Loto Létal dans le Léon - Jean-Michel Arnaud - E-Book

Loto Létal dans le Léon E-Book

Jean-Michel Arnaud

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Beschreibung

Le prochain tirage, ce sera carton plein, avec pour lot une mort violente, carreau d’arbalète planté en plein cœur !

« Le prochain tirage, ce sera carton plein, avec pour lot une mort violente, carreau d’arbalète planté en plein cœur ! Attention, premier numéro : le 6 ! »
Tous les week-ends, les adeptes du loto envahissent quelques salles des fêtes de nos bourgades bretonnes pour un agréable moment, à déposer consciencieusement leurs pions colorés sur les nombreuses grilles étalées devant eux, le long des tables alignées.
« Prochain numéro : le 53 »… « Numéro suivant : le 32 ! Ah, un gagnant, qui vient de perdre la vie...»
Voici qu’un machiavélique criminel endeuille les lotos du Nord-Finistère.
Police et gendarmerie enquêteront conjointement, avec l’aide inattendue de Chantelle venue initier son compagnon aux joies du loto. Parviendront-ils à
démasquer le coupable avant la fin de la partie ?

Le tome 4 de Chantelle, enquêtes occultes vous fera découvrir une intrigue haute en couleurs dans le Haut-Léon : qui est ce mystérieux assassin qui décime les joueurs de loto ?

EXTRAIT

Une confusion extrême règne dans la salle à l’arrivée de la gendarmerie. Doit-on débarrasser ou non ? Les policiers ne vont-ils pas vouloir analyser
les traces de pas à l’intérieur ? Suivant les conseils de Michel, Serge a immédiatement fait interdire l’accès au couloir de service où quelques curieux aux goûts morbides auraient aimé se rendre pour voir le corps. Après constatation des faits, le lieutenant Dumontoir vient informer l’organisateur de la soirée :
— Il s’agit sans aucun doute d’un crime dont la scène devra être préservée. Les équipes scientifi ques sont prévenues, elles ne devraient pas tarder...Mais, que faites-vous là, vous deux ?
Reconnaissant leur ami, Michel et Chantelle se sont approchés discrètement.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Éditions Bargain, le succès du polar breton. - Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1966 en région parisienne, Jean-Michel Arnaud a rallié la Bretagne en 1994 pour son travail d’ingénieur en informatique.
Après Brest, Landivisiau et un petit tour en Cornouaille, il retrouve le Haut-Léon pour ce nouveau roman policier.

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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

REMERCIEMENTS

Pour la troisième fois à Guillaume, fidèle et efficace relecteur qui persiste sans succès à essayer de faire suivre les strictes procédures policières à mes personnages insubordonnés.

PROLOGUE

— Le 12 !

Trois « Ouais ! » puissants répondent simultanément et sur diverses tonalités à l’annonce du numéro, accompagnés de l’habituelle chorale de « Oh ! » déçus, en écho. Un homme arrive déjà à la table du tirage, tendant avidement sa carte à l’animatrice, suivi d’une petite femme rondelette, essoufflée après sa prompte traversée de la salle. La troisième gagnante peine à se frayer un chemin entre les rangées de sièges trop resserrées. Vérification rapide du premier carton.

— Pour celui-ci, c’est bon !

Signal de libération pour les perdants, il n’y a pas eu d’erreur. Brouhaha et crissement des pieds de chaises métalliques sur le revêtement du sol de la salle des fêtes. La soirée est finie, tout le monde remballe ses affaires et rejoint ses pénates. Dernières recommandations de l’animatrice :

— Merci de mettre vos cartes en pile au bout des tables, cela simplifiera le travail des membres de l’association ! C’est correct également pour la deuxième gagnante. Bon retour à ceux qui nous quittent, soyez prudents sur la route !

Encombrement à l’étroite porte de sortie : il est minuit passé et chacun souhaite rentrer dormir au plus vite. Dans la salle, les bénévoles emboîtent les chaises afin de faciliter les déplacements et ramassent les déchets dans de grands sacs-poubelle. Serge s’approche de Chantelle et Michel.

— Alors, ça vous a plu ?

— C’est particulier, et étonnant, mais je ne regrette pas ma soirée : depuis toujours, je voyais ces affichages annonçant des lotos, sans avoir jamais osé m’y hasarder. Heureusement pour moi, Chantelle connaissait et m’a bien aidé…

— Coup de bol qu’on se soit croisés le mois dernier pendant nos courses, cela t’aura donné l’occasion d’expérimenter une nouvelle aventure, et surtout de participer à une bonne action…

Timidement, une femme approche, serrant contre elle un livre dont elle tente désespérément de dissimuler la couverture.

— Excusez-moi, c’est bien vous qui…

La main libre mime une signature. Michel lui répond en souriant :

— Bien sûr, Madame, je suis là pour ça.

Double-M a déjà sorti son stylo et se rassoit pour dédicacer l’ouvrage, pendant que Chantelle et Serge s’écartent afin de préserver l’intimité entre l’auteur de romans coquins et sa lectrice.

Une autre femme s’approche à son tour, deux livres serrés contre elle. Serge est maintenant rassuré.

— Avec l’équipe d’organisation, nous avons eu peur en voyant la concurrence : Landerneau proposait un super-loto, avec des lots et des bons d’achat assez conséquents, bien mieux qu’ici, mais on a tout de même fait salle pleine, et la buvette a marché à plein pot. Avec l’argent récolté, le petit Sylvain pourra avoir son fauteuil électrique pour devenir plus autonome. Michel a signé beaucoup de livres ?

— Je n’ai pas tenu les comptes, une vingtaine je crois, et j’en aperçois encore deux qui approchent…

— Lorsque j’ai annoncé la participation de Double-M, la Maison de la Presse a mis exprès un présentoir avec ses ouvrages, dans son magasin, et le patron m’a dit qu’ils ne s’étaient pas mal vendus. Il y a bien eu quelques vieilles bigotes qui sont venues se plaindre que cela allait perturber les enfants, leur donner de sales idées et que ces livres n’avaient pas leur place dans une boutique située à deux pas de l’église… Dommage, moi je trouvais ça sympa. Tiens ! J’ai gardé une affiche pour Michel, je ne sais pas s’il les collectionne…

— Merci, c’est gentil : il en a déjà un beau paquet, signalant qu’il sera en signature lors de divers salons consacrés au porno, mais encore aucune qui annonce sa présence à un loto ; ce sera une première, un vrai collector !

Serge retournant prêter main-forte à l’équipe qui poursuit son travail de nettoyage, Chantelle finit de rassembler leurs affaires – boîte de jetons et aimants de ramassage – dans son sac de toile, pendant que son compagnon achève ses dédicaces. Du coin de l’œil, la sorcerez1 remarque la bénévole qui appelle à son secours le responsable : sur cette table, les grilles cartonnées sont toujours étalées, couvertes de pions colorés. Un joueur serait-il parti en abandonnant son matériel ?

Du couloir latéral, un long cri d’effroi fait sursauter Double-M alors qu’il signait le dernier livre : grosse rature en travers de la page de garde…

1 « Sorcière », en Breton.

I

Une confusion extrême règne dans la salle à l’arrivée de la gendarmerie. Doit-on débarrasser ou non ? Les policiers ne vont-ils pas vouloir analyser les traces de pas à l’intérieur ?

Suivant les conseils de Michel, Serge a immédiatement fait interdire l’accès au couloir de service où quelques curieux aux goûts morbides auraient aimé se rendre pour voir le corps.

Après constatation des faits, le lieutenant Dumontoir vient informer l’organisateur de la soirée :

— Il s’agit sans aucun doute d’un crime dont la scène devra être préservée. Les équipes scientifiques sont prévenues, elles ne devraient pas tarder… Mais, que faites-vous là, vous deux ?

Reconnaissant leur ami, Michel et Chantelle se sont approchés discrètement.

— Bonsoir Alain. Comme beaucoup de monde ici, nous avons participé au loto, en tant que joueurs…

Serge complète :

— Et également en tant qu’invité d’honneur. Je vois que vous connaissez monsieur Mabec, Lieutenant, vous êtes donc au courant de sa profession d’écrivain.

Il attrape l’affiche roulée dépassant du sac en toile que Chantelle porte à l’épaule et la déplie devant l’officier.

« Samedi 17 mai,

Grand Loto à Saint-Thégonnec, au bénéfice de l’association KREES :

Kador-ruilh – emrenadur evit Sylvain

(Fauteuil roulant – Autonomie pour Sylvain).

Présence dans la salle de l’écrivain

Michel Mabec, alias Double-M,

qui se fera un plaisir de dédicacer vos livres »

Michel complète :

— Serge est un ami d’enfance : je ne l’avais pas vu depuis longtemps et nous nous sommes croisés par hasard le mois dernier. Il a bien sûr entendu parler de mes livres – surtout après l’histoire des meurtres de Plougourvest – et m’a proposé de figurer sur les affiches afin d’attirer plus de monde ; Serge s’implique beaucoup dans l’association KREES. Ma présence ce soir était caritative. Je suis étonné que la gendarmerie de Landivisiau ait récupéré cette nouvelle affaire de crime, enfin, s’il convient d’utiliser ce terme…

— En effet, carreau d’arbalète en plein cœur à ce qu’il m’a semblé, par conséquent les thèses d’un accident ou d’un suicide sont à exclure. Mais je ne suis là que de façon très temporaire : nous effectuions un contrôle à proximité, et la gendarmerie de Saint-Thégonnec est dévolue au service routier. Le procureur nous a donc requis pour faire les premières constatations en attendant l’arrivée de la police judiciaire brestoise à qui l’affaire va revenir. C’est donc cette demoiselle qui a découvert le corps ?

Dumontoir montre une jeune fille, assise sur une chaise, entourée par deux femmes qui la soutiennent et la consolent. Serge explique :

— Exactement, Alexandrine devait donner un coup de serpillière dans les tinettes, car la mairie nous enjoint de faire un petit décrassage en fin de soirée, de dégager les déchets, vider les poubelles, ce genre de chose… Les toilettes des dames étant toujours occupées, Alexandrine a commencé par celles des hommes. Une porte était fermée, alors elle a nettoyé autour, en demandant à l’utilisateur s’il en avait pour longtemps. N’obtenant aucune réponse, elle s’est penchée pour vérifier s’il y avait bien quelqu’un à l’intérieur en regardant sous les cloisons. C’est là qu’elle a vu la flaque de sang… Pensez-vous qu’elle pourra bénéficier de l’aide d’un psychologue ? C’est une gentille fille, il ne faudrait pas que cela la perturbe…

— Ne vous inquiétez pas, j’en fais la demande dès demain. Pour cette nuit, le médecin lui administrera des calmants, elle paraît en effet bien affectée par sa découverte. Par la suite, un suivi sera mis en place.

Des hommes se présentent à l’entrée de la salle ; Dumontoir les rejoint sans tarder.

— Ah, il semble que l’IRCGN soit arrivé…

Chantelle reprend son compagnon :

— Mais non, bêta ! Alain t’a dit que l’affaire allait passer à la PJ brestoise, donc ces techniciens doivent faire partie de l’IJ…

Serge regarde le couple d’un air hébété.

— Que signifient tous ces sigles ?

— L’IRCGN est l’Institut de Recherche Criminel de la Gendarmerie Nationale, la PJ, c’est la Police Judiciaire et l’IJ, c’est l’Identité Judiciaire, les scientifiques de la police, chargés de scruter les scènes d’homicide à la recherche d’indices.

— Ah, OK ! Dis donc, vous vous y connaissez tous les deux en la matière. Pourtant, ce ne sont pas des polars que tu écris, toi… Bon, en tout cas, j’espère que ce drame ne va pas porter préjudice à KREES.

— As-tu vu la victime ?

— Oui, mais je ne sais pas de qui il s’agit. J’ai aperçu cet homme dans la soirée pour la première fois, il ne fait heureusement pas partie de l’association…

Margot, l’animatrice du loto s’approche de Serge, s’appuyant sur sa canne qui ne l’abandonne jamais.

— Je crois que je vais devoir faire une croix sur mes cartes…

En effet, deux techniciens de l’IJ s’activent autour de la place occupée par l’assassiné. Après avoir pris des photos des différents cartons, l’un d’eux s’adresse à Dumontoir qui désigne Margot du doigt. L’homme se dirige alors vers le groupe.

— Établissez-vous la liste des numéros sortis au fil de la soirée ? Cela nous permettrait de déterminer à quel moment la victime a quitté sa place, en fonction des jetons posés.

— Non, désolé, je fais tout à l’ancienne, avec mes boules dans un sac de tissu dans lequel je pioche au hasard. Certains animateurs plus modernes disposent d’un ordinateur affichant les tirages sur un grand écran et qui peut également indiquer les statistiques au fil de la séance, mais l’équipement coûte cher, et je trouve que ça fait perdre son charme à notre activité, même si cela présente des avantages… Pour savoir quand cet homme a quitté la table, il serait plus simple de demander aux personnes assises auprès de lui : la salle était pleine, ou presque, donc il y avait forcément du monde à proximité.

Ayant rejoint le technicien, Dumontoir complète :

— Oui, bien sûr. Le problème, c’est qu’au moins une bonne moitié des participants est partie…

— Attendez ! Si je me souviens bien, près de lui, se tenait cette joueuse, de Plouigneau je crois, qui a remporté le lave-linge : dans le cas de gros lots comme cela, on relève le nom du gagnant et d’où il vient. Une femme assez forte, un pull bleu foncé… Je vais chercher la liste !

Pendant que l’animatrice part récupérer la feuille sur sa table, le lieutenant demande à ses amis s’ils ont remarqué quelque chose, mais Chantelle indique qu’elle tournait le dos à la victime, et Michel n’a pas prêté attention à ce coin de salle, trop occupé à remplir ses grilles de jetons colorés ou, pendant les pauses, à dédicacer ses romans que quelques courageux avaient osé apporter.

— D’ailleurs, il s’agissait plus de courageuses que de courageux, les lectrices ont moins honte de montrer qu’elles peuvent s’intéresser à ce genre d’histoires coquines…

Margot est déjà revenue et tend un papier où elle a recopié le nom de la gagnante.

— Je me souviens bien de cette femme maintenant, avec son mari et son grand gamin, deux costauds. Elle était assise à la table juste à côté de celle où sont toujours mes cartons. Coup de chance, ils étaient venus avec le break familial car on a eu plusieurs fois des personnes remportant un lot encombrant, sèche-linge ou frigo, voire même une simple table à repasser, et qui ne pouvaient pas le faire rentrer dans leur Twingo 2 portes. Là, dès la fin de la partie, ils ont sauté sur la scène et nous ont débarrassés de la machine, ça n’a pas tardé…

Un gendarme interrompt la conversation : depuis l’arrivée de la maréchaussée, il est interdit à quiconque de quitter la salle, et les gens restants s’impatientent ; il est une heure passée, et certains ont encore pas mal de route à faire pour rentrer chez eux.

— Installez une table devant la sortie et collez-y deux bleus qui relèveront les coordonnées complètes de ceux qui s’en vont, nom, adresse, numéros de téléphone. Vérifiez aussi qu’ils n’emportent rien de suspect…

Le dispositif est rapidement mis en place, mais Dumontoir s’inquiète : cela ne servira pas à grand-chose, car le meurtrier n’est certainement plus dans la salle depuis un moment, trop de monde est parti…

Chantelle relativise :

— Dès la découverte du corps, Michel a conseillé à Serge de demander à ceux qui étaient encore là d’attendre votre arrivée ; il se doutait que vous souhaiteriez récupérer les identités, mais dix bonnes minutes s’étaient écoulées depuis la fin du loto…

— Ils auront déjà pas mal à faire avec les noms récoltés…

Chantelle sourit.

— Si par « ils », tu désignes la PJ brestoise, alors sois rassuré, tu ne seras pas mis à l’écart.

Dumontoir la regarde ; à travers les verres fumés qu’elle a gardés toute la soirée, il devine les variations de couleur des yeux de la sorcerez.

— Merde, tu veux dire que… pfff, on va encore se taper tout le boulot chiant !

Un membre de l’équipe technique vient quérir le lieutenant qui repart au travail. Des ambulanciers déplient un brancard à roulettes qu’ils poussent maintenant dans le couloir de service menant aux toilettes de la salle.

Chantelle et Michel se mettent en fin de file, afin de donner leur nom au gendarme de corvée, qui recopie patiemment les identités dans sa longue liste. Les voyant attendre leur tour, Dumontoir abandonne l’homme de L’IJ pour les faire sortir.

— Je crois me souvenir de vos patronymes et adresses, et si je ne les retrouve pas, j’apporterai la feuille la prochaine fois que je viendrai prendre un café chez toi, Michel, c’est-à-dire probablement demain. Bonne nuit à vous deux !

* * *

Malgré l’heure tardive, Édith éprouve une nouvelle fois des difficultés à s’endormir. En rentrant du loto, elle a pris garde à ne surtout pas réveiller Étienne qui monopolise comme d’habitude la place et la couette dans le lit. Cette veille opportune lui permet d’entendre la sonnerie de son téléphone portable, resté sur la table de l’entrée dans son sac à main. Tâchant de ne pas déranger son mari, elle se relève et se presse de décrocher, reconnaissant immédiatement l’accent léonard de son amie.

— Margot ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

— Il y a eu un mort, après le loto !

— Quoi ? Mais toi, tu n’as rien au moins ?

— Tout va bien, ne t’inquiète pas pour moi ! Enfin, c’est l’un de ces gars, de vieux souvenirs ressurgissent, cette sale histoire…

— Tu le connaissais ?

— Un gendarme a dit son nom au moment où je me tenais près de lui ; c’est peut-être un hasard, une homonymie… Pourquoi est-il venu se faire tuer lors de mon loto ?

— Je ne sais pas, ma pauvre… Oh ! J’entends Étienne, je dois raccrocher. On en reparle demain !

* * *

À la mi-mai, le temps doux pousse les couples à sortir se dégourdir les jambes en cette matinée de dimanche. Bras dessus bras dessous, Michel et Chantelle font leur tour du plan d’eau de Plouvorn, rituel établi lors de leur rencontre, deux ans plus tôt, et qu’ils aiment à faire perdurer aussi fréquemment que la météo le permet.

Comme souvent, ils croisent Jacques Jézégou, maire de Plougourvest, qui vient également faire sa promenade dominicale en compagnie de son épouse.

— Bonjour Michel. J’ai appris que tu étais présent hier soir à Saint-Thégonnec. Solène Crandiou, la mairesse, m’a appelé ce matin pour me raconter le drame, c’est affreux !

— Oui, j’étais invité par l’association qui aide la famille de ce jeune handicapé, et j’ai passé un très bon moment, jusqu’à la découverte… Ainsi, entre élus, vous vous transmettez les informations ?

— Il est souvent utile de savoir ce qu’il advient dans les communes proches, et Saint-Thégonnec n’est finalement pas très éloigné de Plougourvest. J’espère pour Solène que cela ne va pas se reproduire : nous avons déjà eu un tueur en série dans les parages, ça suffit comme ça ! Pauvre Margot, cela a dû la secouer…

— Vous la connaissez ?

— Bien sûr ! Qui ne la connaît pas, dans la région ? Aux environs, il n’y a pas un village où elle n’ait animé un loto.

— Avez-vous eu plus de renseignements sur la victime, s’il est du coin ?

— Oui, l’homme habitait Plounévez-Lochrist, marié et père de famille, c’est tout ce que Solène a pu me dire.

Se tournant vers Chantelle, Jacques ose une étrange question, assortie d’un clin d’œil :

— Qu’en pense Prunella ? Ses pouvoirs ne lui permettent-ils pas de prédire s’il y aura d’autres méfaits ?

Sourire de la sorcerez : le maire est maintenant au courant que Chantelle et la voyante Prunella ne font qu’une. Mais la compagne de Michel préfère toujours changer d’identité et se vieillir artificiellement pour recevoir sa clientèle qui considère qu’une guérisseuse et diseuse de bonne aventure ne doit pas être une fringante quinquagénaire prenant soin de sa peau, mais plutôt une arrière-grand-mère voûtée, au visage ridé.

— Je lui poserai la question au plus tôt, mais je présume qu’elle ne saura rien augurer… Déjà, pour l’affaire passée, elle n’a pas été capable de deviner grand-chose…

Les deux couples se séparent, chacun terminant son tour du plan d’eau dans un sens différent. Inquiet, Michel interroge Chantelle à son tour :

— J’ai cru détecter une hésitation dans ta réponse ; n’as-tu vraiment rien perçu ?

— Bravo, tu deviens de plus en plus performant, je ne pourrai bientôt plus te mentir. En effet, hier soir, j’ai ressenti d’étranges ondes que je n’ai pas voulu interpréter, mais il semble bien que ce meurtre ne sera pas le dernier…

* * *

L’air préoccupé, Paulette raccroche le téléphone. Jean, son mari, s’inquiète, mais l’enseignante retraitée le rassure vite :

— C’était Margot ! Figure-toi qu’un meurtre a été commis hier soir, dans la salle où se déroulait le loto !

— Il y a eu un meurtre dans la salle et personne n’a rien vu ? Êtes-vous donc si obnubilés par vos cartons pour ne pas remarquer cela ?

— Mais non, ballot ! Pas exactement dans la salle, mais aux toilettes pour hommes. Le corps a été découvert quelques minutes après la fin du jeu, nous étions déjà parties. Margot voulait se décommander pour son animation de cet après-midi, mais la responsable du club de foot de Plouédern a insisté pour qu’elle vienne : difficile pour elle d’annuler, et pas évident de trouver une remplaçante aussi rapidement…

— Ce n’est pourtant pas trop compliqué à faire, il suffit de touiller dans le sac et de piocher les boules, n’importe qui peut s’en occuper !

— Tout à fait, Monsieur Je Sais Tout ! Tu n’imagines pas le travail que cela représente : à la moindre erreur, tu risques de te faire huer par les joueurs. Crois-en une institutrice retraitée après quarante ans de bons et loyaux services, une salle de loto, c’est bien pire qu’une classe de gamins à l’approche de Noël, au moment où ils sont le plus excités : il faut savoir les tenir, les calmer, tirer les oreilles des resquilleurs pour qu’ils ne sèment pas la zizanie dans les rangs, rester concentré sur les numéros sortants, tout en surveillant chaque recoin, et presque avoir des yeux dans le dos, comme lorsque j’écrivais au tableau noir pour détecter les margoulins qui faisaient des bêtises derrière moi. Un loto animé par un incompétent peut vite devenir un grand chahut. Je comprends l’insistance de cette organisatrice.

Devant la démonstration de la professeure anéantissant sa remarque, le mari préfère changer de sujet :

— Et le mort, de qui s’agit-il ?

— Margot ne m’a pas dit. Mais, bizarrement, elle m’a affirmé par deux fois ne pas le connaître, alors que je ne lui demandais rien… Dommage qu’elle n’ait pas été en face de moi : ma longue carrière à l’Éducation nationale m’a appris à immédiatement démasquer les menteurs ! Pourtant, j’ai senti qu’elle avait besoin de m’en parler, comme pour se disculper. Cette pauvre Margot a perdu sa maman trop tôt et, quand elle désire s’épancher, c’est vers moi qu’elle se tourne, même si je n’ai pas une décennie de plus qu’elle, mais, dans le groupe, je suis la doyenne, donc c’est bien normal qu’elle se penche vers moi.

Quarante-trois ans de mariage ont permis à Jean de déterminer quand les monologues de sa femme n’attendent aucune réponse, il a déjà repris le remplissage de sa grille de mots croisés.

II

Alain Dumontoir arrive à la vieille ferme de Plougourvest en fin de repas. Sortie à l’avance, sa tasse n’a plus qu’à être remplie lorsque le lieutenant s’installe.

— Travail de dingue ! Depuis ce matin, nous appelons les personnes qui ont laissé leurs coordonnées hier soir. Même si beaucoup étaient déjà parties, il en reste un sacré paquet, et ceux que nous contactons nous indiquent encore d’autres noms.

— L’affaire ne vous revient pas, cette fois ?

— Non, comme prévu, c’est la Police Judiciaire de Brest qui la récupère, mais le procureur a gentiment proposé que ce soit notre brigade qui se charge des auditions de témoins, étant plus proche pour la majorité d’entre eux.

Il sort une photo et la montre à ses hôtes.

— Voilà l’homme… Je crois que vous ne l’avez pas vu hier soir, du moins une fois le corps découvert. Vous le reconnaissez ?

Michel jette un rapide coup d’œil.

— Inconnu ! Il y avait tellement de monde, et moi, je mate surtout les jolies filles…

La bourrade du coude de Chantelle dans ses côtes le pousse à compléter diligemment :

— …donc, je n’avais d’yeux que pour ma chérie, assise en face de moi !

Petit jeu entre les amants, le gendarme n’est pas dupe et sourit de concert. Chantelle précise qu’elle n’a qu’aperçu l’homme pendant une pause, en se retournant pour regarder la salle. Dumontoir continue :

— Ce qui est étonnant, c’est que la victime venait de Plounévez-Lochrist pour un loto, alors qu’il y en avait deux autres organisés, à Plabennec et à Landerneau, sensiblement à même distance…

— En effet, Serge nous a parlé de la concurrence, et des lots bien plus intéressants dans la cité de la lune.

Chantelle précise alors que certains amateurs de loto font des kilomètres pour suivre un animateur qu’ils apprécient.

— Hier, c’était Margot. Lui as-tu demandé si elle le connaissait ?

— Non, pas encore, elle fait partie des personnes restant à interroger. Mais je ne manquerai pas de lui poser la question lorsqu’elle témoignera à la gendarmerie.

— Je crois que…

Chantelle attrape le journal abandonné sur la table basse et le consulte rapidement.

— Il me semblait bien avoir vu cela : Margot anime un autre loto cet après-midi, à Plouédern.

Michel confirme :

— Oui, hier soir, avant le dernier tirage, elle a donné les dates de ses prestations à venir, j’avais oublié.

— En y allant, je suis persuadée que tu trouveras des personnes présentes à Saint-Thégonnec, parties avant la découverte du corps…

Dumontoir réfléchit un moment : ces deux-là sont très observateurs, surtout la charmante sorcerez aux yeux si impressionnants.

— Pourquoi ne m’accompagneriez-vous pas à ce loto ? J’informe Landerneau de la manœuvre afin d’obtenir un appui logistique et je ferai une annonce au micro, pour que les joueurs de la veille qui ne se sont pas déclarés, le fassent. Et vous, si vous remarquez des personnes qui tentent de se défiler, vous me prévenez. OK ?

Chantelle n’hésite pas.

— Oui, pourquoi pas… Le temps n’est pas favorable au jardinage et mon stock d’herbes sauvages est suffisant.

Heureux de cette réponse, Dumontoir s’écarte afin d’appeler ses collègues landernéens et solliciter leur aide pour l’opération à venir.

* * *

Le trio arrive à la salle Steredernn de Plouédern, pendant la seconde pause du jeu. Après avoir enfilé son blouson de service et la casquette marquée « Gendarmerie », Alain se rend directement à l’estrade où Margot discute avec une femme qui s’écarte pour laisser sa place à l’officier.

— Bonjour Lieutenant. J’ai longtemps hésité à animer cet après-midi, suite à ce qui s’est passé, mais, n’ayant trouvé personne pour me remplacer, Bénédicte m’a convaincue. Vous n’allez pas interrompre mon loto, j’espère ?

Dumontoir la rassure en lui expliquant la raison de sa venue :

— Je sollicite juste l’autorisation d’utiliser votre micro en début de troisième partie, afin de demander aux personnes présentes hier soir et qui n’auraient pas décliné leur identité de bien vouloir le faire aujourd’hui.

La femme qui discutait avec Margot intervient :

— Je suis Bénédicte Gallois, présidente du club de football “L’Étoile Saint-Edern” et, de ce fait, organisatrice du loto. Si vous le désirez, je peux faire apporter une table dans le hall pour installer les gendarmes qui relèveront les noms…

— Merci Madame, cela serait parfait.

La responsable les quitte alors pour s’occuper de la mise en place. Margot consulte sa montre.

— Encore cinq minutes et l’on repart. Je ferai, comme d’habitude, un appel au micro pour que tout le monde s’assoie, puis je vous annoncerai et vous-prendrez la parole afin d’exprimer votre demande.

Profitant de la pause, les gens circulent : discussion avec une connaissance, passage par la buvette pour acheter une part de gâteau “fait maison” par la famille de l’un des joueurs de foot, ou petit tour aux toilettes, fort fréquentées pendant cet intermède.

Après avoir donné ses ordres aux gendarmes chargés de récupérer les identités, Alain remonte sur l’estrade et observe du coin de l’œil Michel et Chantelle, debout à côté de la porte de sortie, scrutant discrètement les tables à la recherche de visages repérés la veille au soir. Pour ne pas éveiller les soupçons, Dumontoir s’est tenu à l’écart du couple, préférant éviter de signaler ses liens d’amitié avec ces deux-là.

Enfin, Margot sonne le rappel, et chacun regagne sa place. L’officier reste en arrière, attendant qu’elle fasse l’annonce prévue :

— Bien, avant de commencer la dernière manche, je dois laisser la parole au lieutenant Dumontoir, de la brigade de Landivisiau, qui a une requête importante à formuler.

Alain remercie l’animatrice et s’avance sur le devant de la scène, micro en main :

— Bonjour à tous, et excusez-moi de retarder la reprise de la partie, cela ne durera pas longtemps. Je suppose qu’ici, beaucoup sont déjà au courant : hier soir, lors du loto qui se déroulait à Saint-Thégonnec, un homicide a été commis. Notre équipe est rapidement intervenue et nous avons relevé les noms d’un grand nombre des personnes présentes, mais certains étaient partis et n’ont ainsi pas pu être répertoriés. Donc si vous participiez à ce loto et que vous n’avez pas laissé votre identité, un gendarme vous attendra dans le hall, en fin de partie.

Dans la salle, diverses réactions, allant de l’étonnement à la frayeur, pour ceux qui n’étaient pas encore prévenus. Gouailleur, un homme demande à haute voix :

— Et en échange, vous ferez sauter mes PV ? Parce que j’en ai marre d’être sans arrêt flashé à la sortie de La Roche-Maurice, c’est con de foutre la limitation à 70 à cet endroit !

Quelques rires autour des tables, mais Dumontoir ne se laisse pas démonter, habitué à ce genre de réflexions, et répond d’un ton nettement plus froid :

— Ce que je vous demande aujourd’hui n’est qu’un acte de civisme. Nous avons absolument besoin de tous les témoignages possibles, le moindre détail relevé peut être très important pour l’enquête, et votre aide est primordiale ! Ceci n’est qu’une question de bon sens, tout comme le respect des limitations de vitesse. Le gendarme Louvion, de la brigade de Landerneau, vous attendra donc dans le hall en fin de partie. Merci à tous.

Margot reprend le micro et commence à touiller les boules dans son petit sac en tissu…

Pendant la dernière manche, le lieutenant rejoint discrètement ses amis, restés à côté de la porte d’entrée.

Ils s’isolent à l’extérieur afin de discuter sans gêner le déroulement du jeu.

— Alors, vous en avez repéré ?

Chantelle répond la première : elle a retrouvé quelques têtes. Moins observateur, Michel n’est pas aussi affirmatif :

— Le gars avec ses PV, il me semble qu’il était présent. J’ai également reconnu une femme venue faire signer son livre, mais celle-ci était toujours là quand tes hommes ont relevé les noms, donc ça ne compte pas…

Chantelle confirme pour le premier :

— Pour le zozo aux PV, tu as vu juste : il a même gagné une magnifique friteuse. Peut-être va-t-il la revendre sur “Leboncoin” afin de pouvoir régler les faramineuses amendes qu’il a récoltées en conduisant trop vite…

Dans la salle, un « Oui ! » poussé haut et fort précède l’habituel concert de « Oh ! » déçus. Encore un lot d’attribué. Resté songeur, Michel retrouve enfin la mémoire :

— Marinette ! La femme qui a fait dédicacer son bouquin se prénommait Marinette. Pas courant… Mais bon, je pense que ça ne te servira pas à grand-chose, étant donné qu’elle a déjà signalé sa présence.

Le lieutenant prend une copie de la liste, posée à côté du gendarme chargé de récolter les nouvelles identités, et trouve rapidement.

— En effet, il y a une Marinette Le Gwenn.

Sortant de la salle, deux hommes viennent demander l’autorisation de ranger les grilles de lotos éparpillées sur des tables dans le hall ; celles-ci n’ont pas été choisies aujourd’hui.

— Ça sera déjà ça de moins à faire : il y a toujours beaucoup de boulot à récupérer les cartes, nettoyer le sol, regrouper les chaises, démonter le mobilier, ramasser toutes les cochonneries abandonnées par les quidams.

Après accord du lieutenant, ils vont chercher de grandes caisses de plastique dans lesquelles ils alignent des piles de cartons.

Dernier « Oui ! », accompagné par la chorale des « Oh ! », le loto se termine et les joueurs plient bagage. Bientôt, la porte s’ouvre et le flot des participants s’écoule. Quelques-uns s’arrêtent à la table du gendarme Louvion pour laisser leurs coordonnées.

Arrive Marinette qui hésite, n’ayant vraisemblablement pas compris s’il lui fallait à nouveau passer par là ou pas. Michel vient alors la saluer et lui explique qu’étant déjà inscrite, elle peut partir. L’homme aux PV apparaît et se dirige directement vers la sortie. Alain l’intercepte.

— Dites-moi, il me semble que vous étiez présent hier soir…

Regard dédaigneux :

— Certainement pas ! Vous n’en avez aucune preuve ! Foutez-moi la paix, sinon…

Devant une telle agressivité, Dumontoir préfère s’écarter : inutile de déclencher un esclandre en ce lieu. Le râleur rejoint son véhicule sur le parking, suivi par Michel qui revient rapidement.

— Ford Mondéo, bleu électrique…

Dumontoir note l’immatriculation donnée par son ami dans son carnet et prend son portable pour communiquer ces informations à ses collègues, prêts à intervenir un peu plus loin. Mais un autre gendarme arrive déjà, tenant un homme par le bras.

— Lieutenant, celui-ci essayait de se défiler par une sortie de secours…

Dumontoir jette un regard à Chantelle qui acquiesce discrètement de la tête.

— Eh bien, Monsieur, il me semble que vous étiez à Saint-Thégonnec hier soir…

Air gêné du contrevenant : celui-ci n’est pas méchant. Il se met dans la courte file d’attente qui s’allonge devant le scripteur chargé de recopier les identités et adresses. De ses poches, Dumontoir voit dépasser quelques cartons de loto. Margot s’approchant pour récupérer ses caisses de rangement, le lieutenant l’interroge :

— Est-il normal que des joueurs emportent des cartes avec eux ?

— Normal, non, mais courant, oui. Presque tout le monde a des numéros fétiches, qu’il aime avoir regroupés dans une seule grille, mais elle est souvent difficile à retrouver parmi les autres, quand elle n’a pas déjà été prise par un concurrent. Lorsque certains découvrent la carte de leurs rêves, ils la gardent, et la ressortiront pour un prochain loto que j’animerai. Pas mal de mes cartons traînent dans la nature à cause de ces comportements, les joueurs n’imaginent pas ce que cela peut coûter. Excusez-moi, mais j’ai encore à faire, ma journée est loin d’être terminée…

Margot montre les caisses aux trois jeunes filles venues donner la main, indiquant comment elles doivent être remplies. Ravies d’apporter leur aide, les demoiselles attrapent les boîtes et repartent en courant vers la salle pour récolter les piles de cartes posées en bout de table.

Dumontoir remarque alors le signal de Chantelle : une femme qui sort, rapidement, sans passer par la case “gendarme”. Le lieutenant l’intercepte.

— Oh ! Excusez-moi, mais je suis très pressée : mon mari m’attend et, si je suis en retard…

La fuyarde semble en effet effrayée. Voyant cela, Margot interrompt son activité pour venir à son secours.

— Lieutenant, Édith est une bonne et fidèle amie, et il faut absolument qu’elle soit à l’heure chez elle. Si vous le voulez bien, je vous communiquerai ses coordonnées plus tard et vous expliquerai cela…

Devant cette demande insistante, Dumontoir laisse partir la femme, faisant un petit signe à Michel qui, une nouvelle fois, la suit discrètement. Lorsqu’il revient, Dumontoir est au téléphone. Après lui avoir indiqué l’immatriculation du véhicule de la fuyarde, Alain lui expose les faits :

— Les collègues ont donc intercepté le zozo de tout à l’heure : contrôle positif, alcoolémie trop élevée. Lorsqu’il m’a invectivé, j’ai senti son haleine. Je ne sais pas combien de bières il a pu avaler dans l’après-midi, mais il empestait. Je n’ai pourtant pas remarqué qu’ils vendaient de l’alcool à la buvette…

Chantelle confirme :

— En général, les joueurs sont sobres, il faut garder les idées claires pour poser les jetons dans les bonnes cases… Mais ton gars est du genre à avoir apporté son propre pack de canettes. Crois-tu qu’il sera utile de l’interroger pour hier soir ? Même s’il a vu quelque chose, cet énergumène se fera un plaisir de le cacher afin de vous emmerder…

— Oui, pas vraiment le type de personne à qui l’on peut demander un peu de civilité. Par sa bêtise, il se retrouvera sans permis et considérera que c’est entièrement de notre faute…

La salle est vide. Avec l’aide des membres du club de “L’Étoile de Saint-Edern”, le large coffre de la voiture de Margot est rempli des bacs chargés de cartons. Débarrassée de ses obligations, l’animatrice revient vers le lieutenant.

— Excusez-moi pour tout à l’heure, si j’ai été un peu brusque, mais le rangement de mon matériel est assez pénible, surtout avec ma patte folle. Mais, heureusement, il y a toujours de bonnes âmes pour me soutenir.

Dumontoir avait en effet remarqué la canne que la femme tient de la main gauche.

Il ne juge toutefois pas utile d’en demander la raison.

— Vous êtes tout excusée, je comprends bien, et nous nous sommes invités assez cavalièrement à votre loto, sans vous avoir prévenue…