Sweet Thing - Édition française - Isobel Starling - E-Book

Sweet Thing - Édition française E-Book

Isobel Starling

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Beschreibung

Siméon Duchamp, top-modèle français, a beaucoup d’explications à donner. Deux ans après sa dépression, Siméon est clean et sobre et compte bien le rester. En route pour reprendre sa vie et sa carrière de mannequin, il doit d’abord présenter ses excuses à l’homme à qui il a fait le plus de mal : son ex-meilleur ami et objet de son affection non-réciproque, Pieter Bayer. Pieter est à présent en couple avec l’artiste Emily Raven, avec qui il a un fils. Sim est stupéfait lorsque Pieter accepte ses excuses et l’invite à intégrer sa famille. La proximité avec Pieter voit le désir de Siméon pour son ami se raviver. Mais quand il rencontre un homme plus âgé et très attirant du nom de Bastian Roth lors d’une exposition d’art, il réalise qu’il existe une âme plus brisée que la sienne, et il se sent obligé de lui venir en aide. La connexion de Siméon avec le troublé Bastian Roth va bouleverser son monde. Il va devoir décider s’il s’autorise à tomber amoureux d’un homme qui veut de lui ou se languir d’un homme qu’il ne pourra jamais avoir.

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Inhaltsverzeichnis

CONTENTS

Aussi par Isobel Starling

Haut-de-Forme

Sweet

Thing

Traduit de l’anglais par Lily Karey

Isobel Starling

WWW.DECENTFELLOWSPRESS.COM

© Sweet Thing 2020 -2023

Titre original : Sweet Thing (Pretty Boy) 2017

Traduit de l’anglais par Lily Karey

Relectures et corrections par Lily Atlan, Miss V

ISBN: 9783757930042

Tous droits internationaux réservés. Ce livre ne peut être reproduit, en tout ou en partie, stocké dans un système de recherche ou transmis sous quelque forme que ce soit par quelque moyen que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autrement) sans l'autorisation écrite préalable de l'auteur, sauf pour les besoins suivants: des critiques. Le critique peut citer de courts passages pour que la critique soit imprimée dans un journal, un magazine ou une revue.

Copyright de l'édition française ©2020 -2023

Copyright de l’edition anglaise © 2017-2023

Isobel Starling & Decent Fellows Press

Copyright © 2018 Isobel Starling

Cover Art Design by Isobel Starling

Avertissements :

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les faits décrits ne sont que le produit de l’imagination de l’auteur, ou utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existées, vivantes ou décédées, des établissements commerciaux ou des événements ou des lieux ne serait que le fruit d’une coïncidence.

Cet ebook contient des scènes sexuellement explicites et homoérotiques, une relation MM et un langage adulte, ce qui peut être considéré comme offensant pour certains lecteurs. Il est destiné à la vente et au divertissement pour adultes seulement, tels que définis par la loi du pays dans lequel vous avez effectué votre achat. Merci de stocker vos fichiers dans un endroit où ils ne seront pas accessibles à des mineurs.

Lecteurs : veuillez noter que les titres des chapitres sont tous des chansons de David Bowie.

CONTENTS

PROLOGUE ALADDIN SANE

CHAPITRE 1 HALLO SPACEBOY

CHAPITRE 2 BOYS KEEP SWINGING

CHAPITRE 3 OH YOU PRETTY THINGS

CHAPITRE 4 MODERN LOVE

CHAPITRE 5 LET’S DANCE

CHAPITRE 6 SCARY MONSTERS

CHAPITRE 7 THE MIRROR

CHAPITRE 8 GET REAL

CHAPITRE 9 SAVIOUR MACHINE

CHAPITRE 10 NEVER LETME DOWN

CHAPITRE 11 DON’T BRING ME DOWN

CHAPITRE 12 THIS IS MY DAY

CHAPITRE 13 SORROW

CHAPITRE 14 WHERE ARE WE NOW?

CHAPITRE 15 AFTER TODAY

CHAPITRE 16 THE DINNER PARTY

CHAPITRE 17 CAN YOU HEAR ME?

CHAPITRE 18 (SHE CAN) DO THAT

CHAPITRE 19 TAKE MY TIP

CHAPITRE 20 SWEET THING

CHAPITRE 21 SLOW BURN

CHAPITRE 22 THE NEXT DAY

CHAPITRE 23 BOSS OF ME

CHAPITRE 24 SO NEAR LOVING YOU

CHAPITRE 25 O SUPERMAN

CHAPITRE 26 AMAZING

CHAPITRE 27 OVER THE WALL WE GO

CHAPITRE 28 AFTER A FASHION

CHAPITRE 29 RICOCHET

CHAPITRE 30 GHOSTS

CHAPITRE 31 BLACKOUT

CHAPITRE 32 BLACKOUT #2

CHAPITRE 33 REALITY

CHAPITRE 34 HANG ON TO YOURSELF

CHAPITRE 35 BABY LOVES THAT WAY

EPILOGUE

AUTEURE

Sweet

Thing

Isobel Starling

“Boys, boys, it’s a sweet thing.

If you want it, boys, get it here, thing.

'Cause hope, boys, is a cheap thing,

cheap thing.“

“Sweet Thing” Lyrics by David Bowie

PROLOGUE

ALADDIN SANE

Siméon Duchamp regardait par la fenêtre de sa chambre de la Clinique Phoenix, une clinique de désintoxication qui surplombait le lac de Zurich et les sommets enneigés des Alpes Suisses, où il se faisait suivre pour ses addictions à l’alcool, à la drogue et à Internet. Sim était également accro au sexe, mais il préférerait mourir que de l’admettre et passer sa vie à tenter de s’abstenir de queues !

C’était une belle matinée de printemps, le ciel était d’un bleu arctique. Les fourrés d’arbres qui tapissaient les vastes terrains boisés qui bordaient le lac se balançaient sous la brise. Un groupe de six patients terminait son cours de yoga matinal sur la pelouse principale, se pliant et s’inclinant pour leurs derniers étirements léonins. Siméon les avait observés faire leur salutation au soleil, chien tête en bas ou posture de l’enfant, souhaitant secrètement pouvoir être avec eux et rester éternellement dans cette clinique à se faire choyer et couver.

Son monde avait volé en éclats deux ans auparavant, lorsqu’il était tombé amoureux de son collègue top-modèle et meilleur ami, Pieter Bayer. Pieter ne lui avait jamais retourné son niveau d’affection et, en réalité, avait été amoureux de quelqu’un d’autre. En découvrant que Pieter était en couple avec une peintre, Emily Raven, Siméon avait été incapable de faire face à ce qu’il avait vu comme un rejet. Par dépit et par jalousie, et sous influence d’un mélange de substances, Siméon avait décidé qu’il serait approprié de se venger en divulguant de fausses informations à propos de Pieter à un site web de potins. L’information avait été relayée et commentée par des millions de followers.

Les retombées de ce triste incident avaient failli être désastreuses pour la carrière de Pieter, ses clients ayant cru, à tort, qu’il s’éloignait de ses obligations contractuelles et l’ayant jugé peu fiable et peu professionnel.

Cependant, après la révélation de l’implication de Siméon en tant que source de ces fausses informations, sa carrière avait commencé à décliner. Des clients avaient refusé de travailler avec lui, des amis l’avaient laissé tomber comme s’il était en feu et le contrecoup était devenu insupportable. Siméon avait disparu et lorsque les détectives embauchés par son père l’avaient finalement retrouvé dans un hôtel de Genève, il avait tenté de mettre fin à ses jours avec un cocktail de vodka et de pilules. L’intervention de son père, Patrice, et le traitement qui en avait découlé à la Clinique Phoenix lui avaient sauvé la vie.

Après trois mois en tant que patient de cette clinique, la façade de top-modèle outrageux et hédoniste de Siméon s’était dissoute en même temps que son organisme était purgé des drogues.

Sous ses attitudes maniérées de fêtard était caché un jeune homme plus calme, introspectif et sensible – un jeune homme qui avait toujours ressenti trop vivement, aimé trop intensément et qui était incapable de gérer la douleur de la perte et le rejet.

Sobre pour la première fois depuis la fin de son adolescence, Siméon était aussi fragile qu’un oisillon, déconcerté par les couleurs, les odeurs et les sons de ce vaste monde. Qui était Siméon Duchamp sans son masque, sans la béquille de l’alcool et de la drogue pour lui apporter la confiance nécessaire pour affronter chaque jour qui passait ?

Un coup frappé à la porte le tira brusquement de son introspection. Il se détourna de la fenêtre et son regard se posa sur son jeune infirmier favori, Karl, qui avait passé la tête dans l’encadrement.

— Ta dernière séance avec le Dr Schroeder est dans vingt minutes, l’informa-t-il. Une dernière pour la route ?

Karl remua les sourcils de manière provocatrice. Les lèvres de Siméon s’étirèrent en un sourire salace.

— Verrouille la porte, ordonna-t-il en se déplaçant rapidement vers le lit.

Karl entra dans la chambre et, comme indiqué, verrouilla la porte. Siméon ôta son tee-shirt, puis déboutonna et enleva son jean. En une fraction de seconde, Karl se débarrassa de ses Crocs blanches et de son uniforme d’infirmier, un pantalon et une tunique blanche. Siméon se leva, appréciant du regard la carrure mince et élancée du jeune homme de vingt-huit ans. Karl lui avait offert une agréable facette du traumatisme de la thérapie. Il était le type de Siméon : blond, des yeux bleus, désireux de plaire et délicieusement bien membré. Karl approcha et attira Siméon pour un profond baiser désordonné.

À un mètre quatre-vingt, Siméon était plus grand que le mètre soixante-dix de Karl, mais le jeune homme compensait assurément cette différence avec son sexe. Siméon était impatient de dévorer une dernière fois ses vingt centimètres avant de quitter la clinique. Il fit courir ses doigts dans les courts cheveux blonds, son érection effleurant avec urgence celle de Karl. Il incita l’infirmier nu à s’allonger sur son lit d’hôpital. Karl laissa échapper un rire rauque. Siméon grimpa sur le lit, ses longues jambes chevauchant sa conquête, se positionnant en soixante-neuf, le bout de son érection dirigée vers la bouche accueillante de Karl.

Sim empauma le sexe épais, large et non circoncis de Karl et le caressa, rétractant le prépuce sur le gland engorgé, émerveillé à l’idée que Mère Nature ait jugé bon d’accorder un sexe si énorme à un homme si léger. Il sourit, puis plaça le gland dodu devant ses lèvres entrouvertes. Même s’il aurait aimé prendre le temps de le déguster, l’heure n’était pas au jeu. Il ronronna de satisfaction, prenant Karl dans le fond de sa gorge, le membre le remplissant jusqu’à l’écœurement. Il recula, détendant les muscles de sa gorge, puis l’avala de nouveau, le faisant coulisser entre ses lèvres comme une star du porno. Son estime de soi avait peut-être touché le fond, mais avec une queue dans la bouche, il y avait au moins une chose pour laquelle il était certain d’être doué !

Karl offrit des coups de langue et des baisers préparatoires à la hampe de Siméon avant d’ouvrir sa bouche chaude et souple et de l’avaler. Les deux hommes se tordirent et ondulèrent sur le lit d’hôpital, leurs mains se cramponnant et se caressant avec désespoir.

Siméon aimait les succions de la bouche de Karl, ses yeux roulèrent dans leurs orbites sous le plaisir d’être sucé et de sucer en rythme. Siméon marqua une pause et utilisa une partie de la salive qui coulait de sa bouche pour humidifier ses doigts. Lentement, il plongea un doigt mouillé dans l’anus de Karl, le pliant à la recherche de sa prostate. Le jeune homme rua sous lui et poussa un gémissement, s’enfonçant dans la bouche de Siméon, manquant de l’étouffer.

Lorsqu’il eut recouvré ses facultés, Karl lui rendit la pareille, lui offrant les mêmes attentions intimes de ses doigts fureteurs.

Ils se doigtèrent, leurs hanches s’accordant dans un tempo ondulant. Les doigts massaient en profondeur, leur soutirant des gémissements enfiévrés de plaisir. Siméon oublia presque qu’il était un patient officiel de cette clinique de réadaptation, jusqu’à quelques minutes plus tard, lorsque Karl et lui se déversèrent dans des jets chauds et amers dans la gorge de l’autre.

Après un moment à reprendre leur souffle et un dernier baiser sensuel, ils se rhabillèrent en hâte.

— Je ne peux pas m’absenter trop longtemps. J’ai dit à l’infirmière en chef que j’allais aux toilettes, avoua Karl.

Il s’apprêta à quitter la pièce, ne s’arrêtant que pour souffler un baiser au jeune homme décadent aux longs cheveux noirs, qui était assis sur le lit aux draps froissés, léchant la dernière goutte de sperme sur ses lèvres.

Dix minutes plus tard, Karl revint :

— Le Dr Schroeder vous attend, M. Duchamp, et votre voiture est arrivée, annonça-t-il de manière formelle.

— Merci, Karl. J’arrive dans une minute, répondit Siméon, son accent français semblant un peu essoufflé, tandis qu’il se pressait pour emballer ses dernières possessions. Et merci pour votre… assistance durant mon séjour, Karl.

— Je vous souhaite le meilleur pour la suite de votre rétablissement, M. Duchamp, le salua Karl avec un sourire entendu avant de lui souffler un baiser et de refermer la porte.

Siméon balaya du regard la pièce qui ressemblait plus à la suite d’un hôtel cinq étoiles qu’à une chambre d’hôpital. Il jeta un coup d’œil à ses valises et vérifia qu’il n’avait rien oublié. Il prit une profonde inspiration apaisante et alla récupérer la carte postale sur la table de chevet. Ça avait été son seul courrier reçu durant son séjour à la Clinique Phoenix.

Au cours des premiers jours cauchemardesques, Siméon s’était plusieurs fois réveillé terrifié, désorienté et retenu prisonnier par des menottes aux poignets et aux chevilles. Il avait paniqué, puis avait tourné la tête et avait aperçu une carte postale posée sur sa table de chevet. Il s’était focalisé dessus et avait respiré, jusqu’à ce que la panique reflue. Cette carte avait représenté le monde pour lui, tandis qu’il endurait les semaines de privation et d’envie. C’était une photo de David Bowie. La même qui ornait, sur une grande affiche, le mur de sa chambre dans son appartement de Berlin. Quand il eut finalement traversé le pire et avait été libéré de ses contraintes, il avait récupéré la carte et l’avait contemplée un long moment. Puis il l’avait retournée. Le verso contenait un message simple. Je te souhaite un prompt rétablissement, Pieter.

Après tout ce que Siméon avait fait pour détruire leur amitié, Pieter était le seul ami qui avait fait l’effort de le contacter durant sa cure de désintoxication. Bowie et Pieter étaient les deux plus grandes obsessions de Sim. Ils étaient les fils de son identité, auxquels il se rattachait quand il pensait perdre l’esprit. Le fait que Pieter ait su qu’il aurait besoin de Bowie près de lui et qu’il ait pris le temps d’envoyer une carte en faisait un cadeau personnel intensément touchant.

Siméon glissa la carte postale dans la poche intérieure gauche de sa veste et posa un instant la main sur son cœur. Il entra dans la salle de bain luxueuse et se regarda dans le miroir. Son reflet lui renvoya l’image d’un jeune homme pâle, avec des traits androgynes, qui menaient à des joues creuses, de hautes pommettes, une mâchoire ciselée et rasée et des lèvres charnues, presque féminines. Le reflet qui croisa le regard noisette de Siméon était bien plus clair que celui qu’il avait vu il y avait trois mois de cela. Cet homme avait été proche de l’émaciation, ivre jusqu’au coma et bourré d’un éventail d’amphétamines avec des noms de rue fous – Bennies, Sparkles, Super Jellies, Lightning et Truckies – comme si c’était des bonbons. Il était un trou noir, une personne désespérément imprudente sexuellement, qui avait des relations non protégées avec n’importe quel homme disponible.

Cet homme était un désastre, un embarras, un frein, il devait disparaître.

Siméon réfléchit à son dialogue interne. Oui, cet homme avait tenté de le détruire, lui et tout ce qu’il aimait. Sim espérait que ce démon avait à présent disparu, repoussé dans les recoins les plus sombres de sa psychè, là où il souhaitait qu’il reste.

Il se pomponna avant son départ, passant les doigts dans ses longs cheveux soyeux. Il avait envisagé de se les faire couper – nouveau moi, nouveau look – mais il était étrangement réticent à se séparer de leur longueur. Il était sur le point d’entamer un voyage de redécouverte de soi, et il savait que la route ne serait pas facile. Il attacha ses cheveux en une queue de cheval et sortit de la salle de bain.

Il récupéra ses deux petites valises qui contenaient tout ce dont il avait eu besoin pour ces trois mois d’hospitalisation et, sans un regard en arrière, il quitta la pièce.

****

Siméon avança à grandes enjambées dans le couloir qui menait à la réception de la clinique. L’impression d’un hall d’hôtel persistait ici, avec sa moquette duveteuse, ses tables d’appoint avec les vases de fleurs fraîches et ses murs décorés d’œuvres d’art. Siméon posa ses valises à la réception et annonça à l’infirmière qu’il était attendu par le Dr Schroeder. Après avoir été appelé, le médecin ouvrit la porte.

— Ah, entrez, Siméon. Je vous en prie, asseyez-vous, le salua-t-il en s’effaçant et lui faisant signe d’entrer.

Le Dr Schroeder était dans la fin de la quarantaine, avec une masse de cheveux noirs. Il possédait les traits ciselés d’un modèle de ventes par correspondance d’hommes. Durant leurs séances, quand son esprit s’égarait, Siméon l’avait souvent imaginé en veste et slip kangourou, les mains sur les hanches, un sourire studieux gravé sur les lèvres.

Siméon prit une profonde inspiration afin d’apaiser ses nerfs et entra dans le bureau. De même, il n’y avait rien de clinique dans cette pièce. Elle était ornée de meubles contemporains et d’œuvres d’art accrochées au mur. Une série de grandes fenêtres à guillotine donnait sur la propriété forestière et laissait entrer la lumière du jour. Sim se dirigea vers le canapé marron, chargé de coussins dépareillés. Il s’assit, et le Dr Schroeder prit place sur son fauteuil en cuir placé face à lui. Le médecin attrapa son ordinateur portable sur la table d’appoint. Puis il commença à taper.

— C’est une merveilleuse journée, n’est-ce pas ? Comment vous sentez-vous, Siméon ? demanda-t-il d’une voix douce, mais avec un fort accent suisse.

— Euh… bien, j’imagine. Un peu nerveux, mais… bien.

— Y a-t-il eu des épisodes au cours des dernières vingt-quatre heures ? Crises de panique, fringales, sentiments complexes ?

— Non, je me sentais calme… détendu. Je me sens bien.

Son esprit revécut le souvenir du sperme de Karl coulant dans sa gorge, quelques minutes avant. Ses lèvres se pincèrent, réprimant un sourire.

— C’est fantastique, Siméon. Maintenant, vous comprenez que c’est notre dernière séance et que vous allez être remis aux bons soins du Dr Neuhaus et de votre père ?

— Oui, je comprends.

— Nous sommes très satisfaits de la façon dont vous avez répondu au traitement. Même si nous avons connus plusieurs revers, vous avez déjà commencé à vous confronter à des problèmes personnels très difficiles.

Le médecin ouvrit le dossier informatique de Siméon et resta silencieux tandis qu’il parcourait ses notes médicales. Sim patienta, les mains sur les genoux, le cœur tambourinant d’inquiétude.

— Dites-moi, que comprenez-vous de votre diagnostic ? demanda le Dr Schroeder.

— J’ai un trouble addictif de la personnalité.

— Et qu’est-ce que cela signifie ?

— J’ai des problèmes de contrôle des impulsions et des comportements addictifs.

— Exact, mais c’est plus compliqué que cela. Les personnes qui souffrent de troubles addictifs de la personnalité agissent généralement sur des impulsions et ne peuvent faire face à une gratification retardée. Vous êtes très sensible au stress émotionnel et vous avez du mal à gérer les situations que vous trouvez frustrantes, même si l’événement est de courte durée.

Le médecin s’interrompit pour inspirer et jeter un coup d’œil à son écran, puis il reprit son évaluation :

— Lorsque vous vous sentez stressé ou en insécurité, votre esprit a du mal à s’adapter, alors il se reporte à des comportements malsains pour faire taire ces sentiments complexes. Dans le passé, vous avez choisi l’alcool, les drogues et Internet. Vous comprenez que vous ne pouvez plus revenir à ces comportements.

— Je sais. Je sais que j’ai un problème. J’ai beaucoup de chance de ne pas avoir attrapé le Sida ou une hépatite, souffla Siméon d’une voix pétulante.

— Ce n’est pas le seul problème, répliqua sérieusement le médecin. Siméon, vous n’avez que vingt-quatre ans, pourtant vous avez le foie d’un cinquantenaire.

Siméon se couvrit la bouche de la main, laissant échapper un hoquet. C’était la première fois qu’il entendait cette phrase, le foie d’un cinquantenaire.

— Plus d’alcool vous tuera, poursuivit le Dr Schroeder. Je ne peux pas être plus clair. Votre corps se porte remarquablement bien, compte tenu des abus que vous lui avez infligés, mais ça ne doit pas continuer. Une seconde chance vous est offerte, Siméon. Vous avez le choix de l’embrasser ou de la détruire.

Les yeux de Siméon s’embuèrent, tandis que les mots du médecin s’ancraient dans son cœur et tourbillonnaient dans sa tête. Il repensa aux cauchemars qu’il avait faits durant les premières semaines à la clinique. De son père et de Pieter, debout devant sa pierre tombale, secouant la tête de déception. L’image l’avait hanté.

— Dr Schroeder, je sais que beaucoup de gens tiennent à moi. Je ne veux pas à nouveau les décevoir.

— Siméon, vous devez souhaiter aller mieux pour vous, pas pour les autres. Je crois que vous avez toutes les chances de vivre une longue vie saine, tant que vous continuerez à vous ouvrir au traitement. Le Dr Neuhaus vivra avec vous durant les trois prochains mois, afin de faciliter votre retour à une vie normale. Nous poursuivrons les séances de thérapie et concevrons une routine quotidienne pour vous donner une certaine structure.

Initialement, Siméon avait cru que la routine stricte de la clinique ferait ressortir ses crises de rébellion notoires, mais il avait trouvé cette institution étrangement apaisante. Il attendait avec impatience de se lever à sept heures, puis passer une heure à faire du sport avant de se doucher et de prendre son petit déjeuner. Ses repas étaient sains et servis à heure fixe. Les choix étaient limités, et au lieu de se sentir contraint par ces règles, Sim s’y était soumis et avait trouvé du réconfort dans cette routine terre-à-terre. Désormais, il craignait le retour au monde réel, ce monde d’innombrables choix et où tout pouvait arriver. Ce monde où il ne pourrait pas prendre part à tant de ces agréables distractions dont il avait abusé pour fuir ses sentiments. Il n’y aurait plus de clubs, plus de bars, plus de pilules et plus d’alcool. Son utilisation d’Internet serait limitée, surveillée. Il avait envie d’aller mieux, il avait envie de faire amende honorable et de se prouver qu’il était digne de cette deuxième chance dans la vie, digne d’être aimé.

****

ChapITRE 1

HALLO SPACEBOY

Siméon Duchamp prit une inspiration apaisante. Après une heure d’attente, il voyait enfin sa proie. Caché derrière un grand saule, il poussa un soupir de soulagement. Il contempla avec envie la silhouette élancée de Pieter Bayer, trente ans, se promener dans Simsonweg et entrer dans le Tiergarten de Berlin, jardin public au cœur de la ville. Ça faisait deux ans qu’il n’avait pas parlé à Pieter, son meilleur ami et objet de son indéfectible affection.

Le thérapeute de Sim lui avait suggéré de rencontrer Pieter, afin de tourner la page. Il souhaitait s’excuser pour ce tour cruel qu’il lui avait joué en divulguant de fausses informations aux médias de la mode, disant que Pieter tournait le dos à tous ses contrats et quittait l’industrie. Ce qui avait provoqué un tollé et avait obligé Pieter à se rendre à Paris pour travailler avec une liste de clients haut de gamme.

À cette époque, Siméon était ivre, drogué et il avait le cœur brisé, car il avait découvert que Pieter avait trouvé l’amour avec une peintre britannique, Emily Raven. D’humeur rancunière, Sim avait voulu salir la réputation de Pieter, seulement, au final, c’était la sienne qu’il avait détruite.

C’était une chaude journée printanière de mars. Sim regarda son ancien ami se diriger gracieusement vers lui, sur le chemin bordé d’arbres. Il sentit une boule de désir et d’anxiété batailler dans sa poitrine. Pieter était tellement beau à regarder. Siméon éprouva une profonde douleur. Il posa le front contre l’écorce rugueuse du saule et soupira. Les cheveux de Pieter étaient d’un blond naturel, plus longs que dans ses souvenirs, retenus en queue de cheval, tombant entre ses omoplates. Il portait son éternel jean noir, avec un tee-shirt à manches courtes bleu pétrole et un étrange sac à dos… porté à l’avant ? Siméon n’arrivait pas à se décider. Pieter avait toujours l’air jeune, mais en meilleure santé, plus heureux. Il semblait parler tout seul, et Siméon se demanda s’il était en communication Bluetooth.

Sim était déchiré. Devait-il partir et ne rester rien de plus qu’un mauvais souvenir dans l’esprit de Pieter ? Il se ressaisit. Cette fois, il devait le faire. Au cours des derniers jours, il avait plusieurs fois suivi Pieter dans le parc, l’admirant de loin, se dégonflant toujours au moment de l’aborder. Pieter passant devant le saule, Siméon rassembla son courage et sortit de sous la canopée.

— Peety ? appela-t-il de sa voix douce, maniérée et française.

Pieter s’arrêta et tourna la tête vers la voix. Il sourit largement quand son regard croisa celui de Siméon Duchamp. Siméon avait l’air plus âgé. Combien de temps s’était écoulé ? Deux ans ? Siméon avait coupé ses cheveux et les portait à présent plus courts, avec une longue mèche devant. Ce qui lui donnait un air plus elfique que masculin. C’est un joli look, se dit Pieter. Siméon le dévisageait avec étonnement de ses grands yeux noirs de biche.

Siméon entendit un petit cri provenir du « sac frontal », et Pieter posa la main dessus et baissa la tête pour y déposer un baiser.

— Chut, Petit oiseau, nous repartons dans un instant, roucoula-t-il en allemand.

Siméon l’observa, fasciné, déplier le rabat du sac et révéler une petite tête blonde de bébé.

— Pouvons-nous marcher ? demanda Pieter. Il doit toujours être en mouvement pour s’endormir.

Pieter s’éloigna, et Siméon se précipita à sa suite, adaptant ses foulées aux siennes, marchant près de lui en silence, leur jetant des regards en biais, à lui et à son bébé.

— Comment vas-tu, Sim ? s’enquit Pieter sur le ton de la conversation, sans aucun soupçon de malice.

— Euh… pas très bien, pendant un moment. Papa m’a envoyé en cure de désintoxication. Mais tu es courant, n’est-ce pas ? Je ne prends plus de pilules ni d’alcool depuis plus d’un an maintenant, expliqua-t-il. Je voulais te dire… mon thérapeute m’a conseillé de te voir, pour tourner la page. Je voulais te dire à quel point j’étais désolé et honteux de ce que j’avais fait. C’était tellement le bordel dans ma tête, Pieter. Je sais que ce n’est pas une excuse, mais je suis désolé de t’avoir fait du mal.

Ces mots tournaient dans son cerveau depuis deux longues années. C’était un soulagement de les prononcer enfin.

Pieter repéra un banc vide à proximité. Notant que son bébé dormait profondément, il s’y dirigea, Siméon sur les talons. Ils s’assirent, tandis que des pigeons charognards s’amassaient à leurs pieds. Siméon bougea les jambes, et les oiseaux s’envolèrent, paniqués.

— Comment s’appelle ton bébé ?

— Lukas. Il a quatre mois.

— Waouh !

Siméon le contempla avec respect, tenté, mais n’osant pas caresser la douce joue rosée du bébé. La boule de douleur se fit de nouveau sentir dans sa poitrine.

— La paternité te va bien. Il te va bien. Non pas que je sous-entende qu’il est un accessoire ou quoi que ce soit. Es-tu toujours avec sa mère ? Es-tu heureux ? Désolé, ce ne sont pas mes affaires, babilla-t-il.

Pieter sourit. Ce bon vieux Sim !

— Emily et moi sommes très amoureux et très heureux avec Lukas, je te remercie. Nous allons bientôt quitter le centre-ville. Nous avons acheté une grande maison avec un jardin au bord de la rivière Havel. Tu sais, la première de la seconde exposition d’Emily se déroule au Franzen, ce soir. Nous offrons une pause à maman, n’est-ce pas, Petit oiseau ? gazouilla Pieter tout en caressant la joue rebondie de son fils.

Les lèvres de Lukas se froncèrent, comme si elles tétaient un téton invisible.

— Tu es le bienvenu, Sim, ajouta pensivement Pieter.

— Sérieusement ? Elle ne va pas me raccompagner à la porte en bottant mon cul maigrichon ? J’ai entendu dire qu’elle pouvait se montrer très territoriale avec son compagnon.

Pieter éclata de rire, faisant attention de ne pas réveiller son fils.

— Emily ne se laisse pas emmerder. Elle a les pieds sur terre, elle est directe et très compréhensive. Elle m’a permis de voir tes actions sous un autre angle. Je parie qu’elle te connaît mieux que tu ne te connais toi-même.

— C’est vrai ?

— Elle ne tolérera aucun écart, Sim, mais si tu peux te contenir, je lui dirai que je t’ai invité. Elle comprendra.

Pieter marqua une pause, avant de reprendre :

— Tout arrive pour une raison, Sim. Je t’ai longtemps détesté. Mais Emily m’a aidé à comprendre que ce n’était qu’un gaspillage d’énergie. C’était vraiment méchant ce que tu as fait, mais, au final, ça t’a permis d’obtenir l’aide dont tu avais besoin, non ? Pour moi, ça m’a aidé à réaliser ce dont j’avais réellement envie pour mon avenir, loin de l’industrie de la mode. Tout semble s’être passé pour le mieux, tu ne crois pas ? Tu vas bien, tu travailles de nouveau et j’ai les bras pleins d’amour. Tous les péchés sont pardonnés. Va de l’avant et sois heureux, Sim, déclara Pieter avec pragmatisme.

Le regard révérant de Sim croisa celui, bleu-gris, de son ami. Ils se sourient, se comprenant mutuellement. Siméon se sentit humble. Le poids qui pesait depuis si longtemps sur son cœur commença à s’atténuer.

— Tu m’as vraiment manqué, Pieter. C’est la vérité.

Pieter hocha la tête, en guise de reconnaissance, mais ne répondit rien. Il y eut un bref silence gênant, avant que Siméon demande :

— Tu as définitivement quitté le monde de la mode ? Tu es splendide, tes cheveux et ta peau n’ont jamais été aussi beaux !

— C’est ce qui arrive quand je mange des repas convenables et que je ne me contente plus de survivre avec de l’eau et du chocolat ! En fait, la nourriture est assez bonne.

Leurs yeux se croisèrent et ils se sourirent.

— Je vais être une hausfrau à temps partiel pendant un moment. J’ai écrit un roman fantastique, je m’exerce à l’art et je joue de la musique. J'apprécie de ne plus voyager et aucun contrat ne pourrait m’éloigner d’Emily et de Lukas. Et toi ? Je t’ai vu défiler pour Manuello Kozi, tu étais superbe.

— Merci. Oui, j’ai été ravi de ce travail. C’était mon premier depuis longtemps. Ce n’est que le début, mais je prends mon boulot au sérieux, plus de fêtes. As-tu parlé à Veronik, récemment ? À elle aussi, j’aimerais présenter mes excuses.

— Elle vient à la première, ce soir. Je passe la voir de temps à autre. Elle aimerait beaucoup me remettre au travail, tu sais. Ça fait, quoi, six mois que j’ai quitté l’industrie, et elle essaie toujours de me tenter. Elle pourrait agiter un million d’euros devant moi qu’elle n’arriverait toujours pas à m’éloigner de ce petit homme.

Il secoua la tête et se mit à rire, câlinant le bébé endormi calé contre sa poitrine. Un téléphone sonna, et Pieter fouilla dans sa poche. Il lut le message avec un sourire carnassier.

— OK, Petit oiseau, c’était maman qui me rappelait que c’était l’heure de la tétée. Rentrons à la maison, annonça-t-il à son fils qui dormait toujours, même s’il se tortilla en réponse.

Le regard rempli d’émerveillement et de désir de Siméon croisa celui de Pieter. Siméon le suivit des yeux, tandis que Pieter se levait, sa haute silhouette élancée bloquant le soleil de la mi-journée, créant un halo autour de sa tête blonde. Sim n’était pas certain du tout d’avoir tourné une page. Pieter était beau, angélique. Siméon était toujours magnétiquement attiré par lui. Était-ce la fin de leur amitié ou un nouveau départ ?

— J’ai été content de te parler. Je le pense, Sim, passe ce soir et viens nous saluer, si tu es libre. Je suis sûr qu’Emily aimerait au moins de rencontrer.

Sim se leva et lui offrit une étreinte. Pieter l’accepta et bébé Lukas se retrouva niché entre eux.

— Vous sentez si bons, tous les deux, soupira Sim avant de sourire d’embarras.

— L’odeur de bébé est incroyable, pas vrai ? Je te vois bientôt, d’accord, Sim ? dit Pieter, une main sur l’épaule de Siméon.

Il se tourna et commença à s’éloigner avec cette indubitable démarche confiante du top-modèle.

L’espace d’une seconde, Siméon se sentit démuni en le regardant partir. Tant de mots étaient restés coincés dans sa gorge, tant de mots qu’il aurait voulu dire. Il fixa ses pieds un moment, se demandant si Pieter s’était montré gentil dans le seul but de se débarrasser de lui. Quand il leva les yeux, Pieter était au coin de la rue. Il jeta un regard à Siméon, leva une des mains qui soutenaient le dos de son fils et lui adressa un sourire radieux en le saluant d’un signe de la main.

Une larme de bonheur coula sur la joue de Siméon.

****

Siméon était sous le choc. Ce qui avait commencé comme la dernière étape de sa thérapie de réadaptation afin de tourner la page et de trouver un nouveau sens à sa vie avait pris une tournure totalement différente. Pieter était disposé à raviver leur amitié. C’était plus que ce dont il n’avait osé rêver.

Il était un peu paniqué à l’idée d’avoir été invité à la première de la nouvelle exposition d’Emily, à la galerie Franzen. Il se souvint que, plusieurs années auparavant, quand il avait fini par découvrir le nom de la petite amie de Pieter, il avait effectué des recherches sur Internet. Emily Raven n’avait aucune présence sur les réseaux sociaux. Siméon avait trouvé des images de ses peintures érotiques sur les sites web de certaines galeries, toutefois il en avait peu appris sur la jeune femme elle-même ; il n’avait même pas su à quoi elle ressemblait. Comment diable était-il supposé traquer la concurrence sur le net si elle ne jouait pas le jeu ? Les nus d’Emily étaient beaux et cruellement sensuels. Siméon avait admis avec réticence que c’était une artiste talentueuse. Il pouvait comprendre pourquoi Pieter avait pu être attiré par une personne capable de peindre comme ça.

Les pigeons réapparurent et se mirent à picorer les miettes que quelqu’un avait éparpillées sur le sentier. Ils s’envolèrent quand un enfant dépassa sa mère et courut vers eux en hurlant, les yeux écarquillés. Sim fut brutalement ramené à son environnement. Il ravala la boule d’angoisse qui obstruait sa gorge et se rappela les mots de sa thérapeute ; il ne pouvait pas obliger Pieter à l’aimer et, s’il tenait à Pieter, il devait être heureux qu’il ait trouvé quelqu’un à aimer. Siméon savait qu’elle avait raison, mais au plus profond de son cœur, voir cet homme magnifique parcourir le parc avec tant de confiance avait ravivé son désir. Il poussa un profond soupir et s’avoua la douloureuse réalité. Pieter représentait tout ce qu’il avait toujours désiré chez un homme et ses projets de tourner la page étaient partis à vau-l’eau.

À l’origine, il s’était dit qu’il présenterait ses excuses à Pieter, puis apaiserait son cœur brisé en faisant shopping à l’aide de la carte platinium de papa. Ensuite il serait rentré chez lui, seul, avec du lait, des cookies et la dernière romance gay parue.

Siméon se redressa résolument et prit une inspiration relaxante. Il n’avait pas accepté l’invitation de Pieter, mais il y réfléchirait. Il était sérieusement inquiet à l’idée de rencontrer Emily Raven, à l’idée de revoir tous leurs anciens amis, à Pieter et à lui, ceux qui savaient ce qu’il avait fait et les dégâts qu’il avait causés. Veronik Hassell, son ex-agent, serait présente, ainsi que leur amie maquilleuse, Gretchen Steiner, et leur ami coiffeur, Olli Brandt, tous deux accompagnés de leur partenaire. Auparavant, ils étaient comme une famille pour lui, mais quand il avait blessé Pieter, ils avaient tous pris son parti. Cependant, c’était Siméon qui avait pris ses distances, par honte, et il s’était finalement perdu dans l’alcool et les drogues pour apaiser la douleur.

Siméon était indécis. Ce serait un énorme test. Il n’était pas certain d’être capable de se confronter à un tel événement public en étant sobre. Il était très curieux à propos du travail d’Emily et il avait désespérément envie de revoir Pieter.

Il quitta le Tiergarten et prit la direction la Brandeburg Gate. La galerie Franzen était située dans la Neustädtische Kirchstraße, à dix minutes de marche. Il décida que si, par hasard, il passait devant la galerie en rentrant chez lui ; il pourrait jeter un coup d’œil discret par les vitres et découvrir si cela valait la peine de s’afficher dans une pièce remplie de personnes qui le haïssaient.

****

CHAPITRE 2

BOYS KEEP SWINGING

Siméon s’arrêta devant la Franzen Gallery. Il fronça les sourcils de frustration. L’affiche publicitaire vantant l’exposition obstruait totalement la vitre, l’empêchant de voir à l’intérieur. Sur l’affiche, on pouvait lire « EMILY RAVEN IN : ACHEVÉ » en police Josafin Sans gris argenté, en lettres larges, sur fond noir anthracite. Sim savait que le travail d’Emily était très prisé, et sa curiosité l’emportait.

La vitre de la porte d’entrée était également recouverte de papier afin d’empêcher quiconque d’espionner avant que tout soit prêt. Siméon tenta d’ouvrir la porte, mais elle était fermée. Il mourait d’envie de voir ce qui se cachait derrière, alors il frappa, puis appuya sur la sonnette. À l’intérieur, au loin, une voix masculine lui cria en allemand « Nous sommes fermés ! ».

Sim sonna de nouveau avec insistance, jusqu’à ce qu’il entende des bruits de pas se rapprocher de la porte et le bruit métallique d’un verrou tourné.

— Was ? aboya Alex Spielmann en apercevant ce beau et grand jeune homme, à l’apparence presque elfique, devant la galerie.

Siméon baissa les yeux sur Alex, jeune homme mince, légèrement exotique et élégamment habillé.

— Je suis désolé, je suis un ami de Pieter Bayer. Il m’a informé que la première de l’exposition d’Emily se déroulait aujourd’hui. L’ai-je manqué ou suis-je en avance ? demanda Siméon de sa plus jolie voix, jouant à la perfection la carte du top-modèle benêt.

Alex Spielmann avait vingt-deux ans, la peau bronzée, des cheveux châtains et des yeux verts qui reflétaient son ascendance métissée européano-turque. Après des années en tant qu’assistant de sa mère, Monika, il était désormais le conservateur de la Franzen Gallery. L’exposition d’Emily était la première qu’il organisait seul.

Siméon jeta un œil derrière Alex et scruta l’immense galerie ouverte aux murs blancs. Ses yeux faillirent sortir de leurs orbites. Il entendit à peine la réponse d’Alex :

— Désolé, nous n’ouvrons qu’à dix-huit heures. Je vous invite à revenir dans trois heures.

— OH, MON DIEU ! s’exclama Siméon, hystérique en passant devant le conservateur, surpris.

Il entra dans la galerie et se dirigea droit vers le portrait nu de Pieter Bayer. Son cœur marquait un tempo puissant et bruyant dans sa poitrine, et il se mit à transpirer. Il n’avait jamais vu un tableau aussi beau et évocateur de sa vie. Pieter était étendu sur le ventre, sur un lit défait. Il avait l’air « culbuté », comme s’il avait été bel et bien baisé. Sa tête reposait sur son bras plié, ses longs cheveux blonds drapés sur l’oreiller, et il fixait le tableau de ses yeux bleus remplis de luxure. Siméon dévora du regard les courbes sinueuses de la peau couleur ivoire du dos, de ses fesses pâles jusqu’à ses cuisses écartées. Cette image décrivait le fantasme de Siméon. C’était comme si Emily avait lu dans son esprit et avait peint son plus précieux désir. Le tableau était intitulé « Nous sommes inachevés ». Siméon ne l’était assurément pas ! Il devait acheter ce tableau.

— Combien ? demanda-t-il avec insistance à Alex.

— Ahhh ! Il n’est pas à vendre. Il fait partie de la collection privée de l’artiste, expliqua le conservateur.

— Non ! bouda Siméon.

Il tapa du pied, comme un enfant grognon, et se tourna pour foudroyer Alex d’un regard noir quand il remarqua le second nu de Pieter. De nouveau, l’œuvre lui coupa le souffle. Pieter était nu, recroquevillé comme un petit garçon sur un fauteuil bleu. Ses cheveux blonds étaient ébouriffés, ses bras enroulés autour de ses jambes. Dans cette position, rien n’était laissé à l’imagination. Les yeux de Pieter étaient ouverts, mais on aurait dit qu’il était en train de dormir quand on l’avait appelé. Emily l’avait capturé au réveil. C’était un portrait profondément intime, rempli d’amour et de confort. Siméon se précipita pour contempler le tableau de ses grands yeux stupéfaits. Il tenta de se souvenir de sa technique de respiration – la marée monte, la marée descend – tandis qu’il admirait l’aquarelle de taille A-3 intitulée « Notre Réveil ».

— Combien ? demanda de nouveau Siméon, cette fois, d’une voix basse.

Il ne parvenait pas à détourner les yeux de cette peinture, pas même une seconde.

— Celle-ci est à vendre. Son prix est de deux cent mille euros, annonça fièrement Alex, comme s’il l’avait peinte lui-même.

— Je l’achète ! répondit Siméon.

Alex hoqueta.

— Vous m’avez entendu, n’est-ce pas ? Deux cent mille euros, articula Alex, comme si Sim était un simple d’esprit.

— Oui, j’avais compris. Acceptez-vous la carte platinium ?

Sim sortit nonchalamment son portefeuille en cuir de la poche arrière de son jean, puis lui tendit la carte de crédit argentée.

Cette fois, ce fut au tour d’Alex de le fixer avec des yeux exorbités.

— Oh, mon Dieu ! C’est vrai ? C’est incroyable, Monsieur… ?

— Duchamp. Siméon Duchamp.

Siméon lui offrit une main pâle et élégante, qu’Alex serra avidement. Les yeux sombres de Sim scrutèrent le conservateur d’un regard prédateur, et ceux du jeune homme s’adoucirent. Il rougit involontairement en relâchant la main de Sim. Alex traversa le sol en béton gris poli afin d’aller verrouiller la porte d’entrée. Il n’avait pas envie qu’une vente aussi attrayante lui échappe.

— Je m’occupe tout de suite des documents. Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau, M. Duchamp.

— Oh, Alex. Appelez-moi Sim, suggéra Siméon avec espièglerie.

Il bourdonnait intérieurement de bonheur et se sentait très excité. Alex le précédant, il observa son petit cul moulé dans un jean se tortiller devant lui. Il haussa les sourcils et ses lèvres s’étirèrent en un sourire narquois.

Alex le conduisit dans un couloir aux murs blancs, puis dans un bureau. Une immense baie vitrée donnait sur un magnifique jardin intérieur. Les murs du bureau étaient ornés de diverses œuvres sur papier et toile, ainsi que de plusieurs rangées d’étagères qui abritaient dossiers et livres. La pièce était meublée d’un bureau, d’un ordinateur, d’un canapé en cuir noir et d’une table basse. Sim s’affala sur le canapé, repoussant sa frange désordonnée de devant ses yeux.

— Aimeriez-vous un thé, un café ?

— Auriez-vous de l’eau ? choisit plutôt Sim.

— Bien sûr.

Alex quitta le bureau et revint avec un expresso pour lui et une bouteille d’eau fraîche pour Sim. L’odeur du café mit Sim sur les nerfs. Autrefois, il buvait du café jusqu’à rebondir sur les murs, mais il n’avait plus droit à la caféine. Il prit une gorgée de la bouteille d’eau, l’esprit bloqué sur la représentation béatifique du tableau qu’il s’apprêtait à acheter.

Debout derrière son bureau, Alex se pencha au-dessus du clavier et tapa rapidement la facture de ses doigts tremblants. Sim reposa la bouteille sur la table basse et se leva pour fureter.

— Puis-je avoir votre adresse, e-mail et numéro de téléphone, s’il vous plaît, M. Duchamp ? s’enquit Alex.

Siméon énuméra ses coordonnées personnelles.

— L’exposition comporte-t-elle d’autres peintures de Pieter ? demanda-t-il en trouvant une boîte remplie de programmes « Emily Raven IN : ACHEVÉ ».

Il en sortit un exemplaire et le feuilleta.

— Oh, non. Seulement ces deux-là. Êtes-vous vraiment un ami de Pieter Bayer ?

— Oui… c’est mon meilleur ami depuis des années. Je suis top-modèle, moi aussi, expliqua Siméon, son regard se détournant du programme pour parcourir le corps tentateur du jeune conservateur.

— Évidemment, répliqua Alex en souriant.

— Avez-vous un petit ami ? demanda Sim sur le ton de la conversation.

— Je ne suis pas… euh… en couple pour le moment, bredouilla Alex en rougissant.

Les entrailles de Sim pétillèrent de joie. Alex était-il dans le placard ? Sim appréciait le challenge de convertir un homme ! Il sourit intérieurement, sachant qu’Alex était ferré, qu’il en soit conscient ou non.

Alex imprima la facture et la tendit à Siméon, qui la lut et la signa. Sim leva les yeux du document, tandis qu’Alex installait le terminal portatif de carte de crédit. Le jeune homme tremblait toujours alors qu’il appuyait sur les touches. Il n’avait jamais vendu de tableau avant une première, encore moins un tableau à deux cent mille euros. Sa mère et Emily seraient estomaquées.

Alex tendit le terminal de paiement à Sim, qui y inséra sa carte et tapa son code. Le paiement fut effectué sans accroc. Siméon réalisa qu’il allait devoir contacter son père et l’informer qu’il venait d’acquérir une œuvre d’art, et rien de suspect.

La machine bipa, tandis que le reçu s’imprimait, et Alex poussa un soupir de soulagement. Il s’assit près de Siméon sur le canapé, récupéra son expresso et le vida en une gorgée.

— Félicitations pour votre achat, M. Duc…

— Sim.

— Sim, répéta Alex. Notre Réveil est l’une des œuvres phares d’Emily. Savez-vous que son style a radicalement changé depuis le début de sa relation avec Pieter Bayer ? Son art est devenu plus… expressif et vibrant. Elle a écrit l’introduction du programme. Elle attribue ce changement de style au fait d’avoir été libérée par l’amour.

Alex lui offrait un argumentaire de vente un peu en retard.

— Je suis sûr que de nombreux collectionneurs seront contrariés par la vente de ce tableau. Il est très inhabituel pour elle d’autoriser la vente d’un nu de Pieter. Emily garde généralement les portraits de Pieter pour sa collection privée, expliqua Alex de manière informelle.

Siméon sourit de satisfaction. Désormais, il possédait quelque chose de Pieter que personne d’autre ne posséderait jamais.

— Y en a-t-il plus… dans sa collection privée ?

— Oui, j’en ai vu beaucoup d’autres dans son studio. Elle capture si bien sa beauté, vous ne trouvez pas ?

Le regard couleur chocolat de Siméon croisa celui d’Alex, et sa moue se transforma en un sourire narquois.

— Je suis tellement heureux, je me sens d’humeur à fêter ça, annonça Siméon.

Il se leva, grand et mince, puis enjamba les cuisses d’Alex. Le jeune homme parut décontenancé, fixant avec curiosité les grands yeux de biche noirs de Sim. Celui-ci lui prit les mains et les posa sur ses hanches. Assis sur les genoux d’Alex, il se pencha pour l’embrasser.

— Que… que faites-vous ? s’exclama Alex, le choc le faisant bafouiller.

— Je t’en prie, Alex. L’adrénaline te fait vibrer. C’est la plus grosse vente que tu aies jamais faite, je me trompe ? Tu es heureux, je suis heureux… tu as autant envie que moi de fêter ça ! susurra Sim en ondulant son postérieur sur l’érection piégée dans le pantalon d’Alex.

Alex jeta un regard en biais à l’horloge accrochée au mur, puis ses yeux revinrent se poser sur la langue rose de Sim qui humidifiait ses belles lèvres. Il se décala sur le côté, allongea Sim sur le canapé et l’attira dans un baiser enfiévré.

— Nous devons faire vite. Mutti sera là dans vingt minutes, haleta-t-il, tandis que les doigts agiles de Siméon bataillaient pour sortir son pénis de son jean moulant.

Siméon renversa Alex avant que le jeune homme ait pu reprendre son souffle. Il le suça goulûment pendant de longues minutes, manquant de se perdre dans la fellation, mais, alors qu’Alex se crispait sous lui, ils entendirent la porte d’entrée de la galerie se refermer.

— Alex, wo bist du?

Alex fit frénétiquement aller et venir ses hanches dans des poussées brutales et jouit dans la gorge de Sim. Son amant avala. Visiblement, il ferait n’importe quoi pour un soupçon d’expresso, ces jours-ci ! Ils entendirent le claquement de talons aiguilles sur le béton poli et, à nouveau, une voix de femme appela :

— Alex, wo bist du?

****

Lorsque Monika Spielmann entra dans le bureau, elle vit son fils, assis sur le canapé près d’un très beau jeune homme aux cheveux noirs, qui lui parut vaguement familier. Les deux hommes avaient l’air empourprés et légèrement échevelés. Elle les dévisagea avec curiosité.

— Mutti, j’aimerais te présenter M. Siméon Duchamp. M. Duchamp vient d’acquérir « Notre Réveil ».

Monika secoua la tête de confusion. La facture et le reçu de la carte de crédit se trouvaient sur la table basse. Elle les ramassa et les examina. Tout était correct, la vente était actée.

Siméon se leva pour serrer la main de Monika, utilisant la même main qui avait empoigné le sexe de son fils, quelques minutes auparavant.

— C’est un plaisir, M. Duchamp. Il est très inhabituel de réaliser une vente avant l’ouverture, en particulier d’une telle valeur, chantonna Monika, les yeux ronds de surprise.

— Pieter m’a parlé de la première, je me suis dit que j’allais venir jeter un œil en passant et quand j’ai vu ce tableau, je devais l’acheter, expliqua Siméon avec enthousiasme. J’espère pouvoir compter sur vous pour garder mon secret. Je n’ai pas envie que quiconque sache que je l’ai acheté, pas même Pieter et Emily. D’accord ?

— Bien sûr, M. Duchamp, vous pouvez être assuré de notre discrétion. L’exposition dure un mois, après cela, nous nous arrangerons pour la livraison, est-ce à votre convenance ?

— Ja, Alex a mon numéro de téléphone et mon e-mail. Il peut me contacter quand il le souhaite, répondit Siméon d’une voix traînante en ancrant son regard dans celui d’Alex.

Un léger étirement des lèvres de jeune homme trahit sa compréhension.

— Reviendrez-vous pour la première ? s’enquit le conservateur, reprenant son attitude professionnelle.

— Bien sûr, je n’ai pas encore vu toute la collection. On ne sait jamais, je pourrais acheter autre chose.

Siméon tourna la tête vers Alex et remua les sourcils.

— Oh, nous avons une dernière chose à faire, M. Duchamp ! s’exclama Alex.

Il retourna vers son bureau et fouilla dans un tiroir. Siméon et Monika le suivirent dans la galerie. Alex tenait une petite feuille où étaient collées des pastilles rouges. Un point rouge près d’un tableau dans une exposition signifiait qu’il avait été vendu. Alex décolla une petite pastille et la donna à Siméon. Celui-ci sourit et colla l’autocollant sur le mur, près de la plaque où était inscrit « Notre Réveil par Emily Raven ». La vente était conclue.

****

ChapITRE 3

OH YOU PRETTY THINGS

Siméon héla un taxi sur Unter den Linden pour le ramener à son appartement de Tucholsky Straße. Il y vivait seul, exempt de loyer dans ce grand immeuble de quatre étages divisés en logements. Son père était ambassadeur pour la France et s’occupait de gérer ses biens depuis qu’il était à la retraite du gouvernement.

---ENDE DER LESEPROBE---