considérée comme le chef-d'œuvre de Luigi Pirandello.
L'auteur invite le spectateur à assister à ce qui lui est généralement caché: ce qui se passe sur une scène lorsque la salle est vide; ce qui se passe dans l'esprit du metteur en scène aux prises avec des personnages qui lui sont confiés; et plus encore, tout ce qui se passe dans le coeur d'un auteur lorsque s'imposent à lui des personnages, et qu'ils les sent plus forts qu'il n'est.
"Six personnages en quête d'auteur" s'ouvre sur les répétitions d'un spectacle bientôt interrompues par l'apparition de six personnages venant faire état au metteur en scène de leur recherche d'un auteur. La scène devient un espace où ils veulent pouvoir revivre leurs drames intérieurs, sous les yeux d'un directeur de théâtre partagé entre le désir de suivre ces personnages insolites jusqu'au bout de leur douloureuse folie et la volonté de marquer le pouvoir et de dicter les règles. Ils inciteront ce directeur à leur laisser jouer cette histoire, insatisfaits d'être imités par d'autres. Le directeur devient le personnage-clef qui mène le ballet entre illusion et réalité, comédiens et usurpateurs, celui qui échafaude et défait des équilibres fragiles et complexes.
Cette « pièce à faire », que réclament les personnages, a tout du mélodrame familial.
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Veröffentlichungsjahr: 2025
SIX PERSONNAGES EN QUÊTE D'AUTEUR
Les personnages et les comédiens
Six personnages en quête d'auteur
LES PERSONNAGES DE LA PIÈCE À FAIRE
LE PÈRE.
LA MÈRE.
LA BELLE-FILLE.
LE FILS.
L’ADOLESCENT, LA FILLETTE. Ces deux derniers, rôles muets.
(Puis, évoquée :) MME PACE.
LES COMÉDIENS DE LA TROUPE
LE DIRECTEUR-CHEF DE TROUPE.
LE GRAND PREMIER RÔLE FÉMININ.
LE GRAND PREMIER RÔLE MASCULIN.
LE GRAND SECOND RÔLE FÉMININ.
L’INGÉNUE.
LE JEUNE PREMIER.
AUTRES COMÉDIENS ET COMÉDIENNES.
LE RÉGISSEUR.
LE SOUFFLEUR.
L’ACCESSOIRISTE.
LA CHEF MACHINISTE.
LE SECRÉTAIRE DU DIRECTEUR.
LE CONCIERGE DU THÉÂTRE.
PERSONNEL DE PLATEAU.
Un jour, sur la scène d’un théâtre.
N. B. – Cette pièce ne comporte ni actes ni scènes. La représentation sera interrompue une première fois sans que le rideau se baisse, quand le Directeur-chef de troupe et le chef des personnages se retireront pour établir le scénario et que les Acteurs évacueront le plateau ; et elle s’interrompra une seconde fois lorsque, par erreur, le Machiniste baissera le rideau.
En entrant dans la salle, les spectateurs trouveront le rideau levé et le plateau tel qu’il est de jour, sans portants ni décor, vide et dans une quasi-obscurité : cela pour qu’ils aient, dès le début, l’impression d’un spectacle non préparé.
Deux petits escaliers, l’un à droite et l’autre à gauche, font communiquer le plateau avec la salle.
D’un côté, sur le plateau, le couvercle du trou du souffleur est rangé à proximité dudit trou.
De l’autre côté, au premier plan, une table et un fauteuil dont le dossier est tourné vers le public, pour le Directeur-chef de troupe.
Deux autres tables, l’une plus grande et l’autre plus petite, avec plusieurs chaises autour d’elles, ont été placées là, également au premier plan, afin d’être disponibles, si besoin est, pour la répétition. D’autres chaises, çà et là, à droite et à gauche, pour les Acteurs, et au fond, d’un côté, un piano qui est presque caché.
Une fois éteintes les lumières de la salle, on verra entrer par la porte du plateau le Chef machiniste en salopette bleue et une sacoche suspendue à la ceinture : prenant dans un coin, à l’arrière-plan, quelques planches, il les dispose sur le devant de la scène et semet à genoux pour les clouer. Au bruit des coups de marteau, le Régisseur, entrant par la porte des loges, accourt.
LE RÉGISSEUR. – Eh là ! Qu’est-ce que tu fabriques ?
LE CHEF MACHINISTE. – Ce que je fabrique ? Je cloue.
LE RÉGISSEUR. – À cette heure-ci ? (Consultant sa montre :) Il est déjà dix heures et demie. Le Patron va être là d’un instant à l’autre pour la répétition.
LE CHEF MACHINISTE. – Dites donc, moi aussi, il faudrait tout de même qu’on me laisse le temps de travailler !
LE RÉGISSEUR. – Tu l’auras, mais pas maintenant.
LE CHEF MACHINISTE. – Quand ça ?
LE RÉGISSEUR. – Quand ça ne sera plus l’heure de la répétition. Allons, allons emporte-moi tout ça, que je puisse planter le décor du deuxième acte du Jeu des rôles.
Le Chef machiniste, soupirant et grommelant, ramasse les planches et s’en va. Cependant, par la porte du plateau commencent à arriver les Acteurs, hommes et femmes, de la Troupe, d’abord un seul, puis un autre, puis deux à la fois, ad libitum : ils doivent être neuf ou dix, le nombre d’acteurs censés participer aux répétitions du Jeu des rôles, la pièce de Pirandello inscrite au tableau de service. En entrant, ils saluent le Régisseur et se saluent mutuellement, se souhaitant le bonjour. Certains d’entre eux se dirigent vers les loges ; d’autres, parmi lesquels le Souffleur qui aura le manuscrit roulé sous le bras, restent sur le plateau, attendant le Directeur pour commencer à répéter, et, pour meubler cette attente, assis en cercle ou debout, ils échangent quelques mots ; l’un allume une cigarette, un autre se plaint du rôle qui lui a été distribué, et un troisième lit à haute voix pour ses camarades des nouvelles contenues dans un petit journal de théâtre. Il sera bon qu’aussi bien les Actrices que les Acteurs portent des vêtements plutôt clairs et gais. À un certain moment, l’un des comédiens pourra se mettre au piano et attaquer un air de danse, et les plus jeunes Acteurs et Actrices se mettront à danser.
LE RÉGISSEUR , frappant dans ses mains pour les rappeler à l’ordre. – Allons, allons, finissez ! Voici le Patron !
Les conversations et la danse s’interrompent sur-le-champ. Les Acteurs se tournent pour regarder dans la salle, par la porte de laquelle on verra entrer le Directeur-chef de troupe, qui, coiffé d’un chapeau melon, sa canne sous le bras et un gros cigare aux lèvres, parcourt l’allée entre les fauteuils et, salué par les comédiens, monte sur le plateau par l’un des petits escaliers. Le Secrétaire lui tend le courrier : quelques journaux et un manuscrit arrivé par la poste.
LE DIRECTEUR. – Pas de lettres ?
LE SECRÉTAIRE. – Non. Tout le courrier est là.
LE DIRECTEUR, lui tendant le manuscrit. – Portez ça dans ma loge. (Puis, regardant autour de lui et s’adressant au Régisseur :) Dites donc, on n’y voit rien ici. Je vous en prie, faites donner un peu de lumière.
LE RÉGISSEUR – Tout de suite.
Il va donner des ordres en conséquence. Et, peu après, une vive lumière blanche illumine toute la partie droite du plateau, là où sont les Acteurs. Pendant ce temps, le Souffleur aura pris place dans son trou, allumé sa petite lampe et disposé le manuscrit devant lui.
LE DIRECTEUR, frappant dans ses mains. – Allons, allons, au travail ! (Au Régisseur :) Tout le monde est là ?
LE RÉGISSEUR. – Sauf M lle…
Il nomme le Grand Premier Rôle féminin.
LE DIRECTEUR. – Comme d’habitude ! (Consultant sa montre :) Nous avons déjà dix minutes de retard. Faites-moi le plaisir de l’inscrire au tableau de service. Ça lui apprendra à arriver à l’heure aux répétitions.
Il n’a pas terminé son admonestation que l’on entend, venue du fond de la salle, la voix du Grand Premier Rôle féminin.
LE GRAND PREMIER RÔLE FÉMININ. – Non, non, je vous en prie ! Me voici ! Me voici !
Elle est tout entière vêtue de blanc, un époustouflant grand chapeau sur la tête et un joli petit chien dans les bras ; elle parcourt rapidement l’allée entre les fauteuils et gravit en grande hâte l’un des petits escaliers.
LE DIRECTEUR. – Vous avez juré de vous faire toujours attendre.
LE GRAND PREMIER RÔLE FÉMININ. – Excusez-moi. J’ai cherché de tous les côtés un taxi pour être là à l’heure ! Mais je vois que vous n’avez pas encore commencé. Et moi, je ne suis pas du début. (Puis appelant le Régisseur par son prénom et lui confiant le petit chien :) Soyez gentil, enfermez-le dans ma loge.
LE DIRECTEUR, bougonnant. – Et son petit chien par-dessus le marché ! Comme s’il n’y avait pas déjà assez de cabots ici. (Frappant de nouveau dans ses mains et s’adressant au Souffleur :) Allons, allons, le deuxième acte du Jeu des rôles. (S’asseyant dans son fauteuil :) Attention, mesdames et messieurs. Qui est du début de l’acte ?
Tous les Acteurs et Actrices évacuent le devant du plateau et vont s’asseoir d’un côté de celui-ci, tous à l’exception des trois comédiens qui sont du début et du Grand Premier Rôle féminin qui, ne prêtant pas attention à la question du Directeur, s’est assise devant l’une des deux tables.
LE DIRECTEUR, à la Vedette féminine. – Vous êtes donc de la première scène ?
LE GRAND PREMIER RÔLE FÉMININ. – Moi ? Mais non.
LE DIRECTEUR, agacé. – Eh bien, alors, allez-vous-en de là, bon sang !
Le Grand Premier Rôle féminin se lève et va s’asseoir près des autres Acteurs qui sont déjà installés à l’écart.
LE DIRECTEUR, au Souffleur. – Allez-y, allez-y !