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Elle est née à la rue ; il est né pour diriger…
Le cheikh Jameel Saif-Ad-Din est amoureux. Le problème, c’est qu’il ne connaît pas l’identité de la fascinante hackeuse qui se fait appeler Bugs. Il est néanmoins certain de deux choses : Bugs est une femme et elle sera à lui un jour. Alors que le danger est de plus en plus grand pour sa famille, Bugs partage de plus en plus d’informations avec lui, jusqu’à ce qu’elle ne donne plus signe de vie et que sa plus grande peur devienne réalité : les ennemis de sa famille l’ont découverte.
Junebug Rain vit dans un monde de zéros et de uns. Ses seuls réconforts sont sa sœur, Midnight, l’anonymat du monde des hackeurs, et un hackeur particulier du nom de Jam-man. Lorsque ses talents les conduisent, sa sœur et elle, dans le monde sombre des assassins du gouvernement, des mercenaires, et des coups d’État étrangers, sa vie est en péril et elle cherche la sécurité auprès du seul homme au monde en qui elle a confiance : Jameel « Jam-man » Saif-Ad-Din.
Junebug est pourchassée pour ses talents et le milliardaire qui la veut est prêt à tout pour la capturer, y compris utiliser Jameel comme appât. Se retrouvant seule dans le monde réel pour la première fois, elle utilisera toutes ses compétences et ses talents pour protéger l’homme qu’elle aime du danger qui les menace tous les deux, mais cela suffira-t-il ?
Meilleures ventes USA Today et NY Times, l’auteur de renommée internationale S.E. Smith présente une nouvelle histoire avec l’humour et les rebondissements imprévisibles qui la caractérisent ! Des aventures excitantes, des romances torrides et des personnages iconiques lui ont valu de nombreux fans. Plus de DEUX MILLIONS de livres vendus !
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Seitenzahl: 366
Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !
Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !
—S.E. Smith
La Geek et le Cheikh : Filles des rues, Tome 5
Copyright © 2024 par Susan E. Smith
Publication E-Book en anglais Décembre 2023
Publication E-Book en français Août 2024
Traduit Par : Charlotte Spender
Relu Par : Gaëlle Darde
Couverture par : Melody Simmons et Montana Publishing
TOUS DROITS RÉSERVÉS :
Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur. Aucune partie de l’œuvre de l'auteur ne pourra être utilisée pour l'entraînement d'une IA sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur. Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.
Résumé : Deux hackers, l’une grande solitaire, l’autre prince, peuvent-ils arrêter le complot meurtrier qui vise à tuer la famille de ce dernier ?
ISBN : 9781963823264 (livre de poche)
ISBN : 9781963823257 (eBook)
Romance avec des scènes explicites | Aventure | Contemporain | Amants Internationaux
Publié par Montana Publishing, LLC
& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com
Elle est née à la rue ; il est né pour diriger…
Le cheikh Jameel Saif-Ad-Din est amoureux. Le problème, c’est qu’il ne connaît pas l’identité de la fascinante hackeuse qui se fait appeler Bugs. Il est néanmoins certain de deux choses : Bugs est une femme et elle sera à lui un jour. Alors que le danger est de plus en plus grand pour sa famille, Bugs partage de plus en plus d’informations avec lui, jusqu’à ce qu’elle ne donne plus signe de vie et que sa plus grande peur devienne réalité : les ennemis de sa famille l’ont découverte.
Junebug Rain vit dans un monde de zéros et de uns. Ses seuls réconforts sont sa sœur, Midnight, l’anonymat du monde des hackeurs, et un hackeur particulier du nom de Jam-man. Lorsque ses talents les conduisent, sa sœur et elle, dans le monde sombre des assassins du gouvernement, des mercenaires, et des coups d’État étrangers, sa vie est en péril et elle cherche la sécurité auprès du seul homme au monde en qui elle a confiance : Jameel « Jam-man » Saif-Ad-Din.
Junebug est pourchassée pour ses talents et le milliardaire qui la veut est prêt à tout pour la capturer, y compris utiliser Jameel comme appât. Se retrouvant seule dans le monde réel pour la première fois, elle utilisera toutes ses compétences et ses talents pour protéger l’homme qu’elle aime du danger qui les menace tous les deux, mais cela suffira-t-il ?
L’élégante maison d’Andrius Bronislav,
Près de Vilnius, capitale de la Lituanie
Andrius Bronislav tendit une main et agrippa le manteau de la cheminée. Les fausses bûches scintillaient derrière le verre trempé. La chaleur l’envahit, mais rien ne semblait pénétrer le froid qui avait gagné son âme. Les autorités avaient fermé son exploitation minière rentable au Brésil et confisqué tous ses biens. Des millions de dollars étaient partis en fumée en quelques heures.
Il ferma les yeux tandis qu’une vague d’amertume le submergeait. Sa haine brûlait, laissant un goût acide dans sa bouche. Il rouvrit les yeux. Il tuerait la famille à l’origine de sa destruction même si c’était la dernière chose qu’il faisait !
— J’en ai plus qu’assez de vos excuses ! Je veux des résultats ! Tous ceux que j’ai envoyés contre la famille Saif-Ad-Din ont échoué, s’emporta Andrius.
Le petit groupe de mercenaires qu’il avait rassemblé resta silencieux. Andrius jeta son verre à vin en cristal contre le mur, et les hommes frémirent d’inquiétude.
Je suis entouré d’imbéciles, s’agaça-t-il.
Andrius considéra le groupe d’un regard noir, et les trois hommes qui se tenaient près de la porte de son bureau baissèrent les yeux ou détournèrent le regard. L’unique femme, assise sur le canapé près de la fenêtre, demeurait impassible.
Sa main se crispa sur le pommeau de la canne sur laquelle il s’appuyait lourdement. Ses douleurs invalidantes et sa peau gravement marquée de cicatrices étaient des cadeaux du gouvernement, offerts lors de l’attaque de son ancien complexe.
Colin Coldhouse, propriétaire de Méthodes de sécurité Cold, avait disparu peu après l’attaque. Andrius ne savait pas où se trouvait l’homme… ni s’il était encore en vie, mais le frère téméraire de Colin et des dizaines d’autres membres hautement qualifiés de Méthodes de sécurité Cold étaient morts.
Andrius avait perdu plusieurs milliards de dollars de matériel et d’installations. Tout avait été détruit ou confisqué par le gouvernement lituanien. Son immense fortune avait pratiquement disparu, de même que sa capacité à se déplacer librement à travers le monde.
Il était confiné aux quelques rares pays qui voulaient bien fermer les yeux — tant qu’il acceptait de réduire encore ses maigres réserves d’argent pour graisser la patte de fonctionnaires avides. Cependant, même la corruption ne suffisait pas à lui permettre de rester dans son pays d’origine. Pour cela, il avait besoin des quelques contacts loyaux qui lui restaient et des secrets honteux qu’il détenait sur une poignée de puissants politiciens.
— Peut-être que les autres ont échoué parce que vous abordez la… situation… sous le mauvais angle, suggéra la femme.
Andrius reporta son courroux sur elle. Elle était jeune — la plus jeune du groupe — et elle se démarquait des autres. Les trois mercenaires endurcis n’étaient pas sans rappeler le désastreux Colin Coldhouse. Il avait engagé cette jeune hackeuse pour mettre fin aux cyberattaques qui continuaient de drainer sa fortune. Sa peau d’ébène était sans défaut, ses courbes agréablement rondes et ses yeux mis en valeur par des lunettes à large monture. Elle portait une robe t-shirt tie and dye vive rouge, orange, jaune et noir, ainsi qu’un legging noir.
La seule caractéristique qu’elle partage avec ces hommes, c’est son regard, observa-t-il. Froid, dur et calculateur.
— Laissez-nous, ordonna-t-il aux hommes avec un geste dédaigneux de la main.
Il continua de regarder Allison dans les yeux tandis que les hommes se retiraient silencieusement de la pièce. Elle soutint son regard sans ciller.
Andrius se dirigea péniblement vers le fauteuil près de la fenêtre et s’enfonça dans le coussin moelleux à motif floral. Il étira sa jambe blessée et frotta le pommeau de sa canne du pouce.
Allison se leva du canapé en cuir, traversa la pièce et servit deux verres de scotch de la carafe en cristal posée sur le bar. Elle revint et lui tendit un verre de la main droite tandis qu’elle buvait une gorgée de l’autre. Il accepta la boisson.
— Qu’est-ce que vous proposez ? demanda-t-il.
Les lèvres d’Allison s’étirèrent en un sourire plein d’assurance et elle reprit sa place sur le canapé. Elle enleva ses talons ridiculement hauts d’un rouge éclatant, et replia ses jambes sous elle. Sa robe remonta sur ses jambes.
Non, elle n’a rien à voir avec les professionnels auxquels j’ai eu affaire par le passé, pensa Andrius avec irritation tout en appréciant l’assurance inhabituelle de la jeune femme.
— Vous vous attaquez à la famille Saif-Ad-Din par la force brute. Certes, c’est le résultat final attendu, mais c’est comme frapper un mur de béton de deux mètres d’épaisseur avec un maillet en caoutchouc et s’attendre à ce que le mur s’écroule. Eux… en revanche… ils vous taillent comme un chirurgien avec un scalpel bien aiguisé, vous coupant là où ça fait mal sans jamais avoir besoin de vous attaquer directement.
Andrius serra les dents et agrippa tant le pommeau de sa canne que ses jointures blanchirent. Allison ne lui disait rien qu’il ne sache déjà.
— Venez-en au fait, lança-t-il d’un ton acerbe.
Ses traits se figèrent et ses yeux brillèrent d’inquiétude avant qu’elle ne hausse les épaules et ne baisse la tête, signe qu’elle comprenait qu’elle était sur la corde raide. Elle but une gorgée de scotch avant de serrer le verre dans ses mains.
— Tout dans ce monde est numérique maintenant. Même votre frigo et votre machine à laver communiquent avec le web ! S’il y a une connexion, il y a un moyen d’entrer et donc un moyen de vous suivre. Vous vous êtes concentré sur les personnes qui prennent les décisions et non sur celle qui obtient les informations. Les informations sont la clé. Sans, personne ne peut rien faire ! Vous devez couper l’herbe sous le pied de la famille Saif-Ad-Din et la seule façon de le faire, c’est d’éliminer Jameel Saif-Ad-Din, leur génie de l’informatique personnel. Je sais quel genre de personne est Jameel Saif-Ad-Din. Je connais sa façon de penser et je peux le ralentir. Mais si vous voulez vraiment empêcher la famille Saif-Ad-Din de vous saigner à blanc, vous devez le retirer définitivement de l’échiquier.
Andrius fronça les sourcils.
— C’est pour cela que je vous ai engagée.
Allison déplia ses jambes et se redressa. Une lueur enthousiaste apparut dans ses yeux marron. Elle se pencha en avant, comme si elle avait peur d’énoncer tout haut ce qu’elle s’apprêtait à lui dire.
— Il va vous falloir un spécialiste, commença Allison.
Une vague de colère glaciale le traversa.
— Vous êtes en train de me dire que j’aurais dû engager ce spécialiste plutôt que vous, dit-il doucement, la menace distincte dans chaque mot.
La colère d’Allison brilla dans ses yeux, mais son ton était professionnel lorsqu’elle prit la parole :
— Considérez-moi comme une consultante. Je suis l’experte qui a évalué votre situation et vous a trouvé la bonne personne au bon moment.
— Eh bien, mademoiselle la consultante, si votre seule utilité, c’est de trouver quelqu’un de meilleur que vous, vous ne méritez pas le salaire dont nous étions convenus, grogna-t-il.
Allison le foudroya du regard.
— Écoutez, je suis sacrément douée dans ce que je fais et vous avez beaucoup de chance de m’avoir engagée, moi, parce que je suis la seule à pouvoir vous dégoter ce spécialiste.
Elle leva le verre de scotch et le vida d’un trait.
— Vraiment ? demanda-t-il avec dérision.
Allison lui adressa un sourire carnassier.
— Je connais son point faible. C’est un certain hacker appelé Jam-man… qui se trouve aussi être ce fichu prince de Jawahir contre qui je défends vos comptes.
Andrius plissa les yeux.
— Comment le savez-vous ?
Allison caressa le bord de son verre du bout du doigt.
— Je vous l’ai dit, je connais Jameel. On est allés à l’école ensemble, et on joue à des MMO ensemble, bien qu’il ne le sache pas. Je connais sa façon de coder. Il s’est amélioré, mais moi aussi. Ces dernières années, Bugs a participé à des raids avec nous. Je sais qu’il se passe quelque chose entre eux deux. Leur alchimie crève les yeux.
Le regard de la jeune femme était déterminé et Andrius décela une note calculatrice dans son discours. Pour elle, c’était personnel. Jalousie, envie… les deux ? L’une ou l’autre de ces émotions pouvait avoir une grande influence.
Oh ! pensa-t-il. Ne serait-ce pas jouissif ? L’amoureuse éconduite qui complote pour détruire son ancien amour et se sert de son ennemie jurée pour les éliminer tous les deux en même temps.
Il cacha son sourire et chassa la pointe d’amusement qui l’avait gagné ; il s’agissait d’affaires.
— Cette spécialiste s’appelle Bugs ? demanda-t-il avec incrédulité.
— Oui.
— Et comment savez-vous que cette « Bugs » est celle dont j’ai besoin ? demanda Andrius avec un regard évaluateur.
— On ne parle que d’elle sur le dark web… c’est une légende parmi les hackers d’élite. Si vous l’avez, vous avez le monde à portée de main. La rumeur raconte que personne ne peut égaler son codage, pas même les plus puissants gouvernements du monde, dit Allison.
— Si cette hackeuse est si phénoménale, pourquoi ne travaille-t-elle pas pour le gouvernement américain ? demanda Andrius.
Allison ricana.
— Vous plaisantez ? Les types du gouvernement ne nous comprennent pas. Ils nous suceraient jusqu’à la moelle, puis ils nous enfermeraient dans un coin où on ne pourrait rien faire. S’ils mettaient la main sur Bugs… disons seulement que c’est effrayant de penser à ce qu’ils pourraient la forcer à faire. Non, les hackers comme nous ont tout intérêt à travailler à leur compte, expliqua-t-elle.
— Très bien. Vous avez toute mon attention. Comment allez-vous utiliser le prince pour l’attraper ? s’enquit Andrius en tapotant impatiemment du doigt le pommeau de sa canne.
Allison leva le menton et lui adressa un sourire crispé.
— C’est là que mon plan devient intéressant.
Tandis qu’Andrius écoutait Allison exposer son plan pour attirer la mystérieuse hackeuse dans un piège, l’espoir renaissait en lui.
Peut-être que j’ai bel et bien abordé la question sous le mauvais angle, pensa-t-il.
Le contrôle venait de la personne qui tenait le monde numérique dans le creux de sa main et cette personne le craindrait. Il aurait tout. Il réussirait à faire tomber la famille Saif-Ad-Din. Il récupérerait son empire. Tout ce dont il avait besoin, c’était d’un peu de persuasion et du bon appât.
New York City,
Dans le présent :
— Vous pouvez me laisser ici, indiqua Junebug Rain.
— Et voilà, lui répondit joyeusement John, le chauffeur de l’Uber.
Junebug regarda avec des yeux arrondis par l’enthousiasme le terminal de l’aéroport international JFK. Elle n’était jamais venue ici auparavant, bien qu’elle soit née et ait grandi dans cette ville. À vrai dire, il y avait beaucoup d’endroits qu’elle n’avait jamais explorés… du moins, pas en personne. Virtuellement, elle était allée partout grâce à sa sœur aînée, Midnight.
— Bonne journée, lui lança John.
Perdue dans ses pensées, Junebug poussa la portière du SUV compact et se glissa dehors. Elle se mit son sac à dos à l’épaule et resta plantée là à fixer l’entrée avec un mélange de crainte et d’exaltation. Elle avança avec un petit groupe de voyageurs enthousiastes et le suivit à l’intérieur du bâtiment.
L’aube n’était pas encore levée que l’aéroport bourdonnait déjà d’activité. Elle scruta les files d’attente qui se formaient devant les agents avant de les contourner et de se diriger vers la sécurité. Elle sortit son passeport, la carte d’identité qu’elle utilisait, et son pass sécurité lui facilitant l’embarquement.
Les voyageurs impatients et fatigués lui jetèrent des coups d’œil tandis qu’elle passait devant eux. Quelques hommes se redressèrent, espérant attirer son attention. Quelques femmes soupirèrent, lancèrent des regards mécontents ou donnèrent des coups de coude à leurs partenaires. Junebug ne se rendait pas compte de l’agitation qu’elle provoquait.
— Tyler, regarde où tu vas ! siffla une femme.
Le choc de la valise de l’étourdi contre un panneau métallique le fit tomber. Les jurons de sa compagne se mêlèrent aux marmonnements défensifs de l’homme. Plusieurs personnes émirent des rires discrets.
— Je ne l’avais pas vu, protesta Tyler.
— Parce que tu étais bien trop occupé à la regarder elle ! s’emporta la femme.
Junebug continua jusqu’au portique de sécurité. Elle avait mémorisé les sections de l’aéroport qui menaient à la zone où elle se rendait, et elle se faufila parmi les voyageurs matinaux avec une aisance qui démentait les papillons dans son ventre. C’était la première fois de sa vie qu’elle se trouvait dans un aéroport ! Elle présenta ses documents à l’agent de sécurité et lui adressa un sourire éclatant qui éblouit de nombreuses personnes autour d’elle, puis elle récupéra son sac à dos et son ordinateur, et se mit en route vers sa porte d’embarquement.
Junebug s’engagea sur le tapis roulant. Son expression ravie fit glousser un couple âgé. Elle les ignora et se pencha en avant pour étudier la façon dont les pièces métalliques s’emboîtaient les unes dans les autres pour former le tapis.
— Où allez-vous ? demanda la vieille femme.
Junebug se redressa et cligna des yeux.
— Très loin d’ici. Pourquoi vous voulez le savoir ?
La femme eut l’air surprise.
— Je… parce que ça me semble étrange que vous voyagiez seule.
Junebug fixa le couple avant de hausser les épaules, de se retourner et de s’éloigner.
— Quelles manières ! s’exclama doucement la femme avec surprise et indignation.
— Quand on est aussi jolie qu’elle, on n’en a pas besoin, plaisanta son mari.
Junebug réfléchit aux propos du couple. Ils l’avaient trouvée impolie ? Et en quoi l’apparence de quelqu’un affecterait-elle ses manières ? Midnight lui avait dit de ne pas parler aux inconnus. Personne n’avait à savoir où elle se rendait… ni pourquoi elle était seule. Alors, qui était impoli dans cette situation ? Bugs ne le savait pas, mais elle oublia rapidement ses interrogations à mesure qu’elle se rapprochait de sa porte d’embarquement. La première étape de son voyage l’emmènerait à Londres. Elle planifierait la suite après.
Tout cela s’était produit de manière un peu inattendue. C’était le résultat d’une conversation avec sa sœur, Midnight, et du message crypté qu’elle avait reçu. Elle se mordit la lèvre en réfléchissant à sa décision. C’était Midnight qui s’occupait physiquement des missions dangereuses et qui sauvait les gens en difficulté, mais cette fois, le danger était personnel.
Aucune de nous ne devrait rester à la maison pour le moment… mais ça ne durera pas. Ce n’est pas possible.
Junebug s’arrêta devant un tableau d’affichage des départs et étudia les vols, les destinations et les horaires. Son vol embarquerait dans quinze minutes. Elle avait pris un billet en première classe pour éviter de faire la queue et ne pas avoir à parler aux autres voyageurs. L’idée de dire une phrase complète à quelqu’un d’autre que Midnight suffisait à lui donner une crise d’angoisse — enfin, presque. Elle se débrouillait bien jusque-là. Peut-être que ce ne serait pas aussi terrible qu’elle le pensait.
Tout de même, elle préférait largement discuter en ligne avec des gens dont elle ne connaissait ni le visage ni la véritable identité. Ça, elle pouvait gérer. C’était le fait d’être en présence d’autres personnes qui lui était difficile. Devoir les regarder, parler de choses qu’elle ne connaissait pas ou dont elle se fichait éperdument, voilà ce qui l’effrayait. Elle préférait le langage codé des ordinateurs.
— Tu peux le faire, Junebug. Tu peux y arriver, marmonna-t-elle.
— Tu as besoin d’aide pour trouver ta porte d’embarquement ?
Junebug se raidit et se tourna légèrement vers la voix grave et amicale. Un rapide coup d’œil lui fournit toutes les informations dont elle avait besoin : homme d’environ vingt-six ans, cheveux et yeux bruns, chemise hawaïenne, bermuda, crocs… avec des chaussettes, et un bagage à main usé. Niveau de menace sur une échelle d’un à dix : deux.
Ce fut la façon dont il la regardait qui lui valut ce chiffre. Il semblait espérer avoir une chance avec elle s’ils étaient sur le même vol. Même pas en rêve.
— Non, répondit-elle en se retournant et en s’éloignant.
— Hé, tout va bien, dit-il en la suivant. Je voulais juste m’assurer que tu n’es pas perdue, mais il semble que ce ne soit pas le cas. Je vais à…
Elle s’arrêta et se tourna vers lui. M. Crocs-Chaussettes faillit lui rentrer dedans. Elle leva les yeux vers lui. Il dépassait son mètre soixante tout en courbes d’une bonne tête.
— J’ai dit non. Je n’ai pas besoin d’aide. Je ne veux pas marcher avec vous. Je suis amoureuse de quelqu’un et je vais le retrouver, affirma-t-elle.
Voilà, se dit-elle. Elle était capable de donner des détails à des gens qui ne les méritaient pas. Elle devenait de moins en moins impolie. Prendsça,la vieille, pensa-t-elle victorieusement.
M. Crocs-Chaussettes fronça les sourcils.
— Tu l’as perdu ?
— Qui ça ?
— Tu as dit que tu allais le « retrouver ». Ton amoureux a disparu ? demanda-t-il avec un petit rire.
Elle le regarda fixement.
— Non, bien sûr que non. Je ne l’ai même pas encore rencontré.
Elle se retourna et s’éloigna en secouant la tête. Bon, d’accord, en principe, elle avait rencontré Jam-man, mais pas en personne. Quoi qu’il en soit, c’était fini, elle n’adresserait plus la parole aux inconnus.
Je comprends mieux l’avertissement de Midnight. Qu’est-ce qui ne va pas chez ces gens ?
Elle atteignit sa porte d’embarquement. L’hôtesse de la compagnie aérienne appelait les passagers de la première classe. Junebug se dirigea vers l’avant de la file d’attente, montra son passeport et scanna sa carte d’embarquement avant d’emprunter la passerelle couverte.
Elle passa rapidement devant l’hôtesse et s’installa dans son siège, posant son sac à dos sur le sol devant elle. Il contenait tout ce dont elle avait besoin : deux tenues de rechange, une brosse, un paquet de guimauves et ses appareils électroniques. Elle gardait son argent et son passeport dans une petite pochette en bandoulière.
— Voulez-vous boire quelque chose ? demanda l’hôtesse.
Junebug cligna des yeux.
— De l’eau… s’il vous plaît.
Son cœur battait la chamade tandis que les passagers embarquaient. Elle était en train de le faire… elle était vraiment en train de le faire ! Elle était seule. Midnight n’était pas là pour la guider et la protéger. Elle ne bénéficiait pas de l’anonymat habituel que lui conférait un écran d’ordinateur. Elle était hors de chez elle… toute seule, et elle était à la fois exaltée et terrifiée. Pour une fois, elle allait devoir faire face à des gens.
Un flot de pensées et d’émotions s’abattit sur elle. Elle ferma les yeux et se balança doucement d’avant en arrière sur son siège tout tapotant l’extrémité de ses doigts en rythme. Elle visualisa Jam-man dans son esprit, et laissa la méditation familière et l’image mentale la calmer.
— Voulez-vous autre chose ? demanda l’hôtesse en plaçant son verre d’eau devant elle.
Junebug rouvrit les yeux et secoua la tête.
— Non… Merci, murmura-t-elle.
Non, la seule chose dont j’ai besoin, c’est de trouver des réponses… et de me construire une nouvelle vie. Un jeu d’enfants, quoi !
* * *
Division de la cybersécurité, Jawahir,
Six ans plus tôt :
Le cheikh Jameel Saif-Ad-Din slalomait dans le couloir en essayant de ne pas faire tomber sa pile de dossiers tout en envoyant des messages depuis son téléphone. Il ne vit pas les sourires entendus et les regards amusés de ses collègues, qui s’écartaient avant qu’il ne les percute. Ce n’était pas la première fois qu’ils se livraient à cet exercice depuis qu’il avait commencé à travailler à la division de la cybersécurité, trois semaines plus tôt. On n’entrait pas en collision avec un prince de Jawahir, même si c’était sa faute.
Jameel tourna à l’angle du couloir, prenant la direction de son bureau situé à un niveau inférieur du palais de Jawahir. L’excitation le gagnait tandis qu’il fixait l’écran de son téléphone.
Comment fonctionne le nouveau correctif que je t’ai envoyé ? Tu as pu remonter à la source du rootkit ?
Il lâcha un petit rire tout en tapant une réponse.
Ouais. T’avais vu juste. C’était un analyste qui travaillait pour la comptabilité. Il avait une liaison avec une analyste à la cybersécurité. Il a utilisé ses informations pour accéder à la base de données. Je n’aurais jamais trouvé l’erreur.
Mais si… dans un an ou… trois.
Lol. Certainement pas avant que quelqu’un ne trouve un moyen d’entrer comme tu l’as fait. T’as même deviné qui c’était.
C’était pas difficile. J’ai juste suivi l’argent, qui n’est plus sur son compte, d’ailleurs. Le refuge animalier local a reçu un don important hier soir. C’était comme un épisode de web-série sur TT : du cinéma et des tromperies. C’est tellement ringard.
Ouais, mais ça rend accro. Je t’enverrai bientôt le paiement pour ton aide.
T’embête pas, c’est cadeau. C’était fun de travailler avec toi. J’ai pas souvent l’occasion de rencontrer un hacker aussi bon que toi. Au fait, t’as essayé le nouveau jeu dont je t’ai parlé ?
Ouais, je suis trop content. Les cartes et la construction du monde sont phénoménales. Je m’y connecterai dans quelques instants. Tu seras là ?
Bien sûr. J’ai aidé avec le…
Un léger « oh » arracha Jameel à sa conversation avec Bugs, et il fit tomber son téléphone. Son air renfrogné face à cette interruption se transforma en un sourire enjoué lorsqu’il vit qui il avait heurté. L’air renfrogné de son frère aîné, lui, ne le changea pas.
— Tu vas finir par te prendre un mur un de ces jours si tu ne regardes pas où tu vas, commenta sèchement Tarek.
— Désolé, Tarek. Je travaillais sur ce problème de sécurité dont tu m’as parlé et… Merci, euh, c’est bon, marmonna Jameel lorsque son frère se pencha et ramassa le téléphone sur le sol.
Tarek lut le message visible et lui rendit le téléphone sans dire un mot. Jameel le serra contre son torse et pinça les lèvres pour ne pas faire de commentaire impertinent quand il remarqua que son comportement amusait son frère.
En tant que cadet de la fratrie, Jameel se sentait souvent… inférieur à ses trois frères talentueux. Son frère aîné était le prince héritier Qadir Saif-Ad-Din. Qadir était grand, ténébreux et menaçant. Un seul de ses regards et les gens s’inclinaient et perdaient leurs moyens.
Tarek portait le titre prestigieux de chef du renseignement militaire et était ministre. Tarek avait excellé à l’armée. Il était au courant de tout — ou presque — ce qui se passait dans le royaume. Le seul qui en savait probablement plus était leur père, Melik Saif-Ad-Din.
Même son frère jumeau, Junayd, était brillant. Junayd était médecin et directeur des services médicaux du royaume de Jawahir. La passion de Junayd pour la recherche médicale et son envie de venir en aide aux autres surpassaient à peine son amour du désert.
La seule chose que Jameel avait vraiment en commun avec ses frères était leur goût pour le beau sexe. Jameel se doutait que la plupart des habitants du royaume le considéraient comme le moins doué des quatre. Ce n’était pas un leader. Il détestait la rigueur de l’armée et avait la nausée à la vue du sang.
Enfin, du vrai sang. Le faux, ça va, songea-t-il.
Alors que ses frères étaient partis vivre leur vie, il avait trouvé du réconfort dans le domaine de la technologie. Il avait toujours préféré passer du temps avec des gamers en ligne et se perfectionner dans les langages de programmation plutôt que les obligations de la vie royale, et c’était ainsi qu’il avait rencontré Bugs.
Six mois plus tôt, pendant qu’il découvrait un nouveau jeu, il avait croisé une utilisatrice dont l’avatar représentait un petit insecte souriant. Elle lui avait proposé d’explorer ensemble un niveau bêta inédit du jeu. La fascination qu’elle exerçait sur lui avait été immédiate. Elle avait modifié le code au fur et à mesure qu’ils jouaient, rendant le jeu plus intéressant et les niveaux plus complexes.
Depuis ce soir-là, ils avaient passé des heures à jouer, à discuter et à se défier d’écrire des codes qui pourraient faire des ravages dans le monde si d’autres qu’eux y avaient accès. Dès la fin de la première nuit, il avait su qu’il discutait avec une femme. À la fin de la première semaine, il savait qu’il avait rencontré quelqu’un d’extraordinaire, et pas seulement en raison de ses compétences. Ce qu’il ne savait pas, c’était qui elle était ; il ne connaissait d’elle que son pseudonyme : Bugs.
— Allô, la Terre, tu es là ? demanda sèchement Tarek.
Jameel adressa un sourire en coin à son frère et rougit. Tarek scrutait son visage avec la même expression amusée que celle qu’avaient tant de gens lorsqu’il se perdait pendant une seconde dans ses pensées. Il dansa d’un pied sur l’autre et détourna le regard.
Avoir son frère comme patron, ça craint parfois, pensa-t-il avec dépit.
— J’attends un rapport sur la faille de sécurité dans une heure, poursuivit Tarek.
— Je te l’ai envoyé il y a trente minutes. Le hacker est un certain Ramel, de la comptabilité.
Tarek fronça les sourcils.
— Tu as déjà trouvé qui c’était ? Je t’ai donné les informations hier soir.
Jameel sourit et acquiesça d’un signe de tête.
— Ouais. Le problème est réglé. L’argent qu’il a gagné a été donné à un refuge animalier local. Oh, et il y a aussi des informations sur les enfoirés pour lesquels il travaillait. Une société appelée Atri Holdings. Quelqu’un que je connais est en train de les faire tomber. Ils vont regretter d’avoir pensé qu’on était un pays du tiers-monde qu’ils peuvent utiliser comme leur tirelire personnelle.
— Bien joué. Tu as fait un travail remarquable ces trois dernières semaines, Jameel. Je suppose que toutes ces années que tu as passées sur un ordinateur portent leurs fruits et vont pouvoir servir à Jawahir, déclara Tarek.
Jameel rougit et son sourire vacilla. C’était un sacré compliment venant de son frère. Il aurait seulement aimé pouvoir s’en attribuer tout le mérite.
— Merci, frangin. J’ai d’autres choses sur lesquelles je travaille. Je t’enverrai un rapport plus tard, dit-il.
— Parfait.
Jameel regarda son frère s’éloigner. Il baissa les yeux vers son téléphone et sourit. De mignons insectes animés parcouraient son écran. Il serra plus fort son téléphone et se précipita vers son bureau. Il avait hâte de mettre un visage derrière ces petits insectes créatifs.
Jawahir,
Dans le présent :
Jameel attendait avec impatience la notification indiquant que Bugs était en ligne tout en jetant des coups d’œil réguliers vers le bas de l’écran. Il se laissa aller contre le dossier de son siège, mais il n’était pas du tout détendu. Une frustration familière tendait ses muscles. Cela faisait plus de six ans et il n’avait toujours pas la moindre idée de qui était la mystérieuse hackeuse ; il savait seulement qu’elle continuait à l’intriguer.
Oh, il rêvait d’elle. Des rêves qui le laissaient agité et insatisfait. Il avait passé un temps considérable à chercher une autre femme capable de retenir son attention aussi longtemps qu’elle. Il commençait à douter que Bugs soit une vraie personne.
— Bon sang. C’est tout moi, ça, tomber amoureux d’une IA !
Sa déclaration rebondit sur les murs insonorisés du bureau d’angle sombre qu’il s’était approprié et se moqua de lui. Il se leva et fit rouler ses épaules pour en apaiser la tension. Il se dirigea vers la machine à café située dans le coin et se servit une tasse.
De retour à son bureau, il parcourut du regard l’écran sur lequel il surveillait Colin Coldhouse et Andrius Bronislav. Les deux hommes figuraient sur la liste des dix personnes les plus recherchées à Jawahir. Tous deux avaient tenté de tuer des membres de la famille royale. Grâce à Bugs, la plupart des fonds qui alimentaient les sociétés de Bronislav avaient été bloqués, et Méthodes de sécurité Cold, le groupe de mercenaires dirigé par Colin Coldhouse, avait définitivement cessé ses activités.
Malheureusement, les deux hommes représentaient toujours une menace. Il jeta un coup d’œil aux horloges réglées sur différents fuseaux horaires accrochées au mur, se rappelant toutes les fois où il avait essayé de deviner où vivait Bugs. C’était impossible. Elle se manifestait tel un fantôme à toute heure du jour et de la nuit.
Il ne savait pas quand elle dormait. Il avait besoin d’au moins six heures pour être opérationnel. Parfois, elle avait posté presque continuellement pendant des jours, surtout lorsque les attaques contre ses frères avaient commencé.
Il avait essayé de la trouver une fois et elle l’avait repoussé. Il s’attendait à ce qu’elle l’enguirlande ; au lieu de quoi, elle lui avait rendu la pareille… au centuple.
Il lui a fallu un mois pour désactiver le rootkit qu’elle avait installé. Pendant ce temps, il s’était retrouvé coincé dans une pièce virtuelle, incapable de quitter le jeu pour accéder au reste de son ordinateur. Le virus s’était également propagé à ses autres appareils.
Il va sans dire qu’il avait redémarré en mode sans échec, essayé différentes adresses VPN, s’était connecté avec de nouveaux identifiants ; il avait tout tenté. Chaque fois qu’il se connectait — sur n’importe quel appareil —, il se retrouvait dans une pièce vide avec un millier de portes menant toutes au même endroit. Il avait même acheté un nouvel ordinateur, mais la moindre connexion à ses anciens appareils avait transféré le virus.
Il avait fini par trouver la solution et était devenu un meilleur hacker grâce à cela, mais le message avait été très clair : s’il cherchait encore une fois à en apprendre plus sur elle, elle pourrait lui faire subir bien pire, et elle ne s’en priverait pas. Ce qui l’avait le plus marqué, cependant, c’était que lorsqu’il avait essayé de retrouver sa trace numérique, il avait découvert qu’il n’y en avait aucune : elle avait été effacée, purement et simplement effacée, et c’était la première fois qu’il voyait une telle chose.
Ce souvenir le fit grimacer. Depuis lors, il faisait ses recherches à l’ancienne : à savoir tout mettre par écrit. Il passa son pouce sur le journal usé qui ne le quittait jamais. Il contenait des informations intéressantes qu’il avait glanées au cours de ses conversations avec Bugs. Il y avait également couché beaucoup de ses sentiments et de ses pensées personnelles. Tenir ce carnet pouvait se révéler dangereux, mais il tirait du réconfort dans son écriture et sa lecture.
Le bruit d’une notification attira son attention. Il se pencha en avant, posa sa tasse de café sur son bureau et ouvrit le message. Son sourire grandit à mesure qu’il tapait.
Salut, beauté. Tu es levée tôt. Tout va bien ?
Ce n’est pas Bugs. C’est Jam-man ?
Il se raidit, ses doigts en suspens au-dessus du clavier. La peur lui noua l’estomac. Ses yeux se figèrent sur l’écran avant qu’il ne relise le message, deux fois. Il écrivit une réponse sèche.
Qui est-ce et où est Bugs ?
Tu m’as aidé à trouver ma belle inconnue
Il recula lorsque la réponse arriva, gagné par la perplexité. Il ne pouvait s’agir que d’une seule personne : son frère jumeau, Junayd. Qu’est-ce que Junayd pouvait bien faire sur l’ordinateur de Bugs ?
Secouant la tête, il tapa une brève citation, laissant la personne de l’autre côté la compléter. Si quelqu’un avait surveillé leurs conversations, il ne connaîtrait pas cette phrase. C’était une plaisanterie de longue date entre eux deux.
« Tu sais que tu es censé être… »
… le plus raisonnable de nous quatre.
L’incrédulité le figea sur sa chaise pendant une fraction de seconde avant qu’il ne tape une réponse furieuse. Son cœur tambourinait de peur dans sa poitrine. Si son frère était là, cela signifiait que quelque chose n’allait pas… vraiment pas. Personne ne savait qui était Bugs. Il n’était pas logique que son frère l’ait su avant lui. Junayd était médecin, bon sang, pas un génie de l’informatique ou de la sécurité !
Qu’est-ce que tu fous dans ce système ? Où est Bugs ?
On pense qu’elle est partie te retrouver.
Jameel fixa l’écran dans un silence stupéfait. Bugs… venait le voir ? Savait-elle qui il était ? Ils n’en avaient jamais parlé. En tout cas, elle ne lui avait jamais posé de questions. Cela lui avait semblé étrange, surtout après tout le temps qu’il avait passé à essayer de trouver des informations sur elle.
Elle sait qui je suis ? Comment ça se fait que tu sois sur son compte ?
Il attendit impatiemment pendant que les points de suspension indiquaient que son frère était en train d’écrire. Cela parut durer une éternité. Lorsque la réponse de Junayd arriva enfin, les poumons de Jameel se vidèrent de leur air.
Sa sœur est ma belle inconnue. Elle a peur que Bugs puisse être en danger parce qu’elle… n’a pas l’habitude d’être seule dans la nature. Tu as eu de ses nouvelles ?
Bugs était en danger ? Un déluge de souvenirs de toutes les personnes vraiment terribles que Bugs avait fait tomber — dont Coldhouse et Bronislav — déferla dans son esprit.
En danger ! Elle s’engage dans un champ de mines si Coldhouse, Bronislav ou plus de la moitié des pays du monde découvrent son identité ! pensa-t-il avec une horreur grandissante. Et que voulait dire Junayd en disant qu’elle n’avait pas l’habitude de se retrouver seule dans la nature ? Est-ce qu’elle a été retenue captive pendant toutes ces années ?
Il se rendit compte que son frère attendait une réponse. Il en envoya rapidement une, accompagnée de la promesse de le tenir informé — une fois qu’il aurait trouvé des réponses. Au moins, il avait un point de départ. Il pouvait relier ce qu’il savait de Midnight à Bugs.
Une notification l’avertit que Junayd avait envoyé quelques informations supplémentaires. Bugs avait utilisé un service de covoiturage. Cela créerait des données. Il se concentra sur les caméras autour de son point de rendez-vous avec le chauffeur pour avoir un visuel sur elle.
— Enfin ! marmonna-t-il tandis que ses doigts volaient sur le clavier.
Le martèlement frénétique de ses doigts sur les touches couvrait le tic-tac des horloges au mur. Il se connecta au système GPS de l’équipe de sécurité de Junayd. Il était certain que Yahya Walid ou Issa Zayn avaient été chargés de suivre Midnight. Leur véhicule devait être équipé d’un système de suivi GPS.
— Bingo !
Yahya s’était rendu à un endroit proche du pont de Brooklyn tôt dans la matinée. Jameel fit apparaître un nouvel écran et chercha tous les véhicules de covoiturage dans la zone pendant la période où Bugs s’était volatilisée. Il y en avait quatre.
Dix minutes plus tard, il jurait dans sa barbe. Aucune jeune femme n’était montée à bord des quatre véhicules. Il accéda au système de vidéosurveillance de la ville. Un soupir soulagé lui échappa lorsqu’il vit le SUV noir s’arrêter en bas de la rue où Yahya surveillait la position de Midnight.
Son soulagement se transforma en frustration quand le véhicule disparut soudainement. Il revint en arrière, avança, revint encore en arrière. Un instant, il était là, le suivant, il avait disparu. Personne n’était entré dans le véhicule pendant les secondes qui séparaient les images.
Il abattit sa main sur le bureau avant de se laisser aller en arrière. Elle avait effacé la vidéo… tout comme elle avait effacé les informations sur son covoiturage. Pour quelqu’un qui n’avait pas l’habitude d’être seul dans la nature, Bugs savait couvrir ses traces !
Il parcourut les différentes vidéos. Cela lui prit un certain temps, mais il finit par définir l’itinéraire emprunté par le covoiturage. Le véhicule s’était arrêté à l’aéroport JFK de New York.
L’aéroport disposait de nombreuses caméras situées à l’intérieur et à l’extérieur des terminaux. Il repéra une caméra près de l’une des portes principales et aperçut le SUV qui s’éloignait. Une fraction de seconde plus tard, l’image granuleuse d’une femme blonde apparut brièvement.
— Je te tiens ! souffla-t-il avec un enthousiasme croissant.
Il fit pause avant de la découper et de la faire glisser dans un programme d’amélioration de l’image qu’il était en train de mettre au point et qui utilisait la reconnaissance faciale par IA. Il se redressa et attendit impatiemment que l’image devienne plus nette.
Une fois que le programme eut terminé de tourner, Jameel porta une main à sa poitrine et frotta l’endroit où son cœur battait frénétiquement. Il avait enfin un visage pour son inconnue… et elle était d’une beauté à couper le souffle.
* * *
— Tu comprends vraiment tout ça ?
— Oui.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Mmm ?
Junebug cligna des yeux et fixa l’homme agaçant assis à côté d’elle. Elle lui avait répondu sans lever les yeux, mais elle le reconnaissait maintenant à la chemise hawaïenne qu’il portait.
C’était louche. L’homme qui lui avait parlé sur le chemin de la porte d’embarquement se trouvait justement être son voisin de siège dans l’avion ? Son niveau de menace était de quatre, à présent.
— Je pirate le service comptable de la Banque mondiale et je transfère des fonds d’une organisation mafieuse aux États-Unis vers le fonds mondial pour la protection des animaux, répondit-elle en le regardant dans les yeux.
S’il avait été envoyé pour la trouver, il était inutile de prétendre qu’elle n’était pas qui elle était. Il était là ; elle était démasquée.
— Tu fais… Quoi ?
Le visage de l’homme était la définition même de la stupéfaction. Il laissa échapper un petit rire qui s’interrompit bien vite lorsqu’il s’aperçut qu’elle ne plaisantait pas.
— Si vous ne me laissez pas tranquille, vous allez le découvrir, l’avertit-elle.
— Oh !
Pendant un instant, il fut complètement déconcerté. Puis il se ressaisit.
— Je m’appelle Craig, au fait. Tu es toujours aussi… directe ?
— Oui.
Il y a eu un silence. Il semblait attendre qu’elle développe. Ce qu’elle ne fit pas.
— Tu es… Ce n’est pas grave. J’aime bien les gens directs, répondit Craig avec un sourire charmeur.
Junebug lui lança un regard suspicieux, termina ce qu’elle faisait et, quelques secondes plus tard, elle avait accédé à la carte d’embarquement de Craig. C’était bizarre de pirater quelqu’un qui était assis juste à côté d’elle et qui la regardait faire, mais c’était nécessaire. Il fallait qu’elle sache quoi faire et pour cela, elle avait besoin d’informations.
Cinq minutes et plusieurs tentatives de conversation ignorées plus tard, elle avait l’historique de sa vie, dont ses dossiers financiers. Elle fit claquer sa langue contre son palais de désapprobation.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Hé, c’est moi ? demanda-t-il en se penchant dans son espace vital.
Elle lui fit un sourire mielleux et hocha la tête.
— Oui, dit-elle innocemment. Vous ne savez pas très bien gérer votre argent. Vous payez plus de trente pour cent d’intérêts pour des achats vraiment frivoles. Vous n’auriez pas dû réserver une place en première classe si vous ne pouviez pas la payer comptant. Ça alors, votre emploi le plus long n’a duré que six mois et je comprends pourquoi. Comment pouvez-vous avoir un diplôme en gestion d’entreprise et en finance, et être si mauvais dans ce domaine ? Oh, oubliez ma question. Vous êtes un « fils de » qui vit au-dessus de ses moyens. Votre grand-père est Harvey Lippen, président d’un groupe d’investissement financier basé en Californie. Ça peut expliquer certaines choses, mais pas tout. Vous aviez d’excellentes notes jusqu’à ce que vous entriez au lycée. Quand vos résultats scolaires ont chuté, vos parents vous ont envoyé dans un prestigieux internat en Virginie. Là-bas, vous vous en êtes un peu mieux sorti.
Craig recula vivement, comme si une vipère l’avait mordu. Ses yeux étaient ronds comme des soucoupes. Satisfaite qu’il ait quitté son espace vital, elle ferma l’ordinateur portable. Les comptables de Craig pouvaient gérer la situation. Ce n’était pas un criminel, juste un irresponsable. Les pires secrets de Craig II se résumaient à quelques contraventions pour excès de vitesse et à un sérieux manque de jugement.
Elle recula son siège et ferma les yeux. Craig se racla la gorge. L’irritation monta en elle. Elle souleva une paupière et lui lança un regard en biais.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
Il se racla de nouveau la gorge.
— Est-ce que tu es... Pour qui tu travailles ? Qui tu es ?
— Votre pire cauchemar si vous ne me laissez pas tranquille. Je peux envoyer vos notes de frais à votre papy.
Elle lui adressa un sourire éclatant avant de refermer son œil. Ses doigts se fermèrent sur son ordinateur portable, qu’elle serra contre sa poitrine. Elle avait déjà tourné la page « Craig ». Il ne la dérangerait plus.