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Un soir chez Blutel est le quatrième roman d'Emmanuel Bove, après Bécon-les-Bruyères. Maxime, un jeune vétéran, décide de rendre visite à son ancien ami Blutel, qu'il n'a plus revu depuis la fin de la première guerre. Blutel a invité d'autres personnes, qui arrivent au fil de la soirée. C'est une réunion qui permet à Maxime de prendre conscience de ce qui le différencie de cette classe bourgeoise.
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CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
EMMANUEL BOVE
UN SOIR CHEZ BLUTEL
Roman, Biographie
Les Carnets littéraires, 1927
Raanan Éditeur
Livre 1235 | édition 1
raananediteur.com
Vers vingt heures, le rapide, parti de Strasbourg à midi, passa Château-Thierry où des voyageurs, sur un quai proche de la gare des marchandises, attendaient un train omnibus. Maxime Corton occupait une des huit places assises d’un compartiment de troisième classe.
Pour la première fois, une Polonaise goûtait le pain français dont elle avait entendu parler depuis mil neuf cent seize. Par l’intermédiaire d’un consul que toutes ses relations sollicitaient de domestiques, elle avait obtenu une place de bonne dans une famille. Elle demanda à Maxime où se trouvait l’avenue de La Bourdonnais. Elle dissimulait l’adresse, tâchait même de l’oublier, pour ne pas mentir s’il l’interrogeait. Comme les gens simples, elle craignait de cacher la vérité. Il lui semblait que, si elle venait à être découverte, ses parents, ses maîtres ne lui témoigneraient plus jamais la moindre confiance. Comme ces employés modèles qui s’appliquent à ne jamais voler, ne serait-ce qu’une fois, parce que, si justement ils étaient pris, tous leurs efforts, toutes les années de dévouement et de fidélité seraient perdus, elle se surveillait continuellement. Elle avait peur d’être surprise en flagrant délit de mensonge. Quand elle voulait dissimuler quelque chose, elle jouait la candeur. Aussi ses camarades, mieux placées que quiconque pour la connaître parce qu’elles lui ressemblaient, la tenaient-elles pour une hypocrite. En apprenant que l’avenue de La Bourdonnais se trouvait près de la tour Eiffel, elle pensa qu’elle allait habiter le centre de Paris, à proximité de la station de métro la plus importante, que les autobus et les lumières l’empêcheraient de dormir, et elle ne se tint plus de joie.
Un Allemand, qui, après avoir fait le pèlerinage de Verdun en autocar, était monté dans le train à Commercy, parlait des trois langues principales avec lesquelles on peut voyager dans le monde entier : l’allemand, l’anglais et le français. En travers sur sa mère, un enfant dormait. Quand elle remuait ou le changeait de côté, il continuait de dormir bien que sa tête penchât et que ses jambes balançassent. Il faisait une chaleur étouffante. Les femmes avaient accepté que les hommes fumassent. De temps en temps, le voyageur le plus près des manettes de réglage se levait, les manœuvrait. Puis il attendait quelques minutes. À force de les toucher, il ne savait plus si le chauffage était ouvert ou fermé. Alors ses voisins se joignaient à lui. Ils s’acharnaient sur tout ce qui est réglable : l’abat-jour de la lampe, les rideaux, les vitres dont la courroie à trois trous ne permettait qu’un jeu limité. Parfois un homme, une serviette sur l’épaule, comme les soldats qui vont aux douches, passait dans le couloir encombré de permissionnaires, de voyageurs montés après les gares de correspondance qui guettaient, faute de places assises, les coins aux abords des soufflets. Certains occupants des compartiments avaient mis des pantoufles, d’autres des casquettes. Des paquets, des valises, des mallettes d’osier fermées par des cadenas de bicyclette encombraient les filets, gênaient les jambes sous les banquettes. Une fois pour toutes, les voyageurs avaient décidé de ne plus délimiter la zone de leurs bagages et d’accepter qu’ils fussent mélangés. Ils ne protestaient plus, quand on les déplaçait. Ils veillaient seulement à ce qu’aucun d’eux, même s’il ne leur appartenait point, ne sortît du compartiment. Souvent il arrivait que les conversations tombaient, que les gens oubliaient qu’ils se trouvaient les uns en face des autres. Ils ne se connaissaient plus. Ils trouvaient soudain des occupations inattendues, des améliorations à leur position. Ils voulaient marquer par des silences le provisoire de leurs liens, ménager une séparation facile à l’arrivée. Ces arrivées dans les gares terminus en compagnie de frais amis qui ne sont peut-être pas sincères, ils les redoutaient. Mais il en était qui, au contraire, sympathisaient sur-le-champ, qui, sortis à l’instant d’une vie monotone, mêlés tout à coup au monde entier, entrevoyaient de nouveaux horizons, peut-être de nouvelles situations, la fortune, grâce à ces inconnus que le voyage mettait à leur côté. Les questions n’amenaient pas de réponses et ne provoquaient que d’autres questions. « Vous allez sans doute à Paris ? » « Vous aussi probablement ? » « Pour affaires ? » « Oui et non. » Et les professions avouées apportaient des espoirs ou des désillusions. On veillait à ne rien laisser paraître de ses ennuis. Les naïfs, devant tant de gens d’apparence quiète, se sentaient perdus. Ils écoutaient, sans y prendre part, les conversations préliminaires qui roulaient sur l’emploi de contrôleur que des hommes forts n’eussent pas dû exercer ; sur certaines femmes qui parcouraient la ligne trois fois par semaine dans le but de trouver un homme riche, ce qui amenait à dire qu’il en était d’autres qui se spécialisaient dans les traversées de l’Atlantique ; sur les rats de trains ; sur le danger de la sonnette d’alarme qui favorise les assassins, car, leur coup fait, ils n’ont qu’à la tirer et attendre que le train ralentisse pour disparaître ; sur les vagabonds qui s’accrochent sous les wagons ; sur la responsabilité des aiguilleurs ; sur le nombre de kilos auquel les voyageurs ont droit sans supplément. Devant l’importance d’une compagnie de chemin de fer, l’avoir droit, comme à l’armée, faisait surgir des gens qui en connaissaient tous les détails. Ils savaient qu’en cas d’accident, même s’ils n’étaient pas blessés, ils pouvaient se plaindre de douleurs internes, que si, à un buffet, le train partait sans eux, ils pouvaient télégraphier dans le bureau du chef de gare et prendre le train suivant, qu’ils pouvaient monter en deuxième classe si les wagons de troisième étaient complets.
Le train passa Noisy-le-Sec. Tous ces gens aux destinées un instant communes comme les routes aux isthmes, qui pensaient tous qu’ils avaient bien fait de choisir ce compartiment sans quoi ils n’eussent point eu les mêmes voisins, comprirent en même temps qu’ils allaient arriver. Certains se levèrent. D’autres regardèrent leurs bagages. Maxime Corton endossa son pardessus qu’il avait plié comme une capote de soldat pour le mettre dans le filet. C’était d’ailleurs une de ses habitudes. Au théâtre, au café, il pliait ainsi son pardessus, avant de le remettre au vestiaire. Il gagna le couloir qui se trouvait justement du côté le plus intéressant de la banlieue. Pendant la guerre, il avait fait cent fois le voyage, même pour vingt-quatre heures, prenant pour revenir un des trois trains qui partent successivement à 21 heures 45, 50 et 55. Il connaissait les stations par cœur depuis la gare régulatrice de Vaire-Torcy. Il guettait les premiers autobus de la place de la Villette. Les tramways de Villemomble, qui fut longtemps dans son esprit Villemonde, lui donnèrent un avant-goût des communications de la région parisienne. Les rails et les fils du télégraphe commençaient à s’entrecroiser, à fuir en des perspectives différentes. Les grues ne ressemblaient plus aux grues modestes, inclinées à quarante-cinq degrés. Elles se déplaçaient sur des rails parallèles, se mouvaient dans tous les sens, et semblables à ces mains de bois imitées parfaitement, dont les doigts ont toutes les phalanges articulées, elles approchaient le plus qu’il soit possible de la liberté du geste d’un géant. Un règlement spécial pesait sur les terrains entourant les gazomètres de la ville de Paris. Maxime songeait à l’immense labeur d’entretenir toutes ces carcasses de fer, de vérifier les poutres, les boulons si nombreux. Des poteaux de ciment, pareils à ceux qu’il avait vus en Allemagne, flattaient en lui un sentiment de patriote amoureux de modernisme et qui déplore continuellement que la France soit en retard sur les autres pays. Il aperçut l’usine de l’Amer Picon. Dans son enfance, il n’avait pas imaginé les produits célèbres sortant de quelques fabriques semblables à celles, petites et tristes, de la banlieue de sa ville. Elles étaient, dans son esprit, animées d’une vie agréable, gaie, pareilles et aussi vastes que sur les gravures des prospectus qui les représentaient. Comme ce jour de la guerre où il avait rencontré dans un hôtel de Bar-le-Duc un des frères Amieux, il ressentait chaque fois, à la vue de ces usines, la même désillusion. À la publicité champêtre qu’un comité combattait, succédait à présent celle de la région parisienne. Ce n’était encore que les enseignes de fer-blanc, imitant l’enseigne lumineuse, mais ne s’éclairant qu’à la clarté d’autrui, que les placards d’un chapelier du boulevard Sébastopol. Le train ralentit. Les réserves de la Samaritaine étaient, elles aussi, plus petites que Maxime ne l’avait supposé. Alors qu’avant seules les bornes kilométriques pouvaient être lues, on suivait à présent la marche du train de cent en cent mètres. Un immense entrepôt qui ne portait pas de nom propre possédait ses voies, ce qui faisait songer au contrat qui le liait à la Compagnie de l’Est. Elles étaient branchées sur la grande ligne. Cela paraissait aussi anormal que le particulier louant un canal ou un boulevard. Le bas de la publicité verticale de la tour Eiffel était dissimulé. Celle-ci semblait petite, à côté de ces tours Eiffel qui figurent sur ces plans où les monuments de Paris sont représentés au naturel.
Le convoi passa les fortifications qui firent sourire les habitants de Belfort et de Verdun. Bien que l’on se trouvât à présent dans la ville, il y eut quand même des terrains, des talus, une maison dans un jardin. Entre deux hauts murs, lisses et noirs, inclinés comme des digues, au sommet desquels se dressaient des immeubles de trois à huit étages, Maxime songea aux fuites impossibles, aux escalades à l’aide des ongles, aux cordes lancées qui ne peuvent s’accrocher nulle part, aux prisons qu’enfant il construisait dans son esprit et où tout était prévu pour que l’on ne pût s’en évader. Plus loin, une brèche fermée par une haie lui rappela des souvenirs de soldat. C’était l’endroit où les permissionnaires pas en règle, dont la permission n’était pas rose et qui eussent dû emprunter la ceinture pour se rendre en province, sautèrent sur le ballast jusqu’en 1917, année où la Place de Paris fut avertie. Sous un tunnel, à l’endroit de la catastrophe de 1921, le convoi s’arrêta pour qu’il n’y eût pas deux fois un accident à la même place. En revenant à la lumière, comme s’il avait suffi d’une minute de nuit, une autre ville, où la mécanique était plus précise, les maisons habitées, les cafés joyeux, commença. Les aiguilleurs, dans les postes suspendus, pensaient déjà au train suivant. Des ponts sans piliers étaient, disait-on, des chefs-d’œuvre d’architecture. Tout le monde sentait, sans pouvoir se l’expliquer, que les poutres de fer entrecroisées étaient d’autant plus solides qu’elles supportaient un poids plus lourd.
Le train à présent avait dépassé les derniers signaux, qui étonnaient tant le fonctionnement d’une telle organisation ne semblait pouvoir être assujetti à la fantaisie des couleurs. Il n’avait plus qu’à s’arrêter à un mètre du dernier butoir. Il roulait doucement. Sur le quai, une foule, au milieu de laquelle se trouvaient quelques policiers en civil, attendait.
Maxime Corton revenait à Paris pour y vivre en paix, pour attendre que son passé aventureux et plein de souvenirs amers changeât avec le temps et devînt un sujet de fierté. Déjà, la banlieue lui était apparue familière. Il était arrivé par une seule ligne, parallèle à tant d’autres, alors que dans son esprit il eût dû couler sur Paris comme un fleuve. Les gares s’étaient succédé dans un ordre qu’il n’avait pas retenu. L’une d’elles même, il l’avait oubliée au point qu’il sentit qu’elle eût été morte en lui pour toujours s’il ne l’avait point revue, si son nom ne s’était plus jamais présenté à ses yeux. Déjà des rues avaient reparu qui existaient dans sa mémoire. Elles n’étaient pas plus petites que celles de l’enfance, mais pourtant elles étaient différentes. Des tramways avaient passé là où elles devaient être désertes. Les ponts avaient eu des résonances oubliées. Tout s’était animé par les couleurs et le bruit alors que dans sa mémoire c’était toujours le même passant qui suivait le même trottoir, le même cocher qui descendait de la même voiture et que l’on perdait de vue peu à peu. Déjà, les premières personnes aperçues n’avaient plus été les mêmes. Des métiers, des classes sociales les avaient revêtues. Un maçon avait dîné à la terrasse d’un restaurant. Un boulanger avait fermé sa boutique, un automobiliste s’était arrêté.
En marchant, Maxime se souvint que pendant la guerre il obliquait à droite pour sortir soit par le buffet, soit à l’esbroufe par l’entrée. Le hall était sonore. Une lumière pâle l’éclairait dans ses endroits les plus solitaires car les architectes, en le construisant, n’avaient pas prévu où le monde se masserait. Il en est ainsi des constructions mécaniques, des hôtels, des lignes de métro chez lesquels, bien que portés à l’étude durant des années, apparaissent après six mois d’exploitation des lacunes, des oublis qui, s’ils fortifient l’expérience, ne se révèlent pas moins ailleurs dans les entreprises suivantes. On ne savait déjà plus qui avait voyagé. Maxime portait une valise de carton chromé qui imitait le cuir même au toucher. Il passa devant les douaniers qui, pratiquant le coup de l’exception, venaient de s’en prendre à un voyageur. Il y avait de nouveau du chocolat dans les appareils automatiques. Le mécanisme intérieur était changé. C’était trois pièces de nickel qu’il fallait mettre avant de tirer. Aussi, bien qu’ils fussent repeints, n’appartenaient-ils plus à la vie présente, à moins que grâce à une nouvelle monnaie une seule pièce n’eût suffi à les actionner. Seules les balances, avec leur fente destinée à recevoir une pièce de dix centimes, trop haute pour que les enfants pussent se peser seuls à cause de cette habitude inconsciente qui fait que l’on redoute les farces possibles, que l’on place à hauteur d’homme tout ce qui, par une simple pression, sert à appeler, à annoncer quelque chose, à prévenir, continuaient à fonctionner comme avant la guerre, si bien que tout le monde suivait son poids, se pesait pour se distraire, même après les repas. Des attelages de chariots à bagages serpentaient dans les gares. Douze personnes accompagnaient un ami qui partait. Au milieu de la foule, ils avaient peur de se perdre. Se tenir par la main eût gêné la circulation. Ils se reconnaissaient au chapeau, s’attendaient, s’appelaient par leur nom. La foule répondait n’importe quoi. Elle les empêchait de passer, s’efforçait de les séparer. « Cela ne peut être qu’un départ joyeux après quelque fête, quelque victoire », pensait-elle. Il y eut même deux farceurs qui tentèrent de les embrasser et simulèrent des adieux touchants. Maxime chercha des yeux la protectrice des jeunes filles. Les bureaux de la société avec ses dortoirs vides devaient se trouver dans les combles, plus haut encore que ceux où s’élaborait en silence la maquette d’agrandissement de la gare de l’Est, à côté d’autres œuvres de protection où l’on remettait des secours aux enfants qui avaient perdu leurs parents au cours d’un voyage, qui rapatriaient les gens sans ressources, à côté du grenier où, après les arrivées officielles, on rangeait les tapis et les plantes vertes. Il devait y avoir aussi quelque part une salle nue où siégeait une sorte de conseil de révision pour les aspirants cheminots ayant accompli leur service militaire au cours duquel, d’ailleurs, on les avait déjà pressentis. Les beaux jours du commissariat spécial étaient passés. Des commerçants établis dans le voisinage de la gare avaient obtenu l’autorisation de faire poser, sur un mur, une plaque d’émail qu’ils se partageaient avec plus de justice que le rideau d’un théâtre puisqu’ils avaient chacun un carré de la même grandeur. De même que les grands magasins passent les premiers une commande aux petits inventeurs, de même la Ville de Paris ou la Préfecture essaient d’abord les innovations dans les gares, sur les champs de courses, au carrefour de l’Opéra. C’est ainsi qu’un avertisseur d’incendie d’un modèle perfectionné, sans glace à briser, qui remplacerait ceux des rues quand ceux-ci seraient usés, se dressait au milieu du hall.
Maxime traversa la cour. Des panneaux indiquaient encore par quelles portes les conscrits incorporés la semaine précédente avaient dû entrer. L’horloge avançait d’une minute pour permettre aux retardataires d’avoir leur train. Maxime chercha des yeux un hôtel. Ils se touchaient sur la place et tâchaient d’être engageants aux voyageurs par le rappel des villes passées : Strasbourg-Hôtel, Nancy-Hôtel, ce qui faisait croire aux Strasbourgeois qu’ils connaissaient peut-être le patron, ou bien par une appellation de tout repos : Est-Hôtel, hôtel de la Gare de l’Est, hôtel des 2-Gares, le 2 en chiffre à cause d’un vague goût de modernisme. Ce fut dans ce dernier que Maxime entra. L’enseigne du Touring-Club y était apposée sur un mur, ainsi que tous les règlements sans exception. Dans l’entrée, il y avait des rocking-chairs, des plantes, un voyageur de la tête du train qui demandait déjà une chambre.
Maxime remplit la fiche de police, laissa sa valise dans le bureau de l’hôtel et ressortit afin de se restaurer. Il descendit le boulevard de Strasbourg où des filles qui n’avaient pas le droit de stationner aux abords de la gare commençaient à interpeller les passants. Elles étaient échelonnées de vingt en vingt mètres, en travers du trottoir, comme des mendiants ou des camelots. Des maris les montraient à leur femme.
— Tiens, tu vois celle-ci. Si j’étais seul, elle me parlerait.
— Et comment leur réponds-tu ?
— Je ne réponds même pas. Je passe sans rien dire.
— Jamais tu ne t’es arrêté ?
— Une fois peut-être.
Quelques magasins étaient ouverts : une charcuterie, une boulangerie où les mêmes personnes achetaient dans l’une du jambon, dans l’autre des petits pains. Une chemiserie fermée était illuminée comme si elle était ouverte. Au coin de la rue du Château-d’Eau, aucun rideau de fer ne masquait la devanture d’un magasin de cycles et accessoires pour autos. On apercevait dans la pénombre, sur une estrade, aux lumières fugitives de la rue, des bicyclettes neuves que personne ne tenait.