Une tournée pour les rennes - Lou Florian - E-Book

Une tournée pour les rennes E-Book

Lou Florian

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Beschreibung

Les fêtes de Noël approchent et tout le monde est en effervescence. Souhaitant passer ce merveilleux moment avec Tata Bougnette, Ninette choisit d’aller la rejoindre. Cependant, au cours de son parcours, en Inde, elle se fait kidnapper par de redoutables Kapalikas. Informée de cette mésaventure, la vieille dame se lance à la rescousse de sa petite-fille. De Collioure à l’Himalaya, elle se retrouve impliquée, malgré elle, dans des péripéties déjantées. Avec suspense et humour, page après page, laissez-vous conduire et vivez pleinement cette aventure palpitante.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Lou Florian est sensible à l’art sur toutes ses formes. D’un naturel ouvert, de Paul Eluard à André Breton en passant par San Antonio, dont il apprécie fortement l’écriture, son style laisse entrevoir l’influence d’un panel éclectique d’auteurs.

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Lou Florian

Une tournée pour les rennes

Roman

© Le Lys Bleu Éditions – Lou Florian

ISBN : 979-10-377-6649-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1

Il fait grisouille dans le ciel de Collioure aujourd’hui. Quelques mouettes errent ici et là au-dessus des toits, mais elles ont l’œil morne, flagada, raplapla. Et la mer a des haut-le-cœur avec de grandes vagues. Des fracas d’écume viennent s’échouer sur les plages de galets. Il fait légèrement froid, et surtout très humide. Le vent, qui entonne sa ritournelle dans l’air marin, devient poisseux sur la peau des promeneurs. Une ondée ne devrait pas tarder à dégringoler du ciel sur les toits. Dégoulinant en bouquets de gouttelettes sur les vitres.

Tata Bougnette est allée se dégourdir les jambes vers la plage. Il y a dans l’horizon des déclinaisons de gris et de bleu. Ici, c’est une floraison de nuances toute l’année. Même l’hiver est beau.

Certes, Tata Bougnette préfère le printemps qui ravigote, et le soleil enchanteur de l’été. Ainsi que les jaunes, les orangés, les écarlates et la rouille des feuilles d’automne. D’autant que par ici, les flocons de neige sont rares. Mais lorsque le ciel s’inonde de blancheur et recouvre le village, c’est une féerie de l’instant.

Tata Bougnette a le sourire aux lèvres. Elle vient de s’apercevoir qu’au lieu de prendre son parapluie, elle a emporté son ombrelle.

— C’est bien moi, ça ! Par un temps pareil ! Avec une ombrelle… Mais où avais-je la tête, nom d’une turlutte à piston gicleur ! Et en plus, il commence à pleuvoir. C’est bien ma veine !

Des gouttelettes de pluie suintent sur ses bésicles. Ce qui fait qu’elle ne voit plus grand-chose. Elle s’était juré de grimper jusqu’au phare pour respirer le vent et la mer.

— Allez, ce n’est que du crachin ! Têtue comme je suis, je me dois d’y aller. J’ai encore toute ma tête et mes guiboles. Autant en profiter, non mais !

Elle sort un mouchoir de sa poche, renifle un coup, se mouche dedans. Une fois, deux fois, trois fois. Puis, s’en sert pour essuyer ses bésicles qu’elle remet sur son nez.

— Oh, mais que diantre ! Je n’y vois guère mieux ! La bruine, probablement…

Et se ravisant :

— Oh, mais j’y pense ! Mes bésicles, c’est pour lire le journal ou pour faire la cuisine, tripotée d’andouilles ! Quelle idée j’ai eu de me mettre ça sur le museau !

Tata Bougnette qui s’enrhume, renifle et renifle encore, se mouche et se remouche, puis dépose délicatement ses bésicles au creux du mouchoir utilisé et enfourne le tout dans sa poche.

— Je vois mieux sans, c’est flagrant !

Résolue, elle gravit les marches et s’avance jusqu’au milieu de la digue. Le vent poisseux vient coller des cheveux sur son visage et va pour la renverser. Elle s’accroche de son mieux à la rambarde métallique, puis s’avance encore, obstinée et malicieuse. Jusqu’à atteindre le phare.

La pluie continue de dégouliner du ciel, mais semble s’intensifier. Tata Bougnette, fière d’elle, va pour faire demi-tour, lorsqu’une rafale polissonne lui arrache son ombrelle. Puis, une nouvelle rafale la bouscule encore. La vieille dame peste un instant, invective le vent et la pluie, et se met à éternuer. Plusieurs fois. La pluie ruisselle sur son visage. Elle sort son mouchoir et dans la précipitation, en oublie ses bésicles qui tombent en contrebas. Il pleut à verse désormais. Et la visibilité s’amoindrit. Le vent chahuteur s’intensifie encore. Et lors d’une autre rafale, le mouchoir s’envole aussi.

— Oh, vent de foufoune ! s’exclame-t-elle, dépitée. Je vais me le déboucher comment le nez, maintenant ? Hein ! Je devrais rentrer, ça devient dangereux !

La mer semble tanguer sur elle-même. Bientôt les vagues auront des creux plus larges et passeront au-dessus de la digue, dans un éclaboussement d’écume. Tata Bougnette voudrait bien revenir en arrière et rentrer chez elle. Elle ne craint pas la pluie. Mais le vent a pris soudainement une telle ampleur que la vieille dame comprend qu’elle ne pourra pas résister longtemps à ses assauts.

— Et moi qui pensais faire un tour à l’église, en bas, juste pour voir la crèche ! À tous les coups, le p’tit Jésus, il est bien au chaud dans sa paille et moi je me pèle les grelots !

Évidemment, Tata Bougnette n’a pas de grelots. Mais c’est pour ronchonner, manière de… ! Elle dit n’importe quoi dans ces moments-là. En grimpant les marches tout à l’heure, en direction de la chapelle, elle s’imaginait déjà que l’âne et le bœuf dans la crèche tapaient la causette en attendant les rois mages, les bergers, le facteur, le docteur, le boucher, le dentiste, l’infirmière et les chérubins. Tandis que Joseph, lui, badinait avec Marie en lui susurrant à l’oreille qu’un autre morpion était possible à concevoir, de façon naturelle cette fois-ci, en jouant dans la paille à des jeux coquins. C’est fou l’imagination d’une grand-mère de ce gabarit-là.

En attendant, elle a réussi tant bien que mal à rejoindre l’autre bout de la digue. Trempée jusqu’aux os, mais plutôt assurée de se mettre à l’abri désormais. Elle pense retrouver son ombrelle, puis en abandonne l’idée, bien décidée à rentrer chez elle. Elle court sous la pluie battante et s’arrête devant l’église. Par chance, celle-ci n’est pas fermée. Elle pousse la porte, et se réfugie à l’intérieur.

— Et dire que je n’ai même pas de quoi me moucher ! grogne-t-elle en s’essuyant le nez du revers de la main, avant d’éternuer.

Sa respiration se fait moins haletante et elle écarquille les yeux. À l’intérieur, des cierges allumés ont des flammes qui gigotent comme pour danser la samba. Là-bas, sur le côté, elle aperçoit la crèche avec les santons. Tata Bougnette s’avance sans bruit. L’âne et le bœuf n’ont pas l’air de papoter plus que ça. Joseph et Marie ne semblent pas vouloir se rouler dans la paille en se racontant des coquineries pour concevoir un autre bambin. Mais peut-être en ont-ils très envie. Sait-on seulement ce qu’ils se disent et ce qu’ils font en cachette lorsque tout le monde est parti ? Peut-être attendent-ils, à cet instant précis, que quelqu’un éteigne la lumière pour commencer les galanteries. On les entend rire, parfois. Puis se taire, lorsque la grande porte s’ouvre. Quant aux bergers, ils ont dû aller grignoter un brin au restaurant du coin, c’est sûr, en compagnie du facteur, du docteur, du boucher, de l’infirmière et du dentiste. Puisqu’ils sont absents. Les chérubins sont allés prendre un bain. Seuls les moutons jouent à la marelle en attendant que les rois mages passent. Ah oui, et le petit Jésus, lui, il a déjà fait pipi au lit.

— Alors ça, il en a de la chance, lui ! Il a pu faire pipi ! Moi je me retiens, mais pas pour longtemps encore. Oh la la ! Je vais me faire dessus, c’est sûr. Trop envie avec cette humidité ! Je ferais bien dans la crèche, comme l’enfant Jésus, mais je ne peux pas, j’ai du style ! Allez, mes respects, mon capitaine ! À bientôt, je reviendrai ! Mais là, faut que j’aille me soulager !

Tata Bougnette, comme à regret, s’éloigne de la crèche, s’en va ouvrir la grande porte pour sortir. Dehors le vent souffle encore assez fort, mais la pluie a diminué d’intensité. La vieille dame sort de l’église, s’avance sur la place, hésite à uriner contre un olivier. Ce qui rassure une limace planquée là. Et elle se résigne à rentrer chez elle en serrant les fesses, en serrant les freins, tout en grelottant.

Elle va pour remonter une ruelle, lorsque soudain le vent s’emballe. Une rafale plus forte qu’une autre s’engouffre à ce moment-là. Tata Bougnette perd l’équilibre et s’affale sur le sol trempé. Sa tête cognant par terre.

Le vent souffle et souffle encore, et la vieille dame ferme les yeux, évanouie sous la pluie…

2

Tata Bougnette sent bien qu’elle est dans les vapes. Ça tambourine dans sa tête. Elle a une bosse sur le front. Quelqu’un lui tapote délicatement la main pour la rassurer.

— Ça va aller, Madame ! Ça va aller ! Ne vous en faites pas, je vais vous aider !

La silhouette qui s’est penchée sur elle a, comme qui dirait, de l’embonpoint. Vêtue de rouge, avec un gros ceinturon. Évidemment, vu son âge, Tata Bougnette ne croit plus au père Noël depuis longtemps. Ni aux rennes, ni aux lutins, ni aux machins, aux trucs et aux bidules de la légende. Et encore moins aux grelots qui tintinnabulent pour annoncer le grand môssieur un peu rond avec une barbe blanche et des yeux rieurs. Il y a certes un traîneau à quelques mètres de là, mais un tout petit. En bois usé, au vernis écaillé. Et celui-ci n’est pas tiré par des rennes, mais par des huskies aux yeux bleus. Certains ont même des yeux vairons. L’animal de tête, quant à lui, doit être un Chien des Pyrénées avec un tonnelet accroché autour du cou. Tata Bougnette regarde à nouveau le grand barbu rieur qui lui tend la main pour l’aider à se relever.

— Vous êtes vraiment très aimable de me secourir, Monsieur. Un instant, je vous avais pris pour quelqu’un d’autre. Vous savez, les légendes, les trucs et les machins…

— Tout va bien, Madame. Tout va bien !

— Parce que voilà, vu la bosse que j’ai sur la tête, j’ai dû délirer un peu…

— Rien de grave, vraiment !

— Vous savez, ce n’est pas dans mes habitudes de me retrouver comme ça, les quatre fers en l’air ! Je vous promets !

— Et sous une pluie battante, en plus ! Et par grand vent ! Vous auriez pu vous faire très mal. Quelle étrange idée avez-vous eue là ! Vous sortez souvent par un temps pareil ?

— Heu, pas vraiment, non ! Un coup de folie, je sais. Dites, Monsieur, vous allez rire, mais durant quelques secondes, je vous avais pris pour le…

— Pour le quoi, Madame ?

— Pour le… Oh, mais n’y pensons plus ! Quand j’ai vu l’état de votre traîneau et la tête de vos chiens, le doute s’est dissipé. Ce qui me rassure, c’est que vous n’êtes pas le père Noël. Voilà !

Le gros bonhomme éclate de rire.

— Allez, je vous aide à vous relever ! Accrochez-vous à moi !

Tata Bougnette saisit la main de l’homme au manteau rouge et se relève. Elle flageole quelque peu des guiboles, mais se sent rassurée. Il ne pleut plus, le vent a disparu, et il tombe quelques flocons de neige alentour. Un léger tapis blanc recouvre la petite place qui jouxte l’église. Même la limace au pied de l’olivier a disparu, probablement blottie sous une racine.

— Dites, mes vêtements sont secs ! Vous ne trouvez pas ça étrange ? Tout à l’heure, j’étais trempée jusqu’aux os.

— Il faudra pourtant vous mettre au chaud, Madame. Vous promener ainsi en plein mois de décembre, ce n’est pas très prudent. Ce n’est pas un rhume que vous risquez d’attraper, c’est la grippe. Voulez-vous que je vous raccompagne ?

— Je veux bien, oui !

Tata Bougnette plonge son regard dans les yeux rieurs de l’homme à la barbe blanche.

— Vous savez que vous ressemblez au père Noël ? Allez ! Ne le prenez pas mal, je dis ça pour vous taquiner ! Presque, vous me feriez rire. Ah, ah, ah ! Ça y est, voilà que je rigole maintenant. Ça fait du bien, vous savez. Oh la la ! Je vous jure ! Hé ! Trop bien le maquillage, le costume et l’air con que vous avez ! Enfin non, pas l’air con, ce n’est pas ce que je veux dire. Vous êtes plutôt jovial, voilà ! Vous êtes invité à un bal costumé, peut-être ? Parce qu’ici à Collioure, le soir du réveillon, on a l’habitude de se déguiser. Vous verrez, c’est marrant. Mais là, je pense que vous vous êtes précipité. Vraiment !

— Merci pour le tuyau, Madame. Si je trouve un dépliant avec le programme des fêtes, je le consulterai. Promis ! Dites, je vous raccompagne ou quoi ? Mes chiens commencent à s’exciter.

— D’accord, allons-y !

— Allez, ça va vous soulager, prenez place dans le traîneau !

— Pardon ?

— Prenez place dans le traîneau, vous dis-je ! Allez, ne faites pas la forte tête comme ça ! Vous êtes épuisée. Moi, je marcherai à vos côtés. Ça me dégourdira les jambes.

— C’est-à-dire que… Là, j’ai comme un doute. Et ce n’est pas pour me rassurer. Si je rêve, réveillez-moi ! Si c’est un cauchemar, secouez-moi ! Et si c’est…

— Vous montez dans ce foutu traîneau, oui ? Allez, du nerf, que diantre ! Et arrêtez de parler, vous êtes une vraie pipelette ! Laissez-vous faire un peu ! Allez, montez !

Tata Bougnette s’installe dans le traîneau en bougonnant.

— Je sais très bien que vous n’êtes pas le père Noël ! Je n’ai pas la berlue, tout de même. C’est bien des huskies, ça ! Des huskies, vous dis-je ! Et qui remuent bêtement la queue ! Celle de derrière, évidemment ! Mais vous avez de ces idées ! Des huskies ! Et qui ont, certes, de bonnes bouilles. Et qui font mine de se marrer. Et qui rigolent en plus. Un peu comme vous ! Je le vois bien ! Mais je suis sûre que c’est nerveux. Et les rennes, hein ! Les rennes, voyons ! Où sont-ils les rennes ?

— Les rennes sont en grève, Madame ! Et ce, à mon grand regret !