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Un riche armateur rencontre son assassin à Concarneau...
Ce matin, il fait très beau sur la Pointe du Cabellou à Concarneau. Pas pour tout le monde ! Albert Langrois, riche armateur à la retraite ignore qu’il a rendez-vous avec son assassin. Le très bel héritage laissé derrière lui va susciter bien des idées chez ceux qui n’ont pas le goût du partage. Quitte à tuer ! Landowski est en arrêt maladie et se repose à Trévignon, mais bizarrement, le dossier Langrois échoue entre ses mains. Il n’en faut pas plus pour lancer le divisionnaire à la recherche de la vérité, en compagnie de ses acolytes préférés, Ange P. et Jim Sablon. Les secrets de famille n’ont qu’à bien se cacher ! C’est alors qu’on tire au fusil sur la voiture de Lorraine Bouchet, compagne du grand flic ! Fallait pas faire ça ! Ah non, fallait pas…
Partez à l'assaut de sombres secrets familiaux dans ce 31e tome des enquêtes trépidantes du commissaire Landowski !
EXTRAIT
— Celui ou celle qui tue se débrouille pas mal !
— C’est pour ça que je crois, et d’une, que ce n’est pas terminé et de deux, qu’il ne s’agit pas de meurtres ordinaires !
— T’as trouvé quelque chose ?
— Oui. Dans un cabanon en face de chez Albert, des mégots de cigarette récents. Dans le cendrier de la voiture de la fille, aussi un mégot. Même marque, même façon de l’éteindre.
— Donc le même zozo les deux fois !
— Apparemment !
— T’as visité la maison du vieux ?
— Le notaire m’a filé les clefs. Soit dit en passant, la succession ressemble à un casse-tête. Donc ça traîne. La maison est restée dans son jus comme on dit. Les collègues ont fouillé partout mais façon pêcheurs à pied.
Jim fronça les sourcils. Landowski précisa.
— Aux grandes marées, on soulève la pierre pour voir s’il n’y a pas un crustacé qui s’y cache puis on la remet en place !
— T’as remarqué quelque chose dans la baraque ? demanda Ange.
— Des souvenirs rapportés d’Afrique dans le bureau. Sinon l’intérieur habituel d’un retraité vivant seul.
— La scène de crime ?
— Comme dans le PV. La victime a fait face à son assassin puis, pour une raison qu’on ne connaît pas, elle lui a présenté son dos. Coup de couteau puis coups de marteau.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Serge Le Gall vit et écrit à Pont-Aven. Côté Enquêtes, il s’appuie sur son expérience professionnelle dans le milieu judiciaire. Côté Suspense, il aime bien jouer à cache-cache avec son lecteur. Le commissaire divisionnaire Landowski est son personnage fétiche...
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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
C’est une pomme. Une simple pomme.
Plutôt verte sur une face comme il est de coutume mais rouge, très rouge sur l’autre. Elle est posée sur le rebord de la fenêtre où la peinture du bois s’écaille, le reste des sépales en dessous et, vers le ciel bleu par-dessus les toits, le pédoncule dressé.
« Pomme de reinette et pomme d’api. »
Un petit vent de fraîcheur s’insinue par la fenêtre entrouverte et, quand un mouvement d’air tente de pénétrer à l’intérieur de la maison, le fruit mal à l’aise, tangue un peu mais résiste et refuse de basculer dans la pièce. Il lui faudrait choisir entre tomber dans le jardin ou rouler à l’intérieur de la cuisine. Tout le monde sait qu’il est parfois difficile de choisir.
Peut-être que pour une pomme…
Devant la maison nichée dans la verdure qui a pris ses aises au cours des années, quelques pins sont plantés là par le propriétaire pour briser les risées comme les coups de tabac. Le vent a tourmenté ces arbres pendant toutes ces années jusqu’à leur donner des formes improbables. Ils ont perdu quelques grosses branches lors des tempêtes et ils auraient pu tout aussi bien se faire déraciner lors d’épisodes climatiques musclés mais ils sont toujours là. « Plie mais ne rompt pas ! »
Plus loin, juste après le muretin de clôture mangé de lierre envahissant en diable, la route serpente en bord de mer. Ensuite, la cohorte des roches du trait de côte défend la presqu’île contre la submersion. Un jour peut-être, leur courage s’avérera bien insuffisant. À leurs pieds, le sable s’insinue dans les espaces libres puis la mer s’en amuse à la marée montante. Des jeux d’enfants à devenir mortels. Il faudrait être Moïse pour donner des ordres à la mer.
De la fenêtre à petits carreaux de la cuisine, on aperçoit les îles Glénan, cet archipel bien connu des voileux comme des pêcheurs. Une célèbre école de voile y a établi sa base depuis bien des lustres. La baie de Concarneau accueille tous les amoureux de la mer. Parfois les îles disparaissent derrière un voile gris qui en estompe les contours et il n’est pas interdit de croire apercevoir la silhouette d’un vaisseau fantôme au gréement martyrisé par les flots insolents. La brume sait bien entretenir le mystère comme la légende. Et c’est très bien ainsi.
C’est ça, les îles Glénan.
Là, au rez-de-chaussée de cette maison tranquille, au bord de ce chemin où il ne passe pas grand monde en hiver, le moment n’est plus à la rêverie, au calme ou à la sérénité. Hier encore, il n’y avait pas lieu de penser au châtiment. Aujourd’hui, les choses ont brutalement changé. Le drame a décidé de s’inviter en début de matinée et de forcer à boire la coupe jusqu’à la lie. Il est parfois des rancœurs tenaces que le temps ne parviendra jamais à effacer.
Non, le propriétaire de la maison tranquille n’a pas manifesté de surprise en ouvrant la porte, comme si cette visite faisait partie des événements inéluctables qu’il avait envisagés.
Non, il n’a pas refusé l’entrée de l’importun alors qu’il aurait pu l’interdire.
Non, il ne s’est pas posé de question en voyant les mains de l’intrus cachées dans des gants de peau.
Non, il n’a pas sauté de joie parce que la visite impromptue ne semblait pas de bon augure.
Non, il n’a pas senti autre chose qu’un parfum de mort.
La sienne.
Il s’est simplement dressé d’un bond, bousculant chaise et table dans son mouvement brusque. L’instinct de survie, ça existe vraiment et l’âge n’a rien à voir là-dedans. La seconde d’étonnement passée, il s’est rapproché de son bol de café presque froid avec un mauvais pressentiment. Cette visite-là était inattendue et ne pouvait pas être le fruit du hasard. Et puis, si tout cela finissait mal comme il pouvait s’en douter, il n’aurait peut-être pas le temps de le comprendre. Même si…
Non, on ne lui a pas laissé le temps.
Il a juste regardé au-dehors par cette fenêtre entrebâillée et la fine et longue lame de son propre couteau laissé sur la table s’est enfoncée sous ses côtes en remontant avant d’être retirée d’un coup de la plaie mortelle. La douleur a été si instantanée et violente qu’il est tombé à genoux sentant son corps fatigué abandonner la partie.
Puis il a basculé en avant comme un arbre que l’on abat.
Juste à cette minute précise, ses doigts hésitants et ensanglantés ont crissé sur le bord du tapis épais, tâtant et cherchant à saisir n’importe quoi, afin de créer un point d’ancrage et tenter de tirer le corps étendu auquel ils appartiennent.
« Tapis, tapis rouge. »
Une ombre discrète debout au fond de la pièce observe la scène. Plutôt la contemple, exulte puis jubile. C’est elle qui a apporté la pomme, l’a placée sur le rebord de la fenêtre en tournant sciemment la face rouge vers l’intérieur pour que le vieillard puisse la contempler un instant avant de voguer vers d’autres horizons. Lui qui aimait manger une pomme après avoir fait l’amour. Un signe alors ? De qui ?
Elle a même chantonné un peu cette ombre imprécise mais décidée. Le propriétaire des lieux a souri de recevoir ce curieux présent. Il ne savait pas encore que ce fruit défendu allait changer son statut. Et son avenir. Définitivement.
La respiration rauque et hésitante, il tente de ramper au sol et fait ricaner la silhouette qui fuit le soleil rasant du matin, préférant agir en secret et ne pas s’exposer.
Il y a quelques minutes maintenant, on est passé aux choses sérieuses et ceci explique certainement cela. D’une voix sourde, l’homme étendu tente de comprendre :
— Pourquoi, mais pourquoi tu me tues ? J’ai fait le nécessaire. J’ai mis les choses en ordre. Le problème est réglé. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?
Le moribond qui ne peut même plus relever la tête du tapis entend une sorte de ricanement, comme si on se foutait royalement de ses interrogations. Il comprend où tout cela va le mener d’une manière inexorable. Même si plus d’une fois il en a eu le mauvais pressentiment, il n’a jamais imaginé qu’il finirait, saignant comme un goret sur un tapis berbère bien fatigué.
D’une voix cette fois très affaiblie, il parvient encore à dire :
— Maintenant vous exigez que je meure pour laisser la vengeance faire son œuvre. Vous n’attendez plus rien d’autre de moi. Alors, ne me laisse pas souffrir. Va au bout. Ose…
Ces quelques phrases l’ont fatigué. Trop de mots. Trop de sens. L’air est en train de lui manquer cruellement. Son système respiratoire probablement transpercé n’est plus en mesure de répondre aux sollicitations. Un simple filet d’air qui siffle au sortir de poumons blessés n’offre plus qu’un sursis douloureux. Mais cette souffrance ne fait-elle pas partie du jeu cruel qu’on lui impose ?
Il ne s’agit pas ici d’une simple mais malencontreuse chute. Le vieil homme a été poignardé dans le dos faisant de lui une victime. La lame du couteau propre à essoriller les gorets a fait son chemin sous les côtes pour remonter au niveau du diaphragme et produire des ravages irréversibles. D’où cette respiration douloureuse et hésitante qui annihile tout effort envisagé. Effort qui serait vain parce que le pronostic vital est plus que sérieusement engagé.
Et le teint du visage vire peu à peu au gris cendre.
« Tapis, tapis gris. »
C’est vrai que la couleur des choses a tendance à s’estomper. C’est le signe qu’on s’achemine inexorablement vers la fin de la comptine.
« Cache ton poing derrière ton dos, »
L’homme étendu ne trouvera plus la force de faire le geste enfantin pour tenter d’échapper à son destin. Et même s’il le pouvait, serait-il épargné pour autant ?
« Ou j’te donne un coup d’marteau. »
Les adultes ne savent plus faire la part des choses. Rire, chanter, faire la ronde comme en maternelle et se quitter bon amis. Ce serait tellement bien. Mais c’est cruellement impossible.
Voilà que nous approchons de l’heure précise du crime. C’est à cet épilogue bien sauvage qu’on arrive à la fin des fins. Il ne peut en être autrement. La silhouette qui se cache est venue au Cabellou pour cela et le retour en arrière n’est plus envisageable. Comme s’il fallait mettre un terme brutal et respecter béatement la chanson enfantine.
Pourtant le moribond n’a plus longtemps à vivre. On pourrait le laisser souffrir là, et s’éteindre dans la matinée comme une bougie consumée par une flamme avide simplement pour corser la cruauté et magnifier la vengeance. Mais il y a un risque. Pour tenter de sauver le bonhomme, il faudrait que les secours arrivent maintenant. Et s’ils constataient leur impuissance devant la mort en marche, ils pourraient recueillir in extremis des confidences désagréables au regard de tout ce qui sous-tend cet acte criminel.
Et ça, ce n’est pas envisageable, hein ? Non bien sûr ! Ce serait jouer avec le feu alors qu’il ne s’agit là que de l’acte fondateur de l’histoire à venir. Les enquêteurs et les criminels se croiseront peut-être. Les bons et les méchants, c’est aussi dans l’ordre des choses. Encore faudrait-il comprendre. Et ça…
— Une histoire à dormir debout ! dit tout à coup la voix inconnue. Et à se rouler par terre ! Pauvre pomme.
Le bras vengeur dresse l’outil au-dessus de la victime annoncée qui ne parvient même plus à hurler sa peur et oser sa vaine supplique. Le gisant pressent que le pire est à venir mais, face contre terre, il ne peut rien voir. Cela vaut mieux, son bourreau n’accordera pas de sursis.
Le geste fait trembler la main gantée qui serre le manche de bois et l’outil pèse un peu. Pas si facile de tuer, hein, quand on entend la respiration rauque et probablement implorante de la victime ? Mais on est venu pour ça. Impossible de revenir en arrière. Fallait y penser avant. Fallait réfléchir. Fallait…
Fallait décider. Ça, c’est fait !
« Boum ! »
Le bras se relève et frappe encore…
On n’imagine jamais la vision que l’on peut avoir si on ose regarder. Ni le son impossible de ces odieux craquements, ni ce tremblement qui remonte dans le bras meurtrier. C’est quand même la vie d’un autre qui est en train de s’enfuir à jamais. Même par choix déterminé, ce n’est pas rien de passer du statut d’innocent à celui de criminel !
Et la pomme dans tout ça ?
Le fruit rouge et vert posé sur le rebord de la fenêtre vient d’être témoin de l’horrible scène. Il en tremble même. Non, non, c’est le courant d’air. Il pourrait, peut-être, se mettre à parler. Mais jusqu’où irait-on si l’on se mettait à croire ce que raconte une pomme ?
La main qui a tué claque la porte en sortant. La pomme oscille sur son rebord de fenêtre puis progresse de quelques centimètres avant de basculer à l’intérieur de la pièce.
Elle roule tout près du corps inerte jusqu’à cette flaque de sang épais qui longe le bord du tapis et interrompt sa course. À y bien regarder, le côté vert du fruit est passé au rouge.
— Mais qu’est-ce que tu fabriques encore ?
On n’aurait pas pu affirmer qu’il n’y avait pas un peu de reproche dans cette question à l’emporte-pièce.
Lorraine Bouchet, la compagne magistrate du commissaire venait de faire quelques pas dans le séjour, les poings sur les hanches. Pull à col roulé tombant sur un pantalon de jogging molletonné. Couleur beige pour le buste, gris perle pour le bas. Chaussons fantaisie donc en couleur et lunettes de soleil en guise de serre-tête. Look décontracté pour la magistrate habituée à s’habiller en sombre d’une jupe droite et d’une veste courte sur un chemisier blanc. La fonction prime parfois sur la personne. L’uniforme aussi.
— Tu te la joues Arletty, p’têt ! balança Landowski la bouche de travers pour accentuer son propos.
D’un geste vif, le policier referma la chemise bleue en plastique, masquant ainsi le document qu’il était en train de consulter et il posa le dossier sur l’assise du canapé en cuir vieilli déniché dans une brocante par la propriétaire des lieux.
— Disons que je m’occupe, ajouta Landowski en guise de réponse qui n’en était pas une…
Lorraine ne le lâcha pas :
— Disons plutôt que tu t’ennuies !
Le commissaire divisionnaire avait l’habitude. Sa compagne aimait bien le titiller. Joute habituelle entre la petite abeille et le gros bourdon.
Il haussa les épaules en soupirant.
— Mais non, mais non !
Il monta son bras droit vers son cou puis il montra de l’index une couronne noire qu’il portait.
— Ben je sais bien que tu as une minerve ! dit-elle vivement. Ce n’est pas de ma faute si tu es forcé d’essayer de la garder toute la journée. Voilà où ça mène de jouer les pilotes de bolide !
— Mais enfin, Lorraine ! Je ne conduisais pas et d’une ! J’étais en service commandé et de deux ! J’étais au boulot. Pas sur un circuit automobile !
— Parfois, vous les flics, vous aimez bien rouler des mécaniques !
— Pour forcer le respect des badauds innocents !
— En appuyant sur le crayon à casser la mine !
Landowski secoua la tête et expliqua :
— La DGSI assurait l’encadrement d’un transfert de terroristes de Fleury vers le Palais de Justice où tu sévis habituellement. Le patron m’avait demandé de prendre la direction des opérations vu que les mecs à convoyer n’étaient pas du menu fretin.
— Donc fallait du lourd…
Elle rit puis elle relança :
— Et alors ?
— On a filé dans l’Essonne avec deux bagnoles. Les hommes du RAID étaient présents sur zone ainsi que les fourgons, les motards. Le déploiement habituel. Les deux détenus venaient d’être extraits de la tripale.* Avant la rénove, ils logeaient au D4, réservé maintenant aux VIP. Chais plus laquelle que c’est aujourd’hui !
— On s’en fout. Et puis ?
— Ben on a pris la route, tranquillou ! Les motards et les deux-tons, ça fait bien le ménage devant. On avait une belle Merco attribuée au service par les douanes suite à une saisie. La bagnole avait un joli chiffre au compteur vu qu’elle avait servi au go-fast Marbella-Paris pendant une période. Elle était restée très classe tout de même. Les trafiquants sont assez luxe et propreté ! Ils sont pour le paradoxe !
— Et ensuite tu trouves le moyen de te faire le coup du lapin pendant une simple balade en ville !
Landowski soupira avant de tenter d’expliquer :
— On était presque arrivés ! On suivait le deuxième fourgon du RAID. À distance réglementaire quand même ! S’agit pas non plus de coincer les portes arrière et de laisser une partie des archers enfermés dans la nasse ! Sinon, j’te dis pas la gueule qu’on te fait au final !
— On dirait un long-métrage ton histoire…
— Tu veux savoir. J’te dis. C’est simple non ? Le commandant Lébovic conduisait. On a travaillé ensemble déjà. J’étais assis côté passager, le flingue posé entre les cuisses. Quand ça tape, il faut que l’arme arrive en main en une seconde. Pas avant pour ne pas avoir un geste malencontreux. Facile à comprendre !
— Et pas de ceinture bouclée bien sûr !
Landowski se redressa.
— Pour rester ficelé sur le siège et se faire poinçonner ? Mais tu rigoles ! Sinon faudrait toujours avoir un poignard de commando à portée de main pour trancher la ceinture de sécurité !
— Mais qu’est-ce que c’est encore que cette idée ? lança la magistrate en fronçant les sourcils.
— Les pilotes de l’aéronavale en ont toujours un glissé dans une poche extérieure de leur sacoche, juste sur le côté. Si tu te crashes et que tu es encore vivant bien sûr, une lame large et bien aiguisée peut t’épargner de griller dans l’incendie ! Un zinc au tapis, ça crame grave !
Manifestement, Lorraine s’impatientait :
— Et la fin de l’histoire…
— Tout à coup, le car devant nous a pilé et Lébovic a fait pareil mais pas la voiture suiveuse. Forcément, ça a tapé !
— And the winner is ?
— Ben moi ! J’ai instinctivement mis un bras en avant pour me protéger, l’autre serrant le côté du siège. Du coup, j’ai vrillé. Mon dos a absorbé le choc, assez violent faut dire, et mes cervicales en ont pris pour leur grade !
— Heureusement que ton arme de poing…
Lorraine se mit à rire.
— Oh ça va hein ! réagit le policier. Y avait le cran de sûreté quand même et le canon était dirigé vers le tableau de bord ! Je ne risquais rien !
— Alors on peut dire ouf !
Landowski s’irrita :
— Mais qu’est-ce que tu vas chercher ? C’était juste un accrochage banal. Il n’y a pas eu d’accident et on vous a livré les mecs comme prévu…
— Il a quand même fallu, que le commandant Lébovic t’oblige à quitter les lieux pour aller passer une radio !
— Mais j’avais pas mal !
— Que tu dis !
— J’avais rien de cassé.
— Juste un déplacement de vertèbres avec pincement de nerf, étirement des muscles du cou, retentissement à l’oreille interne, risque de paralysie faciale et autres babioles !
— Après les malfrats m’auraient surnommé Lando la grimace !
Lorraine soupira.
— Faut toujours que tu minimises, RoboCop !
— J’vais pas geindre toute la journée pour une peccadille de ce genre ! C’est quand même rien, si tu visionnes le film !
— Sauf que le médecin, t’a donné un arrêt de travail pour quinze jours, et plus si ça ne rentre pas tout à fait dans l’ordre. Et si je t’ai proposé cette escapade en Bretagne, c’est pour que tu te reposes !
Lorraine s’emballa :
— Mais Môssieu rêve déjà d’aller courir la campagne après je ne sais quel hypothétique assassin. Voire des moulins à vent ! Ne cours pas après non plus ! Tu ne peux pas régler toutes les affaires à toi tout seul, tu le comprends ça ?
— Tu sais que t’es assez drôle parfois ! Je fais mon boulot. C’est tout.
— J’sais bien mais pense un peu à toi de temps en temps. Moi je repars mardi matin pour Paris et je reviens vendredi soir si tout va bien. Sauf s’il y a un événement grave. Maintenant c’est comme ça. La vie quotidienne ne peut plus être tout à fait la même quand tes proches ne rentrent pas le soir.
Elle serra les lèvres et ajouta :
— Profite d’un peu de calme. Va te promener. Repose-toi !
— J’ai kiné mardi !
— Tu vas pouvoir te détendre un peu, ça te fera du bien !
La magistrate s’approcha de Landowski à lui toucher les mollets puis elle se pencha et posa ses mains sur les genoux du superflic. Ce faisant, son buste avait accompagné le geste et réduit l’espace entre eux deux.
— Cette maison, dit-elle lentement, je l’ai achetée pour que nous y soyons heureux ensemble. Face aux îles Glénan puisque tu en rêvais.
— Mais j’ai rien dit. C’est toi qui…
— Tu disais tout le temps que si tu restais à Paris le week-end, il y aurait toujours un officier de permanence à la direction ou au ministère pour te charger d’une mission un dimanche matin à l’aube, faute d’avoir quelqu’un d’autre sous la main.
Lorraine se releva mais sans reculer.
— Tu sais que ça m’est arrivé plus souvent qu’à mon tour ! avoua le policier en esquissant une sorte de sourire.
— Façon saint-bernard !
Landowski ne contra pas et continua :
— Il y avait Jim, Ange, ou les deux ! Heureusement !
Peut-être bien qu’il avait volontairement ajouté cette précision. Comme c’était déjà affiché, la magistrate s’exclama :
— Ah ça y est ! Voilà les deux potes du divisionnaire qui entrent en scène ! Un qui sait tout et l’autre qui découche !
— Mais oui, Madame ! Ce sont de vrais amis ! Pas des relations de voisinage à la « j’te croise et j’t’oublie ». Non, non. J’peux compter sur eux.
— Des boy-scouts !
— Ils sont capables de te faire un petit trou au front à cinquante mètres !
— Tu m’l’as dit !
— Si je te disais qu’une fois en Afrique… Lorraine grimaça.
— … ils t’ont sauvé la mise ! Je connais déjà l’histoire mon p’tit père ! Tes enfants, quand tu te décideras à m’en faire, n’ont pas fini de l’entendre !
Landowski se carra dans le siège.
— J’aime bien en reparler de ce souvenir-là. C’est comme si je me sentais encore plus vivant !
Il laissa passer une poignée de secondes puis il reprit :
— On était assis sur un banc dans le patio. Tous les trois. On ne parlait pas. Comme pour ne pas briser le charme. L’avion de Paris devait arriver vers cinq heures à La Sénia avec du pastis et de la fourme d’Ambert dans la soute. Y avait toujours un pote à rentrer le dimanche avec des munitions.
Il regarda Lorraine qui restait stoïque et continua :
— On percevait le bruit discret d’un filet d’eau coulant dans la vasque. Ombre et silence. Il y avait de grosses oranges prêtes à être cueillies dans les arbustes. De la variété Thomson chère au père Clément. Un jus de fruit inoubliable.
— L’inventeur de la clémentine. Celle-là, je la connais aussi.
— Ben continue à ma place…
— … et un fou furieux est passé par le toit pour te tirer dessus.
— Pas que ! Sur nous trois ! Je n’avais pas d’arme de poing sur moi, ce qui n’arrive plus jamais aujourd’hui.
— Mais Ange si !
— L’autre fondu s’est cru dans un western. Il a avancé avec un fusil à canons sciés. On a bien cru qu’on allait se manger une tartine de plomb pour notre quatre-heures et…
— … Ange l’a poinçonné. C’est le mot que tu emploies d’habitude.
— Entre les deux yeux. Tir doublé. Garanti Ketchup ! Il ne rate jamais sa cible parce qu’il aime ça !
Landowski se redressa.
— Chacun son tour. Le mieux placé tire le premier. Ensuite on voit. On doit une fière chandelle à Ange. Une autre fois, je lui ai sauvé la mise. Jim aussi et…
Lorraine souffla bruyamment.
— Dis Lando, épargne-moi ton dimanche matin dans une tour à Grigny et ton premier de l’an à Sarcelles ou je ne sais quoi d’autre comme épisode. Je les connais par cœur toutes tes aventures de flic de banlieue ! Je précise que c’est un peu limite parfois question légalité ! Les mandats, tu t’en fiches toujours autant.
Elle regarda ses chaussons puis elle ajouta doucement :
— Et à cette époque, ce n’était pas moi… dans ton lit.
Landowski toussota, gêné.
— Euh, c’est toi qui m’as branché sur les souvenirs !
— Mais bien sûr !
— Je suis bien avec toi, tu sais !
Lorraine écarquilla les yeux puis elle écarta les bras en faisant le V de la victoire.
— Waouh ! Je ne m’attendais pas à ça ! Un aveu du grand loup solitaire ! C’est rare ! Il va pleuvoir des pianos et des roues de bagnoles comme dit l’autre !
Landowski secoua la tête en grimaçant. Il n’appréciait pas tellement la remarque un tantinet railleuse.
— Ne regrette pas de l’avoir dit Lando, ça m’a fait plaisir ! dit Lorraine de peur de l’avoir froissé. Tu n’es pas très expansif sur le sujet. Alors, un cri du cœur comme celui-là, je prends !
Il y eut tout à coup comme un moment partagé d’une intimité secrète, quelque chose qui est là, qui ne se dit pas et qui frôle à faire du bien.
— Tout à l’heure, je ne m’ennuyais pas, laissa tomber le policier.
— Et tu faisais quoi alors ?
Elle désigna la chemise bleue.
— C’est bien un dossier que tu as là si je ne m’abuse ? Tu n’apporterais pas du boulot à la maison par hasard ?
— Mais comme toi !
Réponse cinglante que Lorraine ne pouvait pas parer sans jouer la mauvaise foi puisqu’elle ne partait pas en week-end avec un simple sac à main mais aussi avec des dossiers sous le bras.
Elle prit un chemin de traverse.
— J’espère que tu n’as pas encore dégoté une jeune femme à secourir !
Le divisionnaire feint la surprise.
— Si si ! Ça s’est vu ! continua-t-elle. L’une nue sur un canapé et l’autre te rendant visite pour implorer ta protection ! D’autres exemples ?*
— Rien de semblable ! D’ailleurs, si tu n’as rien repéré dans le journal à la rubrique des faits divers, c’est qu’il n’y a pas de nouvelle affaire dans le coin…
— Tsss, tsss ! Je me méfie des évidences. Dans nos métiers, c’est une règle d’ailleurs ! On est là depuis deux jours. Pour une fois, on peut profiter discrètement. La DGSI va te foutre la paix vu que le médecin ne te considère pas comme étant opérationnel pendant deux semaines au minimum. Et puis, il t’envoie faire un contrôle ORL avant de reprendre. De mon côté, mon patron, le Procureur général, semble vouloir et pouvoir respecter mes week-ends. Sinon, il faudrait qu’il me trouve un avion pour que je rentre dare-dare. Ce qui ne manquerait pas d’irriter Bercy à cause de la facture.
— Peut-être qu’il hésite encore sur la sorte de grain qu’il souhaite te donner à moudre ! Il est tout neuf dans le poste ! C’est normal qu’il réfléchisse !
— Qu’il continue un peu comme ça. Je ne vais pas lui en vouloir. Y a pas de souci.
Lorraine plissa les yeux et, sérieusement, reprit :
— Tout à l’heure, tu as employé le terme d’affaire nouvelle, dit-elle d’une voix doucereuse.
— Et bien ?
— Tu as l’habitude de peser tes mots pour une enquête en cours. Donc celui-là, tu l’as employé à bon escient pour ne pas mentir. Ce qui veut dire que le dossier en question n’est pas récent.
— Bien vu Madame la magistrate ! Pas encore cold case comme affaire puisque les faits se sont déroulés il y a un an à peine mais les enquêteurs ne trouvent rien à se mettre sous la dent.
— Et on n’en a pas eu vent à l’époque ?
— Comme quoi je ne me rue pas comme un forcené sur la moindre affaire qui traîne dès que j’arrive en Bretagne !
Lorraine se redressa prête à combattre.
— Parce que j’ai dit ça ?
— Tu aurais bien pu le penser, tu vois !
La magistrate secoua la tête en soupirant.
— Et il s’agit de quoi au juste puisqu’on y est ?
— C’est Ange qui m’a branché dessus.
— Ah, Ah ! Forcément lui ! Il est courant de tout puisqu’il fourre son nez partout.
— C’est pas différent des cabinets de la magistrature. Il y a toujours des dossiers qui traînent sur un coin de bureau.
— Rectificatif, Lando ! On en a beaucoup mais ils ne traînent pas. Ils sont répertoriés, classés, ordonnés mais les moyens financiers et humains ne suivent pas la courbe de la délinquance !
— Si tu veux ! Donc Ange est tombé sur la chemise bleue…
— … et il te l’a glissée dans ton sac pour te faire une surprise ! Comme les carabins fourrant la main d’un cadavre dans la poche de la blouse d’une étudiante arrivée la veille !
— Pas terrible la comparaison, Lorraine ! Non, non. Il ne m’a pas fait un coup en douce. Il a pensé que ça pouvait m’intéresser parce que les faits se sont passés au Cabellou, donc à proximité, et comme j’allais avoir un peu de temps pour y réfléchir…
— … de notre lieu de villégiature ! Ben voyons !
— Il m’a suggéré de l’emporter et…
— Tu l’as prise évidemment !
Lorraine soupira.
— Ton collègue et ami Ange P., il aime ma cuisine mais il salope ma salle de bains comme un setter irlandais !
— Il serait content d’entendre ça !
— Je n’ai pas peur de le lui dire ! Donc deux bonnes raisons pour souhaiter que son copain Lando lui propose un petit break avec embruns et plateaux de fruits de mer à la clé ! Si tu mets ton nez dans l’affaire, il espère que tu auras besoin de collaborateurs zélés qui devront se rapprocher physiquement du boss pour être plus efficaces ! Mais pourquoi vous n’ouvrez pas une officine privée pour régler en sous-main les affaires un peu scabreuses ?
— Scabreuses ?
— De celles qui tournent en ce moment sur les réseaux occultes ou sociaux par exemple ! C’est plutôt lucratif…
Landowski secoua la tête.
— On ne quitte le service de l’État que quand il vous met dehors ! Et puis tu nous vois passer notre temps en Afrique auprès de ministres chamarrés et de présidents à vie ! Triste reclassement pour des fonctionnaires de police de notre trempe !
— On a vu pire !
Lorraine grimaça.
— Tiens, je suis persuadée qu’il en a déjà informé le second larron, en l’occurrence Jim Sablon, le tombeur de ces dames, pour qu’il ne parte pas en week-end avec sa dernière conquête ! Y aurait peut-être mieux à faire, des fois que le divisionnaire sonnerait du clairon pour rappeler ses troupes !
— Mais qu’est-ce que tu vas chercher ! Ange, il œuvre pour le bien public tout simplement. Jim, pareil ! C’est quand même bien notre boulot de solutionner les affaires.
— Résoudre !
— Si tu veux !
— Et pourquoi donc ce dossier se trouvait-il à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure à Levallois-Perret ? Pas sa place à mon avis. À moins que ce ne soit qu’un simple effet du hasard.
— J’en sais rien pour l’instant. Je vais bien finir par comprendre. D’où l’intérêt de creuser un peu.
— Ben voyons !
Elle s’assit sur le canapé et soupira comme si elle n’avait plus le choix des armes.
— Alors ça parle de quoi ton dossier secret ? Landowski aurait bien bombé le torse puisque Lorraine venait de céder un peu de terrain mais il s’en abstint. Les équilibres sont parfois si fragiles…
— C’est un crime !
— Non élucidé donc puisqu’on en parle !
— Coup de couteau dans le dos pour commencer et coup de marteau sur le crâne pour finir.
— Comment le sait-on ?
— Selon le rapport du légiste versé au dossier, le couteau appartenait à la victime et a été retrouvé sur place mais pas le marteau. L’enquête est toujours en cours mais, pour l’instant, on est dans le black le plus total !
Landowski sortit le paquet de photos de l’Identité Judiciaire et les tendit à la magistrate. Lorraine en regarda rapidement les premières.
— La victime paraît être d’un certain âge, jugea-t-elle aussitôt.
— Le bonhomme avait quelques heures de vol.
— Plutôt grand et mince…
— On maigrit parfois avec l’âge…
Lorraine lui jeta un regard noir et le flic esquiva aussitôt.
— Je ne faisais allusion à rien de précis.
— T’as intérêt.
Elle baissa les yeux vers un autre cliché.
— Moustache blanche mal taillée, dit-elle d’une voix monocorde. Une barbe naissante façon bagnard. Il n’a peut-être pas eu le temps de procéder au rasage journalier.
— Exact ! Les faits ont dû se dérouler en tout début de matinée. Un homme de cet âge ne traîne pas au lit jusqu’à midi. Les câlineries d’après petit-déjeuner s’estompent peu à peu…
Lorraine regarda son compagnon d’un drôle d’air.
— Vers quel âge à peu près ? demanda-t-elle, le regard en dessous.
— On n’y est pas encore si c’est ce que tu veux que je dise !
Ils se mirent à rire très fort comme s’il leur fallait se débarrasser d’une tension soudaine. Puis le commissaire reprit :
— Selon le légiste, l’homme que tu vois mort sur les photos avait juste pris un café noir et des biscottes à la confiture…
— De ?
— Fraises de Plougastel ! C’est important ça ?
— Ce n’est quand même pas à toi que je vais l’apprendre !
— Le pot est resté ouvert sur la table de la cuisine ainsi que le paquet de biscottes. Le couvercle de métal du bocal a été retrouvé sous la table. Il avait dû rouler.
— L’homme ne l’avait pas ramassé ?
— Je crois plutôt qu’il n’en a pas eu le temps. Le meurtrier est…
— Ou la meurtrière !
— Terme générique pour moi. Pas sexué, de façon à ne fermer aucune porte. La victime a dû avoir de la visite juste au moment où il prenait son petit-déjeuner.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Il n’avait pas fini son café et il y avait un peu de liquide renversé sur la table.
— Il s’est levé précipitamment ?
— Je crois plutôt qu’il s’est dressé d’un coup et peut-être a-t-il heurté la table. D’où le café renversé et la fuite du couvercle du pot de confiote !
— Le visiteur est entré sans s’annoncer et du coup son arrivée lui a paru hostile. C’est ça ton idée ?
Landowski ouvrit les bras pour marquer l’évidence.
— Si elle avait apparemment eu un caractère amical, l’homme aurait servi un café en guise de bienvenue et il y aurait eu une deuxième tasse sur la table, l’assassin différant un peu l’acte criminel si celui-ci était au programme.
— Ça n’exclut pas que la victime connaissait le meurtrier !
— Non bien sûr. Ça veut juste dire que, si c’était le cas, les relations n’étaient pas au beau fixe. Mais il peut s’agir tout autant d’une intrusion brutale et d’un acte qui l’est devenu tout autant en quelques minutes.
— La verseuse ?
— Replacée dans la cafetière électrique. Celle-ci débranchée.
— Peut-être remise en place et éteinte par le meurtrier.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demanda encore Lorraine en fronçant les sourcils.
— Un homme de cet âge et vivant seul n’avait certainement pas pour occupation principale d’essuyer journellement la machine à café !
— Parce que c’est ce qui a été constaté ?
— On a passé un coup de chiffon sur le verre de la verseuse et sur la poignée comme pour effacer d’éventuelles d’empreintes digitales parce que c’est précisément sur le verre qu’elles sont parfaitement identifiables !
— Mais on n’a pas vidé le café restant ?
— Eh non ! Le propriétaire des lieux aurait pu penser à le faire. Pas un intrus.
— Drôle d’inconnu qui replace la verseuse essuyée et qui éteint la cafetière !
— Un geste machinal peut-être mais pourquoi pas délibéré si on veut éviter que l’appareil ne mette le feu à toute la maison !
— Il avait largement le temps de disparaître avant l’incendie !
— Ou alors, c’était quelqu’un qui avait ses habitudes dans la maison. Il avait peut-être une aide-ménagère pépère !
— Et elle aurait décidé d’en finir avec son employeur en utilisant d’abord un grand couteau qui traînait sur la table puis de sortir un marteau qu’elle trimballe habituellement dans son sac à main pour lui en filer deux coups sur la calebasse !
Le policier et la magistrate se regardèrent sans rien dire. Il manquait des pièces au puzzle, et pas qu’une !
— Et la chaise ? demanda Lorraine.
— Repoussée sous la table mais pas sur le bon côté.
Elle fronça les sourcils comme si elle attendait un complément d’information.
— Sur les photos, continua Landowski, on voit le dossier de la chaise en question. Le bol de café est bien posé devant mais si tu regardes le couteau comme la cuillère, tu vois que les manches sont parallèles à la chaise et non pas perpendiculaires comme ils auraient dû être.
— Important ?
— La chaise a basculé quand l’inconnu est entré. Le retraité s’est levé d’un bond probablement pour s’approcher du quidam et lui intimer de foutre le camp.
Landowski sortit un plan de la pièce et le tendit à Lorraine.
— Là, la table fait face à la porte et à la télé. Derrière, le plan horizontal du buffet avec la cafetière et le bol et les couverts dans l’axe.
— Et la suite, tu vois ça comment ?
— La victime en puissance se lève brusquement. Le bol vacille. Quelques gouttes de café coulent sur la toile cirée. La chaise bascule en arrière et…
— Ils se font face. La discussion s’envenime. Le voisinage a entendu quelque chose ? Des cris ? Des appels à l’aide ?
— Rien de tel au dossier.
— Les circonstances du crime ?
— Un coup de couteau à large lame au niveau du plexus mais donné dans le dos sous les côtes.
— Dans le dos ? s’étonna Lorraine. Ils n’étaient donc pas face à face.
— On l’a fait se retourner !
— Fallait une bonne raison. Se lever brutalement indique la colère, la peur et l’opposition, quelque chose comme ça. Donc on se fait face.
— Sauf si le visiteur indique quelque chose à l’autre ou détourne son attention. Un truc qui se situe derrière. Ou quelqu’un à la fenêtre. N’importe quoi, en fait. Le but étant que la victime présente son dos à la lame.
— Fallait savoir qu’elle était là.
— L’utilisation du couteau n’était peut-être pas prévue au départ. Il avait apporté un marteau. L’assassin s’est servi de la lame puisqu’elle était sous ses yeux.
— Un complice ?
— Pas exclu !
— Mais alors, le couteau, il est précisément où à ce moment-là ? demanda Lorraine.
— Probablement dans le tiroir de la table. On a constaté qu’il était entrouvert. Ou même posé sur la toile cirée.
— Sinon faut faire vite pour le trouver, s’en saisir, le sortir du tiroir et faire un pas pour le planter dans le dos de la victime ! L’autre n’est quand même là à attendre patiemment de se faire embrocher !
— Pas sûr ! Un homme seul peut très bien laisser le tiroir ouvert s’il n’a pas une compagne pour le lui reprocher. Peut-être même qu’il venait de s’en servir du coup, l’arme étant à disposition, ça devient un geste opportuniste…
— De quoi étayer la thèse d’une visite fortuite et d’un crime de rôdeur.
Landowski hésita.
— Qui se serait enfui sans rien emporter…
— Parce qu’il était venu pour autre chose tout simplement.
— Mais en essuyant quand même la poignée de la cafetière et en la débranchant…
Lorraine et Landowski se regardèrent laissant la discussion se décanter un peu puis la magistrate fit glisser les autres clichés.
— La suite n’est pas très ragoûtante, dit-elle en grimaçant.
Le commissaire soupira.
— Pas vraiment non. Après le coup de couteau, la victime a dû s’écrouler face à la fenêtre et sur le tapis. On voit qu’il a épongé l’hémorragie.
— En partie ! Les traces de sang sont visibles aussi sur le carrelage. On dirait que la victime a rampé.