Le Loup gris de Scaër - Serge Le Gall - E-Book

Le Loup gris de Scaër E-Book

Serge Le Gall

0,0

Beschreibung

Le commissaire Landowski réussira-t-il à relier ces deux affaires ?


Scaër. Forêt domaniale de Coatloc’h
« Sage, Loup, sage ! » ordonne l’inconnu d’une voix ferme à l’animal gris assis contre sa jambe.
Dix ans après l’attaque terroriste du World Trade Center de New York, une jeune fille inconnue est allongée dans l’herbe humide de l’aube. Elle est venue trouver sa mort un matin de septembre en Bretagne. Comme pour grossir le trait, de nouveau dix ans plus tard, une seconde jeune fille disparaît à la même date.
En repos à Trévignon, le commissaire divisionnaire Landowski, qui ne croit pas aux coïncidences, s’empare des deux affaires. Accompagné des magistrates Lorraine Bouchet et Angelina Lafos ainsi que des policiers Ange P. et Jim Sablon, il va tenter de dénouer les fils de cette étrange affaire.
Aider son prochain fait parfois entrer dans la spirale du crime. Il est plus judicieux de craindre les humains que d’avoir peur du loup !


Une nouvelle enquête du désormais célèbre commissaire Landowski !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Dans la collection Pol’Art, l’auteur vous a proposé de suivre les tribulations du détective Samuel Pinkerton. Dans la collection Enquêtes et Suspense, il vous invite à découvrir ici la 32e enquête du désormais célèbre commissaire divisionnaire Landowski. Serge Le Gall est membre de l’association “L’assassin Habite Dans Le 29”.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 224

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Page de titre

AVERTISSEMENT

Pour respecter la cohérence de l’histoire et dans un souci de discrétion, le lieu réel du stage de formation suivi par le commissaire divisionnaire Landowski, le commandant Ange P. et le capitaine Jim Sablon a été virtuellement déplacé dans la forêt de Coatloc’h située sur la commune de Scaër.

Les matériels, les techniques et les procédures employés durant ce stage relevant du secret-défense, l’auteur n’est pas habilité à en détailler le contenu précis.

Ce centre de formation spécialisé au tir et aux méthodes d’intervention adaptées à l’évolution de la criminalité, a reçu l’agrément du ministère de l’Intérieur. Il se situe… quelque part en Bretagne.

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

PROLOGUE

Forêt de Coatloc’h. Scaër. 11 septembre 2011. 8 heures 46

C’est une belle jeune fille.

Elle est allongée dans l’herbe à quelques mètres à peine de l’entrée du champ sur la gauche de la Maison des Sabotiers.

Soigneusement déployée sous elle, une couverture à carreaux, une sorte de plaid coloré qu’on trouvait souvent sur les sièges des voitures des années soixante. À cette époque, on avait soin de protéger l’intérieur du véhicule dont la facture avait réclamé bien des heures de travail.

Ses longs cheveux blonds s’échappant d’un fichu vert débordent de la couverture et coulent harmonieusement dans l’herbe comme si quelqu’un les avait disposés ainsi. Elle porte un corsage blanc aux manches brodées et une jupe ample dans les tons verts, ornée de motifs rouges et bleus. Les mollets sont dénudés jusqu’aux genoux que l’on devine à peine à la lisière du tissu. Ses pieds nus sont glissés dans des sandales à lacets de couleur beige.

Elle se repose ?

Non. Elle est morte.

I

Le commissaire divisionnaire Landowski de la Direction générale de la sécurité intérieure pénétra dans le bâtiment tout neuf de la Direction régionale de la police judiciaire parisienne par l’entrée principale donnant sur la rue du Bastion. Fini, les 148 marches du 36 Quai des Orfèvres recouvertes d’un vieux linoléum où se croisaient fonctionnaires, cadors de la pègre et assassins cyniques. La brigade antigang (BRI) et ses 120 membres avaient récemment investi le rez-de-chaussée pour en faire leur garnison. Fin de l’histoire, vive la légende !

Landowski était déjà entré dans le nouveau siège par le sous-sol après avoir emprunté le tunnel de communication creusé depuis le nouveau Palais de Justice. Une ancienne emprise ferroviaire avait fourni le terrain.

Lorraine Bouchet, sa compagne magistrate, avait occupé un poste important auprès du président du tribunal judiciaire de Paris dès l’ouverture du nouveau bâtiment. Aujourd’hui elle émargeait à la section J2 de la 3e division du parquet de Paris, la JUNALCO*.

Un peu frustrée de ne préparer que des rapports et des discours, elle avait choisi de renouer avec le terrain pour pratiquer son vrai métier. Le couple allait se retrouver à midi pour déjeuner dans le grand réfectoire du Palais de Justice.

Mais pour l’instant, le divisionnaire avait une nouvelle à annoncer au commandant Ange P. et au capitaine Jim Sablon, ses fidèles compères policiers qu’il aimait mettre à contribution sur des affaires un peu complexes les transportant souvent en Bretagne pour le meilleur comme pour le pire. Un temps, leurs administrations respectives avaient tiqué à force de constater que le trio réglait des affaires en free-lance sans trop se préoccuper des chaînes de commandement. Les résultats étant au rendez-vous, la hiérarchie s’était accommodée de ces pratiques policières originales.

Le commissaire divisionnaire Landowski venait de se soumettre aux vérifications biométriques en usage dans le nouveau siège quand Jim Sablon s’annonça dans le hall.

L’homme n’était pas très grand mais il avait l’œil vif et la réaction au quart de tour.

En poste à la PJ de Paris depuis des années, il n’aimait quitter les bords de Seine que pour une escapade de courte durée. Le titi parisien dans toute sa splendeur !

— Salut Commissaire !

— Salut Capitaine ! T’avais du rangement à faire à la cave ou bien ?

— Tu sais qu’ici, on a accès maintenant au dernier cri en matière de police scientifique ! Faut pratiquer pour s’habituer !

— Eh oui, c’est fini les enquêtes à la Maigret ! Et tu cherchais quoi alors ?

— J’avais un véhicule suspect en cabine cyanoacrylate !*

— Et t’as trouvé quelque chose ?

— Suffit d’y croire parfois ! On a au frais, un gros balourd de Cachan qui s’obstine à m’affirmer qu’il n’était pas dans l’effraction et le pillage d’une gentilhommière en Vallée de Chevreuse ! Y a un voisin qui a vu passer le véhicule mais il n’est pas formel. Tu sais bien comme ça se passe. La voiture allait vite, y avait un reflet dans la vitre. Le témoin aura confondu…

— Et le témoin n’a pas envie que l’autre visite sa maison dès qu’il sortira !

— T’as raison ! Pour le mode opératoire, ils ont fait comme ceux qu’on appelait les Chauffeurs dans l’temps ! Ils ont approché le fauteuil roulant de mémère près de la cheminée et ils ont fait une flambée pour lui cramer les arpions ! C’est assez efficace ! Elle a tout de suite balancé la combinaison du coffre…

— Avant que ça sente la bidoche cramée ! C’est humain…

— Il nous fallait donc du consistant. Avec le nouveau produit, la carrosserie a parlé ! Lui, le Winnie l’ourson, on l’a extrait de Bois-d’Arcy ce matin. J’me suis arrangé avec la Pénitentiaire pour qu’il soit prévenu tardivement mais qu’il soit le premier sur la liste du transfèrement. Il est passé devant la glace pour le p’tit déj’. Il est furax ! Lui le matin, il pourrait faire un sort à un poulet entier. Il cantine de la bouffe comme c’est pas possible ! Il grignoterait même des pieds de table, chais pas si tu vois !

— Et ton enfumage scientifique de tout à l’heure a donné quelque chose ?

— On a fait carton plein ! C’est fou ce que la science permet aujourd’hui ! Quand il part en balade, le balèze est forcé d’agripper le haut de la portière pour se laisser tomber sur le siège. Idem pour sortir. Du coup, on a trouvé une jolie basmat* de son majeur gauche sur la caisse pourrie qu’ils ont abandonnée plus loin et une autre sur une bouteille de Margaux appartenant à la réserve du couple ! Il a dû se faire saliver devant l’étiquette ! Ils ont abandonné des caisses de vin de Bordeaux. Tu te rends compte ! Et du bon hein !

— Seulement, ça se voit un peu trop à la revente !

— Mais quand même !

— Il était accompagné ?

— D’un gringalet qui flotte dans ses fringues ! Il est toujours avec lui. Comme ça, ils jouent Laurel et Hardy. Lui, on l’a serré au page à l’aube. Une piaule qui puait, j’te dis pas. Forcément il est jamais là pour aérer. Il nie tout. Sauf qu’ils nous ont déjà fait leur numéro de duettistes. Ils ont un pedigree bien étoffé et un avocat qui bosse pas fort. Donc ça devrait matcher !

Jim Sablon soupira comme à regret puis il demanda :

— Que me vaut ta visite ? T’es muté ici ou non ?

— Je suis très bien à la DGSI ! J’y reste !

— On a entendu dire qu’en haut lieu, on pensait à toi pour un poste de commissaire général !

Landowski réagit au quart de tour.

— J’entends ça depuis des mois ! Déjà que Lorraine veut me faire entrer dans la Préfectorale ! Dans les deux cas, si c’est pour m’éloigner du terrain, pas question !

— On te filera un petit crime à élucider de temps en temps ! Peut-être même une affaire avec du beau linge. Linge de corps bien sûr. Avec Ange, on a remarqué que tu affectionnais les nuisettes. Lorraine aussi l’a compris !

— Quand vous êtes venus chez moi la dernière fois pour prendre l’artillerie, je ne lui avais pas demandé de nous rejoindre à la cave !

— Elle descend si bien les escaliers ! dit Jim, malicieux.

Les deux compères se regardèrent d’un air entendu.

— Quand tu pousseras jusqu’ici en voiture officielle, Ange et moi, on sera contents de te présenter la nouvelle pègre !

— Ces gamins en scooter qui livrent la dope et se font poinçonner à la Kalach. Si c’est pas malheureux…

Ils se dirigèrent ensemble vers les ascenseurs en restant silencieux.

— Tu as une nouvelle à nous annoncer à ce qu’il paraît ! susurra Jim une fois la porte refermée.

— On attend Ange ! répondit le divisionnaire en regardant ostensiblement le plafond.

Jim Sablon se mit à rire, assez fort pour dénoter dans cet environnement assez loin du comique de situation.

— Mais il est déjà là, Ange ! Il est comme les trains du siècle dernier ! Toujours à l’heure ! Il nous attend dans mon bureau près du ciel !

Landowski marqua son étonnement.

— Moi, je pensais qu’on allait venir de Levallois dans la même bagnole ! Quand j’l’ai cherché, on m’a dit qu’il était sorti par le sous-sol…

— Tu sais, Ange, il a ses petites manies et il surveille ses arrières comme si une horde de talibans lui courait après ! Il est enfouraillé comme un char d’assaut. C’est bien simple ! T’entends des bruits métalliques quand il marche. Comme Robocop ! Et c’est pas une prothèse qui couine, tu peux me croire !

Jim aimait bien charrier son camarade. Ange était ancien membre des RG et il était un peu la mémoire du service dissous.

Jim plissa les yeux pour renforcer sa question.

— Je peux en savoir un peu plus sur ton scoop ?

— Ben non ! dit le commissaire, péremptoire.

— Attends que je joue aux devinettes ! Tu vas nous annoncer ton mariage avec Lorraine, c’est ça ? J’me verrais bien en garçon d’honneur sapé en loufiat d’un trois étoiles avec œillet à la boutonnière ! Choisis bien ma cavalière, hein ! Même un peu boudinée dans du tulle rose, ça m’ira ! Chuis pas regardant sur ce plan-là ! Les rondeurs, ça a son charme ! Faut pas dédaigner ! Mais le genre de nénette que j’aime fréquenter, c’est la marrante qui n’a pas froid aux yeux. Pas froid du tout d’ailleurs !

Landowski connaissait l’oiseau. Il le stoppa.

— Tu n’y es pas ! Faudra repasser, mon gars !

Jim, déçu, fit la moue.

— C’est pas ça ? Alors, ça s’annonce en moins amusant…

— Disons que ça bouge davantage et que le costume n’est pas forcément de cérémonie…

Jim soupira et passa la porte de l’ascenseur sécurisé qui venait de s’ouvrir dans un chuintement discret. Landowski suivit sans se presser. Il était assez satisfait de réussir à ménager son effet. Arrivés devant la porte ouverte du bureau du capitaine, Ange P. qui était assis contre la cloison donnant sur le couloir, se pencha en avant pour voir à qui il avait à faire.

Le store métallique cliqueta sous l’appel d’air et les trois hommes se retrouvèrent dans le bureau, porte fermée.

Jim Sablon se laissa tomber dans son fauteuil et attendit.

— T’as filé sans m’attendre hein ! balança le divisionnaire au commandant.

— J’avais un truc à faire…

— On pouvait pas venir ensemble ? Y a de la place sur le parking maintenant !

— Et si j’avais pas envie…

Jim soupira.

— Monsieur a ses vapeurs !

— Ferme-la ! ordonna Ange.

Le capitaine donna deux coups de menton pour désigner le commandant.

— Il t’a pas dit ?

— Dit quoi ? demanda le divisionnaire qui commençait à s’exaspérer.

— Qu’après une longue traversée du désert en moine cistercien, notre pote Ange a fini par lever une greluche ! Qu’elle est gironde et qu’elle passe des heures à l’attendre dans la bagnole devant le Square Gratzer à côté de la DGSI ! Si si !

— D’abord Milena c’est une femme, précisa Ange. J’irai jusqu’à dire que c’est une femme véritable ! Une dame ! Pas du tout le genre de compagnie que tu affectionnes !

— Hé dis donc, Ange P., elles sentent le fioul mes mignonnes ?

— J’ai pas dit ça ! Milena c’est comme qui dirait le niveau supérieur tu vois.

— T’es accro, ça y est !

— Mon p’tit Jim, tu devras faire preuve de respect envers elle puisqu’elle est ma compagne et que dorénavant nous vivons ensemble ! Qui plus est, elle est plus classe que tes shampooineuses parfumées à outrance !

— Et si j’aime ça moi, les nénettes des salons de coiffure ! J’ai le droit quand même ! Au moins, je ne m’ennuie pas avec elles ! Elles rigolent, elles froufroutent et elles ne sont pas compliquées. Sur l’oreiller, on passe notre temps à autre chose qu’à refaire le monde qui justement n’a pas besoin de nous pour se casser inexorablement la gueule !

Ange secoua doucement la tête et continua :

— Ensuite, je t’informe qu’elle est restée à l’appartement ce matin puisque j’avais rendez-vous ici et, qu’avec vous deux, on sait quand on part mais pas quand on revient !

Landowski fit un clin d’œil complice à Jim.

— Tous le monde est au courant à la boîte ! dit-il. Tu penses bien que le véhicule ventouse avec une femme à l’intérieur a attiré l’attention de la sécurité. Surtout qu’elle, Milena, a tout le temps un casque audio sur les oreilles.

— Façon STASI ?* demanda Jim.

— Elle a le droit ! protesta Ange. Et puis si elle s’est attachée à moi, c’est plutôt chouette non ? Elle ne s’ennuie pas à m’attendre et j’essaie de pointer à des heures décentes.

— Bien sûr, dit Jim ! On comprend que t’es pressé de rentrer ! Sinon, elle fait quoi avec son casque ? Elle se gave de slam ou d’opéra ? C’est assez romantique parfois ! Les deux !

— C’est plus simple que tes élucubrations. Vu qu’elle ne parle que le slovaque, elle s’efforce d’apprendre le français. Y a la disquette et le bouquin qui va avec.

— Et les cours du soir sous les draps…

— Elle progresse ? coupa Landowski.

Il se rattrapa :

— En français, j’veux dire…

— En tout, c’est certain ! balança Jim.

Ange parut agacé.

— Forcément toi, le Parigot, tu n’en rates pas une ! Seulement tes conquêtes se barrent au bout de quelques semaines. Tu as un côté fatigant ! Tu les saoules à parler tout le temps. Si, si !

— Parce qu’elles te l’ont dit, ptêt ?

— Justement, y en a une qui…

— Salaud ! dit Jim entre les dents.

Le commissaire se redressa en grimaçant comme s’il avait mal au dos.

— Quand vous aurez terminé votre numéro de comiques un peu nazes, on pourra peut-être parler de choses sérieuses !

— Ah oui, c’est vrai ! dit Jim. Alors tu nous l’annonces ton scoop ?

Landowski dodelina de la tête.

— Je constate que vous êtes bien énervés. J’en déduis donc que vous avez besoin de changer d’air. Comme thérapie, je vous offre un séjour en Bretagne ! Dans le Finistère pour être plus précis !

— Encore ! C’est pas drôle, dit Jim en prenant un air grave. On connaît déjà. On y était, y a deux mois à peine ! T’aurais pas un séjour palmiers-vahinés-cocktails à proposer pour une fois ?

— Plains-toi !

— Ben oui, je renâcle ! On parcourt l’Ouest profond. Souvent même en hiver ou en mi-saison ! On n’a même plus le temps d’aller à la plage !

— Mais toi tu n’aimes pas les bains de mer ! T’as même pas de maillot ! Ou alors, tu as gardé celui de tes quatorze ans ! Tu préfères avoir la fumée du diesel dans les narines au lieu d’un bon air frais qui vient des îles Glénan !

— Et alors c’est quoi cette fois ? trancha Ange. Faudra encore débusquer un malin ?*

— Vous n’y êtes pas, les mecs ! Avec l’accord de nos hiérarchies respectives, je nous ai fait inscrire tous les trois à une formation high-tech animée par une légende du tir ! Pendant deux jours, on va côtoyer des hommes du RAID, de la BRI et des commandos marine. On sera presque une trentaine, hommes et femmes !

— Houlà ! s’écria Jim. Du beau monde tout ça ! Y aura une ambiance de kermesse, j’le sens !

— Rigole, rigole ! dit Landowski. Va falloir crapahuter un brin et faire honneur à la profession !

— Oh Lando, protesta Jim. On sait faire quand même !

— En face, y aura du lourd ! Des mecs qui ont un paquet d’années de service opérationnel. Nous, on s’endort parfois sur nos lauriers ! Une piqûre de rappel ne nous fera pas de mal !

— Et qui drive ton centre aéré ?

— Un ancien collègue de chez nous reconverti dans la formation continue des unités d’élite. La semaine dernière, il était encore au CPES de Cercottes.* L’année dernière, il a ouvert une boîte en accord avec notre ministre. Y a des besoins, il propose des solutions. Donc il a saisi l’occase !

— Et c’est quand prévu pour, ta petite sauterie ? demanda Jim.

— On nous attend sur zone demain à l’aube !

Volontairement, il temporisa pour juger de l’effet avant de poursuivre :

— J’ai nos ordres de mission dans la voiture. Moi je déjeune à midi à la cantoche avec Lorraine. Vous deux, je ne sais pas.

— Tu préfères rester en tête-à-tête hein ! dit Jim.

— Sieste comprise ? ajouta Ange.

Le commissaire soupira.

— Des fois, vous êtes lourds tous les deux ! Je me demande parfois comment je fais pour vous supporter !

— Oh Lando, on a des liens quand même ! dit Jim.

— On translate comment et à quelle heure ? demanda Ange.

Le pragmatisme du commandant refaisait surface.

— Après le café, on file à Villacoublay, continua Landowski. Je vous retrouve sur le tarmac, munis de votre brosse à dents. Y a un zinc de la Marine qui fait une rotation sur Lorient en début d’aprèm. Bien sûr, on ne moufte pas sur la destination !

— T’es drôle Lando ! T’as même pas dit où c’était !

— C’est au cas où on vous torturerait pour le savoir ! La règle c’est mentir ou se taire.

Il sourit. Légèrement hein ! Landowski n’est pas du genre à cultiver l’hilarité.

— Votre gîte préféré sur les hauteurs de Nizon est retenu !

— Vu qu’on y passe pas mal de temps, on pourrait ptêt le louer à l’année non ? ironisa Jim. Pour la vue mer, on s’en passera comme d’hab’ !

Landowski ne releva pas.

— Demain matin de bonne heure, on s’équipe chez moi. Le matos attendu sur zone, y a le nécessaire dans ma cave. Les munitions seront distribuées sur place. Ensuite, on rejoint discrètement le point de rendez-vous en Centre-Finistère.

— Et après les deux jours de colo, on fera quoi ?

— Ce sera déjà le week-end ! Vous aurez quartier libre !

— Et lundi on rentre ?

Landowski plissa les yeux.

— Je ne crois pas non !

Ange accusa le coup.

— Eh Lando, si tu as de nouveaux projets touristiques, faut m’en dire plus ! J’peux pas partir à l’aventure en laissant Milena toute seule !

— Oh lui, tu l’entends ? réagit aussitôt Jim. Peut pas s’éloigner de sa dulcinée comme ça hein ! Faut pas lui faire du chagrin à la p’tite ! Pourrait même se perdre à Levallois ! Voire rencontrer le loup !

— La ferme Jim Sablon ! lança Ange. J’ai juste besoin de m’organiser, donc de repasser chez moi. Forcément, t’es jaloux. Tu voudrais bien avoir une grisette à demeure mais quand le bourdon butine ailleurs, l’abeille se barre ! C’est la vie !

— Non mais dis donc Ange P., tu vas pas me dicter ma conduite si ?

Landowski voulut calmer le jeu.

— Ange, tu auras tout le temps d’organiser ton absence. Le décollage est annoncé pour 15 heures, heure locale mais faudra attendre un capitaine de vaisseau qui a un rancart à son ministère.

— Et après ? demanda Jim.

— Ma voiture est au parking de Lann-Bihoué.

— Pourvu qu’on arrive avant la nuit !

— Parce que ? s’enquit Ange.

— J’ai peur du noir !

Et il s’esclaffa.

— Et donc on resterait quelques jours ? insista Ange cherchant à en apprendre davantage sur le programme.

Landowski soupira.

— Si le cœur vous en dit… !

— Hum, tu tournes autour du pot et ça ne te ressemble pas. T’aurais pas une idée derrière la tête ?

— J’veux pas abuser mais y aurait bien de quoi nous occuper du côté de Scaër !

— Et c’est quoi cette fois ?

— Un dossier à deux volets : la mort suspecte d’une jeune fille, y a dix ans et la disparition d’une deuxième à la date anniversaire !

— J’me disais bien…

— Scaër, c’est dans les terres ça non ? demanda Jim.

— Près du lieu du stage d’ailleurs !

— Y a un rapport ?

— On verra.

— Peut-être qu’on ira aux champignons en forêt ! dit Jim. Qu’est-ce t’en dis Ange ?

— Ben, faut d’abord que j’lui explique à Milena…

— J’en ai connu une de slave. Elle savait bien faire la bouffe !

— Et tu l’as pas épousée ?

— Elle avait déjà un mari…

Jim posa ses coudes sur son bureau.

— Dis Lando, tu as la culture du secret où j’me trompe ?

— Je vais être honnête avec vous. En fait, je ne sais pas grand-chose de cette double affaire, s’il y en a une d’ailleurs ! Des fois, ça mousse et y a rien. Des fois, on trouve très vite le coupable parce qu’il se dénonce ou parce qu’il est dénoncé.

— C’est toujours pareil ! Y en a un qui avait envie et qui a été trop pressant. Elle a pas voulu. Il l’a serrée trop fort et cachée dans les fourrés. Un chasseur va la retrouver un de ces quatre !

— Pas sûr qu’il y aura de quoi faire pour nous, ajouta Ange. Moi, j’aime bien les affaires criminelles un peu tordues et avec du sport.

Le capitaine ricana.

— Ce que tu veux mettre en avant, c’est que si on ne sollicite pas ton immense expérience, ça ne te botte pas ! Quand c’est clair comme le jus de boudin, tu adores !

Il leva l’index droit.

— Justement, y a Alex…

— C’est qui ça encore ?

— Un mec de la BAC Nord ! Tu connais pas. Il est plus jeune que toi.

— T’es sympa ! lança Ange.

— Il est venu au Bastion la semaine dernière. En attendant l’audition du mec qu’il convoyait pour éventration de son beau-frère au couteau-scie, il m’a parlé d’un commerce du côté de la Chaussée-d’Antin où il reste un charcutier à l’ancienne qui fait de l’andouillette comac !

Il écarta les mains pour dimensionner l’objet en question.

— J’pourrais en apporter trois ou quatre à Germaine aux Batignolles et elle nous cuisinerait ça aux oignons et aux pommes !

— Ah toi la bouffe hein ! dit Ange.

— Y a pas de mal à se faire du bien si ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Landowski reprit la main.

— Pour l’instant, on en est resté à une pauvre fille qui…

— T’as raison, admit Jim. J’m’emballe !

— On se renseigne et on voit.

— Pourquoi ça te branche ? demanda Ange au commissaire.

Landowski s’éclaircit la voix.

— J’aime pas bien arriver en Bretagne pour un week-end pépère et trébucher sur un cadavre, comme si quelqu’un prenait plaisir à me le coller dans les pattes en forme de challenge !

— Elle n’est pas encore morte, la deuxième !

— Quand on n’a rien comme info, je crains le pire !

Il ricana :

— Tout comme le meilleur !

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Ange s’intéressant toujours aux déductions du supérieur.

— Peut-être qu’il n’y a pas de seconde affaire !

— C’est pas cousu de fil blanc quand même ! rétorqua Jim. Une deuxième jeune fille qui disparaît le jour anniversaire de la mort de la première dans la même commune !

— Je me méfie des évidences. Qui aurait intérêt à ressortir l’affaire ?

— C’est vrai que tu as une réputation à soutenir !

— De toute façon, le dossier complet m’attendra à la maison. Lorraine s’en est chargée.

— Elle vient pas en Bretagne pour le week-end ?

— Si si, elle s’est débrouillée ! Mais elle ne sera pas la seule à faire le voyage !

— Y aura qui d’autre alors ?

— Angelina !

— Lafos ?*

— Elle-même…

Ange et Jim se regardèrent.

— Va y avoir du sport ou j’m’y connais pas ! lança le capitaine.

Landowski resta silencieux…

*JUridiction NAtionale chargée de la Lutte contre la Criminalité Organisée.

* Équipement de fumigation pour relever les traces papillaires sur les gros objets dont les véhicules.

* Empreinte en arabe.

*Police politique de la RDA dissoute en 1990 à la réunification de l’Allemagne.

* Voir Le malin de Trégunc, même collection.

* Centre Parachutiste de Formation Spécialisée de la DGSE (Loiret).

* Voir Retour de bâton à Plogoff, même collection.

II

Lundi 4 octobre 2021, 8 heures du matin

Roulant à petite vitesse, les véhicules se suivaient en file indienne dans une allée forestière balisée par des arbres centenaires. Une fine brume noyait la partie élevée de la futaie. La forêt semblait être encore endormie. Illusion d’optique puisque la nature ne dort jamais.

Le vol jusqu’à Lorient s’était opéré tranquillement avec deux ou trois trous d’air quand même pour éviter la somnolence des passagers. Les officiers de la Marine avaient conversé à voix basse pendant une bonne partie du trajet. Le plus gradé avait peut-être reçu des consignes au ministère et il profitait de les transmettre discrètement avant d’arriver à la base. Peut-être en testait-il l’effet sur ses compagnons. Il pourrait ainsi choisir l’angle d’attaque pour faire passer la pilule.