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Pour survivre une génération de plus, ils devront vivre parmi les métamorphes.
Il y a longtemps, une guerre mondiale a éclaté entre les métamorphes et les humains. Ces derniers ont perdu et les conséquences ont été terribles…
Ella fait partie d’un clan qui vit caché dans les profondeurs des forêts de l’État de Washington. Elle ignore s’il existe d’autres clans d’humains ou si le sien est le dernier, mais elle sait qu’il n’y aura pas d’avenir pour son peuple s’ils ne réagissent pas sans tarder. Toute sa vie, elle a entendu des histoires horrifiantes sur les Autres, les bêtes qui les entourent dans des habitations high-tech au-delà des montagnes, mais ces mêmes bêtes pourraient bien représenter leur dernier espoir.
Ty Bearclaw, un métamorphe grizzly, est le conservateur du Sanctuaire et Centre de recherche et d’observation des animaux de l’État de Washington (SCROAEW). L’appel d’un éleveur à propos d’une créature causant des ravages inhabituels à la lisière de la forêt nationale le conduit dans les montagnes du parc national Olympique, où Ty est furieux de découvrir que l’homme a posé un piège pour capturer la créature sur une propriété protégée par le gouvernement. Mais ce n’est pas un animal qui est pris dans le piège, c’est une humaine ! Une espèce qui était considérée comme éteinte !
La réaction de son ours envers la femelle le déroute encore plus. Toute sa vie, il s’est demandé qui serait sa compagne, comment elle serait, quel genre de métamorphe elle serait. Jamais il n’avait envisagé que sa compagne ne serait pas une métamorphe et que sa présence même remettrait en question leur compréhension du passé et de l’avenir.
**Si vous aimez la romance dans le style de Nalini Singh, de Christine Feehan, de J.R. Ward, d’Ilona Andrews, de Patricia Briggs, de Dianne Duvall, de Grace Goodwin et de Laurell K. Hamilton, lisez les nombreuses séries de l’auteur de renommée internationale, best-seller du NYT et de USAT, S.E. Smith ! Des aventures excitantes, de la romance torride et des personnages emblématiques lui ont gagné des légions de fans. Plus de DEUX MILLIONS de livres vendus !
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Seitenzahl: 425
Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !
Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !
—S.E. Smith
Ella et la Bête: Au-delà des apparences, Tome 1
Couverture par : Melody Simmons et Montana Publishing
Copyright © 2024 par Susan E. Smith
Publication E-Book en anglais 2016
Publication E-Book en français 2024
Traduit Par : Charlotte Spender
Relu Par : Gaëlle Darde
TOUS DROITS RÉSERVÉS :
Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.
Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur. Aucune partie de l’œuvre de l'auteur ne pourra être utilisée pour l'entraînement d'une IA sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.
Résumé : Une humaine tombe amoureuse d’un métamorphe, une bête que les rares humains encore en vie surnomment l’Autre, et doit décider si elle va accepter son offre d’une nouvelle vie dans le dangereux monde des métamorphes.
ISBN : 978-1-963823-03-5 (livre de poche)
ISBN : 978-1-963823-02-8 (eBook)
Romance (amour, contenu sexuel explicite) | Action/Aventure | Paranormal | Fantasy | Multiculturel
Publié par Montana Publishing, LLC
& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Plus de livres et d’informations
À propos de l’auteur
Pour survivre une génération de plus, ils devront vivre parmi les métamorphes.
Il y a longtemps, une guerre mondiale a éclaté entre les métamorphes et les humains. Ces derniers ont perdu et les conséquences ont été terribles…
Ella fait partie d’un clan qui vit caché dans les profondeurs des forêts de l’État de Washington. Elle ignore s’il existe d’autres clans d’humains ou si le sien est le dernier, mais elle sait qu’il n’y aura pas d’avenir pour son peuple s’ils ne réagissent pas sans tarder. Toute sa vie, elle a entendu des histoires horrifiantes sur les Autres, les bêtes qui les entourent dans des habitations high-tech au-delà des montagnes, mais ces mêmes bêtes pourraient bien représenter leur dernier espoir.
Ty Bearclaw, un métamorphe grizzly, est le conservateur du Sanctuaire et Centre de recherche et d’observation des animaux de l’État de Washington (SCROAEW). L’appel d’un éleveur à propos d’une créature causant des ravages inhabituels à la lisière de la forêt nationale le conduit dans les montagnes du parc national Olympique, où Ty est furieux de découvrir que l’homme a posé un piège pour capturer la créature sur une propriété protégée par le gouvernement. Mais ce n’est pas un animal qui est pris dans le piège, c’est une humaine ! Une espèce qui était considérée comme éteinte !
La réaction de son ours envers la femelle le déroute encore plus. Toute sa vie, il s’est demandé qui serait sa compagne, comment elle serait, quel genre de métamorphe elle serait. Jamais il n’avait envisagé que sa compagne ne serait pas une métamorphe et que sa présence même remettrait en question leur compréhension du passé et de l’avenir.
Lancée en pleine course à travers bois, Ella prit une profonde inspiration. Elle plongea sous un arbre couché et se redressa sans perdre un instant. Elle avait peur ; son cœur tambourinait tant contre ses côtes qu’il lui était difficile de reprendre son souffle. Les Autres étaient dans la forêt. Le bruit de l’une de leurs machines de métal se fit entendre au loin. Jayden, sa meilleure amie et camarade de chasse, courait à côté d’elle. Ella savait qu’elle était aussi effrayée qu’elle, mais elle n’en montrait rien.
Elles tournèrent vers la gauche et s’élancèrent sur une étroite piste d’animaux. Ella passa devant Jayden quand il leur devint impossible de continuer de front. Elles bondirent par-dessus un autre tronc et un cri désespéré leur échappa à toutes les deux lorsque le sol se déroba soudain sous leurs pieds et qu’elles tombèrent dans une profonde fosse. La douleur explosa dans la cheville d’Ella au moment où son amie atterrit dessus, la tordant dans un angle étrange.
Avec un gémissement, Ella s’immobilisa et se concentra sur sa respiration jusqu’à ce que la douleur s’atténue assez pour qu’elle puisse observer l’endroit où elle se trouvait. Elle souleva sa tête du sol meuble et jeta un coup d’œil à Jayden. La jeune fille faisait les cent pas et regardait éperdument autour d’elle.
— On est piégées, Ella ! s’exclama Jayden dans un murmure horrifié. Les Autres ! Ils vont nous attraper. Il faut qu’on sorte de là.
Ella serra les dents et ramassa sa lance. Elle se releva à l’aide de l’arme et des racines qui dépassaient des parois de terres qui l’entouraient. Elle pâlit dès qu’elle tenta de s’appuyer sur son pied. Quelque chose était cassé. Elle sentait l’os bouger.
— Je vais t’aider à sortir, fit Ella d’une voix tendue. Tu peux aller chercher de l’aide.
Son ami pivota et la considéra en fronçant les sourcils.
— Si j’arrive à sortir, je pourrai te tirer.
Ella secoua la tête et ravala la nausée qui menaçait de la submerger. Sa cheville commençait déjà à enfler et à prendre une teinte noire bleutée. Elle n’aurait pas beaucoup de temps avant qu’aider Jayden à s’échapper ne devienne trop difficile.
— Ma cheville est cassée, répondit-elle en luttant contre les larmes. Tu vas devoir y aller seule.
— Mais… et si les Autres reviennent ? murmura Jayden avec horreur.
— Alors, je mourrai, répondit Ella d’une voix où perçait la résignation. Viens, tu dois t’échapper. Avec un peu de chance, ils ne viendront pas tout de suite vérifier le piège. Un orage arrive. Ça les poussera peut-être à ne pas s’aventurer dehors. Il n’y a pas assez de grosses racines pour grimper à partir d’ici, mais je vais me plaquer contre la paroi et tu pourras monter sur mes épaules. Ça devrait suffire pour que tu sortes de là.
Jayden se mordit la lèvre et hocha la tête, jetant un coup d’œil vers le bord du trou. Ella s’adossa contre le mur de terre, se tenant à la lance d’une main et à plusieurs racines de l’autre. Pendant qu’elle se tenait le plus raide possible, Jayden posa un pied sur le haut de sa jambe valide, puis se hissa sur ses épaules.
Secouée de tremblements, Ella serra les dents jusqu’à en avoir mal à la mâchoire pour tenter de ne pas crier de douleur tout en se redressant du mieux qu’elle put. Haletant sous l’effort, elle tendit un bras afin que son amie puisse utiliser sa main comme une marche. Ella regarda fixement le sol en terre noire jusqu’à ce que la pression du poids de Jayden disparaisse.
Ella cilla afin d’y voir plus clair, puis utilisa la lance pour s’aider à s’éloigner de la paroi et leva la tête vers Jayden. Un doux sourire triste se dessina sur ses lèvres à la vue du chagrin dans les yeux de son amie. Elle prit une profonde inspiration, puis expira lentement.
— Vas-y, Jayden, murmura Ella. Si je ne suis pas là quand tu reviens, sache que je suis passée dans la vie d’après et qu’on se retrouvera un jour.
— Je vais faire vite, Ella, jura Jayden. N’abandonne pas.
— Je n’abandonnerai pas, petite sœur.
Jayden lui sourit une dernière fois avant de disparaître. À l’aide de la lance, Ella s’assit lentement, se mettant à pleurer lorsque son pied blessé buta contre le sol de terre. Un coup de tonnerre retentit dans la forêt dense et un petit crachin se mit à tomber. Elle s’allongea prudemment et contempla la voûte des arbres qui agissait comme un parapluie, la protégeant du plus gros de la pluie. Un frisson la parcourut et elle renifla.
Ceux qui dirigeaient le monde en dehors de la forêt qui était son foyer avaient de nombreux noms : les Autres, les métamorphes, les bêtes. Des siècles durant, son peuple les avait évités. Alors que le temps passait, leur survie était devenue plus un mythe qu’un fait avéré pour le reste du monde. Mais rester complètement invisible était devenu plus difficile à chaque nouvelle génération, car les Autres continuaient de s’étendre plus profondément dans les zones forestières.
Ella et Jayden faisaient partie d’un petit clan. Ils étaient humains, des êtres avec une forme unique et constante. Les Autres étaient des hommes-bêtes, des êtres qui pouvaient se transformer en bien des formes. Il y avait de cela très, très longtemps, les humains et les Autres s’étaient affrontés. Les Autres avaient gagné, décimant presque entièrement les humains. Seuls quelques-uns d’entre eux avaient survécu à travers le monde.
Avec le temps, les humains avaient fini par disparaître complètement, du moins, c’était ce que les Autres pensaient. En vérité, les humains s’étaient créé un refuge au cœur des forêts, des montagnes et des régions glaciaires du monde, à l’insu des bêtes.
Contrairement à son père et aux autres anciens, Ella n’avait jamais rencontré d’humains d’autres clans. Ce genre de rencontres dataient d’avant sa naissance. Pour ce qu’elle en savait, son clan, qui se mourait, pourrait très bien être le dernier, ses membres les derniers représentants de son espèce, et sans sang frais et un endroit permanent pour vivre, leurs chances qu’une nouvelle génération survive allaient en s’amenuisant.
Ella ferma les yeux et ses larmes chaudes se mêlèrent à la pluie froide. Elle songea à ce que les Autres lui feraient s’ils la trouvaient avant que son peuple ne puisse la sauver.
Si elle avait de la chance, ils la tueraient rapidement. Cependant, il était plus probable qu’ils veuillent prendre leur temps pour la taillader, lui faire avouer l’emplacement de son clan et l’étudier avant de la tuer. Non, si les Autres la trouvaient, la mort serait rapide. C’était la seule possibilité.
— Je vous en prie, si Jayden ne revient pas à temps, je vous en prie, ayez pitié et laissez-moi mourir rapidement, murmura-t-elle à la forêt.
* * *
Ty Bearclaw descendit de son pick-up, secouant la tête et grimaçant en sentant des gouttes froides couler à l’intérieur du col de sa chemise. Il tendit le bras par-dessus le siège, prit le chapeau à large bord du côté passager et l’enfonça sur sa tête pour se protéger de la pluie.
— J’avais juste besoin d’une heure supplémentaire, grommela-t-il pour lui-même. Rien qu’une heure de plus sans pluie, mais non, il a fallu que les nuages se mettent à pisser à l’instant où je suis arrivé.
Ty prit son fusil derrière le siège. Il n’en aurait probablement pas besoin, mais il avait appris qu’il était préférable de l’avoir et de ne pas en avoir besoin plutôt que l’inverse. Son travail en tant que conservateur du Sanctuaire et Centre de recherche et d’observation des animaux de l’État de Washington — SCROAEW — le conduisait dans toutes sortes de lieux. Cette fois, c’était à quatre heures de route de chez lui. Un habitant s’était plaint qu’un animal avait pénétré son abri de jardin.
Ty avait parlé à l’imbécile plus tôt dans la matinée. Ce couillon était trop stupide pour être traité de véritable idiot. Le métamorphe carcajou et quelques-uns de ses amis avaient décidé qu’ils allaient essayer de capturer la créature en creusant une fosse, et peu leur importait qu’elle soit à plus de quinze kilomètres de la propriété de l’homme. Le métamorphe avait découvert une piste d’animaux et s’était dit que la créature l’utilisait pour aller et venir de la forêt nationale à sa propriété. Malheureusement, la fosse se trouvait au cœur d’une réserve naturelle nationale, en violation directe des règles du parc.
Après avoir obtenu les directions du métamorphe, Ty avait roulé près de cinquante kilomètres avant d’atteindre le chemin de terre isolé. Évidemment, c’était à ce moment-là qu’il s’était mis à pleuvoir.
Ty ferma la portière, verrouilla le véhicule et s’engagea sur le sentier. L’ours à l’intérieur de lui se retourna et se réveilla. Il sentit la bête lever la tête. Il se moquait qu’il pleuve. Il aurait été parfaitement heureux à courir les bois sous l’averse glaciale. Malheureusement, c’était extrêmement pénible de nettoyer la fourrure trempée d’un ours, et Ty ne voulait pas mettre de la boue partout à l’intérieur de son pick-up. Ce serait déjà assez salissant comme ça sous sa forme bipède.
Les hautes bottes en caoutchouc noir lui permettaient de progresser sans aucun problème sur le long du sentier boueux. Ty ajusta sa prise sur le fusil et remonta le col de son imperméable vert foncé pour empêcher les gouttes d’eau de s’y frayer un chemin. Le métamorphe lui avait dit où ils avaient creusé la fosse. Elle devrait être à une centaine de mètres devant lui. Il espérait seulement qu’aucun randonneur malchanceux n’était tombé dedans. La dernière chose qu’il voulait, c’était qu’un métamorphe puma contrarié lui fasse des remontrances pour une chose dont il n’était pas responsable.
Moi sentir quelque chose, lui murmura soudain son ours.
Quoi ? demanda Ty, sur la défensive. Un puma ?
Non. Différent. Jamais senti ça.
C’est peut-être la pluie qui joue des tours à ton odorat, marmonna Ty.
Non. C’est un étrange… animal, insista son ours.
Ty ralentit jusqu’à s’arrêter et regarda autour de lui. S’il avait appris une chose, c’était qu’il devait faire confiance à son ours. Il tourna lentement sur lui-même, scrutant les alentours. Il pencha la tête sur le côté lorsqu’il entendit un petit bruit. Ça ressemblait à la plainte d’un animal blessé.
Il se concentra, tous ses sens tournés vers le son. S’il ne se trompait pas, il provenait d’un peu plus loin sur le sentier. Progressant aussi silencieusement que possible, il mit le fusil à son épaule. Il marqua une nouvelle pause en entendant le son. Il était très, très léger, à peine audible. S’il ne l’avait pas déjà entendu et n’était pas focalisé dessus, il l’aurait manqué.
Enjambant une branche basse, il vit les bords irréguliers du trou un peu plus loin. Il jura. Ce foutu couillon avait attrapé un animal, finalement.
Dégoûté, Ty secoua la tête. Après avoir achevé la pauvre créature, peut-être qu’il resterait finalement en ville pour la nuit, qu’il mettrait une bonne raclée au métamorphe carcajou et lui collerait une grosse amende pour avoir violé les lois fédérales.
Retirant le cran de sûreté du fusil de son pouce, Ty s’approcha prudemment du bord de la fosse. Il y jeta un coup d’œil, n’y voyant rien au début. Alors qu’il longeait le bord, un léger mouvement au fond du trou lui fit braquer son fusil dans cette direction. Le petit gémissement atteignit de nouveau ses oreilles sensibles.
Tire pas, grogna son ours.
Ce n’est pas un autre métamorphe, si ? demanda Ty, méfiant.
Non… C’est… différent, gronda son ours en faisant les cent pas à l’intérieur de lui.
Eh bien… merde, marmonna Ty d’un ton grincheux, abaissant son arme et s’éloignant du bord du trou.
Il hésita à se transformer, mais préféra ne pas le faire. Il devait voir de plus près ce qui se trouvait là en bas avant de décider s’il devait avoir la gentillesse d’achever la maudite chose, se transformer en son ours pour lui faire une peur bleue, ou sauver la créature. Quelle que soit la décision qu’il prendrait, il allait visiblement finir couvert de boue.
— Et dire que j’ai lavé mon pick-up hier, marmonna Ty dans sa barbe.
Il pivota et appuya le fusil contre l’arbre mort couché en travers du chemin. S’approchant du bord, il repoussa son chapeau en arrière pour dégager ses yeux et s’agenouilla sur le sol meuble boueux. Penché le plus possible sans tomber, Ty examina le fond du trou.
— Nom d’un ourson ! siffla-t-il à la vue d’une femme agitée de tremblements qui gisait là, les yeux clos. Hé ! Vous allez bien ?
La femme grimaça et se recroquevilla encore plus, comme si elle tentait de disparaître sous terre. L’absence de réponse de sa part lui fit froncer les sourcils. Agrippé au bord, Ty étudia la femelle insolite. Elle portait d’étranges vêtements : des bottes en cuir qui semblaient avoir été faites à la main, un pantalon noir, une longue tunique avec un gilet en cuir et une bourse en cuir autour de la taille. Jamais il n’avait vu une tenue pareille, excepté dans… L’effroi et la fascination le disputèrent en lui.
— Femme, vous me comprenez ?
Elle finit par bouger, mais seule sa tête tourna. Des yeux bleu clair — des yeux comme il n’en avait vu que dans les livres — se posèrent sur lui avec une expression de crainte, de douleur et de résignation. En cet instant précis, il sut ce qu’elle était. Il avait fait sa thèse sur son espèce ; une espèce qui était censée être éteinte.
— Je vous en prie…
Sa petite voix le submergea, déclenchant une réaction immédiate tant en son ours qu’en lui.
— Tuez-moi… rapidement.
Une onde de choc frappa Ty. Il sentit sa tête tourner de droite à gauche en signe de refus. Déglutissant, il plongea son regard dans ses yeux emplis de douleur. Ses doigts se replièrent dans le sol au bord de la fosse, ses ongles s’allongeant sous la poussée de son ours, qui luttait pour émerger.
Qu’est-ce que tu fais ? siffla Ty à son autre moitié.
Moi aller chercher elle, gronda son ours, tentant de se libérer.
Je ne te laisserai pas la tuer, l’avertit Ty en reculant.
Moi pas tuer elle, riposta son ours. Moi protéger notre compagne.
Cette déclaration heurta Ty de plein fouet.
Notre compagne ?! pensa-t-il, horrifié.
Il venait tout juste de découvrir un membre d’une espèce considérée jusqu’alors comme éteinte et son ours croyait qu’elle — l’humaine — était leur compagne ?!
— Ah, merde ! jura Ty, oubliant la terre sur ses mains et se les passant sur le visage avec résignation. Cette journée va de mal en pis.
Lorsqu’elle entendit une voix masculine, Ella se redressa et alla se recroqueviller dans le fond de la fosse. Sa cheville la lançait trop pour qu’elle dorme, mais elle avait sombré dans un état de somnolence dans l’espoir de retrouver assez de forces pour tenter de s’enfuir. Sur le moment, il avait été logique de donner à Jayden la meilleure chance de s’en sortir. Il avait été logique d’attendre de l’aide, mais plus elle y réfléchissait, plus elle avait peur que Jayden ne revienne pas à temps avec des renforts.
Au cours des dernières semaines, elles s’étaient aventurées plus loin dans cette direction que jamais auparavant, à la recherche de choses à rapporter au village. Jayden avait été enthousiaste lorsqu’elle avait vu un étrange petit bâtiment aux abords de la forêt. Elle en avait parlé à Ella et avait décrit les choses étranges et merveilleuses qu’il contenait. Elles y étaient entrées par effraction et avaient effectivement trouvé bon nombre de choses qu’elles pouvaient utiliser.
Elles retournaient au bâtiment pour en rapporter d’autres quand Ella avait entendu le bruit d’une étrange bête de métal le long de la route. La peur d’être capturée l’avait rendue imprudente. Elle aurait dû savoir qu’il fallait éviter la piste d’animaux.
À présent, non seulement sa stupide erreur avait signé son arrêt de mort, mais la découverte de son existence mettait également en danger la vie de tout son village. Si Ella ne parvenait pas à tuer l’Autre ou s’il ne la tuait pas immédiatement, elle n’aurait pas d’autre choix que de s’ôter la vie pour que les bêtes ne découvrent pas son peuple.
Les dents serrées, elle ignora la douleur atroce dans son pied et serra sa lance. Son regard resta rivé aux épaisses griffes affûtées comme des lames de rasoir qui s’enfonçaient dans le sol au bord du trou. Ella prit appui sur son pied valide et glissa en arrière jusqu’à être collée contre la paroi de la fosse.
— Tuez-moi, ordonna-t-elle en brandissant la lance devant elle dans une posture menaçante.
— Pourquoi je vous tuerais ? demanda l’homme, déconcerté, en la contemplant de ses yeux marron foncé.
— Parce que si vous ne le faites pas, je vous tuerai, avertit-elle.
L’exaspération la gagna lorsque la bête esquissa un sourire amusé. Levant le bras, elle s’accrocha à une racine et se hissa sur ses pieds, utilisant son arme pour garder l’équilibre. Elle s’adossa contre la paroi de la fosse, haletant de douleur, de la sueur perlant à son front malgré la pluie froide. Elle chancela avant de raidir sa jambe valide.
— Vous tenez à peine debout. Je doute que vous soyez capable de me tuer, observa-t-il, fronçant les sourcils à la vue de son pied levé. Vous êtes blessée.
Ella siffla au moment où son pied toucha le sol. Elle le releva vivement, perdant presque l’équilibre. Se mordant la lèvre, elle dévisagea la bête. Il ne ressemblait en rien aux descriptions des nombreuses histoires que les anciens avaient racontées.
C’était censé être des créatures au corps massif, avec des yeux rouges brillants, des griffes acérées et des crocs. Cet homme était certes imposant, mais il n’était tout de même pas aussi impressionnant que dans son imagination. Ses yeux n’étaient pas rouges mais marron foncé, et elle y lut une pointe de curiosité et de perplexité. Il portait des vêtements, à l’opposé des bêtes couvertes de fourrure et de sang que l’on trouvait sur les images dans les livres. Son visage était légèrement plus large que ceux des hommes de son village et ses canines paraissaient un peu plus longues, mais elle ne les qualifierait pas pour autant de véritables crocs. Ses yeux se posèrent sur ses doigts. Ils étaient redevenus normaux : ils étaient longs et épais, mais ses ongles ressemblaient aux siens.
Non seulement il ne ressemblait en rien aux images des créatures dangereuses et sanguinaires, mais il ne grognait pas. Il lui parlait d’une voix chaleureuse et douce qui la fit trembler d’autre chose que de peur, de douleur et d’épuisement.
— Vous êtes réelle ? demanda-t-il, la surprenant de nouveau.
Ella fronça les sourcils et pencha la tête.
— Bien sûr que je suis réelle ! Vous êtes une bête. Quel genre ?
— « Une bête » ? répéta-t-il en plissant les yeux, déconcerté. Vous voulez dire, est-ce que je suis un métamorphe ? Ouais, bien sûr. Je suis un grizzly.
Ella blêmit et sentit sa poigne mal assurée sur la racine se relâcher complètement. Elle se laissa glisser au sol, le regard fixé sur lui, engourdie par l’horreur. Des images mentales la submergèrent. Un métamorphe grizzly ! L’un des plus craints des Autres. Ils étaient connus pour leur vitesse, leur férocité et leur force. Elle allait mourir, c’était certain.
— Pourquoi vous jouez avec moi ? interrogea-t-elle d’une voix rauque. Je ne suis pas de taille contre vous. Un coup de patte et vous pourriez m’éventrer.
— Vous éventrer ? Pourquoi je voudrais faire ça ? C’est tellement… barbare, marmonna Ty en secouant la tête. Écoutez, je m’appelle Ty. Et vous ?
Ella posa sa lance ; elle serait inefficace. Sa main glissa sur son flanc jusqu’à sa hanche. Non, son couteau était la seule solution. Elle se le planterait en plein cœur avant qu’il ne le lui arrache. Elle espérait seulement qu’il s’étoufferait dessus en essayant de le manger.
— Je m’appelle Ella, murmura-t-elle, levant la tête pour le contempler pendant qu’elle sortait la lame de son fourreau. Je veux que vous vous souveniez de mon nom, bête, car je hanterai vos rêves quand vous dormirez.
— Vous hanterez… Nom d’un satané moustique ! jura Ty.
Il atterrit devant elle et saisit son poignet lorsqu’il la vit sortir le couteau et orienter la pointe de la lame vers sa poitrine.
— Qu’est-ce que vous foutez ?
Ella croisa ses yeux furieux. Sa vitesse incroyable la laissa surprise et choquée. Un instant, il la contemplait depuis le bord de la fosse, le suivant, il saisissait son poignet de sa grande main. Déglutissant, elle se mit à trembler.
— Je m’ôte la vie pour que vous ne puissiez pas le faire, murmura-t-elle, s’humectant les lèvres.
Il posa sa main contre sa joue avec une douceur qui démentait sa force supérieure. Une étrange chaleur l’inonda quand elle sentit le bout de ses doigts calleux sur sa peau. Elle prit une grande inspiration au moment où il se pencha en avant.
— Tu ne m’échapperas pas aussi facilement, ma jolie, marmonna Ty en penchant la tête jusqu’à ce que ses lèvres ne soient plus qu’à un souffle des siennes.
— Pourquoi ? demanda Ella d’une voix rauque.
— Parce que, Ella, quand un grizzly à dos argenté trouve sa compagne, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer qu’elle est en sécurité, répondit Ty avant de déposer un baiser sur les lèvres légèrement entrouvertes de la jeune femme.
Ella sentit sa main descendre jusqu’à la sienne. D’une torsion du poignet, il lui prit son couteau. Il immobilisa sa tête pendant qu’il explorait sa bouche en douceur. La chaleur qu’elle ressentait s’intensifia, endormant la douleur lancinante de sa cheville, sa force l’étourdissant.
Ella ne comprenait pas ce qui se passait. Ce n’était dans aucun livre. Il était censé gronder, grogner et l’éviscérer, pas… pas l’embrasser !
Ella attrapa sa lance et recula un peu. Ce mouvement déséquilibra légèrement l’imposante bête. Elle le frappa de toutes ses forces avec le manche de son arme. Il tomba sur le côté, s’agrippant la tête et la contemplant avec une expression choquée.
— Pourquoi tu as fait ça ? exigea-t-il de savoir.
Il commença à se relever. Il tressauta et vacilla soudain en arrière, baissant des yeux surpris vers sa cuisse. Son dos heurta la paroi de la fosse. Il glissa jusqu’à être assis par terre. Son regard monta vers le bord du trou.
— Qu’est-ce que… ?
Même du fond de la fosse, Ella pouvait voir Jayden debout près du bord, une étrange arme entre les mains. La mine surprise de son amie lui apprit qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait tiré. Son attention se reporta sur la bête. Il avait enroulé sa main autour de la fléchette tranquillisante rouge et l’extrayait de sa cuisse. Ses yeux étaient vitreux et il cilla à plusieurs reprises.
— Ça va vous tuer ? murmura Ella, ignorant pourquoi elle s’en souciait.
— Non… Juste dormir, marmonna-t-il. Ella… Ne pars pas.
— Il le faut, bête. Vous devez oublier que vous m’avez vue.
Sa respiration commença à ralentir et il s’affala sur le côté.
— Je ne peux pas, s’efforça-t-il de dire alors que ses paupières se fermaient lentement. Tu… m’ap… m’appartiens.
Ella secoua la tête.
— Je ne pourrai jamais vous appartenir. Oubliez-moi.
Plusieurs cordes furent jetées dans la fosse. Jayden avait trouvé un autre groupe de chasseurs. Deux femmes un peu plus âgées firent un signe de tête à Ella après s’être laissées glisser dans le trou pour l’aider. Ella jeta un coup d’œil à la bête endormie.
— On le tue ? demanda l’une des femmes en dévisageant Ty.
— Non, répondit Ella en secouant la tête. Il pensera peut-être que c’était un rêve.
La femme la plus proche de la fléchette opina du chef et la ramassa, la fourrant dans sa bourse afin que la bête ne voie pas la preuve de ce qui s’était passé à son réveil. À l’aide des trois autres femmes, Ella parvint à sortir de la fosse. Une fois en haut, Jayden banda rapidement son pied et sa cheville. Le retour au village n’allait pas être aisé, mais au moins, elle était toujours en vie pour le faire. Ella jeta un dernier coup d’œil à la fosse par-dessus son épaule. Quelque part au plus profond d’elle, elle sentit un éclair de tristesse. C’était comme si une part d’elle était toujours piégée avec la bête.
— Viens, Ella, murmura Jayden. On doit mettre le plus de distance possible entre la bête et nous avant la tombée de la nuit.
Ella hocha la tête et se tint aux épaules des deux femmes qui suivaient son amie. Bientôt, la forêt les engloutit telles des fées retournant dans les tréfonds secrets d’un monde magique, un monde où vivaient les humains et non les étranges métamorphes qui embrassaient au lieu de tuer.
Avec un grognement, Ty laissa tomber sa tête entre ses mains. L’image floue du livre ouvert sur son bureau semblait se moquer de lui. L’avait-il seulement imaginée ?
Non ! Ma compagne être là dehors ! Blessée ! grogna son grizzly.
— Je sais, marmonna Ty, poussant un soupir las. Mais où ? On passe la zone et d’autres au peigne fin sans rien trouver depuis cinq semaines !
— Qu’est-ce que tu cherches ?
Ty se redressa sur son siège et ferma le livre devant lui. Il dut cligner plusieurs fois des yeux avant d’arriver à discerner nettement les traits de la silhouette sur le seuil. Une grimace tordit ses lèvres à la vue de sa sœur jumelle Tracy, adossée au chambranle.
— Qu’est-ce que tu fais là ? grommela-t-il, repoussant son siège et se levant pour s’étirer.
— Je t’aime aussi, petit ours, gloussa Tracy en s’avançant dans l’élégante pièce. Je vois que tu as toujours le nez plongé dans les livres. Tu ne trouveras jamais une compagne comme ça.
Ty fusilla du regard sa sœur, qui était âgée de seulement deux minutes de plus que lui.
— Je ne vois pas de compagnon à tes basques non plus, Tracy, rétorqua-t-il.
Celle-ci secoua la tête, faisant danser une épaisse crinière de cheveux brun foncé. L’expression de Ty s’adoucit lorsqu’il vit un éclair de tristesse passer sur le visage de sa sœur. Comme son frère, elle préférait nettement avoir le nez dans un livre ou étudier d’étranges roches quelque part plutôt que de traîner dans un bar ou sur le réseau social établi pour les métamorphes qui cherchaient celui ou celle qui leur était destiné.
— J’ai senti ton inquiétude, murmura-t-elle en s’approchant du bureau.
Ty ravala un juron quand il vit son regard se poser sur la couverture du vieux manuel. Perplexe, elle haussa un sourcil et reporta son attention sur lui. Une fois de plus, il maudit la connexion entre les jumeaux.
— Ce n’est rien, marmonna-t-il, prenant le livre et contournant le bureau. S’il te plaît, dis-moi que tu n’as pas parcouru la moitié de la planète parce que tu as senti quelque chose.
Tracy secoua la tête avant de la baisser.
— Non, ce n’est pas la seule raison, admit-elle d’une petite voix avant de relever la tête et de lui lancer un sourire désabusé. Mais c’était la principale. Alors… je croyais que tu en avais fini avec l’école.
— C’est le cas, répondit Ty, sur la défensive, l’écartant doucement pour reposer le livre dans la bibliothèque à côté de la porte.
— Quelqu’un a découvert de vieux ossements ?
— Non, répondit Ty avec lassitude.
Il poussa un grognement et se passa une main dans les cheveux. Son regard se posa sur le dos du livre « Les anciens humains et ce que nous savons d’eux ». Visiblement, pas autant que les scientifiques l’avaient cru, songea-t-il, secouant la tête et se tournant vers sa sœur.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Tracy d’une voix douce et inquiète.
— J’ai trouvé ma compagne, admit Ty à contrecœur.
Sa sœur prit une inspiration surprise. Ses yeux s’arrondirent et ses lèvres s’entrouvrirent d’incrédulité. Ty esquissa un sourire malgré lui. Il était rare de laisser Tracy sans voix.
— Tu…
Elle marqua une pause et secoua la tête.
— Tu as trouvé ta compagne ? Où ? On pourra la rencontrer quand ? Est-ce que maman et papa sont au courant ?
— Par la déesse, non ! répondit Ty en frissonnant.
— Pourquoi ? voulut savoir Tracy, mettant les mains sur les hanches avant de plisser les yeux. Ce n’est pas une métamorphe renard, si ? Tu sais comment est papa avec les renards.
Ty se renfrogna et secoua la tête avec véhémence. Il aurait presque préféré avoir à faire face à l’aversion de leur père pour les métamorphes renards plutôt qu’à ce qu’il vivait en ce moment. Son ventre se noua à l’idée de ne jamais retrouver Ella. La douleur et la peur enflèrent en lui. Savoir qu’il avait une compagne, quelque part dans les bois, et ne jamais la revoir était presque plus que ce qu’il pouvait supporter, tant physiquement que mentalement.
— Ty ! murmura Tracy en lui prenant le bras. Qu’est-ce qui se passe ?
La douleur assombrit ses yeux.
— Je dois la retrouver, Tracy, marmonna-t-il d’une voix nouée par l’émotion. Elle est là, dehors. Elle était blessée. Je dois la trouver, mais c’est comme si elle s’était envolée.
— Ta compagne ?
Ty hocha la tête et déglutit péniblement, une boule dans la gorge.
— Ella, fit-il à voix basse. Elle s’appelle Ella.
Les yeux de Tracy se plissèrent de détermination. Ty reconnut la lueur qui les habitait. Dans ces moments-là, elle était pareille à un ours en chasse.
— Quel est son nom de famille ? Elle est quel genre de métamorphe ? Il doit y avoir une trace d’elle dans la base de données. Je peux demander à Peterson de lancer une recherche. Il peut pirater n’importe quel système informatique. Une fois qu’on aura trouvé son marqueur, on pourra la pister, dit Tracy, songeuse. J’ai aussi besoin d’une description d’elle ; ça aidera. Van peut faire un croquis.
— Ils ne la trouveront pas, répondit Ty en poussant un soupir las.
— Bien sûr que si ! Peterson et Van sont des loups. Ils sont capables de trouver n’importe quoi !
— Pas cette fois, insista Ty, secouant la tête et se dirigeant vers la fenêtre de son bureau.
Il sentit le regard perplexe de Tracy dans son dos. Il prit une profonde inspiration et se demanda ce qu’il pouvait lui confier. Chaque seconde de chaque jour au cours des cinq dernières semaines, il n’avait pensé à rien d’autre qu’à Ella… et à ce que ça signifierait pour le monde si elle devait être découverte avant qu’il la retrouve et puisse la protéger. Certains métamorphes la captureraient et la garderaient comme animal de compagnie exotique. Il avait souvent eu affaire à ce genre de types au fil des ans, lors de découvertes d’objets humains.
Il songea également à ce que ça impliquait pour son ours et lui s’il ne la retrouvait jamais. Il avait déjà l’impression de devenir fou après seulement cinq semaines. S’il passait des années, une vie entière même, en sachant qu’il avait une compagne, mais sans jamais la revoir… Ty ignorait ce qu’il lui arriverait. Perdrait-il réellement l’esprit ?
Il souffla longuement. S’il voulait la retrouver, il aurait besoin d’aide. Tracy avait raison. Van et Peterson comptaient parmi les meilleures personnes à avoir à ses côtés lorsque l’on avait besoin de trouver quelque chose — ou quelqu’un, dans ce cas.
Ty se retourna vers sa sœur. Le lien entre eux était très fort, même pour des jumeaux, et il devinait aux petites lignes qui s’étiraient aux coins de sa bouche qu’elle ressentait son anxiété. Il esquissa malgré lui un petit sourire en coin. Tracy prenait toujours très à cœur ses responsabilités de grande sœur.
— J’ai besoin de ton aide, Tracy. Rassemble ton équipe. C’est important, finit par lui demander Ty.
Sa jumelle haussa un sourcil.
— Évidemment que ça l’est ! Maintenant, parle-moi de cette femme fabuleuse qui a conquis ton cœur, demanda-t-elle avant de froncer les sourcils. J’imagine que c’est une femme.
— Oui, c’est une femme ! Je t’ai dit qu’elle s’appelait Ella, rétorqua Ty avec une grimace avant de se passer les mains sur le visage avec résignation. Elle fait environ ta taille, elle a les cheveux châtains et des yeux bleus de la couleur du ciel.
— Des yeux bleus ? répéta Tracy. C’est une louve ?
Ty secoua la tête.
— Non, répondit-il calmement. Elle est humaine.
Tracy écarquilla les yeux et ouvrit grand la bouche avant de la refermer brusquement et de le fusiller du regard. Son air renfrogné se transforma lentement en incertitude avant de laisser de nouveau place à l’incrédulité alors qu’il continuait de la fixer en silence. Il savait qu’elle voyait qu’il était parfaitement sérieux.
— Tu es en train de me dire que tu as trouvé une humaine… une humaine bien réelle et vivante ? murmura sa jumelle d’une voix légèrement tremblante teintée d’émerveillement.
— Oui, et elle s’appelle Ella, répéta Ty, l’air calme et sérieux. J’ai besoin de ton aide pour la retrouver, Tracy.
Cette dernière déglutit et hocha la tête. Il ne lui faudrait pas longtemps pour se ressaisir et commencer à le bombarder de questions.
À peine cette pensée lui traversa-t-elle l’esprit qu’elle commença effectivement à l’assaillir de questions. Un sourire sombre aux lèvres, il lui raconta tout ce qu’il savait sur Ella. Rien de tel que d’avoir sa sœur à ses côtés quand il était question de traquer un précieux objet insolite, et en ce qui le concernait, rien au monde n’était aussi insolite et précieux que sa compagne.
* * *
Sept jours plus tard, Ty était de retour dans la forêt nationale Olympique. Seulement cette fois, il n’était pas seul. Du bord du trou, Tracy et lui regardèrent Peterson s’agenouiller au fond de la fosse qu’il avait marquée avec du ruban orange. L’homme se releva et fronça les sourcils.
— Tu sais, ç’aurait été sacrément plus facile si tu nous avais contactés il y a cinq semaines, se plaignit Van en les rejoignant. Tu as trouvé quelque chose, Peterson ?
L’interpellé secoua la tête.
— Rien. Je ne m’attendais pas à trouver des odeurs, mais ça aurait été bien si ta compagne avait laissé quelque chose derrière elle, Ty. Tu es sûr qu’elle est réelle ?
Ty se renfrogna.
— Oui, j’en suis sûr, rétorqua-t-il d’un ton sec. Si elle ne l’était pas, je ne vous aurais pas fait perdre votre temps.
— Ils viennent de commencer, Ty. Laisse-leur du temps, intervint Tracy en posant la main sur son bras.
— Elle a raison, fit Van avec un sourire enjoué. Nous aimons les défis, Peterson et moi.
Ty enfonça ses mains dans les poches avant de son jean et hocha la tête. Peterson commença à grimper à l’échelle qu’ils avaient mise dans la fosse. Ses yeux se plissèrent au moment où l’homme lâcha soudain une petite exclamation.
— Tiens, tiens, tiens, peut-être que la déesse veille sur toi, après tout, Ty, fanfaronna Peterson, un grand sourire aux lèvres.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Tracy alors que Peterson tendait la main vers un enchevêtrement de racines dans la paroi.
— Seulement le premier indice qui nous indique que ton petit frère n’est pas aussi fou qu’on le pensait, répondit Peterson en brandissant un bracelet incrusté de terre avant de le placer sous son nez. Protégé de la pluie et des intempéries, oh, doux bijou. Il y a une odeur très, très légère !
— Laisse-moi le voir, exigea Van.
Ce disant, il se pencha par-dessus l’échelle pour attraper le large bracelet en cuir. De fins cheveux tressés, des pierres colorées et des perles de bois décoraient l’objet insolite.
— Oh, ouais, ajouta-t-il, le portant à son nez et prenant une grande inspiration. C’est léger, mais elle est là.
— Donnez-le-moi, dit Ty en tendant la main vers le bracelet.
Il le leva lui aussi à son nez. Si son odorat n’était pas aussi développé que celui d’un loup, il restait tout de même sacrément bon. Il inspira profondément, laissant la très légère odeur le traverser.
— C’est elle.
Ty abaissa le bracelet et contempla les mèches de cheveux brun doré qui y étaient tressés. Ils étaient de la même couleur que ceux d’Ella. Ses doigts se refermèrent autour de la preuve qu’il ne rêvait pas. Il releva les yeux lorsque Van, Peterson et Tracy vinrent se poster autour de lui.
— Et maintenant ? demanda-t-il d’une voix bourrue.
— Maintenant, on chasse, répondit Tracy, le visage fendu d’un grand sourire.
Ella déposa le bois qu’elle avait ramassé dans le petit panier. Elle en avait assez récupéré pour la nuit. Sa cheville protesta, lui arrachant une grimace. Elle était presque guérie, mais se rappelait encore à son bon souvenir dès qu’elle en faisait un peu trop. Elle ne devait pas oublier que l’attelle lui avait été enlevée la veille seulement. Le guérisseur du clan lui avait conseillé de continuer à la bander pendant six semaines.
— Ella !
Elle se retourna en entendant son nom. Un sourire se dessina sur ses lèvres à la vue de Jayden qui se dirigeait vers elle, un panier de baies fraîches entre les mains. Voilà une chose qu’elle avait hâte de refaire : chasser leur nourriture avec les autres.
— Qu’est-ce que tu as trouvé, Jayden ? demanda-t-elle, tendant la main vers la canne qu’elle avait posée contre l’arbre.
— Des mûres, répondit la jeune femme avec une grimace en montrant son bras marqué de longues griffures. Je te jure, j’ai sué sang et eau, littéralement, pour les avoir.
Ella rit et considéra le panier plein.
— C’est plutôt impressionnant. Tu dois avoir sacrifié quelques litres de sang pour en avoir autant, plaisanta-t-elle.
Jayden haussa les épaules, posa le panier et s’assit sur un rondin. Ella se joignit à elle et soupira tandis qu’elle contemplait leur nouveau chez elles. Le voyage avait été particulièrement difficile pour elle, ainsi que pour les quelques anciens et les enfants en bas âge qui vivaient au village, mais Mitchell, le chef du clan, avait décrété que déménager était le plus sûr à faire après qu’Ella lui avait raconté qu’elle avait été découverte par un métamorphe grizzly.
— Tu crois qu’on sera en sécurité ici ? demanda Ella à voix basse.
Surprise, son amie se tourna vers elle et haussa les épaules.
— Je ne vois pas pourquoi on ne le serait pas. On n’a laissé aucun indice derrière nous et Mitchell a veillé à ce que nos traces soient effacées. S’ils trouvent quoi que ce soit dans notre ancien village, il sera impossible de dire quand on y était ni où on aurait pu aller. Mitchell a été très rigoureux. Il a même donné l’ordre de brûler tous les déchets et de les enfouir sous les fougères. À ce stade, personne ne serait capable de dire que quelqu’un a vécu là-bas.
Ella baissa les yeux et hocha la tête, touchant son poignet droit. Elle avait perdu l’un des bracelets qu’elle avait confectionnés, mais impossible de se rappeler quand.
Pour ce qu’elle en savait, elle aurait très bien pu l’égarer pendant le voyage jusqu’ici. Elle n’avait presque aucun souvenir de la première semaine. La douleur atroce qu’elle avait ressentie et les herbes analgésiques qu’elle avait utilisées avaient réduit tout ce qui avait suivi son évasion de la fosse à un souvenir flou. Il s’était probablement décroché au moment où ils avaient franchi l’une des nombreuses rivières qui coulaient dans la région. Ils venaient de traverser l’un des plus gros cours d’eau lorsqu’elle avait pris conscience de sa disparition. Les courants étaient assez forts, et devoir escalader les rochers, même avec de l’aide, l’avait épuisée.
— Est-ce que ça va ? demanda Jayden d’une voix douce. Tu es bien silencieuse dernièrement.
— Oui, ça va. C’est juste que…, commença Ella avant de secouer la tête avec tristesse. Je serai contente quand je pourrai retourner chasser. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne suis pas sortie du village.
Son amie rit et passa un bras autour des épaules d’Ella pour l’étreindre.
— Tu y retourneras avant même de t’en rendre compte. J’aime bien cet endroit. On n’a vu aucun signe de vie depuis des semaines. C’est agréable de ne pas avoir à s’inquiéter d’être vus, répondit-elle avec un soupir. J’ai trouvé un endroit vraiment cool à une dizaine de kilomètres d’ici. Je pourrai peut-être te le montrer plus tard dans la semaine.
— Ce serait chouette, répondit Ella, un petit sourire aux lèvres. J’aurai moins de mal à me déplacer, maintenant que je n’ai plus que le bandage.
— Il faut que j’apporte les mûres à ma mère avant qu’elle se demande ce que j’ai fait tout ce temps. Passe tout à l’heure si tu as le temps, dit Jayden, se levant et récupérant le panier de baies.
— D’accord. À plus tard, dit Ella, se levant à son tour avec raideur.
Elle regarda son amie partir hâtivement. C’était étrange de vivre seule. Après le déménagement, elle avait décidé qu’elle voulait son propre espace. Elle avait vécu avec Jayden et ses parents depuis que ses propres parents étaient décédés. Se penchant, elle ramassa le long bâton qu’elle utilisait comme une canne. D’ici la fin de la journée, elle serait fatiguée et aurait besoin de ce soutien supplémentaire.
Elle retourna au panier dans lequel elle avait mis le petit tas de bois pour le feu. Elle laissa tomber sa canne dessus et commença à tirer sur l’épaisse corde suspendue à une branche haute dans l’arbre dans lequel elle vivait. Alors que le panier était presque en haut, la corde commença à glisser entre ses mains. Un petit hoquet lui échappa lorsqu’une grande main rattrapa la corde.
— Je m’en occupe, dit Mitchell d’un ton bourru. Tu étais censée appeler l’un des hommes.
Une vague d’irritation parcourut Ella et elle secoua la tête.
— Les hommes ont déjà assez de travail sans avoir à me dorloter plus qu’ils ne le font déjà, riposta-t-elle, grimaçant en voyant Mitchell hausser un sourcil.
— On travaille ensemble, Ella, lui rappela-t-il avec en grognement, finissant de hisser le panier jusqu’en haut de l’arbre et attachant la corde. Il n’y a que de cette façon qu’on peut survivre.
— Je sais, Mitchell, soupira-t-elle. C’est juste que je déteste être un fardeau pour le village.
Le chef du clan mit une main sous son menton et releva sa tête afin qu’elle n’ait pas d’autre choix que de le regarder. Il était presque aussi grand que Ty, avec de larges épaules comme le métamorphe grizzly. Et il était presque aussi beau. Sa peau couleur café au lait et son corps musclé attiraient souvent les regards admiratifs des autres femmes du village. Il avait les cheveux courts, mais Ella n’avait pas oublié les belles boucles noires qu’il arborait enfant.
— Tu ne seras jamais un fardeau. Tu fais partie de la famille.
— Je sais, je sais, fit-elle, grimaçant et remuant le nez. Mais je t’interdis de m’appeler…
— Petite sœur, rit Mitchell, caressant son menton du dos de ses doigts. Tu as besoin d’aide pour monter chez toi ?
— Pourquoi pas, grommela-t-elle avec un soupir exagéré. C’est mieux que de me hisser toute seule.
— Monte, ordonna Mitchell en lui désignant le petit système de monte-charge qu’il l’avait aidée à construire.
Ella déposa un baiser sur sa mâchoire avant de rejoindre lentement le monte-charge et d’y prendre place. Elle leva le pouce afin de lui montrer qu’elle était prête et se tint à la barre en bois au centre. Son cœur se serra alors que son regard se posait sur le village.
Vingt-huit humains — un si petit nombre ; vingt-huit et ce chiffre baissait lentement. Et cela continuerait à moins qu’ils ne partent à la recherche d’autres humains. La difficulté était de se déplacer sans se faire remarquer dans un monde dirigé par les Autres. Ce n’était pas chose aisée quand leur monde se rétrécissait chaque jour un peu plus autour d’eux. Les aventures d’Ella et Jayden l’avaient prouvé.
Son peuple vivait en hauteur dans les arbres, s’établissant le plus loin possible du sol. Les épaisses branches des vieux arbres les protégeaient autant de ce qui se trouvait en dessous et au-dessus d’eux. Ils faisaient leur possible pour ne pas altérer le milieu naturel. Il était nécessaire de modifier le moins possible leur environnement, afin de ne pas attirer l’attention.
Ella leva les yeux tandis que le monte-charge se rapprochait de la grande fourche dans l’arbre où elle avait élu domicile. Ce n’était pas grand-chose. Une simple plateforme formait le sol et elle avait tressé des branches, des lianes et des feuilles pour créer les murs. C’était primitif, mais ça lui permettrait de bénéficier d’un abri adéquat jusqu’à ce qu’elle puisse se construire quelque chose de mieux.
Un sourire fendit son visage lorsqu’elle entendit les rires de la demi-douzaine d’enfants qui vivaient parmi eux. Bientôt, ils ne seraient plus aussi nombreux. Ella, Jayden et plusieurs autres femmes en âge de procréer s’étaient retrouvées tard un soir, près de cinq ans plus tôt, et avaient juré de ne jamais avoir d’enfants.
Le pacte avait été conclu au cours d’une période chargée en émotion, mais depuis, rien de l’avait fait revenir sur sa décision. La nuit précédant le pacte, Ella avait perdu sa mère et sa sœur mort-née. Quand le guérisseur était sorti et avait secoué la tête en les regardant, son père et elle, elle avait su au plus profond d’elle que la survie des humains était une vaine tentative.
La mort de son père d’une pneumonie, trois mois plus tard, avait scellé sa détermination à faire tout ce qui était en son pouvoir pour son village, excepté avoir des enfants. Cette décision était une autre raison pour laquelle elle avait choisi de ne plus vivre avec la famille de Jayden. Ils l’avaient encouragée à prendre un homme — spécifiquement Mitchell — pour époux. Elle savait qu’ils mettaient la même pression à leur fille.
Avec la chute de la population, les anciens avaient décidé que pour assurer la survie du clan, les mâles devraient avoir plus d’une partenaire. Ella était égoïste et ne voulait pas partager un mari. Presque immédiatement, l’image d’un autre homme lui vint à l’esprit.
Elle grogna et fit un signe de la main à Mitchell lorsqu’il l’appela. Elle accrocha rapidement la boucle de sécurité au crochet avant de descendre prudemment du monte-charge pour rejoindre la plateforme. Se penchant en avant, elle ramassa le petit panier de bois et disparut dans l’intérieur sombre. Elle ferait du feu et ferait griller des noix et des fruits que Jayden avait cueillis pour elle.
— Arrête ça, ma fille, murmura-t-elle en rapprochant du bois de l’endroit où elle était assise. Tu dois l’oublier.
Un petit gémissement résonna dans l’espace réduit et elle se laissa tomber sur l’épaisse paillasse qui composait son lit. De qui se moquait-elle ? Depuis des semaines, elle s’exhortait à oublier l’homme-bête du nom de Ty, en vain. Elle rêvait de lui la nuit et avait l’impression de pouvoir encore sentir ses lèvres sur les siennes.