Tatianna, la chasseuse blanche - Tome 4 - Stéphane Chauvin - E-Book

Tatianna, la chasseuse blanche - Tome 4 E-Book

Stéphane Chauvin

0,0

Beschreibung

Après une série d’émotions intenses, Tatianna retourne au lycée avec ses sœurs. Cependant, leur reprise est assombrie par une attaque de Chaos qui entraîne la mort d’un de leurs camarades. De la bouche même de sa lieutenante maléfique, elle apprend que l’ultime guerre arrive. Tatianna parviendra-t-elle à unir l’humanité ? Saura-t-elle finalement défaire le mal et les enfers ? Maîtrisera-t-elle le destin et, surtout, sauvera-t-elle l’homme qu’elle aime ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Geek et otaku, Stéphane Chauvin voue une véritable fascination pour le Japon, les jeux vidéo et la culture populaire. S’inspirant de son vécu et de ses expériences, il place la magie de son héroïne dans un monde qui pourrait être le vôtre.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 542

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Stéphane Chauvin

Tatianna, la chasseuse blanche

Tome IV

Amour éternel

Roman

© Lys Bleu Éditions – Stéphane Chauvin

ISBN : 979-10-422-3094-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Sous le cerisier

« Je suis une déesse. »

L’arbre derrière nous brillait de mille feux. Son baiser était si tendre, si amoureux. Il s’écarta ensuite et me dit :

« Une déesse ?

— Oui, je vis sur Terre. Mes pouvoirs me viennent de mes parents. Je contrôle la lumière et le temps.
— C’est pour ça que tu as toujours dit que tes parents étaient loin d’ici ?
— Oui, mes vrais parents dirigent les cieux. Ils s’appellent Arcanes et Création.
— C’est… incroyable.
— Pardonne-moi si je t’ai trompé sur moi, mais…
— Non, tu ne m’as pas trompé. Un secret pareil doit être lourd à porter. Est-ce que tes sœurs le savent ?
— Elles sont aussi des déesses.
— Toutes les trois ? Enfin, quatre. J’ai remarqué ton autre amie.
— Oui, nous sommes cinq sur Terre. Elle s’appelle Hortense. »

Il se leva alors du banc un instant. Je craignais vraiment que cette révélation ne détruise la relation que j’avais avec lui, mais au moins je ne vivrais plus dans le mensonge. Il se tourna puis me sourit :

« Comment dois-je t’appeler ? Altesse ou Majesté ?

— Non, rien de tout cela. Je veux être considérée comme une humaine.
— Alors c’est que tu seras pour moi. Et…
— Oui ?
— Pas beaucoup d’humains doivent pouvoir se vanter de sortir avec une déesse ! »

Il rigola devant ma tête. Il se rassit à mes côtés et me prit la main.

« Je t’aime Tatianna. Que tu viennes des cieux ou de la planète Mars, je m’en moque.

— Mais je ne vieillirai jamais et je lutte contre le mal avec mes sœurs.
— Le mal ?
— Le dieu du mal et ses spires.
— Alors tout ça existe ?
— Oui.
— Tu dois avoir vécu des choses incroyables. Je me suis senti attiré par toi dès l’instant où je t’ai vue.
— Alors tu acceptes ce que je t’ai dit ?
— Je suis quelqu’un de rationnel, mais qui a toujours eu envie d’une autre vie que celle que mes parents m’offraient. Je ne leur en veux pas. Ce n’est pas un hasard si on s’est rencontré. Je t’aime et je t’aimerai toujours. Promets-moi juste une chose.
— Oui ?
— Ne sois pas triste le jour où je partirai. Je suis un humain donc…
— Ce jour-là, je te rejoindrai là-haut et nous pourrons vivre ensemble pour toujours. »

Il m’embrassa à nouveau.

« Tu as quel âge en réalité ?

— J’ai 250 ans.
— Tu es donc née en 1772.
— Oui, mais on ne sait pas comment on est arrivées sur Terre.
— Tu n’es pas obligée de tout me dire si tu ne veux pas.
— Si, je ne veux plus rien te cacher.
— Alors je t’écoute. »

Je lui racontai alors mon histoire. De mes premières années avec mes parents terrestres à ma fuite dans la forêt, ma première transformation, mes longues années d’errance et mon arrivée au lycée.

« C’est incroyable. Quelle force tu as ! Mais il y a une chose que je ne comprends pas, ta maladie…

— Ce n’est pas une maladie. Le dieu du mal, Chaos, nous a infligé une malédiction à toutes. Et…
— Si tu ne veux pas me le dire, ce n’est pas grave. »

Je lui pris alors la main et la posai sur mon ventre. Il me regarda.

« C’est une…

— Oui, je l’ai depuis mes seize ans. Je ne peux pas l’enlever tant qu’il existera. Et elle me fait souffrir en permanence.
— Je commence à me dire qu’il ne faudrait pas qu’il soit devant moi, ce dieu du mal. Maintenant, écoute-moi. Je t’ai dit que mon seul souhait était de t’aimer. À présent, j’en ai deux. Le deuxième, c’est que vous battiez ce dieu du mal et ce jour-là, tu seras libre. Viens dans mes bras, je t’aimerai pour l’éternité, au sens propre. »

J’éclatai alors en larmes et me réfugiai dans son étreinte. J’entendais les battements de son cœur. Il avait accepté ce que je lui avais dit. Nous restâmes là un long moment. Le sanctuaire s’était vidé. Puis il proposa de me raccompagner jusqu’au manoir avec mes sœurs. Elles nous attendaient devant l’entrée du sanctuaire. Océane remarqua que j’avais pleuré.

« Tout va bien, Tatianna ?

— Anthony sait tout maintenant.
— Et j’aimerai Tatianna pour toujours, quoi qu’il arrive.
— Eh bien, bienvenue chez les illuminés, Anthony.
— Cela explique le nom de votre club. »

Il se mit à marcher avec nous. Sur le chemin du retour, Hortense se présenta puis nous lui expliquâmes nos autres malédictions et nos pouvoirs.

« C’est fou. Vous contrôlez chacune un élément et le pouvoir de votre père ?

— Oui.
— Eh bien, je peine encore à réaliser. Mais soyez sûres d’une chose, je garderai ce secret pour toujours.
— Merci Anthony. Tu veux venir avec nous au manoir ?
— Je dois rentrer pour être en forme demain pour les cours, mais ce sera avec plaisir la prochaine fois.
— D’accord. »

Nous arrivâmes devant le manoir. Océane composa le code. Elles rentrèrent, me laissant dire bonsoir à Anthony. Je l’embrassai puis il me dit :

« Si tu veux quoi que ce soit, tu peux me le dire. Je serai là pour toi, toujours.

— Merci, merci d’avoir accepté ce que je suis. Je te protégerai à jamais.
— N’inverse pas les rôles, me dit-il en rigolant. »

J’eus du mal à lui lâcher la main, mais je devais aussi rentrer pour la reprise du lycée. Il me salua puis partit. Quand il eut tourné le coin de la rue, mon cœur se calma un peu. Je rentrai alors. Évidemment, Eliane plaisanta en me voyant rentrer.

« C’est pour quand le mariage ? »

Je ressemblai encore une fois aux tomates d’Hortense. Sélène vint me prendre dans ses bras.

« Tu n’as pas touché à son esprit ? »

Elle me fit non de la tête puis elle leva la main comme pour me promettre de ne jamais le faire.

« Merci, j’ai confiance en lui. Il ne me trahira jamais. »

Sur cette pensée, je montai dans ma chambre. Je mis en route mon réveil et je me couchai. Si ma vie se résumait à ça, je dirais que j’avais enfin trouvé le bonheur. Quatre sœurs et un ami si cher à mon cœur, c’est là tout ce dont j’avais besoin. Je m’endormis.

Chapitre 2

Nouveau camarade

Mon réveil sonna à sept heures. Ma routine reprit le dessus. Je me lavai et m’habillai. En me lavant les dents, je remarquai alors que le néon au-dessus de mon miroir baissa en intensité une seconde avant de revenir normal. Je n’y aurais même pas fait attention s’il ne s’éteignit pas complètement la seconde d’après. Je restai dans le noir quelques secondes. Je m’apprêtai à appeler Océane quand la lumière revint. Une fois prête, je descendis dans la salle à manger. Eliane et Sélène m’attendaient et je sentis une bonne odeur venir de la cuisine.

« Bonjour.

— Bonjour Tatianna. Sélène me salua de la main.
— Vous avez remarqué quelque chose avec l’éclairage ce matin ?
— Oui, le courant a sauté quelques secondes tout à l’heure. Ce n’est rien, mais Océane a voulu aller vérifier. Et puis, en cas de panne, on a un groupe électrogène pour l’alimentation du manoir.
— Bon, je m’inquiète pour rien dans ce cas. »

Hortense arriva de la cuisine les bras chargés. J’allai lui donner un coup de main.

« Merci, Tatianna, et bonjour.

— Bonjour Hortense.
— J’espère que vous avez faim. Je vous ai fait un bon petit déjeuner pour attaquer cette reprise.
— Tu n’aimerais pas venir avec nous ?
— Pas pour l’instant. Je préfère rester au manoir et m’en occuper avec mes chats. Et avec le monde qu’il y a, ce serait dangereux même avec mon collier.
— Merci en tout cas.
— Je t’en prie. »

Océane arriva au même moment.

« Bonjour, tout le monde. Désolée, mais je voulais voir ce qu’il s’est passé avec le courant.

— Et ?
— Une simple baisse de tension. Rien de grave.
— Tant mieux.
— Le réseau du quartier n’est plus tout jeune. Des travaux ne seraient pas de trop. »

Elle s’assit et nous prîmes le petit déjeuner. Après cela, je pris mes affaires et nous partîmes pour le lycée. Je me dis que si je devais avoir un semblant de vie normale, ce serait à cela que je voudrais qu’il ressemble. Océane se gara sur le parking et Sélène partit avec ses camarades. Je saluai plusieurs élèves de ma classe. Je ne fus pas surprise de ne pas croiser Anthony, car je savais qu’il venait souvent plus tôt pour étudier avant les cours. Notre professeur de japonais arriva et nous emmena à notre classe. En arrivant, je remarquai alors un jeune homme en uniforme devant la salle, mais qui n’avait pas le type asiatique. Il semblait attendre notre classe. Nous rentrâmes. Une fois installés, le professeur nous dit :

« Bienvenue à tous et bon retour de vacances. Avant de commencer, votre professeur principal m’a chargé de vous dire que votre classe a l’honneur d’accueillir un élève étranger. Il fait partie du programme d’échange interscolaire de la région. Il nous vient d’Angleterre, mais il parle déjà en partie notre langue, je compte sur vous pour le mettre à l’aise. Vous pouvez rentrer. »

Le jeune homme rentra. Nous nous levâmes comme le veut l’étiquette.

« Présentez-vous à la classe, je vous prie. »

Il s’inclina puis il dit avec un léger accent :

« Bonjour. Je m’appelle Ivan. Je suis très heureux de partager votre classe avec vous pour ce trimestre. »

Nous lui rendîmes sa révérence. Il alla ensuite s’asseoir à côté d’Océane. Je remarquai qu’elle l’avait suivi des yeux.

« Bien. Nous allons commencer. Tatianna, pouvez-vous ramasser les devoirs de vacances, je vous prie ?

— Oui, monsieur. »

Heureusement que nous avions eu un peu de temps le dernier week-end des vacances, cela nous avait permis de faire nos devoirs. Je ramassai les copies puis je les amenai au professeur.

« Je vous remercie. À présent, je vous propose une rédaction sur ce que vous avez fait pendant les vacances scolaires. Ce sera un bon moyen de les prolonger un peu et de travailler votre imagination. Bon courage. »

J’eus envie de raconter mon voyage à Paris. Je zappai la partie catacombes et cavalier de l’Apocalypse, mais j’appréciai ce travail. La cloche de la récréation sonna quand je venais de finir.

Dans la cour, Océane suivit encore des yeux Ivan. Eliane le remarqua.

« Dis donc, il te plaît le nouveau ?

— Je… Non. Je suis juste curieuse.
— À d’autres !
— Ne te fais pas des idées.
— Tatianna a bien Anthony. Tu pourrais aussi…
— Non, je… »

Ce fut la première fois que je voyais Océane perdre ses moyens comme cela. C’est vrai qu’il était séduisant avec son charme britannique. La cloche sonna et nous rentrâmes pour le cours de science.

Le reste de la journée passa. Le cours d’histoire fut consacré à la bataille de Pearl Harbor. Comme un symbole, ce fut Océane qui lut le passage dans le livre d’histoire. Le soir, je rangeai mes affaires puis je dis bonsoir à Ivan. Il me répondit avec son accent. Il voulut me serrer la main, mais au moment de le toucher, je me pris une décharge électrique. Je retirai ma main et il sembla gêné.

« Excuse-moi.

— Ce n’est rien. Cela m’arrive parfois. Je voudrais te demander. Tu es amie avec la jeune femme qui est assise à côté de moi ? J’ai remarqué qu’elle me regardait.
— Oui, je peux te présenter si tu veux. »

Océane m’avait entendue. Elle ramassa ses affaires puis sortit de la pièce un peu trop vite pour que ce soit innocent.

« Ce sera pour un autre jour. Bonne soirée.

— Toi aussi. »

Je sentais une légère envie de vengeance quand j’arrivais à la voiture, mais je me dis que si Océane ne m’avait pas « aidée », je ne serais pas avec Anthony aujourd’hui. Je ne lui dis donc rien. Elle avait déjà assez à faire avec Eliane.

En partant du parking, je remarquai qu’Ivan semblait attendre quelqu’un devant le lycée. Océane passa devant lui. Je me retournai et je vis une voiture noire s’arrêter devant lui. Il monta dedans. Notre soirée fut consacrée à nos devoirs puis Eliane s’entraîna avec moi. Elle avait fait de sacrés progrès depuis la première fois que je l’avais affrontée. Nous étions en plein débat explosif quand la lumière du QG s’éteignit d’un coup. Nos armures nous éclairèrent, mais je me demandais ce qu’il se passait.

« Ce n’est pas vrai. On ne peut même plus s’entraîner tranquille maintenant ? »

La lumière revint quelques secondes plus tard.

« Océane, c’est quoi ce cirque ?

— Encore le courant. Cette fois, c’est une panne. Le groupe électrogène marche et Sélène alimente toujours les boucliers et les défenses.
— Il faudrait vraiment qu’il se bouge à la compagnie d’électricité. Surtout avec la facture qu’on leur règle chaque mois. »

Environ une heure après le courant revint. Nous dînâmes avec Hortense qui nous demanda comment s’était passé la journée.

« Plutôt bien, dit Eliane. Et Océane a flashé sur un beau brun ténébreux qui aime le thé.

— Je n’ai pas flashé sur lui !
— Mouais.
— Crois ce que tu veux.
— Arrêtez.
— D’acc. Mais il va falloir que je me bouge, car sinon je vais finir par être la seule à ne pas me caser. »

Nous regardions les informations tout en mangeant. Les nouvelles étaient un peu mieux que la dernière fois. Les Chinois avaient accepté un sommet de la paix avec les forces de l’OTAN. Russes, Indiens, Japonais, Australiens et d’autres étaient aussi conviés.

« Tu crois que c’est notre petite fête avec les cavaliers qui a provoqué cela ?

— Oui, ils ont peut-être enfin compris que faire la guerre ne servait qu’à alimenter Chaos en énergie maléfique.
— J’espère juste que les démons ne vont pas provoquer une catastrophe pour faire capoter le sommet. »

Le sujet suivant concerna Tokyo et les pannes de courant à répétition.

« Depuis deux jours, plusieurs quartiers de la banlieue ouest et de Yokohama subissent des coupures de courant. Les responsables du réseau ont d’abord déclaré que c’étaient de simples baisses de tension dues au réseau vieillissant, mais ce soir, une panne a affecté la banlieue ouest pendant plus d’une heure. La raison de cette panne n’a pas encore été dévoilée. Cette situation relance le débat sur le mauvais entretien du réseau de distribution et sur le retard pris par certaines municipalités sur l’enfouissement des câbles. »

Eliane soupira, visiblement pas contente de savoir où passait l’argent qu’elle dépensait pour les factures. Je finis la soirée dans mon atelier. Je voulais commencer à peindre Anthony pour lui offrir un portrait. Hortense vint se joindre à moi. Elle avait les chatons avec elle. Ils avaient commencé à grandir, mais ils étaient toujours aussi joueurs. Hortense était une vraie mère pour eux. À force d’être distraite, je ne pus finir mon tableau, mais je me dis que je pourrais l’offrir à Anthony lors de la classe d’informatique. J’allai ensuite me coucher.

J’étais impatiente, car je reverrais enfin Annabelle après l’avoir tout juste saluée à Paris. Le lendemain, les informations donnèrent la raison de la panne.

« Un poste de transformation a sauté non loin de la centrale de Yokohama, m’expliqua Océane. Cela a dû provoquer des défaillances en cascade dans le réseau.

— Ça arrive souvent ?
— Non, c’est très rare. Ces postes sont comme des nœuds qui transforment l’électricité haute tension des centrales en basse tension utilisable par les gens et les commerces. Le problème c’est que la police pense que cette nuit un sabotage a eu lieu.
— Vraiment ?
— Oui.
— On devrait s’en inquiéter ?
— Ce n’est pas à nous de régler ça. Si un démon provoquait cela, mon détecteur l’aurait perçu. Or, il n’a rien détecté de suspect. On ne peut pas s’occuper de tout.
— C’est clair. »

Comme pour illustrer nos propos, l’éclairage de la salle à manger baissa légèrement puis redevint normal. Eliane grommela. Nous partîmes finalement en cours. Le premier cours fut celui de physique. Notre professeur nous fit effectuer des travaux dirigés. Nous devions créer le meilleur circuit d’alimentation pour un petit moteur électrique. Nous nous répartîmes en groupe de deux. Je me mis avec Eliane et Océane se retrouva avec Ivan. Eliane l’observait du coin de l’œil. Elle me laissa faire les manipulations de crainte de déclencher sa malédiction. À côté de nous, Océane et Ivan parlaient à voix basse.

« Excuse-moi, mais je ne suis pas très à l’aise avec l’électricité.

— Ce n’est pas grave. Je suis la meilleure dans ce domaine. Tu auras une bonne note… grâce à moi.
— Merci. Je devrais pourtant maîtriser tout cela. Mon père est ingénieur et travaille avec la compagnie d’électricité nationale pour améliorer le réseau de votre ville. Nous sommes venus exprès de l’Angleterre. Je suis content, car c’est mon premier voyage.
— Mais tu parles japonais déjà.
— Ma mère parle couramment japonais et mandarin. C’est une passionnée des langues vivantes. Elle est professeure à l’université d’Oxford. C’est elle qui a permis mon arrivée ici.
— Elle ne te manque pas ?
— Un peu, mais je ne suis là que pour un trimestre. Et mon père est avec moi. »

J’avais fini le montage du circuit avec Eliane. Le professeur vint voir notre travail. Je mis en marche le circuit et le professeur fit plusieurs mesures avec un multimètre.

« Comme d’habitude, c’est de l’excellent travail. Un réglage fin et précis sans câble en trop. Ce sera un 20/20.

— Merci, monsieur. »

Il alla ensuite vérifier le travail d’Océane et Ivan. Au moment où elle mit en marche le circuit, j’entendis un claquement sec. Un arc électrique partit du circuit et toucha Ivan à la main. Il tomba de sa chaise et se cogna contre le bureau. Océane se précipita. Le professeur coupa aussitôt le courant grâce à un interrupteur d’urgence. Ivan avait perdu conscience quelques secondes, mais il se réveilla. Il avait l’arcade ouverte.

« Je suis désolée, c’est ma faute.

— Allons, mademoiselle Océane, il n’y a pas assez de tension dans ce circuit pour faire cela. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Voulez-vous accompagner Mr Ivan à l’infirmerie ?
— Oui, évidemment.
— Je ne peux pas vous mettre de notes, car je ne vais pas vous pénaliser pour ça. Vous recommencerez ce travail plus tard.
— Merci, monsieur. »

Océane releva Ivan puis elle prit un mouchoir dans sa poche et appuya sur le saignement. Il s’appuya sur le bureau, chancelant puis Océane le prit par le bras et l’emmena à l’infirmerie. La cloche sonna.

« Le courant passe bien entre eux, dit Eliane en rigolant dans la cour.

— Il aurait pu se faire mal.
— Oui, c’est vrai. J’espère que ce n’est pas grave. »

La cloche résonna et nous allâmes nous ranger devant la classe de dessin. Je vis qu’Océane ne revenait pas de l’infirmerie. Annabelle arriva. Elle nous fit rentrer en m’adressant son clin d’œil habituel.

« Avant de commencer, je dois vous dire que votre camarade Ivan va bien. Océane a tenu à rester avec lui. Je lui ai donné ma permission. J’espère que vos vacances se sont bien passées. »

Le cours fut consacré à un début de construction de maquette. Nous devions choisir un monument célèbre de notre choix. Je pensais à la grande pyramide, mais ce serait trop simpliste. Je choisis alors la tour Eiffel à Paris. Cela n’échappa pas à Annabelle qui m’adressa un sourire quand elle comprit. La cloche de midi sonna et elle nous dit :

« Ce travail s’étendra sur le trimestre. Prenez votre temps, car je serai attentive aux détails. Bon appétit à tous. »

Océane nous rejoignit finalement à midi. Elle semblait s’en vouloir pour ce qu’il s’était passé.

« Il a été recousu, mais ça ira. Il va juste rater le reste de la journée.

— Ce n’est pas ta faute.
— Je sais, mais je me demande ce qu’il s’est passé quand même. Le prof a raison. Il n’y a pas assez de courant dans ces circuits pour provoquer une décharge pareille. »

Océane s’enfonça dans sa réflexion et ne mangea presque pas. Le cours d’anglais se passa sans incident puis ce fut notre heure de sport. Juste avant de commencer, le professeur nous annonça :

« Dans une semaine, l’établissement va organiser le cross annuel. Vous pourrez tous y participer. Le proviseur souhaite simplement qu’un ou qu’une élève de chaque classe aide à l’organisation. Je comprends que ce soit un peu dur de regarder les autres participer, mais c’est nécessaire à la bonne marche de l’événement. Pour votre classe, qui veut bien se désigner ? »

La plupart de mes camarades ne voulaient pas vraiment se désigner. J’avançais alors et tendis la main.

« Ha mademoiselle Tatianna. Vous voulez bien ? Vous êtes une des plus sportives de cette classe.

— Oui, monsieur. Je me suis fait une entorse pendant les vacances. Rien de grave, mais je préfère aider comme cela.
— C’est tout à votre honneur. Je vous inscris donc pour l’organisation. Le cross aura lieu ce dimanche après-midi. Je vous communiquerai la date de la réunion d’organisation. »

La fin des cours sonna finalement. Océane voulut aller revoir Ivan. Nous l’attendions à la voiture. Elle revint et nous dit :

« Il est déjà parti, l’infirmière m’a dit qu’une femme est venue le chercher dans l’après-midi.

— Ce n’était pas sa mère, elle est en Angleterre.
— Non, l’infirmière m’a dit qu’elle ne la connaissait pas.
— Bizarre. Bon, il est grand de toute façon. Rentrons, la journée a été longue. »

Chapitre 3

De l’orage dans l’air

Le temps était lourd en rentrant au manoir. Des nuages noirs survolaient la baie de Tokyo et cela sentait l’orage. Nous étions en train de dîner quand il éclata. Il dura une bonne demi-heure. Sélène grimaça comme à chaque fois. Le temps commençait à se calmer quand je montais dans mon atelier comme bien souvent. Je m’assis sur mon tabouret, mais je n’eus pas le temps de reprendre mon tableau que la lumière se coupa à nouveau. Notre groupe électrogène prit le relais, mais mon bracelet bipa.

« Tatianna, tu peux descendre au QG ? Il y a un problème.

— D’accord, j’arrive. »

Je descendis la rejoindre. Elle était devant ses écrans avec les autres.

« Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Par acquit de conscience, j’avais placé le réseau électrique de la ville sous surveillance et je viens de voir que l’un des postes de transformation a sauté.
— Il vient d’y avoir un bel orage. Ce n’est pas un hasard.
— Mais juste avant qu’il ne saute, mon détecteur de magie noire a capté un bref signal cette fois, trop court pour identifier précisément la source, mais cela venait bien de là.
— Un démon qui s’amuserait à faire sauter le courant ?
— Il existe bien des démons de foudre, Non ?
— Oui, mais ils n’aiment pas les installations humaines. Cela risquerait de les détruire.
— On fait quoi ?
— La panne va encore durer un moment. On devrait aller au dernier poste de transformation qui est vers chez nous, dans la zone industrielle. »

Comme pour confirmer les propos d’Océane, un nouveau bip eut lieu sur son ordinateur.

« Un signal de magie noire à proximité du poste. Cette fois, c’est sûr. Allons-y. »

La nuit était tombée. Nous prîmes la voiture d’Océane et nous roulâmes quelques minutes jusqu’à la zone industrielle où nous avions déjà démoli un démon. Le transformateur était juste à côté de la voie ferrée.

« Ce transformateur alimente toute la banlieue. S’il saute avec les deux autres en panne, c’est toute la ville qui va être plongée dans le noir. »

Nous arrivâmes devant. L’entrée était protégée par une grille et un poste de sécurité. Océane s’arrêta juste avant.

« Tu peux vérifier si le garde va bien ? »

Sélène se mit à marmonner un instant en langue céleste. Elle fit non de la tête.

« Bon sang, allons voir. »

Nous descendîmes de voiture. Par la fenêtre du poste de sécurité, je vis le garde mort. Visiblement, quelqu’un lui avait envoyé de la magie noire en pleine figure. Il n’y avait plus rien à faire.

« Je vais couper les caméras et on va se le faire. »

Elle rentra dans le bureau et coupa le système des caméras. Puis nous rentrâmes dans l’installation. Il y avait de grands blocs de transformation qui émettaient un ronronnement permanent. Au fond, de grandes lignes électriques arrivaient. Nous fouillâmes les lieux. En arrivant vers le fond, nous entendîmes des voix, une féminine et une masculine. Nous nous cachâmes, puis, brusquement, de puissants éclairs jaillirent des lignes électriques. Les blocs autour de nous se mirent à exploser les uns après les autres. Sélène nous protégea avec un bouclier. Cela faisait un bruit assourdissant. Au bout d’une minute, cela se calma, mais le poste était en ruine. Je sentis un bref instant de la magie noire devant nous. Nous nous élançâmes, mais il n’y avait plus personne, juste les lignes électriques dont les câbles avaient fondu.

« Saleté, où sont-ils passés ?

— Ils ont dû ouvrir un portail. C’est la magie qu’on a sentie.
— Courage, fuyons. Belle mentalité.
— Eliane, tu peux essayer de réparer les dégâts ?
— Oui, mais ce sont des machines très complexes. Il va me falloir un peu de temps.
— Sélène, tu peux empêcher les humains d’approcher ? »

Elle fit « oui » de la tête, mais nous fit comprendre qu’il valait mieux se dépêcher.

« Faites de votre mieux. »

Sélène s’assit en tailleur et commença à marmonner en langue céleste. Océane utilisa ses jets d’eau pour éteindre les incendies. Eliane joignit les mains et commença à réparer les machines autour de nous. Hortense l’aida avec son antigravité sur les pièces les plus lourdes. Au bout de cinq minutes, j’entendis des sirènes se diriger vers nous.

« Dépêchez-vous ! Tout un convoi de voitures de police se dirige par ici. Sélène ne pourra pas les retenir. Ce serait suspect. »

Eliane réussit à réparer les transformateurs. Ce fut plus simple de réparer les lignes électriques, car elle remplaça les câbles fondus.

« C’est bon. Ils devront juste réamorcer l’installation, mais je ne peux pas le faire d’ici.

— OK, on s’en va. »

Nous retournâmes en courant à la voiture. Océane démarra et le convoi de voitures nous croisa. Sur le chemin du retour, elle nous dit :

« Je suis prête à parier que c’est encore un coup d’un lieutenant de Chaos. Ils veulent semer le chaos en ville en coupant l’électricité.

— On a bien entendu deux voix quand on est arrivées.
— Cela devait être eux. Mais on n’a pas réussi à savoir qui c’était. »

Le temps que nous roulions, l’éclairage public se ralluma. Nous arrivâmes au manoir.

« Tout cela est bien joli, mais on n’est pas plus avancées. Ils n’ont qu’à recommencer leur coup un autre jour et ce sera la bonne.

— Je trouve que c’est bizarre quand même. Les démons n’ont pas besoin de la technologie humaine pour semer le chaos sur Terre.
— Oui, mais comme ils doivent toujours agir dans l’ombre, c’est un bon moyen de faire des dégâts.
— C’est vrai. »

Nous allâmes ensuite nous coucher. Avec toute cette agitation, je n’avais pas pu finir mon tableau d’Anthony. Je me promis de le faire avant la semaine suivante. Le lendemain matin, en arrivant au lycée, je trouvai une lettre dans mon casier, c’était lui :

« Ma chère Tatianna, je t’écris cette lettre pour te rassurer et te dire que je vais bien. Mais je vais devoir m’absenter quelques jours. Ma famille a des problèmes. Je ne souhaite pas t’en parler tout de suite. Tu as déjà bien assez à faire avec tes sœurs. J’espère que ce ne sont que des ennuis passagers, mais je me dois de les aider. Toi plus que quiconque peut me comprendre. Si tu veux m’écrire, mon adresse est la même que pendant les vacances. En attendant de te revoir, prends soin de toi. Anthony. »

Je me retins de pleurer. Anthony était parti sans même me dire au revoir. Mais il avait raison. Si sa famille avait des problèmes, il devait les aider. Je ravalai ma tristesse et lui souhaitai bonne chance en pensée.

En arrivant devant la salle de cours, je vis qu’Ivan était là. Il avait le teint terne et semblait un peu malade. Il avait la marque des points de suture sur l’arcade.

« Bonjour Ivan.

— Bonjour Tatianna.
— Ça va mieux ?
— Oui, mais j’ai mal dormi hier soir, le contrecoup sans doute.
— Tu aurais pu ne pas venir aujourd’hui.
— Ça ira, merci de t’en inquiéter. »

Les autres élèves arrivèrent. Océane alla le voir. Il lui sourit pour la rassurer. Le professeur arriva et nous fit rentrer. Nous devions avoir une interrogation importante ce matin-là. Le contrôle nous prit la matinée. Comme d’habitude, mon omniscience me garantissait une bonne note. La cloche de midi sonna. Je déjeunai avec Eliane.

« Alors comme ça, Anthony est parti sans te dire au revoir.

— Oui, il m’a écrit une lettre et c’est tout. Mais je ne lui en veux pas. Si sa famille a des ennuis…
— Espérons que tout ira bien pour lui. Tiens, regarde qui voilà. »

Océane arrivait en compagnie d’Ivan. Il semblait un peu mieux que ce matin. Ils s’assirent avec nous.

« Je me suis inscrit au cours de langue vivante de Sélène, nous dit-il. Pour renforcer mon japonais.

— Ta mère doit être fière de toi.
— Elle l’est et mon père aussi. Hélas, je ne le vois pas beaucoup en ce moment. Il planche sur les problèmes du réseau électrique et les derniers incidents n’ont pas arrangé les choses. Vous le savez peut-être, mais deux des trois transformateurs de la ville sont hors service.
— Oui, on l’a appris aux informations.
— Mon père se sent responsable et travaille d’arrache-pied pour corriger la situation.
— Ce n’est pas sa faute. »

Nous finîmes de manger puis ce fut l’heure des clubs du mercredi après-midi. Je me dirigeai avec Océane dans la salle informatique. Les deux autres filles nous attendaient. Le cours fut triste pour moi sans Anthony. Au moment d’éteindre les postes, Eliane et Sélène arrivèrent de leurs cours respectifs. Nous ressentîmes alors une aura maléfique quelque part dans le lycée.

« Vous avez senti ?

— Oui, on aurait dit que cela venait du rez-de-chaussée.
— Allons-y. »

En arrivant en bas, l’aura avait disparu, mais nous entendîmes un cri. Cela venait de la salle où Sélène avait l’habitude de faire sa classe de langue vivante. Nous rentrâmes. Il n’y avait qu’une personne. C’était Ivan. Il paraissait au plus mal, blanc comme un linge. Appuyé sur un bureau, il nous cria :

« Ne vous approchez pas de moi, vous êtes les dernières personnes à devoir venir ici.

— Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— Cette sorcière a déclenché mon pouvoir et je ne sais pas si je vais réussir à le contrôler cette fois.
— Un pouvoir ? Mais on ne sent rien.
— J’absorbe l’énergie, quelle que soit sa forme. C’est pour cela que vous ne sentez rien. Je suis désolé. J’ai compris trop tard pourquoi ils ont voulu que je vienne ici. Je n’ai jamais voulu faire de mal.
— Mais de quoi tu parles ? »

Il tomba à terre et je sentis brusquement ma magie être aspirée par lui. Océane s’approcha de lui. Elle grimaça, mais je compris qu’elle ne voulait pas le laisser comme ça.

« Je t’en prie, va-t’en. Si je perds le contrôle, je pourrais te tuer. Je pourrais toutes vous tuer.

— Essaie de te calmer. Tu peux le contrôler, j’en suis sûre.
— Non, je ne peux pas. Cela ne se calme que quand j’ai absorbé une grande quantité d’énergie. C’est moi qui ai détruit les transformateurs.
— Mais pourquoi ?
— Ce n’était que des essais. Ce soir, je devais vous tuer. Mais j’ai compris que vous êtes de bonnes personnes. J’en ai assez de faire du mal.
— Dis-nous si on peut t’aider.
— Vous ne pouvez rien faire. Je ne… »

Ma magie se fit aspirer de plus en plus vite. Les lumières autour de nous clignotèrent puis tout le lycée se retrouva sans électricité.

« Fuyez, je ne le contrôle presque plus. Non…

— Je ne te laisserai pas comme ça.
— Tu n’as pas le choix. Elle comptait là-dessus. Elle savait que vous ne voudriez pas m’abandonner.
— Mais qui ?
— Elle ne m’a jamais dit son nom. Je l’ai rencontrée en arrivant ici. Elle m’a dit qu’elle tuerait mon père si je n’utilisais pas mon pouvoir contre vous. Et si j’échoue…
— Où est ton père ?
— À la centrale de Yokohama. C’est là qu’est son bureau.
— Bon, on va t’aider. Essaie de te contrôler. Sélène, tu peux essayer d’extraire le pouvoir de son corps ? »

Elle nous fit oui de la tête.

« Vous pourriez me libérer de cette chose ?

— Oui, si tu nous aides.
— Je vais essayer. »

Sélène s’approcha de lui et grimaça aussi. Ivan essayait de ralentir son pouvoir. Je sentais ma magie s’échapper un peu moins vite.

« Tatianna, recule. C’est toi qui as le plus d’énergie. »

Je reculai alors jusqu’à la porte. Sélène mit ses mains au-dessus d’Ivan et commença une incantation en langue céleste. Océane lui prit la main. Sélène avait du mal à extraire le pouvoir. Elle semblait ne plus avoir assez de forces.

« Je t’en supplie, Sélène, courage. »

Je me décidai à agir. Je courus jusqu’à Sélène et lui transmis ma magie en lui mettant la main sur l’épaule. Une grande partie fut aspirée par Ivan, mais cela lui permit de continuer. Je me sentis défaillir, mais au même moment, Sélène tira un gros nuage noir du corps d’Ivan. Je tombai sur le côté, à bout de force. Je vis alors une grosse boule de feu passer à travers le nuage et le faire exploser. Ivan tomba inconscient, mais ma magie n’était plus aspirée. Sélène se transforma pour pouvoir parler.

« Ouf, tu as réussi ?

— Oui, mais il y a quelque chose qui cloche.
— Quoi ?
— Son esprit. Il a bien des souvenirs et des connaissances comme tout le monde, mais c’est comme s’ils n’étaient pas naturels.
— Que veux-tu dire ?
— Je n’en suis pas sûre, mais…
— Attends. Tu crois qu’on aurait fabriqué sa conscience et ses souvenirs ?
— Oui, un esprit humain normal est très complexe. La personnalité, les sentiments et les souvenirs forment un enchevêtrement de couches qui s’assemblent. Là, c’est comme si je regardais une vidéo. Cela ne fait que quelques jours que son esprit fonctionne comme les nôtres.
— Par mes parents, on l’aurait fabriqué artificiellement ?
— Je ne peux pas être catégorique, mais oui.
— Le mieux, c’est de rechercher son père. S’il est comme un humain normal… »

Eliane vint m’aider à me relever. Ivan se réveilla au même moment.

« Vous avez réussi ? Je ne sens plus rien. La douleur a disparu.

— Oui, Sélène est une spécialiste de la magie en langue céleste. Cela lui a permis d’extraire le pouvoir de ton esprit.
— Merci. Merci de tout cœur. Je vais enfin pouvoir avoir une vie normale.
— Dis-moi, tu peux nous dire si on peut joindre ton père ?
— Je crois qu’il a un numéro de téléphone, mais j’ai un peu de mal à me souvenir.
— Ce n’est pas grave, je vais chercher.
— Cette sorcière va sûrement savoir que j’ai échoué. Si elle s’en prend à lui… »

Océane prit son téléphone et Ivan lui dit son nom. Elle chercha, mais apparemment, personne ne correspondait.

« Je ne trouve pas. Il travaille bien à la centrale de Yokohama ?

— Oui, mais il se déplace beaucoup. »

Océane composa le numéro du standard de la centrale. Elle demanda à parler à l’ingénieur anglais du nom qu’Ivan lui avait donné. La standardiste lui répondit que personne portant ce nom ne travaillait à la centrale. Océane raccrocha.

« Alors, tu avais raison, Sélène.

— Quoi ?
— Cela va te faire un choc, mais je crois que tu n’as pas de parents. Je suis télépathe et tes souvenirs ne sont pas naturels.
— Pas naturels ? Mais je suis quoi alors ?
— Nous ne savons pas. »

Il semblait perdu. Il se releva avec difficulté et s’assit sur une chaise.

« Tous les soirs, cette sorcière venait me chercher. Elle voulait que je teste mes pouvoirs sur les lignes électriques. Cela la réjouissait que je détruise cela, mais ce matin, elle m’a dit que ma vraie cible, c’était vous et qu’ensuite, je pourrais retourner en Angleterre. Mais, à la fin du cours, je n’ai pas pu attaquer Sélène. Une fois seul, elle est apparue par un portail et m’a menacé. Ne voulant plus faire ce qu’elle me disait, elle a alors récité une formule qui a déclenché mon pouvoir et elle s’est enfuie.

— Ça va aller. On va te mettre en lieu sûr. Viens avec nous. »

Océane lui prit la main. Je sentais ma magie se régénérer. Il se leva et nous sortîmes du bâtiment. Dans la cour, j’entendis une voix nous interpellant vivement derrière nous.

« Alors comme ça, tu as échoué ? »

Nous nous retournâmes. C’était Kali, la lieutenante de Chaos qui nous avait « aidées » contre les cavaliers de l’Apocalypse. Elle était sur le toit du lycée.

« C’est vous qui êtes derrière tout ça ?

— Et qui veux-tu que ce soit ? Le pouvoir de la Famine nous a donné une idée et nous voulions expérimenter ce pouvoir.
— Mais que m’avez-vous fait ? lui cria Ivan.
— Tu n’es rien, rien qu’une expérience. Nous t’avons créé et créé ton esprit. Avec de la chance, nous pensions que tu arriverais à tuer les déesses ou du moins l’une d’entre elles. Peu importe, bientôt tout cela n’aura plus d’importance.
— Descendez donc si vous avez le courage de vous battre, lui lança Eliane.
— Je ne suis là que pour couvrir nos traces. Ce n’est pas moi qui vous détruirai. Mon maître en a assez de vous et de votre défiance. Il en a assez de ce monde et des humains. Tenez-vous-le pour dit. »

Elle claqua alors des doigts. Aussitôt, Ivan mit la main sur son cœur et cria de douleur. Kali invoqua un portail sur le toit et disparut dedans. Il tomba à terre.

« Vite Tatianna, essaie de le sauver. »

Je m’agenouillai et activai ma magie de guérison. Son cœur était en train de se détruire lui-même. Cela devait être un maléfice. Il regarda alors Océane et lui dit :

« Merci, grâce à toi, j’ai pu me sentir normal quelque temps.

— Non, ne t’en va pas, s’il te plaît. »

Je n’arrivais pas à le guérir. Son corps se détruisait de l’intérieur. D’un regard, je fis comprendre à Océane que je ne pouvais plus rien faire. Ivan ferma les yeux, son cœur s’arrêta puis il se décomposa doucement. Il disparut sous nos yeux. Océane ne dit rien puis, d’un coup, elle hurla de rage et s’effondra.

Chapitre 4

Sortir de l’ombre ?

Notre retour au manoir ne fut guère joyeux. Sélène avait pris le volant, je m’étais assise avec elle. Eliane soutenait Océane derrière. En rentrant, Hortense me demanda ce qu’il s’était passé. Je lui racontai tout. Océane voulut rester seule et alla dans son atelier. Nous comprîmes et la laissâmes seule. Elle ne vint pas dîner avec nous. Le soir, je continuais mon tableau d’Anthony. Tout en peignant, je réfléchissais. Et si lui aussi… Non, c’était impossible. Pas après ce que j’avais vécu avec lui. Mon bracelet bipa alors.

« Tatianna, tu peux nous rejoindre dans la bibliothèque ? me demanda Eliane. »

Je descendis au troisième et rentrai dans la bibliothèque. Je m’assis avec les autres dans mon fauteuil. Océane arriva de son atelier.

« Nous voulions simplement te dire que si cela ne va pas, nous sommes là pour toi.

— Merci. Merci à vous toutes. Mais cette fois, le meilleur remède sera de tuer celle qui a fait ça.
— Mais comment ? Elle se sauve dès qu’elle nous voit.
— J’ai le sentiment qu’on ne va pas avoir besoin de la chercher très longtemps. Tu as entendu ce qu’elle a dit ? Chaos en a assez de nous. Ils vont sûrement nous attaquer directement maintenant.
— Qu’ils viennent. Je les attends de pied ferme !
— On a un autre problème. Chaos veut sûrement aussi détruire l’humanité.
— Mais il se priverait de sa source d’énergie.
— Qui te dit qu’il n’est pas déjà assez puissant ? Les âmes en enfer lui donnent suffisamment de puissance si ça se trouve.
— De toute façon, on doit attendre qu’il bouge le premier. On n’a jamais su comment entrer dans son domaine.
— Je n’aime pas cela, mais c’est la seule solution que nous avons. Le mieux serait d’avertir les humains ou du moins leurs dirigeants.
— Tu penses au sommet de la paix ?
— Oui, il doit avoir lieu à Genève ce samedi. Je pourrais téléphoner au Premier ministre et lui demander s’il est d’accord pour qu’on intervienne.
— Ce serait sortir de l’ombre, et cette fois, pour de bon.
— Je sais, mais imagine que nous parvenions à unir l’humanité contre lui. Je me dis de plus en plus que nous ne parviendrons pas à le vaincre seules.
— Hum, du renfort ?
— Oui.
— Et si cela provoque son attaque ?
— Elle va avoir lieu. J’en suis quasiment sûre. Mais je ne veux rien faire sans votre accord. Réfléchissez à ma proposition et votons. Comme toujours. »

Je me disais qu’Océane se précipitait un peu, mais elle avait raison. Par deux fois, Kali nous avait menacées directement et Chaos savait où nous étions. Était-ce le début de la confrontation finale avec lui ? Il valait mieux que nous soyons prêtes à l’affronter et si les humains pouvaient nous aider. Ne serait-ce que contre son armée de démons.

Océane vota oui la première, Eliane la deuxième. Je réfléchis encore un peu puis je votai oui aussi. Ce fut finalement une unanimité.

« Bien, j’appellerai le Premier ministre demain matin. Nous verrons ce qu’il nous dira.

— Et pour le lycée ?
— Je pense qu’il est temps d’arrêter de se voiler la face. Nous ne pourrons plus y aller. Nous mettons en danger tous ceux qui sont là-bas.
— Bon bah, on va s’y mettre à plein temps à chasser le démon.
— Et il est temps d’assumer ce que nous sommes ! Nous sommes celles qui doivent protéger ce monde et les cieux.
— Nom d’un chien ! Elle t’a vraiment énervée ce coup-ci. »

Je vis Océane serrer le poing. C’était la première fois que je la voyais perdre son calme. Nous nous levâmes toutes et nous formâmes un cercle. Je sus à ce moment-là qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. À présent, c’était Chaos ou nous.

« Que la fête commence ! » s’exclama Eliane.

J’allai ensuite dans ma chambre pour me reposer un peu. J’avais encore envie de vivre une vie normale, mais je savais que ce serait impossible tant que le mal existerait. Cette décision était la seule à prendre finalement.

Le lendemain matin, Océane appela le Premier ministre. Apparemment, elle lui avait coupé l’herbe sous le pied. Elle nous dit qu’il avait l’intention de nous voir.

« Eh bien, les grands esprits se rencontrent. On doit y aller quand ?

— Il va venir cet après-midi. Bastien sera avec lui. Il a eu une promotion à la suite de l’incident dans le Pacifique.
— Vraiment ?
— Oui. Il est conseiller spécial du gouvernement pour la magie maintenant.
— Il le mérite.
— Dire que les humains soupçonnaient plus ou moins l’existence de la magie depuis tout ce temps !
— J’ai effectué des recherches et j’ai trouvé quelque chose. Les premiers à tenir des rapports et à s’occuper d’affaires louches aux États-Unis, devinez qui c’est.
— Ne me dis pas que c’est le major et le lieutenant qu’on a croisés à Pearl Harbor.
— Et si. J’ai aussi retrouvé la jeune Olivia qui a été l’hôte d’Eliane. Elle est devenue la première femme inspectrice de police au Royaume-Uni et elle a dirigé un parti progressiste en faveur des déshérités. Ils ont eu de belles vies.
— Je suis fière d’elle, dit Eliane.
— Bien sûr, je n’ai pas pu retrouver l’hôte d’Hortense. Vingt mille ans, c’est loin. Quant à la princesse Mérith, on a que peu de sources historiques sur elle.
— Ce n’est pas grave. Je suis sûre qu’elles ont fait de grandes choses, dit Hortense. Sélène hocha la tête pour approuver. »

Par habitude, ce matin-là, je m’étais levée à sept heures comme à l’accoutumée. J’avais même mis mon uniforme de lycéenne. Ce n’est qu’après avoir eu cette discussion matinale que je me souvins que nous avions décidé de ne plus y aller. Les cours allaient me manquer. J’avais envie d’écrire une lettre à Anthony pour lui dire que je ne viendrais plus, mais j’avais fait le choix de lui dire en personne quand je le reverrais. Océane téléphona malgré tout au lycée pour les prévenir de notre absence.

« Pour le moment, ça va passer. J’ai demandé un rendez-vous avec le proviseur pour lui expliquer.

— De toute façon, si on va au sommet de la paix, tout le monde va comprendre.
— On verra bien ce que dira le ministre. »

Je passai le reste de la matinée à lire dans la bibliothèque puis nous déjeunâmes toutes ensemble. Le Premier ministre arriva à l’heure comme à son habitude. Son chauffeur gara sa voiture devant le manoir. Il en descendit avec Bastien et la secrétaire que nous avions vue à son bureau. Il s’inclina puis nous l’invitâmes à rentrer. Océane avait préparé notre salon comme salle de réunion, la table de la bibliothèque n’étant pas pratique à plus de cinq personnes. Nous nous assîmes et Hortense nous servit du thé.

« Mesdemoiselles, je dois commencer par encore vous remercier. Votre intervention dans le Pacifique a permis d’éviter une catastrophe.

— Je vous en prie, monsieur le ministre.
— Bien, la conséquence de cet événement est que les gouvernements qui soupçonnaient l’existence de la magie en sont sûrs à présent. Évidemment, les médias n’ont rien révélé au public et nous avons fait passer cela pour un exercice conjoint avec les Chinois.
— Nous avions compris cela.
— C’est pour cela que les forces de l’OTAN ont proposé un sommet à toutes les puissances militaires de la planète. Ma tâche était de vous convaincre d’y assister et de peut-être intervenir, mais il semblerait que vous ayez déjà l’intention de venir.
— Oui, il y a eu un incident dans notre lycée et l’un de nos camarades a été tué.
— Je suis profondément désolé.
— Lors de l’attaque, nous avons reçu des menaces claires. Chaos a non seulement l’intention de nous anéantir, mais aussi d’anéantir l’humanité et toute la planète.
— Ce serait se priver de sa source d’énergie, intervint Bastien.
— Oui, mais nous pensons qu’il a accumulé assez de puissance pour nous défier et défier nos parents. Si ça se trouve, il aurait pu détruire les cavaliers sans qu’on intervienne. Kali devait sûrement nous espionner. Je pense que c’est la raison de notre présence sur Terre à cette époque. Nos parents devaient le savoir.
— Tu as sacrément cogité cette nuit.
— En effet.
— Bien, si vous êtes d’accord, je vais informer nos alliés de votre présence et vous dévoiler notre plan d’action pour le sommet.
— Allez-y.
— Nous nous doutons bien que le mal ne va pas rester les bras croisés si nous risquons d’unir la planète contre eux.
— Aussi nous avons décidé que le sommet de Genève ne soit qu’une ruse. De fausses délégations vont s’y rendre et faire semblant d’y tenir le rassemblement. Le vrai sommet aura lieu dans un endroit secret. En Islande.
— En Islande ?
— Oui, c’est le meilleur endroit. L’île est peu peuplée et isolée. Sa position permet qu’elle soit aisément défendable par nos flottes. Sous couvert d’un exercice militaire d’envergure, les Européens et les Américains ont sécurisé l’île. Le lieu du sommet est une villa isolée dans la plaine islandaise. Les délégations doivent commencer à arriver dès demain. Tous les autres participants ont approuvé ce plan. Bien sûr, ils enverront aussi des forces de sécurité.
— Eh bien, vous ne faites pas les choses à moitié.
— Je comptais sur votre participation.
— Nous irons. Nous en avons assez de voir des gens mourir sous nos yeux.
— Fort bien, il me reste à vous remettre cette clé USB, elle contient les coordonnées du sommet et les codes d’identifications pour l’approche de votre appareil. Nous avons préparé une piste d’atterrissage à proximité de la villa pour plus de commodité.
— Parfait, vous pouvez compter sur nous.
— Nous sommes probablement à un tournant de l’histoire de l’humanité. Tous les pays du monde unis contre un adversaire commun.
— Qui sait ? La paix est peut-être à portée de main.
— Si Chaos ne fait pas sauter la planète avant.
— Monsieur le ministre, j’avais pensé à une chose. Depuis des années, j’ai placé la ville de Tokyo sous surveillance d’un détecteur de magie noire. Cela nous a permis de protéger la ville pendant tout ce temps. L’ennui est que sa portée est limitée à une centaine de kilomètres.
— Que suggérez-vous ?
— Je pourrais vous remettre les plans et vous pourriez équiper vos forces et les sites sensibles de cette technologie. En reliant le tout en réseau…
— Vous pensez à un réseau de surveillance globale ?
— Oui, je me doute que cela va prendre du temps, mais nous pourrions au moins sécuriser le sommet avec ça. J’ai suffisamment d’équipement pour en construire un deuxième rapidement.
— C’est une excellente idée. Je vais demander qu’un convoi vienne chercher votre matériel et nous nous chargerons de l’expédier en Islande par avion.
— J’aurais besoin d’un dernier composant, un cristal d’énergie magique, mais heureusement…
— Ma grotte !
— Oui, Tatianna. Si tu nous le permets…
— Bien sûr.
— Dans ce cas, on va aller chercher ce qu’il nous faut avec mon appareil et nous amènerons les cristaux au sommet. Je vais vous donner les plans d’assemblage et je pense que vos ingénieurs pourront le faire.
— Très bien. Nous avons donc beaucoup à faire.
— Ça commence à me plaire cette histoire », conclut Eliane.

Le Premier ministre passa un coup de fil pour demander le convoi. Puis je le raccompagnai à sa voiture avec Bastien. Je lui demandai des nouvelles de Karina.

« Elle va bien. Elle a une nouvelle identité et elle travaille avec moi comme assistante. Elle veut vraiment se racheter. Elle voulait même rentrer en France pour se dénoncer pour les crimes qu’elle a commis là-bas, mais je l’ai convaincue que la meilleure rédemption était de nous aider à vaincre Chaos.

— Merci Bastien. »

Je vins le serrer dans mes bras. Puis ils remontèrent en voiture et partirent. Océane remonta plusieurs caisses de matériel du QG ainsi que les plans qu’elle avait copiés sur une clé USB. Le convoi militaire arriva peu après et ils chargèrent les caisses. Deux ingénieurs militaires les accompagnaient. Elle leur remit la clé et leur expliqua comment assembler le détecteur.

« Cette technologie est incroyable. Vous avez des dizaines d’années d’avance sur nos meilleurs radars.

— Merci. Il ne vous manquera que le cristal d’alimentation, mais nous l’amènerons au sommet et nous le connecterons là-bas.
— Très bien. Bonne chance. »

Les militaires nous saluèrent. Après cela, Océane me demanda :

« Cela te dérangerait d’aller une dernière fois au lycée avec Eliane ? On a rendez-vous avec le proviseur, mais je dois aller chercher les cristaux avec Hortense. Je vais avoir besoin de son antigravité.

— D’accord.
— Surtout, ne lui dis rien sur le sommet, mais je crois qu’on lui doit la vérité sur le reste.
— Je m’en occupe.
— Sélène va rester au manoir au cas où il se passe quelque chose pendant ce temps. »

Je pris ma veste, car en fin d’après-midi le temps se couvrit. Je marchais tranquillement avec Eliane. Elle était joyeuse. Visiblement, l’idée de faire la guerre à Chaos la réjouissait. Je n’avais pas le même point de vue, mais je savais qu’elle était comme ça et qu’elle ne changerait pas. Je pris quelques secondes pour admirer les cerisiers du Japon qui poussaient devant le lycée. Ils avaient pris leur couleur marron d’automne. Nous avions rendez-vous juste après la fin des cours. Nous rentrâmes et plusieurs élèves de notre classe nous saluèrent et nous demandèrent pourquoi nous n’étions pas venues aujourd’hui. Je me retins de pleurer, mais nous ne pouvions pas encore leur dire. Nous allâmes jusqu’au bâtiment administratif. Je frappai à la porte du proviseur. Il nous invita à rentrer.

« Mademoiselle Tatianna, mademoiselle Eliane. Vous allez bien ? J’ai été surpris quand on m’a dit que vous aviez des soucis et que vous ne pourriez plus venir au lycée.

— Nous allons bien merci. Nous devons vous expliquer certaines choses.
— Eh bien, asseyez-vous. Je vous écoute. »

Nous nous assîmes. D’un regard, Eliane me dit de commencer.

« Cela va sûrement vous surprendre, mais nous venions au lycée non pas pour apprendre, mais pour avoir une couverture à la vue de notre âge.

— Que voulez-vous dire ? Vous avez d’autres activités en dehors du lycée ?
— Oui, et aujourd’hui nos activités sont devenues trop dangereuses pour nos camarades de classe.
— Mais que faites-vous donc ?
— Nous ne sommes pas humaines, monsieur. Nous sommes des déesses qui vivons sur Terre et nous combattons le mal. »

Le proviseur posa son dos sur le dossier de son fauteuil. Je crus qu’il allait soit me dire d’arrêter de mentir soit me prendre pour une folle, mais…

« Des déesses ? C’est un peu dur à croire, mais j’avais remarqué des détails sur vous. Le fait qu’on ne voyait jamais aucun de vos parents, que vous viviez toutes les quatre ensemble dans un manoir. Et puis vos résultats scolaires impressionnants, Tatianna. Je me doutais que vous cachiez un secret.

— Vous comprenez donc ?
— Oui, mais j’ai des questions. Pas plus tard que ce matin, Ivan, votre camarade anglais a disparu. On a essayé de contacter sa famille, mais nous n’y sommes pas arrivés.
— Je… dois vous dire qu’il est… mort sous nos yeux, hier soir après les clubs.
— Vraiment ?
— Oui, il a été victime de ceux que nous combattons. C’est ce qui nous a décidées à quitter définitivement le lycée. Nous vous mettons tous en danger.
— Je comprends et c’est tout à votre honneur. Et quand le proviseur a disparu il y a peu ?
— Le proviseur était bel et bien un ennemi. Je l’ai détruit et mes sœurs ont détruit les surveillants qui étaient ses complices.
— Bon, je comprends votre position et je ne vous demande pas de tout me raconter. Vous auriez pu disparaître comme les autres. Je transmettrai à vos professeurs que vous ne pouvez plus venir au lycée.
— Nous continuerons de protéger le lycée, la ville et le monde.
— Merci, vous serez toujours les bienvenues ici.
— Le club des illuminées reviendra, monsieur.
— Ha, le fameux nom que personne ne comprenait. Ceci explique cela.
— Je voudrais dire au revoir à Annabelle, monsieur. Et je ne pourrai pas participer à l’organisation du cross ce dimanche.
— Vous pouvez, naturellement. Je demanderai à votre professeur de sport de vous remplacer. Merci à vous deux, quoi que vous fassiez, et bonne chance. »

Il se leva et vint nous serrer la main à nous deux. Il nous raccompagna à la porte de son bureau. Je descendis ensuite à la salle des professeurs. Je frappai et ce fut notre professeur de physique qui ouvrit la porte.

« Mesdemoiselles ? J’ai appris que vous n’aviez pas pu venir aujourd’hui.

— Monsieur le proviseur vous expliquera. Je voudrais voir ma professeure de dessin.
— Bien sûr. Je l’appelle. »

Annabelle arriva.

« Tatianna, Eliane, tout va bien ?

— Oui, mais vous allez moins nous voir à présent.
— Vous avez des ennuis ?
— Plus ou moins, oui. Nous ne pourrons plus venir au lycée pendant un moment.
— Mais que vous arrive-t-il ?
— Je ne peux pas vous le dire. Pas encore.
— Bon, je comprends. Je sais que tu es une jeune femme particulière avec tes talents. Je t’ai toujours aimée et je t’aimerai toujours. Prenez soin de vous. »

Elle me prit dans ses bras. L’espace d’une seconde, je perçus un sentiment dans son cœur. Comme une douce vague d’amour et de protection, comme si elle savait… mais je pris cela sur le coup de l’émotion. Elle enlaça aussi Eliane. Elle nous dit ensuite :

« On se reverra, ma chère Tatianna.

— Bien sûr.
— Et surtout, continue de dessiner et de peindre tant que tu le pourras.
— Je vous le promets. »

Elle nous embrassa puis je lui dis au revoir. Elle rentra dans la salle des professeurs avec son habituel clin d’œil. Je ressortis dans la cour avec Eliane. Le soir tombait et brusquement, tous mes souvenirs remontèrent. J’allai jusqu’à l’arbre où j’avais pris mon déjeuner le jour de la rentrée.

« Tu te souviens ? On s’est rencontrées ici.

— Évidemment ! J’ai cru que tu allais faire une attaque quand je me suis glissée derrière toi.
— Tu l’as fait exprès, avoue !
— Mais comme tout ce que je fais. Je savais que tu étais des nôtres. J’étais impatiente de te rencontrer et je me demandais pourquoi tu restais seule.
— Ma vie a tellement changé et c’est grâce à vous.
— Je t’en prie. C’est dur de ne pas être nostalgique quand on est immortelle, hein ?
— Oui, c’est vrai.
— J’espère juste une chose. Si on monte là-haut après tout cela, j’espère que mes parents ne m’en voudront pas d’avoir fait des bêtises.
— Je suis sûre que non.
— Promets-moi que si tu deviens la déesse suprême, tu me donneras le titre de déesse des bêtises et de l’humour. »

Je mis ma main sur mon cœur et levai l’autre en l’air.

« Je vous le promets, votre majesté Eliane. »

Nous éclatâmes de rire. Cela me fit un bien fou. Puis nous rentrâmes au manoir.