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Une inconnue est trouvée inanimée au milieu d’une route nationale. Elle est amnésique et souffre de traumatismes qui laissent supposer qu’elle a été victime d’un accident de la route. Une de ses blessures reste pourtant inexplicable.
Un inspecteur de police s’occupe de son dossier pour découvrir son identité et la raison de sa présence dans cette ville de province où personne ne semble la connaître.
La femme verra les souvenirs lui revenir, fragmentaires et frustrants.
Au gré d’images retrouvées, de révélations et de confessions, le lecteur accompagne l’héroïne dans la découverte des atrocités du passé mais sera également plongé avec elle dans les horreurs du présent.
À PROPOS DE L'AUTEUR
D’origine britannique et élevé d’abord en Angleterre,
John Ray a ensuite étudié en Belgique. De père anglais et de mère belge, il a été dès l’enfance au contact des cultures française et anglo-saxonne. Il a travaillé comme instituteur pendant trente-cinq ans. Marié, père de deux filles et grand-père de cinq petits-enfants, il habite Bruxelles. Parfaitement bilingue, il lit et écrit depuis toujours dans les deux langues. Les labyrinthes de l’oubli est son deuxième roman.
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John Ray
Les labyrinthes de l’oubli
Roman
© Lys Bleu Éditions – John Ray
ISBN : 979-10-377-0710-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Nuit et brouillard
La route s’étend devant moi, telle une saignée de bitume à travers la forêt. La scène n’est éclairée que par une pleine lune en partie voilée par une brume envahissante. Je distingue à peine la ligne blanche qui me guide. Vers où ? Je ne le sais.
Mon corps est secoué de tremblements. Tout ce que je fais est instinctif, mécanique, irréfléchi. Je trébuche plus que je ne marche, sans savoir ce qui m’est arrivé. Un bourdonnement continu emplit mes oreilles. Je m’arrête un instant pour essayer de comprendre. Ma blouse est couverte de ce qui semble être un liquide noir. Ma main gauche est enveloppée dans un linge détrempé. Le tissu paraît teinté du même fluide noirâtre. Une douleur lancinante émane des doigts de cette extrémité. C’est la seule chose que je ressens à présent. Je dois être en état de choc car je suis incapable de réfléchir, incapable même de me souvenir de quoi que ce soit. Le passé n’existe pas, j’espère qu’il y aura un futur.
Je repars en titubant car je dois m’éloigner. C’est tout ce que je sais. Je dois continuer pour survivre, de cela je suis certaine.
Un insecte se pose sur ma tête. Je le chasse de la main droite. En effleurant la peau, je me rends compte que j’ai une bosse énorme juste sous la ligne des cheveux. Je pousse un gémissement. Mon corps doit commencer à se réveiller car j’ai soudain mal partout. Je regarde la main que je viens de retirer de mon front. Elle est couverte de sang, de la même couleur que le goudron de la route. Je rassemble toutes mes forces pour poursuivre mon chemin. Ma vie en dépend. Je m’efforce de placer un pied devant l’autre pour progresser, si lente que soit cette progression. C’est maintenant que je me rends compte qu’il me manque une chaussure au pied droit. Dois-je enlever l’autre pour rendre ma démarche plus régulière ? J’aurais besoin des deux mains pour cela. Cela prendrait trop de temps dans ma situation. Je suis sûre que le temps n’est pas une chose dont je dispose librement. « Je dois continuer, je dois continuer, je dois continuer ». Je répète ces mots à haute voix comme un mantra, comme une prière. À moitié déchaussée, je clopine vers une destination inconnue.
J’entends soudain un bruit derrière moi. Une lumière sort de la nuit et se braque sur moi. C’est une voiture. Je suis prise dans ses phares comme un lapin ou une biche. Je me retourne pour agiter les bras. L’effort nécessaire à cette action m’arrache un cri. La voiture freine en crissant des pneus. Je suis debout sur la ligne médiane, paralysée par la peur. Je vois dans le pare-brise du véhicule le visage horrifié d’une femme, la bouche ouverte, les yeux exorbités. Elle donne un coup de volant qui m’épargne au dernier moment. Je me jette enfin dans le fossé parcouru par un mince filet d’eau mais la voiture est déjà passée. Elle ne s’est pas arrêtée. Je suis trop endolorie pour ressentir la déception qui aurait dû m’envahir. Tout ce que je perçois, c’est l’humidité de la boue dans laquelle je me suis précipitée. Je me sens seule, abandonnée. Je me mets à sangloter. Peut-être est-ce une bonne chose. Je retrouve une forme d’humanité qui m’avait quittée. Depuis quand ? Je ne sais pas. Je me laisse aller. Je perds conscience.
Quand je retrouve ma lucidité, plusieurs heures ont passé car je perçois les premières lueurs de l’aube à droite de la route. J’étais donc occupée à remonter vers le nord. Je dois repartir dans cette direction. Un effort surhumain me permet de me remettre debout. Mon corps n’est plus qu’une masse endolorie. Je grogne et je gémis avant de reprendre mon chemin de croix, sur le bas-côté de cette route sans fin, à présent noyée dans un épais brouillard. Je finirai bien par trouver un village, une habitation. J’ai besoin d’aide. Je sens que je ne pourrai pas m’en sortir toute seule. Plus la route s’allonge, plus je perds courage. À plusieurs reprises, des véhicules me dépassent sans me voir. Je n’ai même pas le réflexe d’essayer de les arrêter. Au bout de ce qui pourrait être une heure, je n’en peux plus. Je me couche sur l’asphalte, à bout de forces. Soit on me trouvera, soit une voiture me percutera. C’en sera alors fini. Je ne vois pas d’autre solution. Je suis trop lasse. Advienne que pourra. Allongée sur le dos, je regarde le ciel s’éclaircir. Le monde continuera, avec ou sans moi. Je ferme les yeux. L’univers commence à tourner.
Je me mets à rêver.
Équation à une inconnue
Je reviens à moi. Je suis toujours couchée sur le dos. Ma première pensée : me relever et continuer ma route. Mes paupières sont closes mais je me rends compte qu’il fait clair. Je réalise aussi que le sol n’est plus aussi dur. Je suis au contraire allongée sur un lit confortable. Je perçois des odeurs de désinfectant. J’ouvre les yeux à grande peine. Je reconnais les attributs d’une chambre d’hôpital : l’horloge et le téléviseur fixés au mur, le perroquet au-dessus de moi. En tournant la tête, je vois la machine de monitoring, les goutte-à-goutte suspendus à leur support mobile. En suivant les tuyaux d’alimentation, je vois qu’ils sont raccordés aux veines de mes poignets. Je sens l’arrivée d’oxygène insérée dans mes narines. Le drap est remonté jusqu’à mes épaules. Seuls mes bras sont visibles. Je ne vois pas mon corps, ce qui est probablement préférable. J’ai mal partout ; je pense qu’il n’y a pas une cellule de mon corps qui ne proteste pas, qui ne désire pas démissionner immédiatement. Je renonce à faire l’inventaire de mes douleurs. Ce serait fastidieux. Je m’assoupis à nouveau, je referme les yeux, je m’endors.
[Je suis à nouveau couchée sur la route. La lumière de l’aube me permet de voir l’araignée qui grimpe le long de mon bras meurtri. Je n’ai pas le courage de la chasser. Elle se lasse vite de ma présence et retourne vers les fourrés. J’entends le « flop flop flop » des ailes de chauve-souris qui rasent le tarmac en m’ignorant. Des vers luisants entament un ballet nuptial en laissant leurs traînées lumineuses dans le néant. J’essaie de me rappeler quelque chose, n’importe quoi mais mon cerveau est vide.]
…
[Émilie]
…
[Je m’appelle Émilie, cela me revient maintenant. C’est peu de choses mais je m’y raccroche. Qui suis-je, d’où viens-je ? Je ne sais plus mais j’espère que cela me reviendra. Des sirènes fendent soudain le silence. J’entends un véhicule freiner. Des portières claquent. Des voix humaines résonnent. Je ne suis plus seule.]
« Madame, madame ! »
J’ouvre à nouveau les yeux. Un grand infirmier africain s’adresse à moi.
« Madame, je suis content de vous voir consciente. On s’attendait à ce que cela arrive bientôt mais je m’impatientais. Heureux de faire votre connaissance. »
Sa manière de rouler les « r » et d’allonger certaines syllabes m’indique qu’il a été éduqué dans son pays d’origine. Le badge sur son uniforme me décline son prénom : Martial.
J’essaie de lui répondre. Je n’en ai pas encore la force.
« On vous a maintenue dans un coma artificiel depuis votre admission. Le chef de service a estimé qu’on pouvait vous laisser vous réveiller présentement. »
Je réussis enfin à faire de sorte que les premiers mots franchissent mes lèvres.
« Combien de temps ? »
Il comprend ce que je veux dire.
« Les services de secours vous ont amenée aux urgences lundi matin, tôt. »
En voyant mon incompréhension, il ajoute :
« Nous sommes jeudi matin. »
« Qu’est-ce qui m’est arrivé ? »
Il prend un air gêné.
« On ne sait pas exactement. On vous a trouvée sur la route à cinq kilomètres d’ici. Vous étiez en piteux état. L’équipe médicale a fait du bon travail. Je laisserai le chef de service vous expliquer tout ce qui concerne votre dossier médical. L’autre chose, c’est que les circonstances de votre accident sont inexpliquées. La police s’est présentée déjà trois fois. Ils nous appellent à longueur de journée pour savoir quand ils pourront vous interroger. »
S’ils le font maintenant, il est certain qu’ils ne tireront pas grand-chose de moi.
« Voulez-vous que je vous fasse votre toilette ? Je serai très doux, vous n’aurez pas mal. Vous vous sentirez peut-être un peu mieux quand vous serez rafraîchie. »
Je me contente de hocher la tête. C’est suffisamment douloureux.
« Je préviens le médecin pour qu’elle passe tout à l’heure vous donner toutes les explications concernant votre état. Ensuite je m’occupe de vous. »
Son sourire et son enthousiasme me font du bien. Il s’éloigne pour passer un appel téléphonique avant d’entrer dans la salle de bains. Pendant qu’il s’affaire, j’essaie de retrouver mes marques.
J’avais beau tenter de retourner en arrière, plus loin que la route nocturne, il n’y a absolument rien dans mes souvenirs. C’est le vide complet. Je ne dois surtout pas paniquer. La mémoire me reviendra sûrement. Quand mes soucis médicaux auront été surmontés, je devrais recouvrer mon histoire. Quelqu’un devrait se soucier de ma disparition et m’aider à retrouver mon passé. Des parents, des frères ou sœurs, un mari. Il doit y avoir des gens qui cherchent après moi.
Martial ressort avec une bassine d’eau chaude, un distributeur de savon liquide et une éponge. Il s’installe à côté de mon lit et referme un rideau de séparation bien que nous soyons seuls. Il m’ôte précautionneusement ma tunique. Celle-ci n’a pas été passée à mes bras pour faciliter les habillages et déshabillages. Je vois alors une partie de l’étendue des dégâts. Un énorme hématome me décore le sternum et le sein droit. C’est probablement la marque d’une ceinture de sécurité. Plus bas, mes hanches sont bleues et noires, encore la faute à la ceinture sans doute. Je regarde plus bas encore pour constater qu’on m’a placé une sonde urinaire. Le liquide qui en sort est teinté de rouge. Je n’ai pas de blessure ouverte, du moins sur la face avant, mais des écorchures garnissent ma peau en de nombreux endroits surtout sur les jambes. C’est maintenant seulement que je remarque le gros bandage qui m’enveloppe la main gauche. J’ai envie de pleurer mais Martial a entrepris de me laver. L’eau chaude me soulage. Pendant qu’il s’occupe de moi, il se met à chanter un air de chez lui. Je ne peux m’empêcher de sourire. Il me tourne sur le côté pour me passer l’éponge sur l’arrière du corps. Quand il a fini, il utilise une serviette douce pour me tamponner. Il a la bonne technique car je ne ressens aucun inconfort. Il me replace sur le dos et remet la robe de chambre en place avant de remonter le drap.
« Merci, Martial. Je me sens mieux. »
« Avec plaisir. Je termine bientôt mon service mais je m’informerai de vos progrès, madame ? »
Il laisse planer la question. Il attend que je lui précise mon identité.
« Émilie. C’est tout ce dont je me souviens. »
Il paraît contrit, peut-être troublé.
« Au revoir, madame Émilie. À demain. »
Il m’offre malgré tout un sourire étincelant avant de rapporter son matériel à la salle de bains et de s’éclipser discrètement en me lançant un signe de la main.
Je suis triste de le voir disparaître. Il est la seule personne que je connaisse. La seule personne au monde. Cette constatation me remplit d’angoisse.
Je regarde l’horloge murale. Je surveille l’aiguille des secondes dans sa marche circulaire inexorable en espérant qu’elle m’apporte des indices, un soupçon de ce qu’aurait pu être mon passé. Mais non, rien. Seul le présent existe. Ma seule mémoire concerne les quelques heures qui viennent de s’écouler. Mon univers se résume à une route nocturne et à cette chambre d’hôpital dans laquelle je souffre et me morfonds. J’ai peur.
Une femme fait son entrée. Combien de temps s’est-il écoulé depuis le départ de Martial ? Je jette un regard sur l’horloge. Une heure. Si j’avais dû l’estimer, j’aurais eu beaucoup de mal. Cinq minutes ou un an, c’est actuellement du pareil au même. Elle est petite, sèche, les cheveux bruns courts et séparés par une raie sur le côté. Elle parle vite, comme si le temps lui était compté.
Elle se présente : « Bonjour, Madame. Je suis le docteur Lecerf, chirurgienne, et je m’occupe de votre dossier. On m’a dit que vous étiez réveillée et que vous alliez mieux. Quand vous êtes arrivée aux urgences, lundi, on a commencé par vous laver pour pouvoir mieux vous examiner. Vous étiez couvertes d’écorchures et d’hématomes. Vos signes vitaux étaient bons mais vous étiez polytraumatisée. La bonne nouvelle c’est qu’aucun organe vital n’est touché. Seuls vos reins ont subi de légers dommages. Vous avez peut-être constaté la présence d’un peu de sang dans vos urines. Le problème se réglera tout seul dans les prochains jours. Vous avez plusieurs côtes froissées mais aucune fracture. Vous devez avoir des os en acier. On suppose que vous avez été blessée dans un accident de la route. Le choc contre le pare-brise ne vous a pas occasionné d’hématome sous-dural. »
Pendant qu’elle me parle, elle consulte le monitoring, jette un coup d’œil aux graphiques qui décorent le pied de mon lit. Elle paraît hésiter. Elle a l’air ennuyée.
Elle se lance :
« Pendant qu’on procédait aux examens, le médecin urgentiste m’a appelée. La blessure la plus sérieuse qu’il avait constatée se situait au niveau du petit doigt à votre main gauche. Celui-ci était presque détaché au niveau de la phalange médiane. Quand je suis arrivée en salle d’opération, mon équipe était déjà présente et vous étiez anesthésiée. J’ai procédé à une intervention de microchirurgie pour rattacher les tendons sectionnés. Nous verrons d’ici peu de temps si l’opération est réussie. Dans le pire des cas, nous devrions réopérer pour amputer une partie du doigt mais la circulation sanguine semble se rétablir normalement. On vous a régulièrement changé les pansements et j’ai pu constater que cela semblait évoluer favorablement. Je suis donc optimiste. Pendant qu’on y était, je vous ai placé deux points de suture au front. Nous nous occuperons de l’aspect esthétique quand les agrafes auront été enlevées. Nous avons dans l’établissement des chirurgiens spécialisés en ce domaine. À terme, la cicatrice sera presque invisible. Je vous conseille simplement de ne pas vous regarder dans un miroir pendant quelques jours encore. Attendez que les œdèmes se résorbent. Vous ressemblez encore à un boxeur après un combat particulièrement difficile. »
Elle réussit à me faire sourire malgré moi.
Je vois qu’elle hésite à poursuivre.
« Toutes les blessures pour lesquelles vous avez été soignée peuvent donc s’expliquer par un accident de voiture. Seule la grave coupure au doigt détonne. Elle semble avoir été causée par un outil tranchant. Ce pourrait être un couteau de ménage, par exemple. Votre main était d’ailleurs enveloppée dans un linge à votre arrivée. On m’a dit que c’était une serviette de cuisine. Le policier que j’ai rencontré mardi a émis l’hypothèse que vous auriez pu vous occasionner cette coupure à domicile et que, seule chez vous, vous auriez pu vous précipiter vers l’hôpital à bord de votre véhicule. Le stress et la perte de sang auraient pu constituer des éléments augmentant les risques de sinistre. L’inspecteur vous parlera de cet aspect-là lorsqu’il vous rencontrera. Je lui ai interdit la moindre entrevue tant que vous ne serez pas prête à subir un interrogatoire. C’est moi qui déciderai mais ce ne sera pas avant un ou deux jours au moins. »
Je ne sais pas ce qu’il faut penser de tout ce qu’elle vient de me dire. Les deux seules personnes que j’ai rencontrées ont l’air d’en savoir beaucoup plus sur moi que j’en sais moi-même. C’est à la fois irritant et démoralisant.
Le médecin poursuit :
« L’infirmier m’a dit que vous aviez des pertes de mémoire. Ne vous en faites pas trop à ce propos. C’est une conséquence habituelle des accidents de la route. Nous verrons comment votre état évolue dans les prochaines heures. Un neurochirurgien fera tous les examens nécessaires en temps voulu, quand vous irez mieux. »
Elle m’offre un sourire forcé comme une personne peu habituée à réconforter les patients stressés. Pour le moment ses compétences médicales importent plus à mes yeux. Elle examine encore le monitoring et se tourne vers moi.
« Je vous laisse vous reposer. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me faire appeler. »
Des questions ? J’aimerais savoir qui je suis. Comment je suis arrivée ici. Où se trouve ma famille. Où sont mes amis. Un voile noir de désespoir descend sur moi au moment où elle sort de la chambre. J’ai envie de pleurer à nouveau. Je ne peux pas. Je dois être forte. Je dois me concentrer pour trouver des réponses.
[« Aide-toi et Dieu t’aidera »], c’est le dicton qui me revient à l’esprit. Je dois regarnir ma mémoire. Je dois recommencer à zéro. J’ai du pain sur la planche.
Je vacille entre le sommeil et le réveil. Je perds à nouveau la notion du temps. Je sens qu’on s’occupe de moi de temps à autre. On me soigne, on me parle mais je ne comprends pas ce qu’on me dit. Je perds conscience régulièrement. Je rêve mais les songes se rapportent aux heures qui précèdent. Une sensation de brûlure dans l’entrejambe me réveille. Martial a remis le drap en place. Il m’a retiré la sonde urinaire.
« Excusez-moi, Madame Émilie. J’ai profité du fait que vous dormiez pour vous débarrasser de ceci. », dit-il en tenant l’objet en main.
« Vous avez bien fait, Martial, cela me permettra de me sentir un peu plus indépendante. »
J’ai réussi à former une phrase complexe. Il y a du progrès.
J’ai aussi réussi à sourire mais j’ai encore mal aux joues. Des larmes se forment aux coins de mes yeux.
« Quel jour sommes-nous ? »
« Vendredi, Madame Émilie. »
Il range la sonde avant de poursuivre.
« Vous serez libérée d’une de vos deux perfusions ce soir. Vous commencerez à manger des aliments solides. On vous administre encore des antibiotiques pendant plusieurs jours pour éviter les infections. », me dit-il en montrant ma main meurtrie.
« Ensuite, vous serez pratiquement sur pied. Vous pourrez bientôt courir le marathon. »
Il affiche un énorme sourire plein de dents.
« Merci, Martial. Vous êtes mon meilleur ami. En fait, vous êtes mon seul ami jusqu’à présent. »
« C’est gentil, Madame Émilie. Ce n’est que mon travail mais voir des patients retrouver la santé, c’est une belle récompense. Je vous fais votre toilette ? »
« Si c’est aussi agréable que la première fois, oui, volontiers. »
Il s’affaire auprès de moi. L’éponge humide et l’eau tiède me font un bien inexprimable. Je redeviens progressivement un être humain.
« Je termine mon service dans quelques minutes. Y a-t-il encore une chose que je peux faire pour vous ? »
J’hésite mais je dois savoir.
« Deux choses en fait. D’abord que vous me lisiez ce qui est indiqué sur le presse-papiers accroché au lit. »
Il prend l’objet en question et lit à haute voix :
« Jeudi 11 juin 2020
Nom : femme, inconnue
Âge : environ 25 ans
Taille : environ 1m65
Poids : environ 55 kg
Groupe sanguin : A-
Ensuite les signes vitaux. Ils sont tous bons. »
« Merci, Martial. La deuxième chose : vous pouvez me trouver un miroir ? »
Il hésite longuement.
« C’est peut-être encore un peu tôt, vous ne pensez pas ? »
« Non, je dois absolument savoir quelque chose. »
Il regarde autour de lui avant d’avoir une idée.
« Il y a un grand miroir dans la salle de bains mais vous ne pouvez pas encore vous lever. En revanche, j’ai mon smartphone. Je le mets en mode selfie pour que vous puissiez vous voir. Vous êtes certaine ? »
Je hoche la tête. Il manipule son téléphone et place l’écran à proximité de ma figure. Au-delà de l’énorme bandage qui orne mon front et des paupières bleues, gonflées, je vois mon visage. J’ai la peau claire ourlée de cheveux roux. Le blanc de mes yeux est encore injecté de sang mais je constate que mes iris sont d’un vert profond. Je ne veux pas verser de larmes devant Martial. C’est moi qui ai insisté. Mais j’ai du mal à ne pas hurler en voyant la personne sur l’image car… je ne la reconnais pas.
Marc Deauville
Ma voiture de service pousse de petits gémissements inquiétants. J’ai l’impression de transporter un rhinocéros asthmatique sur le siège arrière. À supposer qu’il y ait assez de place pour accommoder la masse de ce pachyderme. Je commence à me demander si mon véhicule pourra me reconduire jusqu’à mon domicile. Je n’ai heureusement jamais eu d’interception à effectuer sur la route. Je me demande si je pourrais, le cas échéant, rattraper autre chose qu’une deuche des années cinquante. Je n’ai pas besoin d’une Lamborghini mais un véhicule un peu plus puissant me plairait bien. Elle me prouverait aussi que mes supérieurs apprécient le travail que j’effectue quotidiennement, un labeur qui ne me vaut que des rapports annuels élogieux et de petites tapes dans le dos.
Cette affaire mystérieuse me trotte dans la tête depuis plusieurs jours maintenant. « L’inconnue de la route nationale », comme l’ont surnommée les quotidiens régionaux, m’accapare depuis qu’on l’a admise à l’hôpital, lundi dernier. J’ai été chargé du dossier sur lequel j’ai mis deux inspecteurs et trois agents. Quatre jours à chercher des indices en vain. Quatre jours à essayer d’interroger la victime avec cette cheffe de service omniprésente, empêcheuse de tourner en rond, qui m’interdit le moindre contact avec sa patiente. Ce serait pourtant pour son propre bien. Plus vite on saura ce qui est arrivé, plus vite on pourra retrouver son véhicule et plus vite elle pourra être réunie avec sa famille. Et plus vite je pourrai m’occuper de la mienne.
Comme j’ai dépassé mon quota d’heures supplémentaires, toutes celles que j’effectue depuis le mois de mai sont prestées à titre gracieux, au grand dam de mon épouse. Celle-ci semble me reprocher ma conscience professionnelle. Ou alors, elle me soupçonne de passer mon temps à combattre les moulins pour éviter mes devoirs de père et d’époux. C’est pourtant vrai qu’une des raisons qui me poussent à faire de longues journées, est d’échapper aux disputes de plus en plus fréquentes entre Sabine et notre fille Erica. À quinze ans, cette dernière est en pleine crise d’opposition. J’ai parfois l’impression qu’elle y est entrée à l’âge de deux ans pour n’en plus sortir. Ses rouspétances et les cris qui accompagnent leurs nombreuses disputes me minent le moral. J’aimerais que l’affaire qui me préoccupe actuellement trouve bientôt une solution ne fût-ce que pour me permettre de recharger mes accus.
Voilà qu’apparaît le pignon de notre maison. Je me gare dans l’accès au garage, soulagé que ma monture n’ait pas expiré en cours de route. Je coupe le moteur qui s’arrête avec un toussotement inquiétant pour entendre les gros mots qui s’élèvent de mon domicile. Je gonfle les joues et j’expire bruyamment avant d’ouvrir la portière. Je prends tout mon temps pour atteindre la porte d’entrée. J’entends les dernières répliques.
« Va dans ta chambre ! »
« Avec plaisir ! »
Suivies d’une série de pas pesants dans les escaliers et d’un claquement de porte assourdissant.
En guise de bonjour, ma femme me lance :
« Si tu étais rentré un peu plus tôt, tu aurais pu m’apporter un support logistique dans mon combat quotidien contre ta garce de fille ! »
Je suis trop las pour me jeter dans un débat avec Sabine et surtout beaucoup trop las pour essayer de raisonner Erica. Je me contente de dire :
« Je te rappelle que ce n’est pas ma fille. Elle est notre fardeau à tous deux. »
« Très drôle ! Ne joue pas sur les mots même si je sais que dans ces moments-là, elle me ressemble plus qu’à toi. Essaie de faire un effort pour m’épauler de temps en temps car je n’en sors plus. »
Il n’y a en effet pas que la ressemblance physique qui les réunit, toutes deux grandes brunes et athlétiques, elles ont aussi le même caractère compétitif et sans concessions. Pas étonnant donc que les étincelles jaillissent entre elles avec une fréquence croissante. Erica pense qu’il est de son devoir de s’affirmer pour ne pas subir la loi de sa mère et Sabine est déterminée à continuer à exercer ses prérogatives de mère aussi longtemps que notre fille partagera notre toit.
Elle semble se calmer. Son ton se fait plus doux et conciliant. Elle s’approche de moi, m’embrasse tendrement sur la joue et m’aide à me débarrasser de mon veston. Je remarque que ses mains tremblent encore un peu.
Tandis qu’elle l’accroche au portemanteau, je la prends par la taille pour la serrer contre moi. Je m’examine rapidement dans la glace du corridor. Je dois placer ma tête sur son épaule pour apercevoir mon visage car nous avons la même taille. Elle est grande, je suis de stature moyenne. Mes cheveux blonds sont en bataille car ils n’ont pas vu un peigne depuis tôt ce matin. Les poches sous mes yeux sont l’indice que la fatigue commence à étendre son empire et que je n’ai plus vingt printemps. À quarante-cinq ans, mon visage commence à se marquer de rides. Mes joues un rien trop épaisses commencent à subir les assauts de la pesanteur. Je sais que plus bas, mon tour de taille se réjouit de mes repas peu diététiques pris sur le pouce. Je cligne des yeux pour essayer d’effacer ce tableau peu réjouissant. Je détourne le regard du miroir cruel pour me diriger vers la salle à manger.
À quarante-et-un ans, Sabine entame sa dix-neuvième année de carrière d’institutrice dans l’école du village. Elle donne cours à des petits de neuf à douze ans. Elle aime son métier mais épuise son quota de patience pour éduquer ses ouailles. Il lui en reste trop peu pour sa fille. Et pour moi. Le matin, avant d’aller travailler, elle conduit Erica à son école secondaire en ville, à dix kilomètres de chez nous avant de revenir rejoindre son établissement. Au soir, je devrais aller la rechercher car le poste de police se trouve à quelques centaines de mètres de son établissement scolaire mais ce soir, comme souvent depuis quelques mois, j’ai dû rester au bureau pour compléter des formulaires. Mes qualités de dactylographie correspondent malheureusement à la caricature de celles qu’on attribue aux policiers. Il m’arrive néanmoins d’utiliser non moins de quatre doigts pour rédiger mes rapports.
Après plus de vingt ans de service, j’ai atteint le grade d’inspecteur principal. Sabine considère que c’est insuffisant pour un homme qui consacre tout ce temps à son métier et qui suit des cours de criminologie à l’université régionale durant une bonne partie de ses vacances. « Tu manques d’ambition » est le reproche qu’elle me formule régulièrement. Ce qui me gênerait si j’accédais un jour au poste de commissaire, c’est l’aspect politique de la fonction. Je n’aime pas faire des courbettes ; je ne suis pas un beau parleur. Le travail sur le terrain, c’est ce qui me plaît le plus dans ce métier. Le contact avec le public me plaît davantage que les rapports superficiels avec les notables locaux. Si je postule un jour, ce sera pour faire plaisir à mon épouse. Je ne suis donc pas pressé.
Je me dirige vers la cuisine, j’ouvre le réfrigérateur pour en extraire une bouteille de bière pendant que Sabine dresse la table.
Je lui lance :
« Tu veux une bière ? »
« Non, prends-moi un thé glacé. Et une limonade pour Erica si elle daigne nous rejoindre pour le repas. »
Je débouche la bière pour en boire une rasade. Ma gorge est parcheminée car la canicule s’est installée depuis quelques jours. Un vent du sud brûlant inhabituel pour nos contrées vient assécher les campagnes. J’apporte les boissons à table et je m’installe à ma place. Sabine apporte déjà les plats.
« Ce sont des restes réchauffés au micro-ondes. Je n’ai pas eu le temps de faire des courses. Ta fille, pardon notre fille, m’a trop accaparée. »
« Ce n’est pas grave, je n’ai pas très faim. D’ailleurs, les restes réchauffés sont de loin ce que je préfère. »
J’arrive enfin à lui arracher un sourire. Elle s’assied face à moi pour commencer à manger. L’assiette et le siège d’Erica restent vides.
Nous dînons en silence pendant quelques minutes. Quand nous avons fini, Sabine me demande :
« Comment progresse ton enquête à propos de l’inconnue ? »
Je dépose les couverts avant de répondre :
« Tu sais que je n’aime pas parler des affaires en cours mais celle-ci bénéficie d’une certaine notoriété. Si je parvenais à trouver des réponses à toutes les questions qu’on se pose, qui sait, peut-être pourrais-je penser à accéder à un poste plus important. Après tout, dans la région, les affaires criminelles les plus graves concernent de la violence domestique ou des cambriolages. Le dernier meurtre remonte à plus de dix ans. La femme inconnue représente un défi. C’est pour cela que j’y consacre beaucoup de temps et j’y ai assigné deux inspecteurs à plein temps. Je ne sais d’ailleurs pas si je pourrai les y affecter pendant très longtemps car mes supérieurs trouvent déjà que je gaspille les deniers publics. Les devoirs d’enquête sont pourtant une nécessité morale et légale. Je ne peux pas laisser cette pauvre femme dans les limbes. »
« Bien sûr mais ne néglige pas les deux femmes les plus proches de toi. »
Je lève les yeux, interloqué.
« Je crois que c’est la première fois que tu utilises le mot “femme” pour parler d’Erica. »
Elle réfléchit un instant avant de répondre.
« Je me vois difficilement dire “fille” désormais. Elle nous a rejoints en taille et en stature. Intellectuellement, elle commence à nous dépasser. Elle est devenue indépendante au point que je ne serais pas étonnée qu’elle nous demande bientôt à disposer de son propre logement. Mes disputes avec elle ne sont qu’un combat d’arrière-garde. Elles sont aussi un signe d’amour. Elle sait que nous l’aimons par-dessus tout. Je suis certaine qu’elle nous aime aussi mais elle ne nous le dira pas. Elle préférera mourir. »
Elle tapote ses couverts sur son assiette vide. Je vois des larmes qui se forment sur ses paupières. Je remarque une ombre au bas de l’escalier. Erica fait son entrée.
« Je n’ai rien entendu ! », dit-elle en souriant comme si de rien n’était.
« Je peux manger avec vous ? »
Je lui réponds :
« On vient de terminer mais on reste à table. Assieds-toi. »
Elle s’approche de moi, se baisse et me pose un baiser sur le front en ignorant sa mère ostensiblement.
« Je vais servir ton assiette. », dit Sabine en se levant et se dirigeant vers la cuisine.
Dès qu’elle est hors de portée d’oreille, Erica me dit doucement :
« Je suppose que tu as saisi quelques mots de notre dispute la plus récente. »
Elle a l’air contrariée. Elle continue :
« Maman me fait… Elle m’indispose. Je pense que le problème, c’est que nous sommes trop semblables. Plutôt que de nous rapprocher, la ressemblance nous sépare. Maman me donne toutes sortes de conseils dont je n’ai que faire. Si elle pouvait me laisser davantage la bride sur le cou, ce serait mieux pour tout le monde. Tu pourrais lui en toucher un mot ? »
Avant que j’aie le temps de répondre, elle me remercie, se lève pour m’entourer de ses bras et s’assied au moment où sa mère revient avec une assiette de pâtes réchauffées en vitesse. Sabine la dépose devant Erica en disant :
« Il n’y a pas de quoi. »
« Laisse-moi au moins le temps de te remercier ! »
Le ton monte à nouveau. J’interviens en levant les mains :
« Mesdames, un peu de calme s’il vous plaît. »
Je l’ai dit un peu trop fort. Elles se tournent toutes deux vers moi, l’air stupéfaites. Elles dirigent alors leurs regards l’une vers l’autre et partent d’un énorme éclat de rire. Ce n’était pas l’effet recherché mais je suis heureux du résultat obtenu. Notre fille se met à manger pendant que nous l’observons discrètement. Quand, au bout de quelques minutes, elle dépose les couverts, elle s’adresse à nous deux, l’air taquin :
« Moi aussi je vous aime. Surtout quand vous me laissez tranquille. »
Elle nous pose un baiser sur la joue avant de se lever, assiette en main pour la ranger dans le lave-vaisselle. Sabine reste de marbre.
« Je fais mon travail à domicile dans ma chambre puis je lirai un livre. Je me coucherai tôt car demain j’ai rendez-vous avec des copines pour aller en ville. Cela me détendra pendant la période d’examens. Bonne soirée… et ne faites pas de bêtises. »
De l’escalier, elle nous lance encore :
« On devrait avoir une discussion à propos de mon argent de poche. Une augmentation serait la bienvenue. »
Nous n’avons pas le temps de répliquer que nous entendons la porte de sa chambre se fermer.
Ma femme et moi passons une heure à regarder le début d’un film à la télévision avant de nous endormir tous deux dans le canapé. Je suis réveillé vers 21 heures par mon téléphone. Sur l’écran, je vois que c’est un de mes adjoints.
« Bonsoir, André. Qu’est-ce qui me vaut le plaisir ? », dis-je en réprimant un bâillement.
« Bonsoir, Boss. Je ne vous dérange pas ? »
« J’aurais aimé passer une soirée tranquille mais je suis certain que tu as des choses importantes à me confier. »
« Ce soir, après de nouvelles recherches infructueuses, je suis allé à l’hôpital. On m’a donné des nouvelles encourageantes de notre inconnue. Elle devrait être bientôt capable de répondre à nos questions. On pourrait peut-être se rendre à son chevet demain matin ? »
Je pousse un soupir malgré moi.
« Oui, il va falloir faire progresser l’enquête. C’est frustrant de travailler toute la semaine sans aucun résultat. Toujours pas de trace du véhicule accidenté, je suppose ? »
« Non, Boss. Ce n’est pourtant pas faute d’y avoir mis les moyens : deux inspecteurs, trois agents de la brigade canine et des volontaires du club des randonneurs. »
« Je t’ai dit que je pensais faire appel à un survol des lieux par hélicoptère mais on m’a expliqué que la densité de la couverture végétale rendrait inutile leur intervention. »
Je sens que Lefebvre veut ajouter quelque chose. Après lui avoir laissé un répit, il finit par dire :
« Les nouvelles concernant l’état de santé de notre victime sont la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que le commissaire va mettre fin aux recherches. Il estime que si on n’a rien trouvé après quatre jours, c’est que le véhicule accidenté se trouve hors de notre zone d’intervention ou que Madame X a été assaillie ailleurs et abandonnée au bord de la route. »
« Toi et moi savons qu’il est peu probable qu’elle ait été attaquée. Ses blessures correspondent à celles qu’on peut attendre d’une accidentée de la route. »
« Sauf le doigt presque sectionné. »
« Sauf le doigt mais on finira par trouver une explication. »
« On se voit demain alors ? »
Sabine s’est réveillée en même temps que moi. Elle suit attentivement la conversation, y compris ce que me dit mon adjoint car il a l’habitude de hurler dans son téléphone comme si ses correspondants souffraient de surdité avancée. Elle est attentive à la réponse que je vais réserver à sa dernière question.
« Oui, bien sûr. On se retrouve au poste de police vers 10 heures. À demain. »
Quand je raccroche, je sens le regard assassin de Sabine posé sur moi. En me tournant vers elle, je prends un air contrit.
« Je m’occupe du dossier puis j’irai faire les courses en ville dans l’après-midi. Je nous ferai un dîner gastronomique au soir. Tu me pardonnes ? »
Elle se contente de hausser les épaules, se lève et part rejoindre notre chambre à coucher. Une musique tonitruante sort de l’autre chambre.
Je me prépare mentalement à passer la nuit dans le canapé.
À la recherche du véhicule perdu