Le Gros - Wolfgang Armin Strauch - E-Book

Le Gros E-Book

Wolfgang Armin Strauch

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Beschreibung

1967. Un meurtre brutal de femme secoue Cracovie. Le jeune détective Andrzej constate rapidement que l'affaire doit avoir un lien avec les activités d'espionnage de la victime pendant la Seconde Guerre mondiale. Alina, la seule parente, ne peut guère aider. Mais elle trouve la lettre de sa mère, des listes de noms et une lettre en écriture hébraïque. Andrzej et Alina tentent de reconstituer le puzzle. Ils apprennent le grand amour entre la mère polonaise d' Alina et son ami allemand à une époque difficile. Mais quel est le rapport entre tout cela et les indices concernant le "gros homme" ?

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Seitenzahl: 375

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Wolfgang Armin Strauch

Le Gros

Thriller

Traduit par: Isabelle Martin

Langue de l'édition originale: allemand

ISBN

Softcover:

978-3-347-99072-2

 

Hardcover:

978-3-347-99073-9

 

E-Book:

978-3-347-99074-6

Impression et distribution en sous-traitance

tredition GmbH

Heinz-Beusen-Stieg 5

22926 Ahrensburg

Allemagne

L'œuvre, y compris ses parties, est protégée par le droit d'auteur. La responsabilité du contenu est engagée. Toute utilisation est interdite sans autorisation. La publication et la diffusion sont effectuées pour le compte de tredition GmbH, département "Impressumservice", Heinz-Beusen-Stieg 5, 22926 Ahrensburg, Allemagne.

Table des matières

Couverture

Page de titre

Page de copyright

Avant-propos

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

A propos de l’auteur

Le Gros

Couverture

Page de titre

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Chapitre 1

A propos de l’auteur

Le Gros

Couverture

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Avant-propos

Graudenz était jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale une ville où vivaient principalement des Allemands. Les Polonais étaient la minorité. Cependant, après la guerre, les puissances victorieuses la rattachèrent au nouvel État polonais. La ville allemande devint donc une ville polonaise, peuplée en majorité de Polonais, et les Allemands étaient désormais la minorité. Graudenz devint Grudziądz.

On changea également les noms des rues et des places. Mais même après que la ville ait été rebaptisée, les gens continuèrent par commodité à l'appeler par son ancien nom. Car la forteresse se trouvait toujours au même endroit et la Vistule coulait comme autrefois le long de la ville en direction de Dantzig, où elle se jetait dans la mer Baltique. Peu importe qui était aux commandes ou si le nom de la ville avait été changé.

Je ne sais pas pourquoi on avait appelé cette ville Graudenz. Je pensais autrefois que cela venait de la couleur des vieux murs de la forteresse: le gris - cette nuance entre le blanc et le noir, la couleur de l'innocence et la couleur de la mort. Cette nuance indéfinie que l’on aime utiliser pour décrire des moments tristes et dont on épingle des personnes sans qualités. Sans couleur et sans caractère. Les anciens et les nouveaux habitants n'en avaient cure. Après tout, les gens ne choisissent pas le lieu où ils vont vivre en fonction du nom de l'endroit.

Et partout où il y a des gens, il y a de l'amour. Même dans les périodes les plus sombres, des enfants sont conçus, parce que les gens portent en eux des espoirs qui sont plus forts que le désespoir.

Un jour, les descendants s'interrogent sur la vie de leurs ancêtres et sont condamnés à faire face à une histoire dont ils ne sont pas responsables, mais dont ils doivent payer le prix. La hauteur de ce prix est déterminée par les parents - car ce sont eux qui ont le pouvoir de décider s’ils vont laisser à leurs enfants un monde sans haine.

La forteresse est toujours là. Elle regarde les gens avec un air imposant. Avec le temps, elle a perdu quelques pierres, mais la Vistule s'en moque. Elle coule vers le nord et emporte avec elle beaucoup de larmes. Comme il y a 1000 ans.

Wolfgang Armin Strauch, 2020

Chapitre 1

Il reçut le choc sans avoir été préparé. A quelques mètres seulement de lui, deux femmes étaient assises à une table. L'avaient-elles déjà découvert ? Parlaient-elles peut-être de lui ?

Il n'est guère possible pour un homme de deux mètres de se cacher. Il se détourna et baissa la tête. Mais du coin de l'œil, il observait ce qui se passait.

Jadwiga avait sensiblement vieilli. Elle devrait avoir dans les 50 ans maintenant. Eva, en revanche, semblait avoir conservé sa jeunesse. Il la voyait de profil et seulement grâce au miroir fixé au-dessus du comptoir qui déformait son image. En d'autres circonstances, il aurait essayé d'entrer en contact avec les femmes. Mais ces deux personnes mettaient désormais sa vie en danger.

Il ne croyait pas au destin. L’intervention divine était un terme sans valeur pour lui. Trop souvent déjà, il avait décidé de la vie et de la mort. Autrefois, il allait lui-même chercher à l'église l'absolution de ses péchés. Mais quand il ressentait trop de pression de la part d’un prêtre, il envoyait l’indiscret à son Créateur, sans même sortir du confessionnal.

Eva éclata de rire Se moquait-elle de lui ? Les femmes regardaient une photo. Il était trop loin d'elles pour en voir les détails. Une sueur froide le fit frissonner. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pensé à sa situation en filigrane: un souffle de vent suffisait à détruire son château de cartes. Tout serait fini. Le hasard l'avait-il attiré dans le piège ?

Ses amis attendaient à la table. Ils faisaient partie d’un groupe de voyageurs de Varsovie. Il avait fait leur connaissance hier au Wawel. Il avait accepté avec plaisir le verre qu’ils lui offraient, car il n'avait rien de prévu et son logement était inconfortable.

Quelques mètres le séparaient des deux femmes. L'homme poussa son corps massif à travers le restaurant bondé et s'assit sur la chaise inconfortable. A cet endroit, il était inévitable que les utilisateurs des toilettes le voient. S'ils ne l'avaient pas reconnu auparavant, ils le verraient au plus tard lors de la prochaine visite aux toilettes. Il était trop grand et trop gras pour passer inaperçu. Les autres chaises de sa table étaient occupées.

Alors que ses amis s'amusaient d'un couple dissemblable et ivre, qui s'insultait au bar, lui cherchait une issue de secours. Il ne lui restait que la fenêtre. Rien qu’à l’imaginer, il frémissait déjà. Si la police venait, il devrait s’échapper par ce chemin. Il était piégé. Dans sa poche, il avait un lourd canif avec lequel il pouvait briser les vitres. Si la maison était encerclée, il se jetterait dans les bras de la milice. Une sueur froide coulait de son front.

La nourriture était arrivée. Il poussa l'assiette au milieu de la table. Edward le taquina : « Alors, toujours rassasié d'hier ? » Au lieu de répondre, l'homme vida le reste de la vodka et chercha frénétiquement des alternatives. Le restaurant était comme un boyau. Les toilettes étaient trop petites pour y rester longtemps. Le passage par la cuisine était bloqué par les nombreux clients au comptoir.

Finalement, il ne restait plus que la sortie pour échapper au champ de vision des femmes. Il était temps d'agir. S'il prenait l'initiative maintenant, il avait peut-être eu une chance. Attendre n'était pas son truc. Alors il froissa le paquet de cigarettes à moitié plein, marmonna quelque chose comme "acheter des cigarettes" et se leva de sa chaise. Il sortit un mouchoir et souffla dedans. Seuls ses yeux scrutaient par-dessus. Il vit que les femmes payaient aussi. Il fallait qu’il quitte le restaurant avant elles.

Il décrocha rapidement son manteau et son chapeau du portemanteau. Après quelques bousculades aux tables bondées du bar, il atteint la porte. Sans se retourner, il la poussa, sauta dans l'escalier et se mêla aux passants. Un panneau en carton avec un slogan pour la fête nationale masquait la vue du restaurant.

Quelqu'un l'avait-il suivi ? Il essuya la sueur de son front et essaya de garder un œil sur la sortie. Les femmes sortaient.

Jadwiga se retourna. L'avait-elle vu ou était-ce son imagination ?

Les mains tremblaient, le cœur faisait mal. Il voyait tout noir. Son obésité faisait monter sa tension artérielle. Les poumons réclamaient de l'oxygène. Appuyé sur une borne, il essaya de se calmer. Il inspira profondément, fouilla dans sa poche et sortit la pipette contenant la nitroglycérine. Après quelques gouttes, son état se normalisa Les pensées redevinrent plus claires.

Le gros homme réfléchissait: Devait-il s'enfuir dans l'une des anciennes ruelles ? Mais cela n'aurait de sens que s'il n'avait pas été découvert, car le poids de son corps empêchait tout mouvement rapide. S'enfuir ne résolvait pas le problème qui surgissait devant lui comme un mur sombre.

C'était le samedi 22 juillet 1967, jour de la fête nationale polonaise. Partout dans la rue, des stands de nourriture, des boissons et le kitsch touristique habituel. Des scènes diffusaient de la musique qui se mêlait aux murmures des passants. Jusqu'à présent, il ne s'était rien passé. Les deux femmes marchaient lentement dans la Ulica Grodzka en direction du Wawel. L'homme évaluait ses chances. Si elles ne l'avaient pas vu, il n'en restait pas moins que deux dangereux témoins étaient encore en vie.

Pendant qu'il suivait les femmes à une distance convenable, le gros homme fouillait les environs à la recherche de miliciens. Il y avait beaucoup de monde dans la rue. Par précaution, il s'arrêta devant la vitrine d'un bijoutier et observa les passants dans les miroirs des présentoirs. Apparemment, il n'avait pas de poursuivants. Il se dépêcha pour ne pas perdre les femmes de vue.

Jadwiga était habillée à la mode, mais on remarquait son âge à sa démarche un peu molle. Eva était dans un costume de fête. C'était trop moderne à son goût. Voulait-elle suivre le rythme des étudiants qui animaient les rues ? Il eut quelques doutes. Était-ce vraiment elle ? Peut-être se trompait-il. Pourtant, sa stature et sa démarche faisaient vaciller son insécurité.

Il était sûr de Jadwiga. Il pourrait simplement s'en aller. A Cracovie, personne ne le connaissait. Une recherche serait sans espoir. Mais par vanité, il avait fait une erreur qui ne pouvait plus être rectifiée. Lors de la visite du Wawel, quelqu'un l'avait photographié et il avait eu l'imprudence de mentionner son nom. Lorsque l'homme lui tendit sa carte, il comprit son faux pas. Le photographe était du "Trybuna Ludu". Peut-être sa photo serait-elle imprimée dans le journal dans tout le pays. II avait d'abord écarté le risque que quelqu'un puisse le reconnaître. Maintenant, c'était différent. En raison de sa taille et de sa stature, il était unique.

Cracovie était pleine de touristes. Mais il dominait la plupart des gens. Il lui était donc facile de suivre les deux femmes à distance. Si elles regardaient autour d'elles, il y avait suffisamment d'occasions de se glisser dans l'entrée d'une maison. De plus, le jour se levait. Il n'avait pas encore de plan, mais il était sûr qu'il allait agir.

La montée vers le Wawel était en vue. Les femmes s’arrêtèrent. Il se joignit à un groupe de passants qui écoutaient un accordéoniste. Pour ne pas attirer l'attention, il fouilla dans sa poche et jeta une pièce dans le chapeau du musicien qui leva les yeux et le remercia. Le gros homme aurait bien voulu écouter, mais il devait faire attention à ce que les deux femmes ne disparaissent pas de son champ de vision. C’est à peine s’il put encore voir Eva dire au revoir. Elle partit en direction du Wawel, mais se retourna encore une fois et fit signe à sa compagne.

La montée vers le Wawel n'offrait aucune possibilité de se camoufler et en outre, elle était trop raide. Au début, il semblait que Jadwiga allait retourner sur la place du marché, mais elle prit le chemin du parc qui entourait la vieille ville. À quelques pas derrière un restaurant, elle bifurqua, traversa une large rue et s'engagea finalement dans un passage entre deux maisons. C'était étroit et à peine suffisant pour une personne. Des plantes grimpantes poussaient sur les murs et semblaient l‘avaler.

Le gros homme craignait de l'avoir perdue, mais au niveau de l'entrée, il reconnut sa stature dans le contre-jour d'un réverbère sur le point de s'éteindre. Encore vacillant, il hésitait à jeter ses rayons sur la rue. Le crépuscule faisait que tout paraissait irréel. Dans la faible lumière éparse du jour, il vit la silhouette de la femme. Il hâta le pas. Avant qu'elle ne puisse entrer dans la lumière, il chuchota : « Jadwiga ! « .

La femme se retourna. Mais il avait suffisamment d’avance. Ses mains puissantes s’enroulèrent autour de son cou. Elle essaya de desserrer la prise, agitait les bras autour d’elle, le griffait et se débattait avec les jambes. Mais elle n'avait aucune chance. L'horreur se reflétait dans ses yeux.

Son gros corps la pressait contre le mur. Les feuilles de la plante grimpante bruissaient. Ses pouces brisèrent les structures sensibles de l'os hyoïde. Une fois de plus, il augmenta la pression. Il explosa de haine à ce moment-là. La femme était déjà morte

L’agresseur desserra ses mains. Un reste d'air s’échappa des poumons avec un râle. La bouche s'était légèrement ouverte. L'appel au secours resta silencieux. Le cerveau avait cessé de fonctionner. La décomposition du corps commençait déjà.

C'était terminé. Ce n’est que maintenant que l'homme remarquait les rides profondes de son visage. Un peu de maquillage et du rouge à lèvres essayaient de cacher son âge

. Il remarqua l'odeur du parfum allemand "Eau de Cologne 4711", que sa femme utilisait aussi. Jadwiga tomba sur le sol comme un sac. Ses jambes s’étaient tordues de façon grotesque. Le gros homme poussa du pied son visage, dont les yeux ouverts le fixaient. Il arracha de son cou son collier d’ambre jaune et ramassa son sac. Il glissa le butin sous sa veste. C'était comme une ivresse.

Ce n'est qu’à ce moment qu’il pensa à des témoins éventuels et à un itinéraire de fuite. Il regarda autour de lui. Derrière lui, dans la rue, des passants passaient rapidement de temps en temps. Il était peu probable qu'ils le voient. Il restait debout dans l'obscurité. Au passage d’un camion, il monta sur le trottoir. Il ne se retourna qu’un instant. La ruelle cachait la scène du crime. Rien ne trahissait qu'il venait de tuer quelqu'un.

Au bout de deux cents mètres, il s’assit sur un banc. Comme en passant, il vérifia les alentours. Puis il fouilla le sac. Il en sortit un porte-monnaie, une carte d'identité et la clé de l'appartement. Il jeta le reste à la poubelle. Il mit le collier dans la poche de sa veste. C'était son trophée. Elle lui rappellerait sa victoire sur le passé.

Dix minutes plus tard, il était de nouveau assis dans le restaurant. Son verre était rempli. Il se leva et trinqua avec ses amis. Il commanda plusieurs tournées de vodka sur son compte. Puis il paya et s’en alla. Le logement n'était pas loin. Malgré l'alcool, il se sentait en forme. Sur ses bras, il y avait quelques égratignures des ongles de Jadwiga. A moitié endormi, il pensait à Eva.

Chapitre 2

L'appel arriva à 2 heures. Avec difficulté, Andrzej Mazur se tourna sur le côté pour arrêter la sonnerie agaçante. L'officier de la milice de service signalait le meurtre d'une femme âgée. La scène du crime se trouvait dans le centre-ville et était déjà sécurisée. Les médecins légistes et la brigade criminelle étaient informés.

Pendant qu'il s'habillait, sa mère arriva. Son ouïe fine l'avait réveillée.

« Tu dois y aller ? »

« Oui. Prépare-moi des sandwichs, s'il te plaît ! Je ne sais pas combien de temps ça va durer. »

Il se rasa pour paraître à peu près civilisé. Sa chemise était fraîchement repassée et sa mère lui avait préparé une cravate assortie. Au lieu d'enfiler la veste d’uniforme, il décrocha la veste en cuir. C'était plus pratique sur la moto. Il se changerait dans la salle de permanence.

Puis il mit des sandwichs et un thermos dans sa mallette. Avec un baiser sur la joue, il lui a dit au revoir et disparut dans le couloir. Grâce à un petit héritage, il avait acheté une moto tchèque. La "350 Jawa" était couleur bordeaux. Les pièces chromées reflétaient l'éclairage de la rue. Le moteur démarra du premier coup. Le véhicule vibrait puissamment. Il tourna la poignée et laissa venir l'embrayage. La machine accéléra et entraîna le conducteur dans la nuit.

Ses collègues avaient affublé Mazur du surnom de "Jawa". Il ne s’en défendait pas. Il en était peut-être même un peu fier. Ce qui l’énervait, c’était plutôt l'arrogance de certains miliciens chevronnés qui le considéraient encore comme un débutant avec ses 28 ans. Il avait pourtant un diplôme universitaire et avait déjà été impliqué dans des affaires importantes. Le fait qu'il soit maintenant appelé pour un meurtre était toutefois dû au fait que de nombreux collègues avaient congé le dimanche suivant le jour férié. Il ne demandait pas mieux. Un meurtre est un meurtre.

La scène de crime était facile à sécuriser car la ruelle étroite n'avait que deux entrées. La patrouille avait utilisé quelques tréteaux du chantier voisin. De plus, des miliciens se tenaient des deux côtés. Des projecteurs éclairaient la scène du crime. Les techniciens de la police criminelle fouillaient partout pour trouver des empreintes. Mais au vu du chemin de gravier, des murs de la maison non crépis et des plantes grimpantes, l'effort semblait inutile. Néanmoins, ils vérifiaient centimètre par centimètre. Le médecin légiste attendait déjà.

La victime était une femme d'environ 50 ans, d’apparence soignée, présentant des marques de strangulation prononcées sur le cou. D'autres blessures se montraient sur son visage et la partie supérieure de son corps. Des ongles cassés et des hématomes sur les bras et les jambes indiquaient que la victime s'était défendue. Le docteur Zeman exclut pour l'instant tout délit sexuelle. Il se pencha sur le visage du cadavre.

« Vous sentez ça ? Je dirais que c'est l'eau de Cologne 4711. »

Mazur percevait également la senteur sucrée, mais il ne s’y connaissait pas en parfums.

Une ambulance se trouvait au bord de la route. Les ambulanciers s’occupaient d'un homme qui avait visiblement du mal à respirer. Il avait découvert la femme morte.

Mazur se fit confirmer l’heure et le lieu. Comme aucun papier n'avait été trouvé sur le corps, il demanda au témoin de jeter un coup d'œil sur le corps.

« C'est Jadwiga Klimek du 32. »

Le numéro 32 était une vieille maison bourgeoise à trois étages avec un petit portail et une énorme porte encadrée d'éléments Art Nouveau. La sonnette tarabiscotée était en laiton. La victime vivait au deuxième étage. Ce n'est qu'après une longue sonnerie qu'une fenêtre s'ouvrit. Un homme ivre gueula des mots incompréhensibles dans la rue. Pourtant, lorsque Mazur sonna à nouveau, quelqu'un de l'appartement du rez-de-chaussée répondit.

« Klimek est ivre. Essayez demain midi. Il sera peut-être de nouveau en état. »

Mazur ne lâcha pas prise et cria : « Nous sommes de la milice et il faut absolument que nous parlions à M. Klimek. S'il vous plaît, ouvrez la porte ! »

Le voisin ouvrit la porte d'entrée. « Il s'est passé quelque chose ? »

L’inspecteur et deux miliciens en uniforme entrèrent dans la maison.

« Quand avez-vous vu Mme Klimek pour la dernière fois ? »

Le voisin hésita.

« Je ne sais pas. Peut-être hier après-midi. »

Après avoir longtemps sonné et frappé, la porte de l'appartement où avait vécu la victime s’entrouvrit.

« Qu’est-ce que vous voulez ? »

Mazur montra sa pièce d'identité. « Nous sommes de la milice, M. Klimek. C'est au sujet de votre sœur. »

L'homme le fixait comme s'il venait d'un autre monde. Il puait l'alcool et l'urine. Sa chemise de nuit était couverte de vomi.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Laissez-moi tranquille, bande de chiens ! »

Sans attendre, Mazur bouscula Klimek pour entrer dans l'appartement.

« Quand avez-vous vu votre sœur pour la dernière fois ? »

« Je ne sais pas. Si elle n'est pas dans la chambre, elle n'est pas là. »

Il montra une porte. Elle était fermée à clé. Klimek prétendit ne pas avoir de clé. Avec un peu de force, un milicien réussit à ouvrir la porte. La pièce était très bien rangée. Une étagère dominait la pièce. Sur les murs étaient accrochées quelques photos de famille. Mazur chercha des cartes d'identité ou d'autres papiers d'identification. Dans un tiroir, il y avait une carte d'identité d'entreprise avec une photo. La victime était Jadwiga Klimek.

Interroger son frère n'avait aucun sens. L’inspecteur posa une carte de visite sur la table, sur laquelle il nota un rendez-vous pour 13 heures.

La police criminelle et le médecin légiste n'avaient rien de surprenant à rapporter. Mazur rédigea donc un court rapport pour son patron. Sur la page de couverture, il était écrit "Affaire meurtre Jadwiga Klimek".

Vers huit heures, il fut convoqué par son patron, qui lui demanda où en était l'enquête. Au vu de la brutalité, Mazur soupçonnait un crime passionnel. S'il s'agissait d'un vol, l'auteur aurait pris le sac et se serait enfui. Mais la strangulation est une autre catégorie: on s'approche de très près de la victime et il y a toujours le risque que la victime appelle à l'aide et résiste avec force.

L'agresseur était de toute évidence physiquement supérieur. Les intenses marques de strangulation en témoignaient. Les mains avaient laissé de grandes marques d’un bleu profond sur la peau. Le médecin légiste avait exclu un délit sexuel. Comme prévu, aucune empreinte digitale ou trace de pas n'avait été trouvée sur la scène du crime.

« Le frère de la victime est-il un candidat pour le crime ? »

« Ce n'est pas à exclure. Il était ivre. Un interrogatoire est prévu à 13 heures. »

Le patron confia officiellement l'affaire du meurtre à Mazur. Trois personnes étaient à sa disposition comme inspecteurs de la criminelle. En outre, il y avait des miliciens qui étaient responsables du district. Parmi eux se trouvait Adam Krawczyk, qui avait déjà commencé à interroger les voisins avec ses collègues. Comme la morte n'avait pas de sac sur elle et que la clé était introuvable, la force d’intervention fouillait le quartier. Le dimanche matin, il y avait peu de passants, et Mazur pensait qu’un chien pisteur aurait des chances.

L'enquête auprès des voisins révéla seulement que Mme Klimek travaillait à la bibliothèque de l'université. Pour la plupart, elle était la sœur sympathique d'un ancien officier qui était constamment ivre.

La brigade criminelle eut accès au dossier du personnel par l'intermédiaire de la direction de l'université. Jadwiga Klimek avait déjà travaillé à la bibliothèque avant la guerre. Selon un certificat officiel, elle avait été arrêtée par la Gestapo en 1944. Elle était l'une des survivantes du camp de concentration d'Auschwitz. Après la guerre, elle avait retrouvé son ancien emploi à la bibliothèque. Les évaluations la décrivaient comme assidue, amicale et prévenante. Originaire d'une petite ville près de Graudenz, elle vivait à la même adresse à Cracovie depuis les années 1930. Elle avait hérité de l'appartement d'une tante.

Dans les archives de la milice, se trouvaient quelques mentions concernant son frère Tadeusz Klimek. Avant la guerre, il avait travaillé dans les mairies de Graudenz et de Cracovie. En 1939, il fut incorporé dans l'armée polonaise. Après la défaite de la Pologne, il vécut en Union soviétique. Il n'existait aucun document sur cette période. A partir de 1943, il appartenait à la 1ère armée polonaise en tant qu'officier. Sous les ordres du général de division Stanislav Popławski, il prit part à plusieurs batailles. Après la guerre, il avait travaillé au service de construction de la ville de Cracovie, mais fut déclaré invalide de guerre en 1963. Un rapport laissait entendre que l'alcoolisme était la véritable raison de son licenciement.

A la mairie, on trouva un document montrant qu'il était le tuteur légal de sa petite-fille Alina Klimek, mais elle ne vivait plus ici. Dans les archives de la milice, il y avait de nombreuses plaintes pour trouble de l'ordre public. A plusieurs reprises, il avait insulté des voisins sous l'emprise de l'alcool. Il en était arrivé à des violences, à la suite desquels il avait été condamné à des amendes.

Vers 10 heures, le chien pisteur arriva. Mazur fondait de grands espoirs sur "Alex". Le chien reprit la piste sur le lieu du crime, s'arrêta brièvement au numéro 32, mais continua. Près d’un un banc public, il renifla la poubelle. Après quelques détours, il atterrit près de la Marienkirche, sur la place du marché. Là, il perdit la piste. Par précaution, le maître-chien retourna sur la scène du crime et le conduisit de l'autre côté de la ruelle. De là, il trotta d'abord en direction du Wawel, puis revint vers la place du marché. Il s’arrêta au café "Elena".

Comme il y avait seulement une femme de ménage dans le café, Mazur tira le gérant du lit et l’ interrogea sur les visiteurs de la veille au soir.

« Hier, c’était plein. En raison du jour férié, même les chaises du comptoir étaient occupées. Je n'ai rien remarqué de particulier. »

Mazur lui montra la photo de la morte.

« C’est Mme Klimek. Elle était assise à la table pour deux avec sa petite-fille, comme d'habitude. »

Mazur demanda avec étonnement : "Mais vous vous souvenez bien d’elles ?

« Oui. Elles se rencontrent tous les quinze jours. Habituellement, elles mangent un morceau de gâteau aux noix et boivent un café. Hier, elles ne sont pas restées aussi longtemps que d'habitude. Vers 21 h 45, elles sont parties. Sauf pour la commande, je ne lui ai pas parlé. Je suis désolée. C'était une femme si gentille. »

Mazur lui demanda les noms de quelques habitués.

Tadeusz Klimek était en tête de la liste des suspects. Comme il ne s'était pas présenté à l'heure prévue, Mazur lui rendit visite dans son appartement en fin d'après-midi. Lorsqu'il ouvrit la porte, l’inspecteur de la police judiciaire lui montra le mandat de perquisition pour la chambre de sa sœur. Pendant que ses collègues procédaient à la fouille, il parlait avec le propriétaire de l'appartement, qui était encore ivre.

« Alors, elle est morte. Comment c'est arrivé ? »

Klimek inspira profondément avant de poursuivre. Un meurtre peut-il arriver ? C'est ce manque de compassion qui irritait Mazur. Sa sœur venait de mourir, et il parlait d'elle comme d'une chose.

L’inspecteur lui demanda s'il avait remarqué quelque chose d'inhabituel ces derniers temps ou si de nouvelles connaissances étaient apparues dans son entourage. Klimek ne savait rien et ne connaissait personne. Ils vivaient dans le même appartement, mais n'avaient pratiquement aucun contact.

Mazur posa des questions sur la petite-fille qui était avec la victime.

Klimek répondit avec colère : « Ce n'est pas sa petite-fille, c’est la mienne. »

Il ne savait pas qu’elles se voyaient régulièrement. Ça ne l’intéressait pas non plus. Malgré l’insistance de l’inspecteur, il ne lui donna pas d'adresse. Grincheux, il s’assis dans un vieux fauteuil en cuir et ignora toutes les autres questions. Au lieu de cela, il ouvrit un tiroir et en sortit une bouteille de vodka. Il remplit son verre et le vida d'un seul trait. Après ça, il ne pouvait que bafouiller.

Mazur abandonna. Il n'y avait plus rien à obtenir ici. Ses collègues avaient eu plus de succès. Ils avaient trouvé un dossier dans la chambre avec les documents de pension, des reçus personnels et un testament. Elle avait hérité de la maison de sa tante et déclaré Alina Klimek, la petite-fille de son frère, comme unique héritière.

Un classeur était rempli de coupures de journaux sur le camp de concentration d'Auschwitz. Un document l'identifiait comme une ancienne détenue du camp. Un cahier d'école contenait une longue liste de noms. Pour certaines personnes, une adresse était inscrite. D'autres étaient marquées d'une croix. En face de celles-ci, dans certains cas, figuraient le lieu, la date et le nom du cimetière. Un autre tableau comprenait les adresses des organisations qui s'occupaient des victimes nazies.

Petit à petit, se dessinait le visage de la victime. On trouva aussi dans les documents une adresse de la petite-fille, Alina Klimek. Mazur fit tout emballer et se rendit avec la voiture de service dans une résidence universitaire où elle était censée vivre, mais il ne la trouva pas. Une colocataire déclara qu'elle travaillait sur un projet et ne rentrerait certainement pas avant 20 heures.

Au bureau, il fit à son patron un compte-rendu de l'état des choses :

« Si c'était le frère, nous pourrions clore l'affaire rapidement. Mais il n'y a ni témoins ni preuves. L'homme était tellement ivre qu'il n'a pu donner aucun renseignement. »

« Un soupçon n'est pas suffisant pour une mise en accusation. Faites-moi savoir si vous avez besoin de plus d'aide. Toute l’équipe sera à nouveau disponible lundi. »

Mazur rédigea quelques rapports. Puis il se rendit en moto à l'adresse d'Alina Klimek. Il sonna à la porte. La jeune femme, âgée de 21 ans, avait l'air d'une écolière. Il avait sorti sa carte de service de sa poche, mais elle n'y prêta pas attention.

« Je m'appelle Andrzej Mazur. Je viens de la milice. Il s'agit de Jadwiga Klimek. »

« Entrez. S'il vous plaît, excusez le désordre. Je viens juste d'arriver. Et Jadwiga ? A-t-elle eu un accident ? »

La voix de la jeune femme tremblait.

Mazur s’assit sur une chaise branlante. Elle s'assit sur le lit.

C'était la première fois qu’il annonçait un décès. Lentement et de façon hésitante, il raconta ce qui s'était passé, mais omit les détails qui illustraient la brutalité du meurtre. Alina Klimek essuyait ses larmes. Elle attrapa l'oreiller et le tint devant son visage pour y enfouir sa douleur, en se plaignant bruyamment. Des flots de gouttes salées mouillaient le tissu de son chemisier, imprimé de fleurs printanières colorées.

Mazur n'était pas sûr de lui. Mais il s'assit sur le lit et prit dans ses bras la jeune fille profondément blessée. Elle accepta son offre avec gratitude.

Après qu'elle se soit un peu calmée, il lui demanda : "Quand avez-vous rencontré Mme Klimek pour la dernière fois ?

« Hier, nous étions au café 'Elena'. Vers 21h30, nous sommes partis. Nous nous sommes dit au revoir devant la montée du Wawel. C’était peut-être un peu avant 22 heures. J'avais un engagement en tant que préposé aux vestiaires lors d'un événement. Jadwiga voulait rentrer chez elle. »

Elle s’interrompit. Apparemment, elle avait réalisé que le meurtre avait eu lieu après.

« Était-elle différente ce jour-là ? A-t-elle mentionné quelque chose qui vous a semblé inhabituel ? »

« Non. Pas vraiment. Elle s'est encore énervée à propos de mon grand-père, qui est ivre tous les jours. C’est pour cela qu’il lui était déjà venue à l’idée de le mettre à la porte de l'appartement. »

« Vous n’avez aucun contact avec votre grand-père ? »

« Non. Pas depuis des mois. Jadwiga lui avait demandé de me donner des choses de ma mère. Il a dit que ce n'était pas ses affaires. Je suis allée le voir moi-même et je les ai demandées. Alors il m'a claqué la porte au nez. »

« De quoi s’agissait-il ? »

« Je n'ai pas de photo de ma mère ni d'autres objets personnels. Il n'a même pas voulu me donner mon certificat de naissance. Jadwiga disait qu'il avait reçu du courrier à mon sujet. »

Alina Klimek s’énervait tellement que l’inspecteur eut du mal à la calmer. Il lui demanda de venir au bureau le lendemain. Il ajouta son numéro de téléphone personnel sur sa carte de visite.

« Si vous pensez à autre chose, vous pouvez me joindre à tout moment. »

Mazur monta sur sa moto. Il était différent. La jeune femme avait déclenché en lui des sentiments inhabituels. Était-ce seulement l'instinct de protection ? Il ne le savait pas. Pendant ses études, on l'avait mis en garde contre une trop grande proximité dans

Les affaires. Elle était un témoin. On ne pouvait pas être trop proche si l'on voulait être objectif. Il était fatigué, mais n'arrivait pas à dormir.

Le lendemain, le voisin de la victime appela. Il signala un bruit dans l'appartement. Lorsque Mazur arriva avec la voiture de patrouille devant la maison, le voisin l’attendait déjà.

« Ça s’est calmé maintenant, mais après le meurtre, je voulais être sûr. »

Mazur le remercia. Avec son collègue Krawczyk, il entra dans la maison. Malgré des coups violents, personne n’ouvrit. Il fit enfoncer la porte. Klimek était allongé dans la salle de séjour. On appela le médecin qui diagnostiqua la mort. Il exclut la possibilité de causes externes. Avec cette grande consommation d'alcool, il fallait s'attendre à une telle fin.

Par mesure de précaution, Mazur demanda une autopsie.

Il était déjà 10h30. Il se demanda s'il devait vraiment aller voir Alina Klimek pour lui annoncer la nouvelle. Il hésitait encore devant la porte. De l'intérieur, il entendait une musique de piano. Il sonna à la porte. Quand elle ouvrit, un sourire se dessina sur son visage. Elle l’invita à entrer. Mazur se balançait sur sa chaise.

« Je suis désolé. »

Il évitait de la regarder dans les yeux.

« Votre grand-père est décédé tôt ce matin. Il semble que ce soit une mort naturelle. »

Mazur essaya de décrire le déroulement des événements de la manière la plus objective possible. Elle cacha son visage derrière ses mains. On entendait Chopin à la radio.

La voiture de patrouille emmena Mazur et Alina Klimek à l'hôpital. Il s’assit avec elle sur la banquette arrière. Elle resta silencieuse pendant tout le trajet.

Le vieil homme était toujours allongé sur la table de dissection, l'autopsie venant de se terminer. Le mort semblait détendu.

« Voulez-vous que je vous laisse seule avec lui un moment ? »

« Non, je veux partir, s'il vous plaît. »

Alina ne pleurait pas.

« Maintenant, je suis seule. Je n'ai pas d'autres parents. »

Le cœur de Mazur se serra. Lorsque son père était mort l'année dernière, il avait ressenti une profonde tristesse. C'était ce vide qui reste lorsque les mots ne parviennent pas à décrire l’ indicible et quand des questions dénuées de sens occupent le cerveau.

Sa mère n'avait pas pu le réconforter car elle était occupée par elle-même. Sa moto l'avait amené à d'autres pensées. Il avait conduit la Jawa sur des centaines de kilomètres jusqu'à la mer Baltique pour s'allonger sur le sable de la plage de Sopot et regarder le ciel nocturne.

Au matin, une mouette qui fouillait sa casquette à la recherche de nourriture l’avait réveillé.. Les hautes vagues avaient charrié des algues et toutes sortes d'ordures sur la plage pendant la nuit. La mer faisait maintenant l’innocente et le ciel promettait une belle journée d'été. Des ramasseurs d'ambre passaient. Ils espéraient un butin. Quelques vacanciers s'étaient aventurés dans l'eau. C'était comme s’il s’était immergé dans un autre monde. Il se sentait libéré. De retour à la maison, il s'est rendu compte que sa mère n'avait pas remarqué son absence. À l'époque, il s’était senti coupable de l'avoir laissée seule.

Alina Klimek s'était assise sur un banc dans le long couloir de l'hôpital et regardait dans le vide.

\Mazur demanda : « Puis-je vous aider ? Il y a des psychologues qui, dans de tels cas… »

Elle a fait un signe de la main. « Merci, ça va. »

Il la ramena au foyer et pria sa colocataire de s'occuper d'elle. En guise d'adieu, il tendit la main à Alina, qu'elle tint un peu trop longtemps. Elle leva les yeux vers lui.

L'inspecteur qui était en lui disait : « Je reviendrai vous voir demain. Il y a quelques formalités à régler. »

« Eh bien, à demain ! »

Dans le couloir, il eut des doutes sur le fait de la laisser seule. Puis il entendit de la musique au piano. C'était un morceau calme dont il ne connaissait pas le compositeur.

Le lendemain matin, il arriva au bureau à six heures. Il devait présenter un rapport. Mais que devait-il écrire ? Un vol-meurtre était hors de question pour lui à cause de la brutalité et du faible butin. Il devait s'agir d'un crime passionnel. Son patron était d'avis que Tadeusz Klimek avait tué sa sœur dans un délirium. Cependant, cette version ne correspondait pas à la piste du chien et au résultat de l'autopsie.

Klimek n'était pas très résistant physiquement. La femme s'était défendue. L'autopsie n'a révélé aucune blessure sur son frère. Il ne cadrait pas dans le tableau. Pourquoi aurait-il couru dans la ruelle juste pour la tuer ? Ivre et attendant qu'elle vienne ? De plus, il n'y avait pas de motif solide. Ça ne pouvait pas être à cause de l'appartement, car sa petite-fille, avec qui il s'était brouillé, allait en hériter.

Mazur souleva ses objections. Elles étaient valables pour lui. Mais ses supérieurs à Cracovie insistaient sur une enquête et des résultats rapides. Varsovie aurait demandé un rapport.

Le rapport préliminaire, dans lequel Klimek était désigné comme un auteur possible, n'avait pas du tout été bien accueilli là-bas. Les enquêtes contre un ancien officier étaient toujours critiques. Il était à craindre que le ministère de l'Intérieur ne reprenne l'affaire lui-même afin d'éviter tout dommage politique. Le résultat serait peut-être que la vérité serait enterrée avec les cercueils et que le véritable coupable reste impuni.

Mazur n'avait pas d'autre choix. Il voulait tenir les rênes de l’affaire. Pour Alina, il voulait résoudre ce cas. De plus en plus souvent, il omettait son nom de famille quand il pensait à elle.

L’enquête tournait en rond. Le sac de la morte avait été saisi. Il se trouvait près de la corbeille à papier que le chien avait signalée. Au même endroit, d'autres ustensiles avaient été trouvés. Peigne, rouge à lèvres et une petite bouteille d’Eau de Cologne 4711 portaient les empreintes digitales de la morte. Le porte-monnaie et les clés manquaient. Sur le fermoir, cependant, il y avait une demi-empreinte de pouce, qui n'avait pas pu être attribuée.

Alina avait dit que la victime portait une chaîne en or avec un ambre jaune. Comme on ne l'avait pas trouvée, on avait demandé aux bijoutiers. On avait même visité les receleurs concernés. Tous nièrent avoir reçu des offres convenables. Les bijoux d'une affaire de meurtre étaient trop brûlants. Il fallait que Mazur visite à nouveau l'appartement. Il était possible que quelque chose ait été négligé. Il avait un mandat de perquisition pour tout l'appartement, mais il voulait qu'Alina l'accompagne.

Elle ouvrit la porte en t-shirt et en jeans. Sa chambre d'étudiante était en désordre, ce dont elle s'excusa immédiatement.

« Vous savez, je devais faire quelque chose et j'ai commencé à trier mes affaires. Mais avec chaque objet, je me rappelle toujours des choses du passé. À un moment donné, j'ai abandonné. Après-demain, c'est la fin du projet et je n'ai pas encore écrit une page du rapport final. Si Jadwiga savait ça. »

Elle s’interrompit. Jadwiga était morte. Elle ne le saurait jamais. Des larmes coulaient sur son visage.

« Je voulais étudier l'histoire parce qu'elle n'en avait pas eu le droit. Elle avait de si grands espoirs pour moi. »

Mazur hésita tout d'abord, mais il n'avait pas le droit de prendre des ménagements.

« Alina, nous devons retourner à l'appartement. »

Elle le regarda. Elle avait remarqué qu'il était passé au tu. Cela lui convenait.

« Est-ce vraiment nécessaire ? »

« Nous n'avons toujours pas trouvé le tueur. Je voudrais exclure que ce soit ton grand-père. »

« Est-il suspect ? »

Mazur la mit au courant des informations connues jusqu’à présent sur son grand-père. Alina écoutait attentivement.

« Je ne peux pas l'imaginer. Il n'a même pas réussi à sortir les charbons de la cave. C'est vrai qu'il était bruyant et qu'il buvait beaucoup. Mais le meurtre… »

Mazur craignait avoir perdu sa confiance. Mais elle réagit autrement.

« Je vais t’aider. »

Elle leva les yeux. « Moi aussi, j'ai tellement de questions sans réponse. »

Ils se rendirent à l'appartement du défunt avec la voiture de service. En chemin, Mazur l’informa qu'un testament avait été trouvé, dans lequel elle était désignée comme seule héritière.

« Je le savais. Elle l'avait écrit quand j'ai déménagé. L'appartement était le seul moyen de pression que j'avais contre mon grand-père. Quand j'étais petite, il m'avait toujours menacée de me mettre en foyer. Elle ne voulait ça en aucun cas. »

Elle fit une pause avant de poursuivre.

« J'ai écouté beaucoup de leurs disputes. Mais il ne l’a jamais frappée. La plupart du temps, ça commençait lorsqu’ il se vantait de ses expériences de guerre. Jadwiga ne pouvait pas le supporter. Bien qu'elle soit par ailleurs plutôt silencieuse, elle disait alors souvent que l'armée polonaise avait laissé les civils sans défense en 1939. Ce n'est que sous Staline qu'il s'était remis à ramper. Il était assis dans la tente chauffée lorsqu'elle avait failli mourir de froid à Auschwitz. Mon grand-père se mettait alors toujours à beugler, évoquant ses prétendus actes héroïques. À la fin, ils se retiraient chacun dans leur chambre. »

Alina prit sa main.

« Sans Jadwiga, j'aurais été perdue. Elle était ma mère de substitution, ma maman. Elle m'accompagnait au parc et me lisait des contes de fées le soir. Quand je lui rendais visite au travail, elle me montrait les vieux livres. Elle disait toujours qu'ils étaient les héritages du passé. C'est pour cela que j'ai commencé des études d'histoire. Ce n'est que maintenant que je réalise le peu que je sais d'elle. Elle ne parlait presque jamais de la guerre et d'Auschwitz, car elle se mettait toujours à pleurer. »

Grand-père montrait peu de compassion. "Tu pleures encore à cause du juif ?" était une remarque qui la blessait profondément. Je n'ai jamais compris ça. Ni pourquoi ils ne parlaient pas de ma mère."

Alina essuya les larmes de ses yeux.

« Et maintenant je suis seule. »

Elle s’appuya contre Mazur. Il avala sa salive. Mais il se ressaisit.

Il avait vu le chaos dans la chambre de Tadeusz Klimek. Alina regarda consternée la montagne de bouteilles de brandy vides. Ça puait le vomi et l'urine. Elle ouvrit la fenêtre.