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Un peuple oublié de l'Histoire...
Des portraits de goumiers marocains enrôlés dans l'armée française lors du conflit 39-45.
Leur passé et leur présent partagés avec l'auteur, leur abandon par les gouvernements français depuis la guerre.
Des personnages plus vrais que nature, émouvants et admirables.
L'auteur dresse dans ce roman le portrait de personnages inspirés des goumiers marocains de la Seconde Guerre mondiale.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Abdelkarim Belkassem est un Franco-marocain, né à Safi au Maroc en 1963. Écrivain et professeur de littérature arabe et musicien classique, oudiste dans un orchestre arabo-andalou, également ténor en chant arabo-andalou et oriental.
Il se consacre à l'écriture de romans et d'essais, pont entre ses deux cultures.
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Abdelkarim Belkassem
Maroc, les oubliés
de la guerre 39-45
Roman
© Lys Bleu Éditions – Abdelkarim Belkassem
ISBN : 979-10-377-1071-0
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«
Deux Chats et les Hommes » – Editions Le Lys bleu
« La Bête et le Boss » – Editions Thot
« La Marche des harraga » – Editions Thot
« Amina Zouri, une histoire du Maroc » – Editions Thot
« La mémoire de Saghir » – Editions Thot
« Un chirurgien à New York » – Editions Le Lys bleu
« Thomas Sif Espace » – Editions Le Lys bleu
« Mythomanies » – Editions le Lys bleu
« Les énigmes du Hameau » – Editions le Lys bleu
Dictons de Jaddati et expressions populaires du Maroc » – Editions le Lys bleu
« Le lycée sans foi ni loi » – Editions Thot
La dernière Guerre mondiale a bouleversé la vie des hommes. Elle a fait d’eux des anges mais aussi des diables. Leur folie les a poussés à commettre des crimes que leur longue histoire n’avait jamais connus, même au temps de la Guerre de Cent ans.
En cinq ans, de nouvelles machines de guerre performantes dans la destruction ont été mises en œuvre et ont fait beaucoup de victimes.
La scène de guerre dépassait une région ou un seul pays et envahit la terre entière. Simultanément en Europe, en Afrique, en Asie et a tué des millions d’hommes sur cette période tout en détruisant tout ce qu’a construit l’humanité sur des milliers d’années.
Les hommes ont perdu toute confiance et ont cru à la fin du monde. Chacun de son côté se préparait pour donner le coup final à l’autre et le monde faisait la course pour inventer une bombe pour détruire la terre.
Au lieu de perdre de la richesse pour lutter contre la misère et les maladies aux dégâts gravissimes, les hommes ont créé des souches de microbes comme bombe chimique, semant d’autres souches de pathologies que la science et les prodiges des hommes n’arriveront pas à éradiquer même dans les quatre siècles à venir…
Quand ceux de bonne volonté ont proposé un compromis pour arrêter la guerre et que d’autres ont reconnu leurs erreurs et commencé à en réparer ses effets, elle a continué à faire des victimes qui ont offert leurs vies pour éteindre son enfer.
Les soldats de la Deuxième Guerre, en rentrant chez eux, ont revécu une bataille qui tue en silence. La misère, la pauvreté, le chômage et le manque de reconnaissance des états pour lesquels, ils ont sacrifié leur jeunesse et leur vie.
Malgré la considération des peuples et l’honneur d’être des héros, comme ils étaient appelés, les soldats n’ont pas obtenu de récompense matérielle qui leur permette de vivre dignement le reste de leurs jours. La plupart d’entre eux étaient devenus des infirmes et n’avaient plus la capacité de travailler et de nourrir leurs familles.
La France, pays des droits de l’homme, n’a pas reconnu les combattants marocains, ces soldats engagés totalement dans l’armée française.
Les barrières entre Français de souche et les indigènes des protectorats, comme le Maroc et d’autres pays du centre africain, ont été toujours présentes et ont empêché les soldats d’intégrer l’armée, comme leurs collègues des bataillons français.
Des responsables, au Maroc, ont participé à l’humiliation de ces soldats, en acceptant que la valeur d’un soldat maghrébin n’égale pas celle d’un Français.
Le rejet et l’humiliation les ont tués à feu doux. Par ailleurs, ils ont vécu le manque de reconnaissance des leurs, disant que la guerre était engagée aux côtés de la France et que c’était elle la coupable, et non pas le Maroc.
Un soldat français, dans la même guerre que son frère d’armes marocain, perçoit une pension de 3000 € alors qu’un ancien combattant marocain touche 30 € dans son pays.
Un soldat français vit à la retraite dans une villa de 100 m² et l’ancien combattant de même grade vit dans une maison de 30 m², en location.
Les militaires marocains ont juré d’être fidèles à la France pour la libérer avec les autres pays d’Europe. Ils ont donné leur sang et leur âme pour la liberté et la justice entre les hommes. Malheureusement, après la guerre, ils sont devenus les ennemis de la nation pour laquelle ils ont combattu.
La montée des nationalismes en Europe, dont la France, a poussé à la haine des descendants de ces soldats de la libération et à la non-reconnaissance voire l’ignorance de leurs combats.
Leur histoire a été délaissée année après année, insidieusement et s’efface de la mémoire des jeunes, les images de ces hommes qui ont sauvés le monde de l’apocalypse des nazis.
Le souvenir de ses héros et de leurs actes n’est pas une obligation. C’est pourtant une façon de vivre et de contester la violence et la haine de l’autre. Montrer que les hommes ne sont pas des races mais des individus qui méritent le respect et que le rejet et la discrimination sont la cause de guerres qui les brûlent.
Ces combattants sont morts dans leurs pays, dans le silence assourdissant de leur souffrance. Ils méritent qu’on parle d’eux et qu’on les élève sur un piédestal pour que l’Histoire enregistre leurs témoignages et leur rende les honneurs.
Il faut dire aux radicaux de toutes pensées, philosophiques ou religieuses que les hommes ont l’énergie dont le monde a besoin. Un jour ou un autre, les Africains, les Américains, les Océaniens, les Asiatiques sauveront notre terre européenne.
Sans eux, elle n’est qu’une pierre sans vie.
Par ce livre, je n’essaie pas d’écrire l’Histoire ni de contester un acte, une loi ou une politique ! Je transmets la parole de quelques soldats que le destin m’a fait rencontrer alors que j’étais étudiant ou enseignant au Maroc.
Parmi ces soldats, certains m’ont fait confiance en me dévoilant leurs sentiments intimes et d’autres m’ont demandé de rechercher pour eux des adresses et écrire des lettres de réclamation de leurs droits comme anciens combattants de l’armée française.
Ici, je traduis leurs voix ! Peut-être que c’est tardif puisqu’ils ont disparu mais je sens que j’ai respecté ma promesse en parlant en leurs noms dans ce livre de témoignages. Je transmets ce qu’ils m’ont dit et je raconte avec sincérité leurs vies comme je les ai connus dans leurs quartiers de Safi.
Le travail des journalistes et des historiens commencera, après mon récrit. Les noms des soldats et de leurs lieux de vie ainsi que des témoignages de proches seraient judicieux.
Que ceux qui aiment poursuivre les recherches se mettent au travail au Maroc, dont à Safi pour avoir plus d’informations.
Merci à tous ceux qui m’ont donné de leur temps et de leur sagesse, si exemplaire pour moi.
Abdelkarim Belkassem
Rouen, janvier 2020
Un homme gentil, un Berbère sérieux, originaire de Taroudant, près d’Agadir, à la limite du désert marocain. Je l’ai entendu dire par mon père.
Un homme de taille moyenne, un mètre soixante ou un peu plus, si je me souviens bien. Une blessure au pied droit le faisait se pencher de plus en plus et s’approcher de la terre malgré sa canne militaire marron. Il l’avait reçue de l’association des combattants de l’armée française. Elle rassemble ses membres de temps en temps à Dar El Moharib, la maison du combattant.
Il marche lentement et on dirait plutôt une tortue. Il appuie de toutes ses forces sur sa canne. On entend régulièrement un cri de douleur, même s’il essaie de l’étouffer, par fierté. C’est un homme solide, cœur et âme, malgré la fragilité de son corps.
Sa tenue n’a pas changé depuis le temps de son engagement dans l’armée française. Toujours vêtu d’une grande djellaba militaire en laine rayée jaune et verte avec sa petite capuche pour se couvrir la tête quand il fait froid. Je crois que ces habits sont un symbole des combattants du Maghreb. On en voit, depuis la Libération, portés par la force auxiliaire ou les policiers municipaux, cette unité qu’on appelle marda. Vraisemblablement à cause de cette djellaba diminuant la valeur d’un militaire qui verse son sang pour la liberté de la nation.
En dessous, un pull vert foncé en laine lui aussi. C’est une couleur traditionnelle conservée par les soldats marocains et ceux du service civil avant qu’ils ne s’intègrent à la police municipale.
Le pantalon est, la plupart du temps, de l’armée.
On dirait qu’il ne souhaite pas quitter son devoir, malgré son handicap alors qu’il ne peut ni courir, encore moins tenir la cadence, de sa jeunesse ou de son engagement. Il ne possède plus sa force mais ses yeux sont toujours très clairs, bien ouverts. Son regard est celui d’un lion assoupi, effrayant celui qui s’approche de lui pour l’assaillir.
Baba Ali n’avait pas de grande richesse, en revenant de la guerre. Il n’a volé personne et n’a rien récupéré. Ce qui l’intéresse, c’est la victoire et la liberté de la France et de son pays, le Maroc qu’il aime plus intensément que n’importe quelle partie du monde.
Même quand on parle de la France, à ce que raconte mon père, son ami fidèle, à qui Baba Ali a fait confiance, il reconnaît que c’est un beau pays mais le Maroc reste le paradis de sa vie.
Il lui a été proposé, par ses chefs, de rester en France, mais Baba Ali a choisi de retourner pour reposer ses os dans le pays qui l’a vu naître. Être tout proche des siens, des tombes de sa mère Hanna et de son père Baba.
Ce sont les noms qu’utilisent les Berbères. Yamma, ma mère, Hanna, l’aimante et, pour le père Baba, un mot qui vient de la nourriture Al Baba, la mie de pain. C’est ce qui nourrit un enfant et donne vie, après le lait de sa mère.
Il ne peut oublier ces personnes qui l’ont mis au monde.
On entend dire que Baba Ali a réussi à survivre aux guerres impitoyables et à ces moments difficiles en se souvenant de ses parents.
Baba Ali n’a pas d’enfant.
On ne voit personne chez lui, seul au monde.
Pourtant il vit avec sa femme, une vieille dame plus fragile que lui, dans une petite maison du quartier de Jérifate. On ne la voit plus dans les rues. Il fait tout, les courses, le remplissage des seaux d’eau à la fontaine municipale. On dirait qu’il habite seul dans sa petite maison de fortune.
Sa femme était une mhajba, celle qui ne sort pas beaucoup, sauf pour aller au hammam ou pour rendre visite à la famille ou à des amis. Avant de se fragiliser.
Les voisins l’aident bénévolement comme le veut la tradition.
Une femme ne sort pas. Pour obtenir des achats chez les épiciers du quartier, il suffit qu’elle ouvre un peu la porte et qu’elle attende. Les voisins et leurs enfants passent tout le temps devant chez elle. Quand elle voit quelqu’un de confiance, elle l’appelle et lui donne de l’argent pour ses courses.
Ces personnes étaient naya, des gens sérieux. On ne vole pas une femme voilée même chez elle. On la respecte car c’est un signe de sainteté. Une femme qui craint Dieu est une femme qui apporte la baraka. Sa prière en votre faveur et la réussite arrive. Les jeunes du quartier de Baba Ali aiment l’entendre prier.
C’était la monnaie de ce temps. Les adolescents marchaient dans la rue pour obtenir des prières contre des services à ceux qui sont dans le besoin. Baba Ali est l’un des habitants connu et respecté des voisins, comme de ces jeunes.
Baba Ali ne parle jamais de la guerre pour ne pas réveiller le diable. Quand on évoque des conflits armés, on favorise le fal, l’occasion que ça recommence ou une catastrophe.
Les gens en ont assez des morts. Ils ne veulent plus y penser. On est en paix, on accepte le peu qu’on a et on vit tranquillement. C’est ce que disent les combattants marocains à leur retour aubled.
— Avec un quignon de pain et un verre d’eau, on est riche pour ceux qui, soldats, ont mangé les cadavres puants des animaux ! dit Baba Ali. Lors de la guerre, on ne trouve pas à manger et des gens sont morts de faim dans les geôles de l’ennemi.
La guerre, selon Baba Ali, n’a pas de morale. Il n’y a qu’une loi, celle du plus fort. Celui qui veut vous tuer attend la nuit et vous surveille. S’il n’y a pas de témoin, il vous ôte la vie. Ni vu, ni connu.
Personne ne cherche la raison de ce décès car ils sont fort occupés par la préparation de la guerre et la filature de l’ennemi. On ne peut pas faire de différence entre celui qui est tué par une bombe ou par une arme blanche. On ne se donne pas les moyens de connaître la cause de la mort, criminelle ou naturelle. On ne compte plus, c’est la guerre et son cortège de maladies de carences.
Les jeunes de son époque considéraient que rien ne méritait de se plaindre quand on a réussi à arriver à ce vieil âge. La vie difficile, c’était celle d’avant. La liberté, elle, est un paradis sur terre.
C’est la guerre, en réalité, qui est un enfer avec ses flammes qui brûlent les hommes et la terre.
Baba Ali vit avec le démon de ce conflit mondial. Il n’arrive pas à s’en débarrasser, même en fermant les yeux comme il le dit à son grand ami Elhoussein Belkassem, son Berbère préféré. Lui qui respecte son secret et qui ne se moque pas de sa peur car elle est un caractère de l’humain.
Le courage n’est qu’un jeu, l’effroi, la réalité de l’homme. On aime la vie et on s’attache à elle.
— Celui qui aime la mort est un fou qui ne trouve pas le chemin de la raison, répète Baba Ali. Je suis parti à la guerre alors que j’étais petit, âgé de moins de 10 ans. J’étais un grand jdaa, à peine adolescent, comme un cheval de trois ou quatre ans. Toujours réchauffé, je n’avais pas besoin de me protéger du froid, même en Europe. J’étais appelé le Soviétique noir. Les soldats français voyaient ma peau rouge, ils la croyaient noire en la comparant avec celle des soldats russe ou polonais. J’étais la fierté de mon bataillon. Un noir qui arrive à mettre à genoux les soldats blonds allemands. Ceux qui se prenaient pour les fils des dieux. On m’appelait Hercule des montagnes de l’Atlas. J’étais fier d’entendre « Atlas » dans la bouche des soldats étrangers car je croyais que les montagnes de nos villages berbères ne se voyaient pas depuis l’Europe. Mais c’est faux, le sommet des tichka est visible même depuis la France !
Quand Elhoussein le raisonne en lui disant que c’est impossible, que c’est l’amour de la nation qui rapproche le bled dans le cœur des voyageurs, il répond :
— Les Marocains ont été capable de voir leur roi Mohamed V dessiné sur la lune alors tout est possible. Une montagne de l’Atlas est plus proche des terriens que la lune.
Voir la lumière et le bonheur que respire Baba Ali quand il parle de son village natal berbère, empêche de réfuter sa parole… Ses histoires, c’étaient les « Mille et une Nuits ». Des choses étranges mais il les raconte comme si elles étaient réelles. Et cela le sauve de l’enfer de la guerre.
Baba Ali était un homme seul, dans sa vie, au plus profond de lui. Rien ne pouvait le sauver des atrocités vécues pendant la Deuxième Guerre mondiale, car il n’avait pas l’âge pour la première. C’était un homme de quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq ans quand je l’ai connu, en 1970. Avec sa force de caractère, il ne paraissait pas son âge. L’homme était resté combatif, même dans ses souvenirs de guerre. Je me demande s’il n’y était pas encore. Un homme tel que lui ne guérirait jamais de ses blessures, soit celles qui apparaissaient sur son corps, ses pieds cassés par des tirs ou les invisibles, dans son psychisme.
Baba Ali ne donne jamais de la cause de son handicap ou alors je ne m’en suis jamais rendu compte. Je crois qu’il préférait parler d’autre chose. En 1970, une trentaine d’années le séparaient de la deuxième guerre mondiale du monde libre. Les gens l’évoquent rarement.
Les anciens combattants qui racontent leurs souvenirs le font pour montrer la fierté de la liberté, l’effort et le rôle héroïque des soldats pour libérer le monde et surtout la France. Les engagés marocains parlent de la France devenue une partie d’eux, de même valeur que leur pays d’origine.
Ils oubliaient les actes de racisme ou peut-être qu’en ce temps-là, les gens avaient d’autres préoccupations que de voir les Marocains et les étrangers comme des envahisseurs. Le seul ennemi était l’armée allemande et sa tête de diable, Hitler. Aucun autre ennemi dans le monde.
Baba Ali n’a jamais accepté de se mettre à genoux, même à un âge avancé. On le voit tous les jours dans la rue. Il se repose devant sa petite maison d’homme simple, alors que c’était un vrai héros.
Il avait ses habitudes. Assis sur une petite chaise de vingt centimètres de haut, sur le seuil de sa porte et sa canne à la main pour l’aider.
— Quand on est un soldat, il ne faut pas avoir besoin de quelqu’un pour se mettre debout, répète-t-il. On tombe et on se relève seul, sur la scène de combat. On y est obligé sinon on est mort. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Avec des prières dans un tel lieu. On doit croire à quelque chose qui nous tient en vie quand la mort est imminente, si présente à nos côtés. Dans la guerre on meurt des milliers de fois et on survit. On accepte tout. Les gens sont cruels et capables du pire. Il faut longer les murs pour ne pas être vu car sinon tu es mort. Les gens se méfient de l’ami avant de se méfier de l’ennemi. On ne fait confiance à personne, ni à un voisin, ni à un frère. Le mal peut arriver de tout côté. Quand on subit la guerre, on goûte la vie autrement. On est libéré de la tristesse et des angoisses. Comme un ange au ciel. On se pense éternel, la mort ne nous fait plus peur. On avance vers elle avec un calme et un froid de Sibérie.
Les passants regardaient Baba Ali et le suivaient des yeux quand il se reposait devant sa maison et lorsqu’il se déplaçait .Il marche dans les rues de Jérifate, proches de la nature.
Qui ne le connaît pas dans le quartier ? On ne peut pas ignorer un tel voisin. Un grand homme, la fierté de la nation et qui donne, aux jeunes, l’exemple du sacrifice.
Les soldats après la guerre étaient des rois chez eux. Des hommes respectés et craint car après leur participation à la guerre, ils étaient des animaux sauvages, capables de tout. On ne sait pas ce qu’ils peuvent faire si on les met en colère. Ils auraient la réputation d’être anthropophages durant les guerres…
Les gens dégagent le chemin qu’il emprunte. Ceci pour le respecter, pour son passé et son handicap visible.
Baba Ali était un homme très doux. Sa djellaba militaire et ses chaussures militaires faisaient remarquer qu’il était soldat, un goumier d’infanterie légère ayant fait le tour d’Europe à pied, avec son bataillon.
On aime les soldats, alors ils sont imités. On porte la même tenue, la djellaba, le pantalon ou le pull vert militaire. Parfois les brodequins.
J’aimais bien ces chaussures de l’armée. Mon père Elhoussein en utilisait parfois, alors qu’il n’avait jamais été conscrit.
Les anciens combattants étaient généreux par nature. Ils donnaient des vêtements personnels à ceux qui n’en possédaient pas. Par amitié ou pour partager le peu qu’ils avaient. Comment pouvaient-ils faire autrement ? La population générale était plus pauvre que les anciens combattants. Elle n’avait pas grand-chose pour la famille.
Certains s’étaient engagés pour sauver leurs proches du besoin ou pour se sauver eux-mêmes. D’autres, soi-disant volontaires, y ont été contraints. Il y avait un grand besoin de chair à canon, comme on dit. Surtout en temps de conflits…
Les soldats comme Baba Ali étaient fiers de leur héroïsme, mais ils étaient profondément déçus par leur triste existence de leur fin de vie. La reconnaissance populaire était grande mais celle de leur état, nettement moins.
Les anciens combattants ont vécu la misère pendant et après la guerre.
Alors que d’autres soldats de nature violente se plaignaient de la pauvreté ou du manque de reconnaissance de leur pays d’origine, Baba Ali était un homme calme qui ne récriminait jamais. Il avait accepté sa situation, comme sa destinée. Une vie écrite auparavant, de la main de l’éternité. Une situation immuable.
Baba Ali était très croyant, une foi intérieure, non exprimée, comme Elhoussein Belkassem son fidèle ami. Il ne prend pas la mosquée pour demeure, on ne le voit jamais à la mosquée. Sa prière, il la traduit par son combat durant la guerre, affrontée pour semer la justice sur terre. C’est son combat éternel.