Clap de fin à Langolen - Annie Le Coz - E-Book

Clap de fin à Langolen E-Book

Annie Le Coz

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Beschreibung

Les découvertes macabres s'enchaînent sur les lieux de tournage d'un film au château de Trohanet...

A Langolen, depuis quelque temps, le château de Trohanet sert de cadre au tournage d’un film. Et voici qu’un matin, on repêche le corps du cinéaste au milieu d’un étang du domaine. L'enquête est confiée à François Paoli et ses hommes. Il s’avère rapidement que, contrairement aux apparences, l’homme ne s’est pas noyé accidentellement. Quelques jours plus tard, c’est celui d’une maquilleuse qui flotte entre deux eaux. Là encore, il s’agit d’une mort provoquée. Pourquoi avoir éliminé les deux personnes les plus proches de Victoria Armani, l’actrice principale du film, au charme indéniable ? Y a-t-il un lien entre les deux meurtres ? Et, si oui, lequel ? C’est ce que vont devoir déterminer les policiers quimpérois pour mettre la main sur l’assassin.

Plongez sans plus attendre au cœur du cinquième tome des enquêtes palpitantes du lieutenant Paoli et découvrez les secrets du monde fermé du cinéma.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Annie Le Coz est technicienne de laboratoire, diplômée de l'IUT en biologie médicale et auteure de la série policière  Capitaine François Paoli aux éditions Bargain.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près, ni de loin, avec la réalité, et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

REMERCIEMENTS

C’est lors de la journée des parcs et jardins de 2006 que j’ai découvert le domaine de Trohanet et que l’idée m’est venue d’en faire le décor de cette nouvelle enquête.

Je tiens donc à remercier Madame et Monsieur de Pimodan qui en sont les propriétaires, de m’avoir donné leur plein accord.

Grâce à leur amabilité, j’ai pu me promener dans le parc à quelques reprises et visiter le château, ce qui m’a grandement aidée pour me familiariser avec les lieux.

I

Cela faisait une demi-heure que les occupants du château de Trohanet étaient montés se coucher, quand Yalta, le berger allemand de la maison, aboya. Il y eut un bruit de pas dans le couloir, puis le grincement de la porte d’entrée de la façade et enfin un échange de paroles.

A la faveur de l’éclairage du perron, on pouvait voir Gonzague de Rosière avec un homme. Vêtu d’un pantalon, d’un pull et chaussé de bottes, ce dernier n’avait visiblement rien à voir avec les hôtes du châtelain.

— Allez, Monsieur, rentrez chez vous, il est tard.

— Vous savez, j’aime beaucoup votre château. Et ce soir, avec les lumières, il était encore plus beau que dans la journée.

— Merci, mais, là, il est vraiment très tard et je ne voudrais pas que vous empêchiez mes invités de dormir.

— Ah, vous avez des invités ! C’est donc pour ça qu’il y avait tant de lumière ! Comme à Versailles !

— Oui. Allez, soyez gentil, Monsieur, et veuillez-vous en aller, s’il vous plaît.

Gonzague prit l’autre par le coude et le mit sur le chemin.

Le comte et son chien rentrèrent. Gonzague donna deux tours de clef à la porte et remonta à sa chambre.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées que Yalta donnait à nouveau de la voix et que le comte redescendait. L’importun était de retour. Cette fois, les paroles du comte furent plus dures :

— Allez-vous-en maintenant ! Je ne veux plus vous voir !

— D’accord… Bonne nuit…

Mais, même après que la porte fut fermée, l’homme resta planté devant le château.

— Un problème ?

— Un visiteur nocturne indésirable, Alain. Il m’a dit habiter le bourg, dit Gonzague en décrochant le téléphone.

— Tu appelles la gendarmerie ?

— Non, le maire seulement, c’est un ami.

— Alors ? demanda-t-il quand Gonzague eut raccroché.

— Jacques va venir le chercher. Il le connaît bien. Il s’agit d’un vieux garçon qui tient une ferme et qui boit de temps à autre.

— C’est le cas, ce soir ? Il est ivre ?

— J’en ai bien l’impression, oui. Je ressors attendre Jacques. Remonte te coucher.

— Non, je reste avec toi. On ne sait jamais.

Alain de Hautbourg suivit Gonzague de Rosière et Yalta dehors. Ce dernier informa l’homme qu’on allait venir le prendre pour le reconduire chez lui.

— C’est un superbe château ! Déjà le jour, il est beau, mais…

— Oui, oui, vous me l’avez déjà dit.

— Et puis, le parc… surtout sous la lune… dit-il en descendant vers l’étang.

— Faites attention, la pente est raide de ce côté-là ! le prévint le comte.

*

Le jour se levait sur Langolen. Lentement, la brume de chaleur se dissipait, laissant apparaître les premiers rayons d’un soleil prometteur.

Sur la partie supérieure de l’étang de Trohanet, les nénuphars étaient si nombreux qu’ils recouvraient la quasi-totalité de l’eau.

De l’autre côté d’une digue de bonne largeur, deux ragondins apparurent le long d’une berge sur le bord de laquelle quelques canards s’éveillaient. Et, au milieu de ce plan d’eau d’une immobilité presque parfaite, flottait un corps d’homme.

Les canards qui s’étaient mis à l’eau et palmaient lentement, le regardaient avec circonspection. L’un d’eux, plus hardi que ses congénères, vint nager autour de la tête de l’homme et lui pinça le bout de la main droite, pas de réaction. Et pour cause : l’homme était mort.

*

A neuf heures du matin, on vit s’ouvrir des fenêtres du premier étage du château : les premiers invités se levaient. Parmi eux, Fabien Neuville qui enfila une tenue de sport et descendit le large escalier en granit.

— Bonjour Fabien ! Bien dormi ? s’enquit son hôte, le comte Gonzague de Rosière.

— Comme un bébé ! Ça fait des semaines que ça ne m’était pas arrivé.

Les deux hommes entrèrent dans la salle à manger chinoise où était dressée la table du petit déjeuner. Ils saluèrent Louise, la domestique, apportant thé et café.

— Voulez-vous que je vous grille quelques toasts ?

Comme ils avaient accepté, elle disparut en cuisine.

Alain et Marianne de Hautbourg firent leur entrée en même temps que Constance Lafeuillée. Puis ce fut la maîtresse de maison qui arriva.

— Bonjour tout le monde ! dit Ségolène de Rosière. Déjà en tenue de sport, Fabien ?

— Oui, je compte faire un petit jogging de décrassage. Après la soirée d’hier, je crois que j’en ai bien besoin.

— Quelle bonne idée ! Pourrai-je t’accompagner ?

— Bien sûr, Constance.

A neuf heures trente, Fabien et Constance se levèrent de table et sortirent.

Après avoir décidé de leur parcours, ils partirent en petites foulées.

*

Constance Lafeuillée et Fabien Neuville coururent côte à côte pendant la majeure partie du trajet. Elle le devançait de deux foulées depuis qu’ils avaient emprunté un passage si étroit que Fabien l’avait laissée prendre la tête.

— On va jusqu’à l’étang ? proposa-t-elle.

— D’accord ! fit-il en remontant à sa hauteur.

Ensemble, ils passèrent devant la maison des gardiens. Quelques mètres sur le gravillon, puis ils coupèrent l’espace herbu et descendirent vers l’étang. Là, Constance et Fabien s’arrêtèrent pour reprendre leur souffle et effectuer quelques étirements nécessaires.

La jeune femme se redressa la première, bientôt imitée par son compagnon de jogging.

— Ouf !

— Une bonne douche par là-dessus…

— Fabien ! s’exclama-t-elle, les yeux posés sur le plan d’eau, en lui agrippant le bras.

— Quoi ?

— Regarde ! Là ! On dirait qu’il y a quelqu’un dans l’étang.

— Où ça ? Je ne vois pas.

— Mais, si, là ! fit Constance en guidant le regard de son compagnon de son index pointé.

— Ah, oui !

— C’est un homme… il ne bouge pas… Tu crois que…

— Il n’y a qu’une façon de le savoir, dit Fabien en retirant tee-shirt et chaussures.

Il prit son élan et plongea dans l’étang. En quelques brasses, il fut auprès du corps et le remorqua jusqu’à la berge.

— Constance, aide-moi à le sortir de là !

Unissant leurs forces, ils hissèrent le corps inerte sur la terre ferme. Fabien le retourna.

— Patrick ! l’identifièrent-ils.

— Il est… ?

— Je crois que ça ne fait pas de doute, répondit Fabien à la question incomplète de Constance. Il faut prévenir les autres.

Après un regard alentour, ils remontèrent au château.

*

Au même moment, Valentin, le domestique et homme à tout faire de Gonzague de Rosière informait son maître :

— Monsieur le comte !

— Oui, Valentin ?

— Excusez-moi de vous déranger, Monsieur, mais c’est très grave.

— Grave, dites-vous ?

— Oui. Quelqu’un s’est noyé dans l’étang. Un homme…

— Oh, mon Dieu ! s’exclama le comte en se levant. Je lui avais pourtant dit de faire attention et de ne pas s’approcher de l’eau.

— De qui Monsieur parle-t-il ?

— Il y avait quelqu’un dans le parc cette nuit. J’ai téléphoné qu’on vienne le chercher, ce qui a été fait, mais qui nous dit que l’homme n’est pas revenu plus tard ?

Valentin précédant son maître, ils sortirent de la bâtisse.

Alors qu’ils descendaient à l’étang, ils rencontrèrent Constance et Fabien qui en remontaient.

— On a trouvé Patrick dans l’étang, annonça Fabien.

— Patrick ? Vous parlez de monsieur Letilleul ?

— Oui. Je l’ai sorti de l’eau. Mort.

— Comment ? Que dites-vous ?

— Il flottait entre deux eaux, confirma Fabien.

— Et… où est-il ?

— On l’a laissé sur la berge.

— Bien, j’appelle les gendarmes.

Le comte de Rosière sortit son téléphone portable de sa poche et composa le numéro de la gendarmerie. Quelques réponses laconiques et hochements de tête sans quitter les jeunes gens des yeux, puis il éteignit son téléphone et annonça l’arrivée de deux gendarmes.

*

Attendus à la grille d’entrée de Trohanet par Valentin, les gendarmes et les pompiers arrivèrent dans l’heure qui suivit. La voiture bleue précédant le fourgon rouge, ils roulèrent jusqu’à l’étang. Informés par Fabien Neuville, les membres de l’équipe de tournage étaient descendus au plan d’eau pour constater la mauvaise nouvelle de visu.

C’est donc vers cet attroupement que se rendirent les gendarmes.

Le passager de droite sortit le premier et se présenta à un homme qui s’était avancé vers lui :

— Adjudant Cadic. Bonjour !

— Bonjour Adjudant, je suis le comte de Rosière, propriétaire de Trohanet. Et voici deux de mes invités : Constance Lafeuillée et Fabien Neuville. Ce sont eux qui ont trouvé ce pauvre Patrick Letilleul.

— Qui sont tous ces gens ? interrogea Cadic en voyant le groupe.

— Une équipe de tournage. Ils séjournent ici pour les besoins d’un film.

— Ah ! bien… Reculez, Messieurs Dames, s’il vous plaît, mais ne partez pas afin que nous relevions vos identités. Émile, tu t’en charges ?

Tandis que le gendarme prénommé Émile s’acquittait de sa tâche, l’adjudant Cadic revint aux deux joggers. Fabien entourait les épaules de Constance. A leurs pieds gisait le corps qu’un pompier examina succinctement, juste pour constater l’irrémédiable.

— Monsieur de Rosière me dit que c’est vous qui l’avez trouvé…

— Oui. Constance l’a vu la première et j’ai plongé pour le ramener à terre.

— Pourquoi ?

— Eh bien… pour voir s’il y avait encore quelque chose à faire pour lui. Mais c’était trop tard.

— Robert, tu prends toutes les photos nécessaires et, toi, Marcel, tu fais le maximum de relevés. Et protégez la zone pour les éventuels indices, ordonna Cadic à ses collègues.

Puis se tournant vers Constance Lafeuillée, Cadic questionna :

— Où se trouvait le corps, exactement, quand vous l’avez aperçu ?

— Eh bien… là, sur l’eau.

— Soyez plus précise !

— C’est que…

— Il était de ce côté-là, à une dizaine de mètres du bord, environ, répondit Fabien au secours de Constance.

— Comment flottait-il ?

— Sur le ventre, bras écartés.

— Donc vous l’avez retourné…

— Oui, quand on l’a tiré au sec.

— Pourquoi ? Vous auriez pu le laisser dans sa posture initiale.

Constance et Fabien se regardèrent.

— C’est que… on ne savait pas qui c’était avant de…

— Connaissiez-vous la victime ?

— Oui, il s’agit de Patrick Letilleul, le réalisateur du film dont nous sommes venus tourner quelques scènes ici.

— Était-il marié ?

— Oui, avec Victoria Armani.

— Et… où est-elle ? Quelqu’un l’a prévenue ?

Gonzague de Rosière qui s’était approché du petit groupe, répondit :

— Elle dort. Ségolène, ma femme, a tenté de la réveiller, mais mademoiselle Armani a dû prendre des somnifères, car elle en a vu sur son chevet.

— Ah ! Bien…

— Mon Adjudant, pour le corps…

— Oui, oui, allez-y, vous pouvez l’emmener. Quant à vous trois, vous pouvez disposer pour le moment. Mais je vous attends cet après-midi, ainsi que mademoiselle Armani, pour prendre vos dépositions. Messieurs Dames… les salua-t-il en touchant le bord de son képi.

*

Mains derrière le dos, le capitaine Paoli se tenait debout à l’une des fenêtres de son bureau et regardait le ciel.

— Bon, il va falloir retourner sur le terrain, Amos, et reprendre les écoutes. Entrez ! cria-t-il à l’adresse de celui qui venait de toquer à la porte.

— Salut ! fit le lieutenant David Marchand.

Il serra la main aux deux enquêteurs de la PJ quimpéroise, plus chaleureusement à Paoli qu’à Verdier.

— Bon, je ne suis plus là ! A plus !

Le lieutenant Amaury Verdier parti, Paoli désigna une chaise à son ami.

— Café ?

— Je veux bien, oui. Alors, j’ai appris que tu avais un problème d’effectif ?

— Oui. Renard et Botrel ont eu un accident de voiture le week-end dernier au Maroc.

— Grave ?

— Assez, oui. Le 4X4 à bord duquel ils voyageaient a glissé dans un ravin. Marc a été touché aux jambes, Tanguy aux cervicales et à l’épaule gauche.

— C’est moche… Donc, ils en ont pour un moment ?

— Oui.

— C’est toi qui as pensé à moi ?

— Disons que je t’ai suggéré, mais la décision vient de plus haut.

— Ça ne pouvait pas mieux tomber, je sature un peu de la PU (Police Urbaine) depuis quelques semaines.

— Alors, disons que tu as de la chance. Et moi aussi…

Paoli posa sa tasse, ouvrit une enveloppe.

— Tu en avais assez de la PU, as-tu dit ? Eh bien, tu vas être content ! Tu viens tout juste d’intégrer l’équipe que le parquet nous requiert pour une histoire de noyé à Langolen. Bienvenue à la PJ, David !

*

Paoli et Marchand prirent la route de Langolen.

Quelques minutes plus tard, Paoli montrait patte blanche à Valentin à l’entrée du château de Trohanet.

— La police ? Mais… nous avons déjà eu les gendarmes, hier.

— Les gendarmes ont été dessaisis de l’affaire. Pouvez-vous nous annoncer à votre maître ?

— Tout de suite ! Monsieur le comte vous attend, Capitaine… dit Valentin après un bref appel au château.

En passant devant l’étang, les deux policiers virent le ruban d’interdiction d’accès posé par les gendarmes.

— Ils n’ont laissé personne pour garder les lieux ?

— Si, regarde ! Il devait être parti se soulager dans un taillis, dit Paoli en voyant un gendarme apparaître. Tiens, téléphone donc à la boutique et demande que quelqu’un vienne le remplacer.

Il arrêta la voiture à une vingtaine de mètres du perron, sur l’esplanade gravillonnée. Un berger allemand arriva en aboyant.

— Yalta, aux pieds ! lui ordonna un homme qui se présenta : bonjour Messieurs, je suis Gonzague de Rosière.

— Bonjour, Monsieur le comte. Capitaine Paoli et lieutenant Marchand, PJ.

— Que me vaut la visite de la police ? Nous avons déjà parlé aux gendarmes…

— Nous avons été requis par le parquet pour mener l’enquête sur la noyade de monsieur Letilleul.

— Ah ! Mais je vous en prie, veuillez vous donner la peine d’entrer.

Il les fit pénétrer dans un salon.

— Je vous présente ma femme, Ségolène. Monsieur et madame de Hautbourg, des amis de longue date… Constance Lafeuillée, Fabien Neuville et Victoria Armani, la femme de ce pauvre Patrick. Tous trois sont acteurs.

Chacun, à l’énoncé de son nom, salua les policiers : qui d’un « bonjour » à voix haute, qui d’un sourire timide, qui d’une inclinaison du chef.

— Ces messieurs sont de la police judiciaire. Voici le capitaine Paoli et le lieutenant Marchand.

— Nous allions prendre le thé. En voulez-vous ? leur demanda Ségolène.

— Non, merci, Madame.

— Pouvons-nous vous parler, mademoiselle Armani ?

— Cela ne peut-il pas attendre, Capitaine ? Victoria ne se sent pas très bien. Je suppose que vous comprenez…

— Laisse, Constance, dit l’intéressée en se levant. Autant en finir au plus vite.

— Comme tu veux.

Victoria Armani, actrice en vogue du moment, sortit du salon avec François Paoli et David Marchand.

Âgée d’une trentaine d’années, elle avait un corps harmonieux qu’elle avait habillé en noir d’un pantalon léger et d’une tunique à manches longues en lin ; sa tenue était égayée d’un foulard en mousseline de soie multicolore, négligemment noué sur le côté.

— Bien, je vous écoute. Que voulez-vous savoir ?

— Selon les premières constatations, l’heure de la mort de votre mari se situe entre deux et trois heures du matin. Où étiez-vous et que faisiez-vous à cette heure-là, Madame ?

— Je dormais, là-haut… Ces trois fenêtres, là, sont celles de notre chambre, les désigna-t-elle du doigt.

— Êtes-vous montée toute seule vous coucher ?

— Non, Patrick était avec moi.

— Quelle heure était-il ? Vous en souvenez-vous ?

— Une heure et demie, deux heures, je ne sais plus trop bien… Je dois dire que je fais peu de cas des aiguilles qui tournent.

— Comment était-il ?

— Pardon ?

— Oui… Quand vous êtes montés et que vous vous êtes retrouvés entre vous, vous a-t-il semblé bizarre ?

— Bizarre ? Patrick ? Oh ! Je vois… Il avait pas mal bu… mais c’était le cas de la plupart d’entre nous.

— Se droguait-il ?

— Rarement. Une petite ligne de cocaïne…

— L’a-t-il fait ce soir-là ?

— Je ne sais pas.

— Vous-même, en consommez-vous ?

— Non.

— Donc vous êtes montés dans votre chambre et vous vous êtes couchés.

— C’est cela, mais couchés ne veut pas pour autant dire que nous nous sommes endormis sur-le-champ. Vous voyez ce que je veux dire, dit Victoria en fixant les yeux bruns du capitaine Paoli.

— Je vois, répliqua ce dernier, laconique.

Il y eut un échange visuel appuyé de part et d’autre. Le lieutenant Marchand le brisa en posant une question :

— Et après vos ébats ?

L’actrice détourna son regard séducteur de Paoli pour le poser, outragé, sur Marchand.

— A votre avis ? Vous croyez que nous avons joué au scrabble ? Hein ! Mais quelle espèce d’homme êtes-vous pour poser une telle question ?

Ses yeux se détachèrent du lieutenant Marchand pour revenir au capitaine Paoli. Des prunelles vert bronze, embuées, soulignées de cernes, dans un ovale légèrement hâlé encadré de cheveux blonds qui tombaient sur ses épaules.

— Mon collègue ne pensait pas à mal, Madame. Nous essayons simplement de reconstituer l’emploi du temps de monsieur Letilleul avant sa mort.

— Ah ! Oui, bien sûr…

Elle fit quelques pas, regarda en direction de l’étang ceint du ruban sécurisant l’accès, le fixa pendant un moment, puis… s’évanouit.

— Bon sang ! s’exclama Paoli en se précipitant vers elle.

Il lui donna quelques tapes sur le visage, elle revint à elle.

— Nous allons vous ramener à l’intérieur.

Les deux policiers aidèrent l’actrice à se relever et la reconduisirent au château où elle fut prise en charge par Ségolène de Rosière.

— Elle a besoin de repos, dit la châtelaine. Le coup a été rude.

— Nous comprenons.

— Où sont passés vos autres invités ? interrogea le lieutenant Marchand.

— Les Hautbourg font un tennis.

— Et les jeunes gens qui ont repêché monsieur Letilleul ?

— Constance est au jardin potager avec notre domestique Louise. Quant à Fabien, vous le trouverez aux écuries avec mon époux.

— Vous avez des chevaux ?

— Non, cela fait des années qu’il n’y en a plus et que les écuries ont été transformées en atelier et remise à outils. Maintenant, excusez-moi, je vais m’occuper de Victoria.

François Paoli et David Marchand regardèrent Ségolène de Rosière emmener Victoria Armani.

— Bien, allons au potager, décida Paoli.

Ils sortirent, contournèrent la bâtisse et suivirent une allée qui les mena à un jardin clos par quatre hauts murs en pierre sèche. Ils franchirent l’entrée sans porte et découvrirent un univers de couleurs et de senteurs où légumes, fruits et fleurs se côtoyaient en harmonie dans quatre rectangles bordés de haies de buis et délimités par deux allées médianes se croisant au centre. Des poiriers et des pommiers palissés occupaient toute la longueur du mur opposé, tandis qu’un saule dispensait son ombre aérée au croisement des allées.

Ils repérèrent Constance Lafeuillée, penchée sur un buisson de roses.

— Mademoiselle Lafeuillée ! appela Paoli.

— Ces roses ont un parfum enivrant ! répondit la jeune femme, le nez dans les fleurs.

— Effectivement, ces fleurs sentent très bon, approuva Paoli. Mais ce n’est pas pour parler de la beauté des roses ni de leur parfum que nous voulions vous voir.

— Je m’en doute…

— J’aimerais que vous me racontiez les circonstances de la découverte de monsieur Letilleul.

Constance Lafeuillée rapporta sa course dans les bois en compagnie de Fabien Neuville, puis leur retour par l’étang et la macabre découverte.

— Quelle est la nature de vos relations avec monsieur Neuville ?

— Nous nous apprécions beaucoup mutuellement et nous avons des goûts en commun.

— Comme le footing…

— Entre autres, oui.

— Depuis quand le connaissez-vous ?

— Deux ans, à peu près, répondit-elle après un petit temps de réflexion.

— Et vous vous voyez souvent ?

— On peut dire ça, oui.

— Connaissiez-vous la victime, Patrick Letilleul ?

— C’était un homme charmant, débordant d’idées, et d’énergie aussi. Son dernier film a eu beaucoup de succès. Patrick a d’ailleurs obtenu le prix de la mise en scène en mai dernier à Cannes.

— N’est-ce pas pour L’avocat ?

— Si, exactement. Un thriller.

— Et Victoria Armani, que pouvez-vous nous en dire ?

— Le rôle qu’elle tenait dans le film que nous sommes venus tourner ici est éprouvant.

— Quel en est le titre ? demanda David.

— Le jardinier. Patrick s’est inspiré d’un fait divers pour bâtir son scénario. Vous savez, cette femme qui a dénoncé son jardinier en lettres de sang sur un mur de sa propriété. Victoria interprétait le personnage féminin principal, une composition assez difficile. Patrick et elle avaient beau s’aimer, il ne la ménageait pas lorsqu’ils travaillaient ensemble. Je viens de vous dire qu’il était plein d’énergie, mais il était aussi très exigeant avec ses acteurs. Et surtout avec elle, d’après ce que j’ai pu constater.

— Revenons à la soirée, si vous le voulez bien. Et plus précisément à sa fin. Vers quelle heure la fête s’est-elle achevée ?

— Pas très tard… Une heure et demie à peu près.

— Pas plus ?

— Non, et j’ai un bon repère car Fabien devait téléphoner à un ami en Floride entre 19 et 20 heures, heure locale. Si vous comptez le décalage horaire de six heures, cela vous donne entre 1 et 2 heures du matin, heure française. Et je me rappelle bien qu’il m’a dit qu’il devait se dépêcher pour ne pas rater son ami.

— Vous êtes montés les premiers ?

— Derrière les Hautbourg. Victoria et Patrick nous suivaient, puis nos hôtes.

— Donc, vous diriez que pour deux heures du matin, tout le monde avait regagné sa chambre ?

— Oui.

— Qu’avez-vous fait après que votre ami eut téléphoné ?

— J’ai souhaité une bonne nuit à Fabien et je suis allée me coucher.

— Vous occupez des chambres séparées ?

— Oui.

— Vous êtes-vous endormie tout de suite ?

— Le temps de poser ma tête sur l’oreiller, et, oui, j’ai plongé dans les bras de Morphée. Je n’en pouvais plus ! J’ai dormi d’une traite jusqu’au lendemain matin.

— Donc, vous n’avez rien entendu pendant la nuit ?

— Rien du tout ! Le ciel me serait tombé sur la tête, que je ne m’en serais pas rendu compte !

— Au sujet de Patrick Letilleul… Comment était-il durant la soirée ? Vous a-t-il semblé morose ou préoccupé ?

— Pas du tout !

— Bien, ce sera tout pour l’instant, mademoiselle Lafeuillée. Toutefois, veuillez rester à notre disposition, s’il vous plaît.

Paoli et Marchand la laissèrent devant le rosier et partirent à la suite de Louise qui sortait du potager.

— Louise !… la héla le lieutenant Marchand. Nous aimerions vous parler. Nous sommes de la police. Lieutenant Marchand et Capitaine Paoli, dit David.

— Ah ! Alors, je suppose que c’est au sujet de monsieur Letilleul… Allez-y, posez vos questions, je vous écoute.

— Jusqu’à quelle heure étiez-vous de service le soir de la réception ?

— Une heure du matin, Lieutenant. Même si la fête dure au-delà, notre service, à Valentin et à moi, s’arrête à cette heure-là. C’est Madame qui en a décidé ainsi, afin que nous puissions reprendre notre travail le lendemain sans trop de fatigue. C’est comme ça à chaque réception.

— Dormez-vous au château ?

— Non, Capitaine, pas en cette saison… Nous logeons dans la petite maison, près de la grille d’entrée.

— Vous faites le trajet entre les deux bâtiments à pied ?

— Non. Monsieur met une petite voiture électrique à notre disposition. Vous savez, du genre de celles qu’on voit sur les terrains de golf… C’est bien pratique quand on a fini et qu’on en a plein les jambes d’avoir piétiné pour servir.

— Ils sont du genre attentionné, vos maîtres, dites donc !

— A mon avis, il n’y en a pas de meilleurs.

— Parlez-nous un peu des invités qui dormaient au château…

— Pour les Hautbourg, il n’y a pas grand-chose à en dire. Ce sont des amis de Monsieur et Madame. Je les ai toujours vus depuis que je travaille au château. Monsieur de Hautbourg est haut fonctionnaire à l’étranger, sa femme ne travaille pas. Mademoiselle Lafeuillée, à qui vous venez de parler, est actrice. Je ne la connaissais pas avant qu’elle vienne, mais c’est une jeune femme adorable. Dynamique, avec toujours un sourire ou un mot gentil pour Val ou moi. Monsieur Neuville aussi, d’ailleurs, quoiqu’un peu plus réservé.

— Monsieur Letilleul ? Mademoiselle Armani ?

— Ils formaient un beau couple. Monsieur Letilleul était très amoureux d’elle, ça se voyait ! Toujours à l’appeler par un petit nom gentil, à l’embrasser…

— Et elle ?

— Je pense qu’il en était de même, mais elle était moins démonstrative que lui en société. Si vous voulez mon avis, elle est un peu timide.

— Pourtant, elle est actrice, objecta Paoli.

— L’actrice peut être différente de la femme, Capitaine.

Paoli hocha la tête, l’argument de Louise était valable.

— Vous avez dû observer les uns et les autres, l’autre soir…

— Oui et non. Je suis là pour faire le service et satisfaire aux désirs de chacun, ce qui fait que je regarde un peu partout, mais je n’espionne pas !

— J’entends bien, Louise. Ce que j’aimerais savoir, c’est si vous avez remarqué quelque chose pendant la soirée, concernant l’un ou l’autre des invités de monsieur et madame de Rosière.

La domestique garda le silence pendant quelques instants, faisant appel à sa mémoire.

— Maintenant que vous m’y faites penser… Oh, ce n’est pas grand-chose, mais…

— Quel est ce détail ?

— Eh bien, pendant une bonne partie de la soirée, monsieur Letilleul a monopolisé l’attention de la tablée. Il parlait beaucoup de son film et des quelques scènes qu’il a tournées ici, à Trohanet. Et puis, vers la fin du repas… C’était au moment du dessert, si je me rappelle bien, on l’a moins entendu comme si la fatigue lui était tombée dessus d’un coup !

— Et pour les autres convives, vous n’avez rien remarqué de spécial ?

— Non, je ne vois pas, répondit Louise au bout d’un laps de temps. Tout le monde a fait honneur au repas que Madame m’avait demandé de composer. Et aux vins aussi !

— Bien, merci Louise.

Ils quittèrent le jardin et se dirigèrent vers les écuries.

Là, ils virent deux hommes dont ils identifièrent le plus jeune comme étant Fabien Neuville. Ils s’approchèrent du duo qui était penché sur un moteur.

— Alors, on fait de la mécanique ? lança Paoli.

Le duo releva le nez pour saluer les arrivants qui se présentèrent, cartes tricolores exhibées.

— C’est vous qui avez repêché monsieur Letilleul, je crois…

— Oui. Hélas, il n’y avait plus rien à faire.

— Où étiez-vous entre deux et trois heures du matin, cette nuit-là, monsieur Neuville ?

— Dans mon lit. Malheureusement, personne ne pourra en témoigner, j’ai dormi seul.

— A quelle heure vous êtes-vous couché ?

— Je devais passer un coup de fil à un ami, en Floride, avant deux heures du matin, heure française, bien sûr. A cause du décalage horaire.

— Vous avez eu votre ami ?

— Oui.

— Ses coordonnées, je vous prie…

Le lieutenant Marchand nota les renseignements dans un petit calepin tandis que le capitaine Paoli reprenait ses questions :

— Je crois savoir que mademoiselle Lafeuillée et vous êtes assez proches… Comment se fait-il qu’on vous ait attribué des chambres séparées ?

— Toutes les chambres du château ne sont pas pourvues de lits à deux places, nous a-t-on dit. Et les couples mariés ont la priorité sur les couples non officialisés. Remarquez que nous ne nous en offusquons pas, Constance et moi. Au contraire, cela pimente nos rencontres et leur donne un côté romanesque que Constance aime beaucoup.

— Sauf que la nuit de la mort de monsieur Letilleul, vous avez dormi chacun de votre côté.

— Oui.

— Vous connaissiez bien Patrick Letilleul ?

— J’ai travaillé plusieurs fois avec lui.

— Ah ! Et en privé ?

— Nous ne nous fréquentions pas. Sauf si l’utile devait se joindre à l’agréable, comme cela était le cas ici.

— Comment le perceviez-vous ?

— Comme un homme aimant son métier et voulant bien le faire. Beaucoup d’idées, de rigueur… d’exigences aussi.

— Avec ses acteurs ?

— Oh, pas seulement ses acteurs, avec ses techniciens également ! Pas question qu’un micro, un projo ou une steadycam ne soit pas en état de fonctionner ! Sinon, il entrait dans une colère qui pouvait être terrible.

— Bon, ce sera tout pour le moment, mais…

— Je dois rester à votre disposition, c’est cela n’est-ce pas ? On entend si souvent cette phrase dans les polars !

La réflexion de Fabien Neuville fit sourire les deux enquêteurs avant qu’ils ne s’adressent à Valentin. Mais ils n’apprirent pas grand-chose de plus. Aussi décidèrent-ils d’aller parler au couple jouant au tennis.

Les Hautbourg interrompirent leur jeu pour répondre à leurs questions. Au bout d’une demi-heure, Paoli et Marchand les laissèrent et marchèrent jusqu’à la ferme.

La ferme était une dépendance du château, comportant trois bâtiments qui entouraient les trois quarts du périmètre d’une cour. Une grille doublée d’une haie de fusain percée d’un portail en fer forgé fermait la cour.

A l’extérieur de la ferme étaient parqués huit véhicules, tous immatriculés hors Finistère : deux camions, trois fourgons, trois voitures commerciales.

Ils entrèrent dans la cour et obliquèrent vers le bâtiment de droite dont la porte était ouverte.

— On peut entrer ? Paoli et Marchand, PJ de Quimper.

— La police ? Mais, on a déjà vu les gendarmes ! Vous allez encore nous interroger ?

— Pas « encore » comme vous dites, Madame, car les gendarmes ne l’ont pas fait, que je sache. Ils ont seulement relevé vos identités.

— Que voulez-vous savoir ? demanda un homme baraqué comme une armoire normande.

— Pour commencer, le nombre de personnes dormant ici, à la ferme.

— Ben… on doit être une quinzaine.

— Et vous êtes ?

— Joseph Carrier, cameraman de travelling. Voici Régine Martin et Séverine Muret, les maquilleuses. Martine Fidou, la costumière. Jacques Vogel, le preneur de son. Roger Ponton, l’accessoiriste.

— Où sont les neuf autres personnes ?

Joseph Carrier haussa les épaules : il l’ignorait. Martine Fidou répondit à sa place :

— A la plage.

— A la plage ?

— Quel mal y a-t-il à cela ? Il fait chaud, ils avaient envie de voir l’océan.

*

David avait pris le volant. Près de lui, François avait fermé les yeux depuis que leur voiture était sortie de la propriété.

— Tu dors ?

— Pas tout à fait. Pourquoi ?

— Ton impression sur les hôtes de Trohanet après cette prise de contact ?

— Trop tôt pour avoir une opinion. Et puis, tu viens de le dire, ce n’était qu’un premier contact. Il nous faudra plusieurs visites pour mieux cerner tout ce beau monde.

— Je me demande bien ce que Letilleul faisait dans le parc au milieu de la nuit.

— Moi aussi, fit François sans ouvrir les yeux en répondant à son téléphone portable qui venait de vibrer dans sa poche. Paoli, j’écoute ! Ah, c’est toi Séverin ! Ah ! Bon… Bon, eh bien, c’est d’accord, à demain matin !

Il referma le petit appareil, le remit dans sa poche et dit :

— Séverin s’occupera de Letilleul demain matin.

— A quelle heure ?

— L’examen de corps débutera à dix heures, répondit François en se rencognant contre sa portière. Maintenant, si tu veux bien garder le silence, je t’en serai reconnaissant.

— Une petite chose encore, si tu permets.

— Vas-y.

— L’âge du château. Ça doit bien grincer d’un peu partout, une bâtisse de cet âge, non ?

— Hon.

*

Dès qu’ils furent rentrés à l’antenne de PJ, ils reportèrent leurs premiers éléments d’enquête sur un tableau – une idée de Paoli. Ils y inscrivirent les noms des hôtes de Trohanet, les adresses personnelles des invités, leur profession et les liens qu’ils avaient entre eux.

Voyant François ajouter une série de points d’interrogation en bas de la liste, David lui demanda ce qu’elle signifiait.

— Si meurtre il y a eu, il a très bien pu être commis par un tiers, extérieur au château.

— C’est la première fois que tu émets ces hypothèses.

— Il faut tout envisager, David, et j’ai du mal à croire à la noyade accidentelle d’un mec fringué en milieu de nuit.

— Ouais, ça, j’avoue que ça me chiffonne un peu aussi. A la rigueur, pris d’un malaise en plein cocktail au bord d’une piscine, ça s’est déjà vu, mais seul dans un étang en pleine nuit… Enfin, on sera fixés demain, par Sev.

— Allez, ça suffit pour aujourd’hui, on ferme, et je te paye un coup à La Chope.

*

Le lendemain, le lieutenant Marchand se présenta à la morgue pour assister à l’examen de corps du noyé.

— Oui ? lui répondit-on dans l’interphone.

— Lieutenant Marchand, détaché à la PJ.

— Entrez !

Le petit « clac ! » significatif du déverrouillage de la porte lui donna l’accès au lieu. Quelques pas sur sa gauche, et une nouvelle porte, au nom de Séverin Leclerc, médecin légiste. David Marchand toqua deux coups. La porte s’ouvrit.

— Ah, c’est toi, David ! s’exclama Séverin.

— Salut Sev ! Je viens pour le noyé de Langolen.

— Je m’attendais plutôt à voir François.

— Il est au palais de justice.

— Eh bien, tu sais où se trouve le vestiaire. Va te changer et rejoins-moi dans la seconde salle.

Une fois vêtu d’une blouse et ganté, il gagna la salle indiquée par le docteur Leclerc. Tout le monde se positionna autour de la table à autopsie, puis Séverin fit signe à son assistant de retirer le drap blanc qui recouvrait le corps.

— C’est bon, Sev, tu peux commencer l’examen de corps, dit Marchand en allumant le dictaphone qui lui servirait à taper son rapport.

— Bien, on y va. Nous avons donc sous les yeux, Patrick Letilleul, un homme de 39 ans, mesurant 1,78 mètres et pesant 72 kilogrammes.

— La vache, t’es précis, Sev !

— Aucun mérite, David. Sa carte d’identité était dans son portefeuille, lui-même dans la poche arrière de son pantalon. Nous allons commencer notre examen de corps par sa face antérieure.

Séverin Leclerc examina Patrick Letilleul de la tête aux pieds.

— Pas de trace de coups portés au visage, il n’y a ni hématome, ni coupure. Les mains sont intactes, soignées, manucurées. Absence de terre ou de débris de végétaux sous les ongles. La victime n’a donc pas essayé de sortir de l’eau. Au niveau du visage, on note un certain gonflement des tissus, probablement dus à l’immersion prolongée de la victime.

— Combien de temps à peu près, Sev ?

— A première vue, huit heures, maximum dix.

— OK, c’est noté, continue.

— On va le retourner, dit Séverin à son assistant. Doucement, ils firent changer de côté au cadavre.

— Ah, voici quelque chose d’intéressant ! Des traces de griffures, ainsi qu’une empreinte de morsure.

— Récentes ? interrogea David.

— Je le pense, oui. Le processus de cicatrisation n’en était qu’à son début.

Séverin Leclerc étudia toute la surface cutanée corporelle, puis revint à hauteur de la tête. Ses mains gantées tâtèrent le crâne.

— Il a reçu un coup, annonça-t-il en dégageant les cheveux mi-longs du mort à la base du crâne.

— Objet contondant ?

— Oui, pas de trace de coupure.

— Un seul coup, Sev ?

— Un instant, David…

Le jeune légiste fouilla minutieusement dans la masse capillaire, mais ne trouva rien d’autre.

— Un seul coup.

— Penses-tu qu’il ait suffi à le tuer ?

— On verra ça tout à l’heure, à l’autopsie, après l’examen de corps. Vous aurez besoin d’analyses toxicologiques, j’imagine…

— Yes. Alcool, médicaments, drogues, François veut le panel complet.

— OK, on va l’ouvrir tout de suite et le prélever ! Laurent, apporte ce qu’il faut !

— Les résultats ?

— Tu les auras dans l’après-midi. Bon, prêts pour la suite ?

Marchand acquiesça d’un signe de tête. Il se frotta du baume sous le nez : cela permettrait de supporter les odeurs des divers fluides corporels.

*

Alors qu’ils revenaient de leur déjeuner tardif, le mobile de Paoli sonna.

— Paoli, oui, j’écoute ! Ah, c’est toi ! Salut ! Alors ? Ah ! Bien… Merci. OK, merci. A plus !