Vent de terreur sur Brehat - Michèle Corfdir - E-Book

Vent de terreur sur Brehat E-Book

Michèle Corfdir

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Beschreibung

Sur l'île Bréhat, les nombreux événements culturels organisés sont le théâtre de sombres agressions mortelles...

Le 28 juin 2019, Léo Gatien, journaliste d’investigation, échappe de peu à un attentat à la voiture piégée. Craignant pour sa vie, il se réfugie dans la maison qu’il possède sur l’île de Bréhat. Il pense y être à l’abri et compte sur cette retraite forcée pour terminer le livre qu’il est en train d’écrire. Mais le calme espéré est troublé par l’arrivée de sa fille puis de son ex-femme. Et quand celle-ci est retrouvée battue à mort, lors d’un salon du livre organisé sur l’île, Léo comprend qu’il va devoir faire face à de sérieux ennuis.
L’inspecteur Germain, chargé de l’enquête, est très inquiet car plusieurs agressions similaires ont endeuillé les manifestations culturelles de la région, au cours des derniers mois. Un maniaque du passage à tabac hanterait-il les concerts, les expositions et les salons du livre si chers au public breton ?

Le journaliste Léon Gatien et l'inspecteur Germain vous entrainent dans ce polar breton qui allient culture, meurtres et mystères !

À PROPOS DE L'AUTEURE

D’origine suisse, enseignante de formation, Prix des Poètes Suisses de langue française, Michèle Corfdir vit et écrit en Côtes-d’Armor. Elle signe ici son dix-huitième roman.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

PROLOGUE

1999

Gérard est mort devant moi, sans que j’y puisse rien.

Quand son corps malmené par le ressac est venu au plain, plusieurs heures après que l’alerte avait été donnée, j’ai tout de suite su que chacun me reprocherait implicitement de ne pas en avoir fait assez. Gérard n’aurait pas dû mourir, c’est sûr. Et moi, aurais-je dû survivre ?

Dans notre île, il y a vingt ans encore, un strict cérémonial présidait aux obsèques. Les défunts n’étaient pas relégués dans un funérarium ni apprêtés par les professionnels en thanatopraxie. Ils demeuraient chez eux, deux jours et trois nuits selon les termes de la loi. Ils étaient ensuite mis en bière et emmenés à l’église puis au cimetière. Cela ne se fait plus et Gérard a été l’un des derniers à échapper à la mainmise des pompes funèbres.

Il est resté dans la maison de ses parents, couché sur un lit dans la salle du rez-de-chaussée, avec des cierges allumés, de l’eau bénite dans une coquille Saint-Jacques et un brin de buis pour l’asperger. Et toute l’île a défilé devant lui, les visites au défunt étant alors considérées comme plus importantes que la présence aux funérailles.

Mais moi, je n’y suis pas allé.

Pourtant Gérard était mon ami. Selon la coutume, c’est à moi qu’aurait dû incomber de porter la croix, en tête du cortège funèbre. Mais c’est un ancien de la paroisse qui s’en est chargé. Paralysé par la honte, le remords et la peur du regard des autres, je ne me suis pas montré. J’ai écouté sonner le glas. D’abord durant le trajet du corps jusqu’à l’église et, une demi-heure plus tard, lors de l’inhumation.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé que ma place n’était plus dans l’île.

J’ai gagné le continent par la vedette de dix-sept heures, convaincu que mon absence serait longue sinon définitive.

Une certaine forme d’entêtement et la façon dont s’est déroulée ma vie ont fait qu’à aucun moment je ne suis revenu sur ce choix. L’île où j’avais passé mon enfance et une partie de ma jeunesse est restée coupée de moi par un bras de mer que je n’ai jamais franchi.

I

28 juin 2019

Il y eut d’abord un éclair éblouissant.

Puis une sphère de lumière blanche qui tourna autour de lui, le plongeant dans une chaleur infernale.

Enfin l’onde de choc qui le projeta en arrière et l’envoya percuter le sol, au milieu des débris enflammés et des milliers d’éclats de verre brisé.

Le bruit de la déflagration fut noyé dans la fulgurance, il ne l’entendit pas.

Ce furent les cris qui, fusant de partout, le sortirent de son chaos et le forcèrent à reprendre ses esprits. Il sentit qu’on le traînait sur le trottoir, il aperçut des pieds, des jambes, des souliers.

La chaleur avait diminué. Sa nuque reposait maintenant sur quelque chose de mou. Essayer de bouger ne lui venait pas à l’idée, même quand le hurlement des sirènes envahit la rue. Il ne pouvait pas dire qu’il souffrait mais il avait l’impression d’être désarticulé, comme si son corps n’était plus qu’un sac rempli de sciure.

— Monsieur ! Ça va, Monsieur ?

Un visage se penchait sur le sien.

— Est-ce que vous avez mal quelque part ?

— Heu… heu…

— Ne bougez pas, on va vous placer sur une civière. Et une ambulance vous transportera à l’hôpital.

Des pompiers en uniforme, gilets pare-balles et casques à visière, allaient et venaient autour de lui. Il les suivit des yeux. Il sentait que ses muscles se remettaient à vivre. Il déglutit, bougea un avant-bras, cilla à plusieurs reprises. C’est à ce moment-là seulement qu’il perçut le rugissement de l’incendie.

Il souleva la tête et vit une voiture qui brûlait dans un torrent de fumée noire.

— Merde, grogna-t-il alors que lui revenaient en mémoire les instants qui avaient précédé l’explosion…

La porte de son immeuble qui se refermait derrière lui. La rue du Canal déserte dans la fraîcheur du petit matin. Sa Jaguar garée à deux cents mètres le long du trottoir. Puis la bousculade au moment où il sortait ses clés de sa poche. Deux jeunes types l’encadraient, l’un pour lui arracher son attaché-case, l’autre la clé de contact de la voiture. Il avait à peine eu le temps de comprendre que déjà ils actionnaient l’ouverture automatique des portières et s’engouffraient dans la Jaguar. Il s’attendait à les voir démarrer sur les chapeaux de roues quand l’espace avait éclaté et une bulle de lumière aveuglante l’avait envoyé au tapis.

Dans l’ambulance qui l’emmenait à travers la ville, il se sentit mieux. Il ne souffrait pas, ses membres remuaient sans problème, les étourdissements avaient tendance à diminuer. Seules ses oreilles continuaient à bourdonner comme si une ruche entière s’était installée dans sa tête. Hormis les coupures qui ensanglantaient ses mains et probablement son visage, il était à peu près sûr d’être indemne.

Son diagnostic fut confirmé par l’urgentiste du CHU de Pontchaillou, qui le félicita de la chance qu’il avait eue.

— Se trouver aussi près d’une telle explosion et s’en sortir sain et sauf tient presque du miracle. Nous allons cependant vous garder à l’hôpital jusqu’à demain matin. C’est un principe de précaution qu’il vaut mieux observer en pareil cas. Les examens que vous venez de passer n’ont révélé aucune lésion mais on n’est jamais trop prudent.

— C’est vous qui voyez…

— Rappelez-moi votre nom. Je l’ai lu sur votre fiche d’admission mais je crains de l’avoir oublié.

— Léo Gatien.

— Ah oui ! Ça me revient. Vous allez être transféré au deuxième étage où une chambre vous attend. Pour la paperasse, vous verrez ça avec l’infirmière.

— Et… et qu’en est-il des deux gars qui m’ont volé mes clés ?

Le médecin arbora un air embarrassé.

— Vous devez vous en douter. Selon les pompiers, celui qui était au volant a été désintégré, quant à l’autre, il ne valait guère mieux.

Il parut vouloir ajouter quelque chose mais se ravisa.

— Je passerai vous voir dans l’après-midi. Si vous êtes pris d’un malaise ou si vous avez l’impression que quelque chose ne tourne pas rond, n’hésitez pas à appeler l’infirmière. Le contrecoup ou une lésion interne non détectée peuvent se manifester au cours des prochaines vingt-quatre heures. Il ne faut surtout pas les prendre à la légère ou serrer les dents en pensant que ça passera tout seul. Me suis-je bien fait comprendre ?

— Parfaitement.

— Ah ! Une chose encore… La police voudra certainement vous interroger dès que possible. Je vous déconseille d’accepter, disons avant ce soir. Vous êtes en état de choc et donc pas vraiment à même de répondre correctement aux questions qu’on vous posera.

— Merci de me prévenir. Je suivrai votre conseil.

— Maintenant, on va vous emmener dans votre chambre, dit l’urgentiste en faisant signe à une aide-soignante qui s’approcha avec un fauteuil roulant.

En y prenant place, Léo s’aperçut que ses jambes flageolaient et que ses mains tremblaient. Une journée à l’hôpital n’était peut-être pas une précaution inutile.

Lorsqu’il fut installé dans sa chambre, son malaise s’accrut. Dès qu’il fermait les paupières et se sentait glisser vers une douce somnolence, un éclat de lumière blanche explosait devant ses yeux. Ses muscles se tétanisaient et son cœur s’emballait. Cela durait à peine quelques secondes mais le laissait épuisé, en sueur et le souffle court. Comme ces accès se répétaient, sans qu’il parvienne à les pressentir ou à les maîtriser, il se résolut à appeler l’infirmière.

— Je vais vous donner un tranquillisant. Ne vous inquiétez pas, c’est une réaction normale après un tel traumatisme.

Elle avait raison. Ses crises d’anxiété ne disparurent pas mais le médicament parvint à en amortir l’effet. La bombe éclatait toujours mais trop loin de lui pour qu’il en soit affecté. Il réussit à dormir un peu et ce n’est que dans l’après-midi qu’il comprit vraiment la source de son angoisse.

Comment n’y avait-il pas songé plus tôt ? Si les deux voyous n’avaient pas tenté de lui voler sa Jaguar, c’était lui qui aurait été transformé en une purée d’os et de chair que l’on aurait déposée au fond d’un cercueil plombé, avant de le mettre en terre.

La nausée lui monta aux lèvres. C’est à lui que la bombe était destinée, non pas aux deux enfoirés qui avaient cru faire une bonne affaire !

Sa respiration s’accéléra et il fut saisi de tremblements irrépressibles. Lorsque la porte s’ouvrit et que l’infirmière apparut, il sursauta violemment et se recroquevilla sous le drap.

— Eh bien ! Qu’est-ce qui vous arrive ?

Sa mâchoire contractée l’empêcha de répondre. Alors que l’infirmière, debout à son chevet, le regardait en fronçant les sourcils, il parvint à bégayer :

— Je… je viens de… de réaliser que c’est moi qui… qui…

— Vous qui auriez dû sauter avec la bombe.

— O… oui.

— Le hasard joue parfois de drôles de tours. Dites-vous que ce n’était pas votre heure.

Un violent grelottement le secoua de nouveau.

— Je ne peux rien faire pour vous, il est trop tôt pour renouveler l’anxiolytique. Je vais demander au médecin de passer. Je pense que vous auriez besoin d’un soutien psychologique.

Léo secoua vivement la tête.

— Pas question !

— Pourquoi ? Cela ne peut être que bénéfique. En attendant, essayez de vous détendre. Ici, vous ne risquez rien, absolument rien.

Il n’en était pas persuadé, chacun sait qu’on entre dans un hôpital comme dans un moulin. Mais il se contenta de hocher la tête et de suivre son conseil.

En fin d’après-midi, il y était presque parvenu. Deux autres prises de tranquillisant y étaient sans doute pour beaucoup. En tout cas, il avait recouvré suffisamment de maîtrise de lui-même pour répondre de façon cohérente à l’officier de police qui avait demandé à le voir et qui patientait à l’accueil. Il y avait réfléchi et décidé d’en dire le moins possible, ce qui lui serait d’autant plus facile qu’il ne voyait pas du tout qui aurait pu lui en vouloir au point de… de…

Venue du fond de l’espace, une nova éblouissante explosa dans sa tête, transformant brutalement son champ de vision en un écran blanc.

— Vous êtes sûr que ça ira ? s’enquit l’infirmière en redressant le haut du lit. Sinon, vous pouvez remettre l’entrevue à demain.

— Ne vous inquiétez pas. De toute façon, demain je ne serai plus ici. Dites à ce flic de venir !

L’infirmière se retira et une quadragénaire d’allure sportive apparut sur le seuil de la porte.

— Entrez, je vous en prie, dit Léo d’une voix aussi ferme que possible.

Elle s’approcha et lui tendit la main.

— Capitaine Sophie Legal de la police judiciaire de Rennes. J’appartiens à la brigade criminelle et suis chargée de l’enquête sur l’attentat auquel vous venez d’échapper. Durant toute la journée, mon équipe et moi avons travaillé sur les lieux de l’explosion, afin de faire les premières constatations et de relever un maximum d’indices. La voiture piégée – votre Jaguar – a été transportée dans un de nos locaux où elle sera passée au crible par les experts de la police scientifique. Autant vous le dire tout de suite, elle est irrécupérable.

— Ça, je m’en doutais.

— Bien ! Parlons de vous maintenant, fit la policière en déposant un enregistreur numérique sur la table de chevet. Le moins que l’on puisse dire est que vous l’avez échappé belle, car il est évident que c’est à vous que la bombe était réservée.

— C’est ce que j’ai compris.

— Selon un témoin qui se trouvait dans la rue du Canal, ce matin à six heures trente, vous avez été suivi par deux hommes, depuis la porte de votre immeuble jusqu’à proximité de la Jaguar.

— Ah bon ! Je ne m’en suis pas aperçu. C’est quand ils m’ont bousculé pour me voler mon attaché-case et mon trousseau de clés que j’ai découvert leur présence. Ensuite, c’est comme si j’avais changé de planète.

— Oui, je comprends. Avant d’aller plus loin, j’aimerais vérifier si les renseignements que j’ai sur vous sont exacts, dit la policière en ouvrant son ordinateur portable. Vous vous nommez Gatien Léonard et vous êtes né le 10 octobre 1980 à Nantes. Vous exercez le métier de journaliste, vous êtes célibataire et vous résidez 8, rue du Canal à Rennes.

Léo hocha la tête en signe d’acquiescement.

— Pourriez-vous ajouter quelques précisions à propos de votre profession ?

— Volontiers. Je suis journaliste d’investigation spécialisé dans la chronique judiciaire. Je travaille en free-lance pour diverses revues françaises, anglaises et allemandes. J’ai édité, en 2017, un ouvrage intitulé Justice des Hommes, qui relate les affaires les plus intéressantes et les plus spectaculaires que j’ai eu à couvrir.

— Cela me dit quelque chose.

— Vous avez dû en entendre parler, les médias s’en sont fait l’écho.

— Oui, c’est sans doute ça, car je ne lis jamais de romans policiers ni rien qui se rattache au domaine judiciaire. Pourtant, je vais me plonger dans votre bouquin dès ce soir. Il est possible que vous y ayez abordé des sujets brûlants qui ont pu vous attirer des inimitiés.

— Franchement, je ne crois pas. Les différents événements que je décris sont relativement anciens et pas vraiment de nature à déclencher des représailles contre moi.

— Il n’empêche, je ne dois négliger aucune piste.

— Pour votre information, un deuxième tome doit paraître dans le courant de l’automne. C’est d’ailleurs sa version imprimée qui se trouvait dans mon attaché-case, ce matin.

Devant l’air consterné de son interlocutrice, il crut bon d’ajouter :

— Ne vous en faites pas, Capitaine ! Le texte de mon prochain livre est dans mon ordinateur ainsi que sur une clé USB, que j’avais heureusement laissée chez moi.

— Tant mieux ! Revenons maintenant à l’attentat proprement dit. Dès ce matin, mes collègues et moi avons acquis la quasi-certitude que nous ne sommes pas en face d’un acte terroriste, raison pour laquelle c’est à la brigade criminelle qu’a été confiée l’enquête, et non à la section antiterroriste de la police judiciaire.

— Qu’est-ce qui vous a permis de déduire ça ?

— Oh ! C’est très simple… Une explosion à la voiture piégée d’origine terroriste a pour but de causer un maximum de dégâts et, surtout, un maximum de pertes humaines. Ce genre d’attentat se produit donc toujours dans un lieu très fréquenté et à une heure de grande affluence. Ce qui n’est absolument pas le cas dans l’affaire qui nous occupe. Cela m’incite à chercher une autre explication.

— Je vois.

— C’était vous, la victime désignée, personne d’autre.

— Sauf que le hasard en a décidé autrement.

— Ce qui me facilite la tâche ! Vous êtes le personnage clé de mon enquête… et vous êtes vivant, donc en mesure de répondre à mes questions et de m’ouvrir des pistes.

Un large sourire se peignit sur son visage mais le regard acéré qu’elle braqua sur Léo le mit mal à l’aise. Cette femme ne le lâcherait pas. Elle s’accrocherait à ses basques d’ici à ce qu’elle ait obtenu tout ce qu’il était susceptible de lui apprendre. Il pressentait qu’avec elle ni la ruse ni le charme ne parviendraient sinon à l’amadouer, du moins à la rendre plus conciliante.

— Excusez-moi, dit-il en enfonçant sa tête dans l’oreiller, mais je… je ne suis pas encore remis du choc et, pour le moment, je… je…

Sa voix qu’il avait volontairement assourdie parut convaincre la policière.

— Bien sûr ! Je reviendrai demain. Vous vous sentirez sans doute mieux.

*

Déflagration. Écran blanc. Assiette géante qu’un jongleur invisible fait tourner au bout de sa baguette. Vrombissante et tourbillonnante, elle le repousse dans un angle de la pièce, l’obligeant à s’accroupir, à rapetisser jusqu’à n’être plus qu’un tas de chiffons, une loque misérable…

Puis la fulgurance faiblit et Léo redevient lui-même.

— Ça ne peut plus durer, murmura-t-il.

Depuis son réveil, les explosions qui transformaient l’espace en nuage étincelant se succédaient à intervalles réguliers. Et il ne savait ni les prévoir ni les maîtriser.

Pourtant, il avait bien dormi, probablement grâce au somnifère que lui avait prescrit le médecin hospitalier quand il l’avait autorisé à rentrer chez lui. Il le lui avait remis en même temps qu’un rapport destiné au psychologue qu’il lui conseillait de consulter.

— Nous avons un service de neuropsychologie à l’hôpital. Je vous enjoins vivement d’y prendre rendez-vous avant de sortir d’ici. Je sais que vous êtes réticent à ce genre de soutien ; pourtant, à mon avis, vous allez en avoir besoin. Mais bien sûr, c’est à vous de décider.

Il n’était pas midi et déjà plusieurs flashs l’avaient pris à l’improviste dans leur flux de lumière assassine. Un rien les déclenchait. Le reflet du soleil dans une vitre, une pétarade montant de la rue, un bruit inattendu…

— Ça passera, se dit-il. Il y a à peine plus de vingt-quatre heures que l’explosion a eu lieu. Mes nerfs en ont pris un coup, ils ont besoin de calme et de repos.

Seulement, du repos, il n’en aurait pas s’il décidait de répondre à tous les mails, SMS et messages téléphoniques qu’il avait découverts ce matin, après avoir bu son café. La nouvelle de l’attentat avait été communiquée par les médias et, si son identité n’était pas révélée, les journalistes avaient dû mentionner suffisamment de détails pour que ses relations le reconnaissent. Afin de couper court à leur curiosité et à leur inquiétude, Léo ne voyait d’autre solution que d’envoyer un mail commun à la cinquantaine de personnes figurant dans son carnet d’adresses. Il mit son smartphone en veille et s’assit devant son ordinateur.

« Comme vous avez dû l’apprendre d’une manière ou d’une autre, j’ai été victime d’un attentat à la voiture piégée. Les détails ont été relatés dans tous les médias et je n’y reviendrai pas. Sachez que, si je m’en sors indemne physiquement parlant, je souffre d’un choc émotionnel post-traumatique qui nécessite un séjour dans une maison de repos. Pour le bon déroulement de cette cure, vous ne pourrez pas avoir de contact avec moi. Mais soyez rassurés, dans quelque temps, je rejoindrai, frais et dispos, le monde des vivants. À bientôt donc ! »

Léo relut son texte et, n’y voyant rien à corriger, il cliqua sur « envoyer ». Puis il songea que s’il voulait accréditer sa fable, il fallait qu’il quitte son appartement dès que possible. Il était sûr que certains de ses proches croiraient bien faire en venant rue du Canal, prendre de ses nouvelles.

Plus important ! Il ne devait pas oublier que sa sécurité était en jeu. Si quelqu’un en voulait à sa peau, la chance ne lui sauverait pas la vie une deuxième fois !

Une agitation fébrile le saisit et il se mit à préparer ses bagages sans plus attendre.

Par bonheur, il avait un endroit où se réfugier. Il avait hérité de sa mère la maison de Kernigel, sur l’île de Bréhat. Il y avait passé toutes ses vacances, durant son enfance et son adolescence. Depuis, il n’y était jamais retourné. Il la louait, par l’intermédiaire d’une agence immobilière, et arrondissait ainsi ses fins de mois. Il savait aussi que le bail expirait le 30 juin de chaque année et que le locataire actuel avait prévenu qu’il ne le renouvellerait pas. Une heureuse coïncidence dont il allait profiter.

Ouvrant son répertoire téléphonique, il appela le gérant et l’informa de sa décision.

— C’est entendu, lui répondit celui-ci. Les clés seront déposées à notre succursale de Paimpol où vous pourrez passer les prendre quand vous voudrez. Pour l’état des lieux…

— Je n’y assisterai pas. Faites au mieux, vous avez toute ma confiance.

— Comme vous voulez.

— Je désire aussi que le ménage soit fait. Je vous laisse le soin de trouver une entreprise de nettoyage ou une personne compétente pour s’en occuper.

— D’accord, aucun problème. Vu la quantité de résidences secondaires que compte l’île, nous n’aurons pas de difficulté à trouver une femme de ménage.

— Le principal pour moi est que tout soit fait dans les plus brefs délais. Je veux pouvoir emménager à Kernigel dès le 2 ou 3 juillet prochain.

— Quatre jours, c’est court…

— Oui mais faisable. À vous de jouer !

Léo avait donné à sa voix l’intonation dont il usait dans le cadre de sa profession. Sèche, concise, elle n’autorisait ni atermoiement ni controverse chez son interlocuteur. Comme toujours, cela fonctionna et l’agent immobilier accepta sans émettre d’objections.

Léo sortit ensuite une grande valise à roulettes et son sac à dos le plus volumineux. Il devait veiller à ne rien oublier d’essentiel car il ne pourrait pas se faire envoyer ce qu’il aurait omis d’emporter. Il rangea donc dans la valise les livres de poésie dont il ne se séparait jamais, un dictionnaire, du papier, son ordinateur, son imprimante, la tablette informatique où était enregistrée la musique qu’il aimait, son appareil photo, des jumelles, quelques-uns de ses romans préférés et toute la documentation nécessaire à la rédaction du deuxième tome de Justice des Hommes. Il entassa en vrac ses vêtements dans le sac à dos. Grâce au ciel, la maison de Kernigel non seulement était meublée mais elle comportait aussi tout ce qui était d’un usage courant, batterie de cuisine, vaisselle, électroménager, linge et même outils de jardin.

Léo fit rapidement le tour de l’appartement, vérifia que son portefeuille contenait tous ses papiers, sa carte de crédit et de l’agent liquide, puis il enfila une veste de sport, empoigna ses bagages et quitta les lieux.

II

« L’aube naissante ouvre son éventail

de plumes très anciennes

sur la mer somnolente

qu’une mouette effleure,

déchirées par son aile,

les ombres de mon rêve

s’envolent avec elle. »

Léo mordilla son stylo et contempla le jour qui montait devant sa fenêtre ouverte. Une heure parfaite pour écrire, une heure où l’on peut encore se prendre pour un poète.

Il saisit l’un des recueils éparpillés sur sa table. Il le feuilleta, tâchant d’y pêcher quelques mots qui relanceraient la suite de son texte.

C’était ainsi qu’il fonctionnait. Le mot déclenchait l’image. L’image suscitait le rythme puis un bout de phrase puis le vers, le vers où s’inscrivait le sens de ce qu’il voulait dire.

Mais déjà sa concentration se diluait. Ses pensées s’échappaient…

Léo ne se faisait pas d’illusions, il ne les rattraperait pas. L’aube était trop fastueuse, la lévitation des îlots au-dessus de la brume trop ensorcelante. Les mots ne se laisseraient plus capturer.

Il quitta sa chaise et alla s’accouder à la fenêtre. Ainsi donc, il avait fallu qu’il atteigne presque la quarantaine pour percevoir et apprécier la somptueuse beauté de ce paysage ! Il l’avait eue sous les yeux les dix-neuf premières années de sa vie, sans même y prendre garde. Mais il savait aujourd’hui que la jeunesse n’est pas aussi clairvoyante qu’elle ne le croit. C’est l’âge qui affine les sens et leur donne toute leur acuité. Il l’avait constaté hier, en arrivant sur l’île.

À peine avait-il posé le pied sur la longue cale cimentée qui traverse l’estran, que l’odeur avait fondu sur lui. Un mélange d’eau de mer, d’algues en décomposition, de cordages mouillés, de coaltar, de vase, de crustacés… Aucune n’était agréable en elle-même mais, mélangées, elles formaient une senteur unique, mystérieuse, impossible à oublier, même après vingt ans d’absence.

Kernigel étant situé à une bonne demi-heure de marche, Léo avait loué une charrette à bras pour véhiculer ses bagages. Carrioles et vélos avaient toujours été l’unique mode de transport des résidents, à tel point que c’était presque devenu une marque d’appartenance à la communauté insulaire. Pour le reste, il s’aperçut vite que rien n’avait changé. Même snobisme, même laisser-aller dans le choix des vêtements, même familiarité bon chic bon genre. L’invasion des touristes n’ayant pas débuté, on était encore entre soi et l’on pouvait se risquer jusqu’au bourg, un panier à la main, pour y faire ses emplettes. Dès la semaine prochaine, on se cloîtrerait derrière les hauts murs des propriétés.

Du Port-Clos, Léo avait gagné Pont-ar-Prat qui relie les parties nord et sud de l’île, puis marché en direction du Rosédo. C’était là, entre le phare et le sémaphore, que se trouvait Kernigel. Située un peu en hauteur, la maison donnait sur l’estuaire du Trieux et l’archipel bréhatin. Son aspect était austère, sans terrasse ni jardin. Murs de pierre, petites fenêtres, toit d’ardoises. Elle se dressait au milieu d’une lande d’ajoncs, de ronces et d’herbes folles. Sa vie durant, sa mère s’était battue contre elle, s’acharnant à planter toutes sortes d’arbustes et de fleurs qu’elle commandait à grands frais sur le continent. En vain. Malgré la douceur du climat, les tempêtes et l’air salin en venaient à bout le temps d’un hiver. Au printemps, tout était à recommencer. Devant la porte principale, un ancien pavage résistait tant bien que mal, mais plus pour longtemps. Les dalles se descellaient et des pousses vertes poignaient parmi les joints.

Hier, Léo n’y avait pas prêté attention. Maintenant, dans la lumière de l’aube, il découvrait que Kernigel était comme piégé dans un inextricable enchevêtrement végétal. Ce qui n’était pas pour lui déplaire. Il n’avait jamais aimé jardiner, et le but de son séjour n’était pas de remettre la propriété en état.

Une seule chose importait à ses yeux : personne, hormis son notaire, son agent immobilier et Sibylle, bien sûr, ne savait qu’il possédait cette maison et qu’il était venu s’y réfugier.

*

Contrairement à ce que craignait Léo, sa présence à Kernigel ne suscita pas la curiosité du voisinage, pour la simple et bonne raison que les maisons étaient des résidences secondaires inoccupées la plupart du temps.

En revanche, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il s’entendit interpellé par son prénom, un matin en sortant de la supérette.

— Oh ! Léo !

Il se raidit mais ne se retourna pas. Il y eut un bruit de pas, et une silhouette surgit à ses côtés. Un homme, qui lui parut nettement plus vieux que lui, le regardait fixement.

— Tu ne me reconnais pas ?

— Non, je regrette…

— Franck… Franck Lenay.

C’était un nom qu’il n’avait pas oublié. Il scruta le visage et soudain la mémoire lui revint.

— Mais oui, bien sûr ! s’exclama-t-il. Excuse-moi mais ça fait si longtemps. Comment vas-tu ?

Il tendit la main que l’autre serra avec chaleur.

— Ah ! Voilà qui fait plaisir à entendre ! Quand je t’ai vu, je me suis demandé si je n’avais pas la berlue. Il faut dire que tu as une drôle d’allure avec ta pèlerine et ton chapeau de pluie.

Léo sourit sans répondre. Ce matin, comme le temps avait viré au gris et qu’il tombait un vilain crachin, il avait endossé une vieille cape de loden, retrouvée dans une armoire, et un feutre à larges bords. Affublé ainsi, il lui paraissait incroyable que son ancien copain ait pu l’identifier.

— Allons boire une bière chez moi, proposa celui-ci. J’habite juste à côté, derrière l’église.

Comment refuser ? À Rennes, c’était facile, on pouvait toujours trouver une échappatoire. Mais ici…

Il suivit donc Franck Lenay jusqu’à une petite maison de pêcheur sans prétention, sans doute l’une des dernières à ne pas avoir été achetée et transformée par un touriste.

— Tu es marié ? lui demanda Léo en s’asseyant à table.

— Non et toi ?

— Moi non plus. Mais j’ai une fille de dix ans, Lisa, qui vit avec sa mère. Je la vois de temps en temps.

— Et tu fais quoi, comme boulot ? s’enquit Franck en décapsulant deux canettes de Dremmwel.

— Journaliste, et toi ?

— Marin de commerce, en congé ces temps-ci.

— Et qu’est-ce que tu fais de tes journées ?

— Un peu de pêche de plaisance ; comme Bréhatin, je connais tous les bons coins. Mais surtout, je suis auteur de bandes dessinées et je viens de sortir mon premier album.

— Ah bon ! fit Léo, sincèrement épaté car il savait combien il était difficile de trouver un éditeur pour ce genre littéraire. Je te souhaite plein succès.

— J’ai bon espoir… J’ai été invité au Salon du livre de Bréhat qui ouvre ses portes le 28 juillet prochain.

— Un Salon du livre ici, sur l’île ?

— Oui, mon cher ! C’est le premier du genre et j’espère bien que ce ne sera pas le dernier ! Si des journalistes ou la télévision parlent de mon album, tu imagines la pub ? Ce serait un vrai tremplin pour moi.

— Effectivement, tu ne pourrais rêver mieux, répondit Léo d’un ton songeur.

Il revoyait Franck lorsqu’il était gamin et que son père le faisait trimer comme un esclave. En mer, tout le temps qu’il ne passait pas à l’école, et à terre pour la peinture, le ramendage, la réparation des casiers, le montage des lignes. Un gosse gringalet, vif d’esprit et qui se débrouillait bien en classe malgré toutes les corvées dont il était chargé. Et plus tard, un ado monté en graine que le travail avait musclé et qui, malgré sa minceur, en remontrait aux plus costauds. Léo et lui s’entendaient bien. Dommage que leur camaraderie se soit si tristement terminée…

Franck but quelques gorgées de sa bière.

— Tu ne m’as pas dit où tu habitais.

— À Rennes.

— Tu es ici en vacances ?

— En quelque sorte.

— Où est-ce que tu crèches ?

— À Kernigel, dans la maison de ma mère.

— Évidemment, suis-je bête ! Quand on a une pareille baraque, il faut en profiter. Tu ne t’y ennuies pas ? C’est plutôt désert, ce coin-là.

— T’inquiète pas pour moi, j’aime la tranquillité. En outre, j’ai sorti un livre intitulé Justice des Hommes. Quelque chose de lourd, de très documenté, un peu indigeste, je le reconnais…

— Rien à voir avec une BD ! s’esclaffa Franck Lenay.

— Chacun sa spécialité. J’ai commencé le deuxième tome. C’est pour cette raison que je suis ici. Je ne veux pas être dérangé ni qu’on me mette des bâtons dans les roues.

— Je comprends ça.

— Voilà pourquoi je te demande de ne parler à personne de nos retrouvailles ni de ma présence sur l’île. C’est très important pour moi.

— Tu as ma parole.

— Vraiment ? Je sais que quand on a bu un coup, la langue se délie facilement…

— Pas la mienne. Je te le répète, tu peux compter sur moi.

Le voyant en de si bonnes dispositions, Léo ajouta :

— Je ne veux pas non plus que tu viennes me voir ou que tu cherches à me contacter.

— D’accord mais je vais te filer mon numéro de portable au cas où… dit Franck en notant l’information sur un bout de papier. Tiens ! Si tu as besoin d’aide ou de quoi que ce soit d’autre, tu peux m’appeler à n’importe quelle heure, de jour comme de nuit.

— C’est gentil mais je ne pense pas que ce sera nécessaire. Maintenant, il est temps que je rentre chez moi, le travail m’attend.

Les deux hommes se levèrent et se serrèrent la main. Léo endossa sa lourde cape et enfonça son chapeau jusqu’aux oreilles car le crachin s’était brusquement transformé en pluie.

III

Une voix qui crie et qui crie et qui crie.

Des sons suraigus qui percent la nuit et la nuit et la nuit.

Qui les fera taire ?

Sibylle n’en pouvait plus. Elle avait besoin d’un répit, de silence, de sommeil. Léo devait prendre le relais. Il avait toujours tenu ses engagements et elle savait qu’elle pourrait compter sur lui.

De nouveau, des cris d’oiseau perdu déchirèrent la nuit et elle se précipita dans la chambre de Lisa.

— Réveille-toi, ma chérie ! Tu as fait un cauchemar. C’est fini, je suis là.

Elle secoua doucement la fillette pour la faire sortir de son nuage d’orage. Peu à peu, les hurlements faiblirent puis se turent. Les paupières se fermèrent, la tête dodelina et Lisa s’assoupit.

Sibylle jeta un coup d’œil à sa montre : quatre heures et demie. Dormirait-elle jusqu’au matin sans se réveiller ?

Tout à l’heure, elle éviterait de croiser ses voisins. Les gens de l’immeuble se plaignaient et elle les comprenait. Elle-même était à bout. Hier, elle s’était endormie au labo. Ses collègues qui étaient au courant de la situation lui avaient dit d’aller s’allonger dans la salle de repos. En rentrant chez elle, elle avait remis ça dans l’autobus. Sans le chauffeur, qui la connaissait et l’avait réveillée à sa station, elle aurait continué jusqu’au terminus.

Demain, elle téléphonerait à Léo et lui demanderait d’assumer son rôle de père.

*

En voyant le nom de Sibylle s’afficher sur l’écran de son portable, Léo fit une exception à sa décision de se couper du monde, et décrocha.

— Allô, Léo ! Je t’appelle parce que j’ai un problème avec Lisa.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Elle est malade ?

— En quelque sorte…

— Explique !

— Elle traverse une période un peu agitée et elle est en proie à des cauchemars qui la font crier et pleurer plusieurs fois par nuit. Je suis complètement épuisée.

— Ça se comprend. Demande à ton médecin de lui prescrire des calmants.

— C’est exclu ! Si on commence à prendre ce genre de cochonneries à dix ans, à quoi en sera-t-on réduit plus tard ? Je m’y refuse absolument.

— Tu as une autre solution ?

— Oui, j’aimerais que tu prennes le relais.

— C’est-à-dire ?

— Les grandes vacances débutent dans quelques jours et je voudrais que tu te charges de Lisa dès le début juillet.

— Je regrette mais c’est impossible.

— Pourquoi ?

— Tu as reçu le mail que j’ai envoyé à tout le monde après l’explosion de ma voiture ?

— Oui, mais je te connais trop bien pour croire que tu séjournes dans une maison de repos. Tu n’as jamais supporté ce genre d’endroits. Je suis sûre que tu t’es retranché sur ton île !

— Tout juste ! Mais je ne tiens pas vraiment la forme. Syndrome post-traumatique, selon les médecins. J’ai des crises au cours desquelles je revis l’attentat. Je perds la notion des choses et du temps, et n’ai aucune idée du spectacle que je peux donner. Mais ça ne doit pas être plaisant à voir. En tout cas, je ne veux pas que ma fille en soit témoin. Le neurologue affirme que cela s’atténuera et finira par passer. En attendant, j’ai besoin de calme, de repos et de solitude.

— Moi aussi !

— Demande à tes parents d’accueillir Lisa.

— Elle refusera. Elle sait qu’ils ne l’aiment pas vraiment. D’autre part, ils ne sont pas en bonne santé, eux non plus. Pour mémoire, je te signale que nous avons passé un accord tous les deux, à propos de la garde de Lisa, un week-end par mois et tout le mois d’août.

— Oui et je l’ai toujours respecté. Mais ce que tu me demandes aujourd’hui dépasse largement ce que nous avions convenu et je ne peux l’accepter.

— Dans ce cas, ce sera la colonie de vacances, déclara Sibylle d’un ton tranchant.

— Quoi ? Durant tout le mois de juillet ?

— Je ne vois que ça !

— Mais Lisa ne s’y plaira pas.

— Elle fera comme les autres, elle s’adaptera. Et elle n’en mourra pas.

— Tu n’as pas de cœur !

— Toi non plus.

Il y eut quelques secondes de silence et Léo en profita pour interrompre la communication et raccrocher.