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Une série de disparitions mystérieuses en Bretagne...
Le matin, il fait frais dans le bois de Penfoulic à Fouesnant. Fanny s’élance dans l’allée forestière pour un jogging. Elle n’arrivera jamais à la fin du parcours.
Intriguée par cette disparition, la magistrate Lorraine Bouchet décide d’investiguer. Secrets et drames enfouis resurgissent. Les règlements de comptes sont activés pour faire table rase du passé.
On disparaît à Fouesnant. On se cache à Port La-Forêt. On se noie à Mousterlin. On succombe au Cap Coz. On expire à Beg-Meil.
Et Clémence, la grand-mère, veille jalousement sur l’avenir de la famille Kerinjar.
Difficile de comprendre ce qui se passe quand on est confronté au mutisme. Il en faut davantage pour impressionner une magistrate émérite qui a bien envie de gagner sa première étoile.
Mais où est donc Landowski ?
Découvrez des secrets de famille bien difficiles à percer, dans le 22e tome des enquêtes du commissaire Landowski !
EXTRAIT
Elle trébuche, ouvre des yeux effarés parce qu’elle perd l’équilibre et qu’elle s’envole, essaie de rattraper le dictaphone qui plane, puis elle chute dans les feuilles du chemin. Quelques mètres plus loin, son roulé-boulé prend fin.
Elle s’immobilise sur le dos, les yeux grands ouverts.
Fixes.
Elle entend un bruissement léger dans le feuillage des arbres. Quelqu’un qui se cache peut-être ?
Du calme sinon. Partout.
Et le chien, assis, langue pendante, qui met le nez au vent. Il attend.
C’est donc comme ça mourir ?
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Editions Bargain, le succès du polar breton. –
Ouest France
À PROPOS DE L'AUTEUR
Serge Le Gall vit et écrit à Pont-Aven. Côté Enquêtes, il s’appuie sur son expérience professionnelle dans le milieu judiciaire. Côté Suspense, il aime bien jouer à cache-cache avec son lecteur.
Le commissaire divisionnaire Landowski est son personnage fétiche.
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." -
Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023
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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
« L’horizon s’habillait de rouge.Demain les hordes barbaresProfaneraient le sanctuaire.Les filles en fleurN’allaient pas être épargnées.Quand la cloche du monastère tinta,Le sage laissa ses sandalesSur la pierre usée de l’entrée.Au matin,Il serait la poussièreEt il serait le vent. »
Uchen Yang,Infatigable voyageur chinois(Période des Cinq Dynasties - Xe siècle)
Il fait un peu frais.
Nous sommes au cœur de la campagne fouesnantaise. Celle des pommiers en fleur où les jeunes filles qualifiées de même rient et s’amusent à la belle saison.
En ce moment, c’est la morte-saison. Celle qui hésite sans y croire devant l’hiver de grisaille, qui se contente de jours éphémères, de landes sans couleur et de mer assassine mais qui espère quand même le ciel déchiré par un bleu intense à faire sourire les madones dans les cloîtres désertés.
Il fait beau aujourd’hui. Mais pas très chaud. Le feuillage des arbres forme une sorte de voûte de verdure qui filtre tout. Espiègle, il laisse passer la lumière tout en brouillant les rayons du soleil d’un mouvement léger. Ici aussi, la nature s’amuse.
L’été est encore à venir. Alors l’humidité agaçante s’enfuira en direction des nuages pour se pelotonner au cœur des ondées futures. L’éternel recommencement du ballet des saisons. Jusqu’au basculement ultime. Le jour où le grand ordonnateur en aura bien marre des frasques de l’humain.
Il y a cette étrange ambiance composée de brume et de clarté. Du silence aussi. Les animaux n’aiment pas le bruit. Le vent s’étire le long des troncs alignés. De l’eau coule quelque part.
La jeune femme a pris la pose. Elle s’est accroupie à l’entrée du bois de Penfoulic, juste avant le passage rustique qui en marque la limite. À cette heure, le parking est toujours désert. Maintenant, il y a une seule voiture. La sienne probablement. C’est une sorte de 4x4 qui semble moins incongru en ce lieu qu’à la porte des écoles. À croire parfois que le safari pour bobos friqués passe naturellement par la cour des maternelles.
Il y a cette brume matinale qui s’effiloche au-dessus des marais. Une sensation de mare au diable qui vous fiche un serrement à la poitrine à faire péter une durite aux dépressifs. Une tartine de peur beurrée de disparitions, de noyades, de maléfices et d’aventures toutes incroyables. Un lieu mythique, beau et cruel.
Puis le temps passe. Les souvenirs se cachent et s’estompent. La mémoire collective rejoint les cimetières. L’eau, l’arbre, la plante rejouent la partition à l’infini comme pour gommer les malédictions. La nature reprend toujours ses droits.
Mais pourquoi donc cette jeune femme s’aventure-t-elle en ce lieu toute seule ? Il n’existe donc pas d’autres endroits pour pratiquer un sport matinal, un bon petit jogging tranquille ? De quoi même faire, éventuellement, une belle rencontre amoureuse avec un homme comme elle, libre de toute attache, disponible, accessible à une relation durable. Le bonheur, ce n’est pas interdit que diable ! oserait-on dire.
Elle a posé un genou à terre dans la position habituelle du coureur à pied prêt à bondir vers le record. Son chien, un épagneul breton, tourne autour d’elle en jappant pour bien signifier à sa maîtresse qu’il n’a pas l’intention de rester là à l’attendre. Il veut en être de la balade. Il veut courir, se mouiller les pattes de limon noirâtre et s’ébrouer dans le ruisseau avant de rentrer à la maison. Les chiens, c’est ainsi. Ils aiment. Point.
Comme pour paraître plus sérieux et ne pas risquer d’attendre dans le coffre, l’animal s’intéresse de très près à ce que sa maîtresse est en train de faire. Il met la truffe au ras du lacet blanc qui coulisse dans les mains de sa patronne et observe sérieusement.
— Pousse-toi, Tobie ! Je ne vois pas ce que je fais si tu t’approches si près ! Obéis à la fin !
Elle porte un jogging blanc fraîchement repassé et des chaussures de sport rehaussées d’un trait de vert fluo. La fermeture Éclair du vêtement est remontée légèrement au-dessus de la poitrine et valorise celle-ci sans ostentation excessive. Un foulard vert est passé autour de son cou sans être noué. Il laisse ainsi entrevoir un tee-shirt immaculé mettant en avant un velouté de peau bronzée. L’une de ces images sur papier glacé que les magazines cherchent à donner à voir aux lectrices pour leur prouver que rien ne leur est impossible. Du rêve à bon marché.
Elle est en train de refaire le nœud de sa chaussure gauche. Ses doigts sont fins, ses ongles manucurés mais sans la moindre trace de vernis. Une montre de marque joue à son poignet gauche dès qu’elle bouge un peu le bras. Trois fils de couleur fuchsia et torsadés façon bracelet ornent son poignet droit. À savoir quel souvenir la hante pour porter cette couleur. Pas de bague. Pas d’alliance. Pas davantage de cercle de peau un peu plus blanche indiquant qu’elle aurait récemment ôté un anneau et jeté aux orties une union bousculée par le temps qui passe.
Elle se relève lentement, passe la main sur son genou pour le débarrasser d’un humus un brin collant. La saison sèche est encore à venir. Elle ne semble pas si pressée de s’élancer pour une course de fond. D’un geste machinal de la main ouverte passée dans ses cheveux, elle rectifie son apparence. Comme si une cohorte de prétendants se pressait derrière la haie dans l’espoir de la séduire. Mais il n’y a personne. Les mâles jouent rarement en matinée. Ils se reposent avant de rejoindre le premier point d’eau quand le jour se retire.
Elle aime accrocher leur regard et déceler dans leurs yeux cet éclat de gourmandise. Pour mieux les décevoir. Elle apprécie de se sentir désirée pour mieux jouer la dédaigneuse qui sélectionne, repousse, avant de succomber quand c’est enfin l’heure. Elle sait bien qu’il convient parfois de se livrer pour ne pas finir sèche et ridée au coin d’un feu mourant. Une once de lucidité assumée mène parfois au bonheur. Du moins, ça y ressemble.
Elle a toute la vie devant elle, même si celle qui lui est promise ne l’intéresse pas vraiment. Côté famille, elle devrait respecter les codes et entrer dans le sérail. En dehors, ce serait mal vu mais tellement plus libre… Mais la porte ne lui serait jamais fermée. D’aucuns diraient que c’est de la confiture donnée aux cochons, mais la liberté de choisir reste un bien précieux. Elle a bien l’intention de prendre son destin en main. Même s’il doit la conduire à sa perte. Parce que la dissidence peut être un lourd tribut à payer quand on choisit de faire cavalier seul. Elle ne veut pas avoir de regrets. Ni avoir des comptes à rendre. En fait, elle veut vivre sa vie. Librement.
Pour l’heure, elle va s’offrir une petite séance sportive pour entretenir sa forme, histoire de se mobiliser les tissus, de se galber les jambes, de raffermir sa poitrine, de prendre plaisir à l’effort puis de rentrer, des perles de sueur au front, le corps rassasié. Avec des moiteurs intimes témoignant discrètement de son extrême féminité.
Elle aime mobiliser son corps. Lui demander d’aller au bout du rêve. Pour l’effort comme pour un homme. Mais sans jamais en faire cadeau. Elle sait toujours ce qu’elle fait.
Elle ricane.
En ce moment précis, le monde lui appartient. Elle use sans compter de sa liberté. Elle peut penser ce qu’elle veut, échafauder des plans, rêver à des avenirs et décider de ses combats. Mais elle est seule avec son chien. Là, anonyme et belle, juste avant de se mesurer à elle-même, elle peut se laisser aller à une attitude sans fard. Quand les masques tombent, rares sont les colombes qui s’envolent vers les nuées.
Pourtant…
Elle a un visage doux et lisse mais c’est par le regard qu’on peut comprendre qu’elle n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Malheur à celui qui tenterait de l’asservir, de la corrompre. De la soumettre surtout. Le passé n’est pas toujours composé de souvenirs heureux.
Elle doit approcher la trentaine sans risquer encore de l’atteindre dans l’année en cours. Elle s’est volontairement donné l’allure d’une sportive sans l’espoir réel de détrôner les championnes du moment. Elle aime tout simplement se sentir bien dans les vêtements qu’elle porte.
Elle vient une fois ou deux la semaine se ressourcer dans ce lieu calme et naturel. Elle se laisse aller, respire, hume, oublie et se laisse emporter bien au-delà du poids des choses. De l’avenir qui l’assaille parfois. Du passé qui l’agresse souvent. D’elle-même.
Elle se penche vers sa poitrine. Elle extrait un enregistreur MP3 de sa poche, le porte à sa bouche puis à son oreille.
— Un deux, un deux !
Elle est en train de vérifier que la fonction enregistrement est bien activée.
Elle consulte sa montre.
— Huit heures trente et une, dit-elle assez fort. Départ !
D’un coup, elle s’élance. Le chien aussi. Elle franchit le passage de bois et tourne immédiatement à droite. Elle allonge ses foulées dans l’allée forestière qui s’ouvre devant elle. Le sport est une affaire sérieuse. Ainsi, à chaque dizaine de pas, en élevant la voix pour l’enregistreur, elle annonce le décompte en progression. L’animal la regarde alors comme si sa maîtresse s’adressait à lui, puis il reprend sa route en calant son allure sur la sienne.
À l’endroit où le chemin croise le ruisseau, la femme et le chien dépassent une personne âgée qui semble malvoyante, épaulée par une femme boulotte qui peine un peu sur un terrain inadapté pour ses chaussures. La personne handicapée est coiffée d’un fichu et de grosses lunettes noires à la Simone Signoret. L’accompagnatrice affiche un rictus prononcé comme si elle portait un masque. Le voyage matinal est-il d’un intérêt quelconque pour l’une ou l’autre de ces figures oubliées ? Elles échangent un bonjour rapide que la brise emporte aussitôt.
Et ce regard. Ce regard, mon Dieu !
Machinalement, la joggeuse jette en passant un œil à l’aqueduc maçonné qui longe le talus, puis elle aperçoit plus loin deux autres femmes qui déambulent sans empressement. Elles occupent le terrain comme s’il s’agissait d’une scène de théâtre. Elle les voit converser bruyamment en faisant de grands gestes. Passant à leur hauteur et les frôlant, le chien leur crée un instant de frayeur bien légitime. La jeune femme leur jette un œil sans dire un mot. Elle déteste les gens qui ont peur des chiens.
— Des bohémiennes ! lance-t-elle à l’épagneul qui lui jette des regards furtifs comme s’il craignait d’être réprimandé.
La joggeuse annonce un chiffre pour le MP3 en riant. C’est vrai qu’elles étaient attifées à l’ancienne ces promeneuses, amples robes ne laissant apparaître que l’extrémité des chaussures et foulards colorés masquant pratiquement tout le visage. Rien à voir avec son look de jeune femme branchée.
Mais la belle sportive a eu quelques secondes d’inattention. Quelques parcelles d’un temps compté à faire basculer son destin. Un événement d’une banalité affligeante mais qui a le pouvoir de muer un jogging tout simple en drame fatal.
Elle trébuche, ouvre des yeux effarés parce qu’elle perd l’équilibre et qu’elle s’envole, essaie de rattraper le dictaphone qui plane, puis elle chute dans les feuilles du chemin. Quelques mètres plus loin, son roulé-boulé prend fin.
Elle s’immobilise sur le dos, les yeux grands ouverts.
Fixes.
Elle entend un bruissement léger dans le feuillage des arbres. Quelqu’un qui se cache peut-être ?
Du calme sinon. Partout.
Et le chien, assis, langue pendante, qui met le nez au vent. Il attend.
C’est donc comme ça mourir ?
— Bonjour Madame. Je m’appelle Lorraine Bouchet. Je suis magistrate au parquet de Paris.
Lorraine laissa fleurir un sourire en coin. Elle se présentait à la manière d’une adolescente récitant soigneusement le texte appris avec une voix de tête.
— Je sais qui vous êtes, mais euh…
La vieille dame se redressa comme pour faire front à l’adversité. Elle avait des cheveux gris ondulés et dociles avec une sorte de mèche plus blanche au ras de son front ridé. La peau de son visage, ponctuée de taches de vieillesse, restait bien lisse malgré le poids des ans.
— Et que me vaut l’honneur…
— Je peux entrer ? demanda Lorraine en faisant un pas en avant comme pour parer un refus éventuel. Le geste professionnel d’un vendeur d’aspirateurs.
— Oui, bien sûr ! entendit-elle.
La bonne éducation de Madame revenait au galop. Il ne serait pas dit qu’une magistrate émérite avait été éconduite comme une malpropre sans qu’on ait eu la correction de lui demander le motif de sa visite.
La visiteuse portait un chemisier blanc, un jeans bleu foncé tombant sur des mocassins blancs eux aussi. À dire qu’elle n’avait rien d’une quêteuse un peu louche, le temps des mendiantes pratiquant le porte-à-porte étant dépassé.
Son interlocutrice avait l’habitude de se méfier des gens par nature, pour avoir ensuite le plaisir de les découvrir sous un jour plus favorable. Si cela s’avérait. Du moins, c’était le discours que tenait sa grand-mère quand elle était jeune fille. La méfiance d’abord. Toujours.
Le vaste salon donnait sur une terrasse bordée d’un muretin mangé de lierre. Un vallon herbeux descendait ensuite vers la lisière d’un bois. On apercevait deux poneys Shetland à crinière blonde, jouant juste en contrebas puis, plus loin vers la lisière du bois, deux chevaux tranquilles.
— Vous aimez les chevaux, on dirait ! lança Lorraine qui avait suivi l’hôtesse.
— On peut dire ça. Les poneys Shetland sont en vacances. Les autres, ceux-là, là-bas, ce sont des mauvais cœurs.
La magistrate fronça les sourcils.
— Mauvais cœurs ?
— Des animaux fragiles qu’il faut ménager. Disons qu’ils ne peuvent pas rendre beaucoup de services. Leur santé leur interdit l’effort.
— Et vous les gardez ?
— Je devrais les envoyer à l’abattoir, selon vous ?
Lorraine réagit au quart de tour :
— Ce n’est pas ce que je voulais dire, Madame !
— Je le sais bien. Ne vous offusquez pas. J’aime titiller les gens, les pousser dans leurs retranchements. C’est ainsi qu’on apprend à les connaître.
— Ai-je bien passé mon oral d’admission ?
— Vous vous défendez bien, je dois l’avouer. Sur du velours. C’est en cela que les femmes gagnent sur les hommes – Elle eut un sourire complice – Il ne faut surtout pas le leur dire ! Ils sont tellement imbus de leur supériorité !
Visiteuse et hôtesse se regardèrent. Par-delà les années, elles se comprenaient.
— Quelle belle vue ! dit Lorraine en inspirant un peu fort comme si le bon air était à prendre.
— En profiter, était-ce l’unique motif de votre visite ? demanda la vieille dame avec une pointe de malice dans la voix.
Lorraine comprit le message.
— Bien sûr que non ! J’aurais bien voulu ne venir vous voir que pour ça.
Elle prit un air sérieux. Il était temps d’entrer dans le vif du sujet.
— Vous savez très bien pourquoi je suis ici, n’est-ce pas ?
Les traits de la personne âgée semblèrent s’affaisser d’un coup, mais elle tint tête, courageusement.
— Je comprends. Il s’agit de ma petite-fille. Mais…
— Vous vous demandez à quel titre j’interviens, je suppose ?
— La justice n’est pas saisie par cet événement au point d’envoyer si rapidement sur place un juge de Paris !
— Madame, je fais un séjour à Bénodet pour me remettre en forme après deux ou trois mois qui m’ont vraiment mise à plat. Ce matin, en attendant mon tour pour un massage, je suis tombée sur cet article de journal qui date de quelques jours.
Elle brandit une feuille de papier soigneusement pliée pour mettre un article particulier en valeur.
— J’ai lu que votre petite-fille Fanny avait disparu en faisant un jogging matinal.
La vieille dame serra les lèvres.
— Et vous êtes venue jusqu’ici…
— Avant, je me suis renseignée auprès de la gendarmerie.
L’hôtesse haussa les épaules.
— Et ils ne vous ont pas dissuadée de me rendre visite ?
— Ils sont restés très discrets.
— Tout en me qualifiant de vieille toupie, je suppose !
— Ils n’ont rien dit de tel.
— Vous êtes de leur côté, forcément ! Solidarité des corps constitués de l’État, n’est-ce pas ?
Lorraine ne releva pas.
— Les jeunes femmes décident parfois de faire un break dans leur vie, dit-elle, et elles disparaissent brutalement avant de réapparaître un peu plus tard…
— C’est cette vision des choses que vous a livrée la maréchaussée locale ?
— Peut-être, mais ces enquêteurs-là ne négligent aucune des pistes.
— J’espère bien, voyez-vous ! C’est ce qu’on attend d’eux, pour le moins !
— Mais cette piste-ci en particulier, qu’en pensez-vous ? C’est possible ou non ?
La personne âgée grimaça, les yeux brillants.
— Mais je ne comprends pas pourquoi vous avez souhaité me rendre visite si vous avez répondu par avance à toutes les questions !
— Disons que j’avais envie d’aller un peu plus loin. Quand on ne veut rien dire…
— Ça cache quelque chose, je connais mes classiques !
Lorraine ne voulait pas perdre pied. Elle réagit au quart de tour :
— Vous voyez le mal partout. C’est agaçant à la fin !
— Oh oh ! Vous sortez de vos gongs, c’est assez joli à voir. Il y a ce pli, là, à gauche de votre bouche. Mignon, ma foi !
— Ce n’est pas de moi qu’il s’agit !
— Je sais, ma fille, je sais tout ça. La légèreté n’est pas l’insouciance. Quand vous aurez mon âge…
L’hôtesse montra la feuille de papier d’un doigt déformé par l’arthrose.
— Vous avez bien lu l’article ?
— Oui. J’ai vu qu’on avait retrouvé le chien de votre petite-fille non loin de la Maison des Marais.
— Attaché à une barrière, le pauvre Tobie !
— Justement ! S’il était arrivé quelque chose à Fanny, le chien aurait erré tout seul sur le chemin !
— Sauf si les ravisseurs l’ont attaché pour qu’il ne soit pas en mesure de les suivre !
— Il est où maintenant, euh, Tobie ?
— On l’a ramené chez sa maîtresse, mais il n’y restera pas.
— Des fois qu’il la retrouverait lui-même ?
— Il en est bien capable ! Il en fait des kilomètres parfois ! Il disparaît deux jours, puis il revient crotté comme ce n’est pas possible. Il aime chasser les oiseaux sur le marais, mais il est bien trop ballot pour en attraper un !
— Fanny ne s’en occupe pas ?
— Bien au contraire, mais elle l’a élevé de cette manière en passant du temps en forêt, en traversant les tourbières et en se lavant au ruisseau. Avec lui.
— On pourrait dire qu’elle a un côté sauvageonne, votre petite-fille…
— Elle aime le cuir odorant des pelisses et ne dédaigne pas un lit de fougères sèches pour dormir à la belle étoile. Mais ne vous méprenez pas ! Elle aime aussi les petites robes soyeuses et les escarpins vernis.
Lorraine tenta :
— Les hommes aussi ?
La vieille dame plissa les yeux. Elle restait aux aguets quoi qu’il puisse arriver.
— Curieux que vous me demandiez ça ! Les hommes certainement, elle peut choisir parce que c’est une belle femme. Mais pas pour s’attacher. J’en ai vu de très beaux en sa compagnie. Si j’emploie le pluriel, c’est parce qu’elle ne les a pas gardés. Heureusement d’ailleurs ! Ce n’est pas auprès de ce type d’homme qu’elle trouvera son époux. Son amant tout au plus ! Mais si c’est ce que vous voulez suggérer, elle n’est pas partie au bout du monde avec l’un d’entre eux. Elle m’en aurait parlé. Elle n’a rien d’une fofolle.
— Elle vous disait tout ?
— Ne parlez pas d’elle au passé, s’il vous plaît ! Elle est simplement absente, non ?
— Vous avez raison. Excusez-moi.
— À mon sens, sa disparition est plus sérieuse.
— Vous pensez qu’elle a été enlevée ?
— Ça m’en a tout l’air, voyez-vous !
— Fanny avait-elle des problèmes ces derniers temps ? Elle se serait confiée peut-être…
La vieille dame regarda ailleurs.
— Seriez-vous déjà en train de mener l’enquête, Madame le juge ?
— Disons que je m’intéresse…
— Je vois, je vois. Asseyez-vous donc !
La magistrate prit place sur le grand sofa de velours grenat.
— Je dois vous préciser tout de suite que vous n’êtes pas complètement une étrangère pour moi. Je vous l’ai dit tout à l’heure. Je sais même que vous vous êtes installée de l’autre côté de la baie. Une jolie maison à ce qu’il paraît. Vous avez bien eu raison de préférer notre région…
— Qui vous…
— Les informations tournent sur la baie. C’est l’un qui voit, l’autre qui dit. Le troisième qui écoute ! C’est une pratique qui date de la nuit des temps. Les bateaux, les ports, les escales, les marins et les femmes. La mer porte tous les messages ! – Elle soupira – Nous allions à Concarneau avec mon mari autrefois. Nous prenions le bateau à la cale de Beg-Meil, juste en face de l’Hôtel de la Duchesse Anne. En passant devant chez Parker, il me rappelait toujours que Proust avait séjourné là. Il adorait lire cet auteur, assis au bout de la terrasse. Pour l’époque, il était très cultivé – Elle soupira à nouveau – Nous déjeunions avec nos amis du Cabellou, puis nous faisions une balade à la Pointe de Trévignon avant de revenir prendre le dernier bateau. Parfois, nous avions un peu de retard, mais le timonier à casquette d’amiral nous attendait. Il repérait ses passagers et il n’en oubliait pas un seul.
Un moment, elle avait pu revivre des souvenirs heureux. Cela se lisait dans ses yeux.
— Ces derniers temps, vous avez été citée dans la presse, reprit-elle. Photographiée même !
— Subsidiairement !
— Et que vous êtes belle ! Vous avez une fraîcheur qui se perçoit.
Elle frotta l’index et le pouce de sa main droite.
— On pourrait presque la palper !
— Vous allez me faire rougir ! Merci du compliment !
— Vous avez un compagnon très en vue, ai-je compris ?
— C’est au commissaire divisionnaire Landowski que vous faites allusion ?
— Sera-t-il de la partie, cette fois encore ?
— Le cher Lando n’est pas en Bretagne en ce moment. Malheureusement, la criminalité croissante l’oblige à se déplacer partout en France. Ce n’est pas pour lui déplaire, d’ailleurs. Il a choisi.
— C’est curieux ! Vous le nommez par le diminutif de son nom de famille…
— Comme tout le monde ! Les délinquants compris !
— C’est comment son petit nom ?
— Je ne sais pas.
— Ce serait possible pour vous de… Lorraine Bouchet coupa court :
— C’est son secret !
Un ange passa.
— La disparition de Fanny vous intéresse, vous disiez ?
— On ne se refait pas ! C’est le métier qui remonte à la surface. Je suis seule en ce moment…
— Et vous vous êtes dit…
— Que je pouvais peut-être aider !
— Il y a un instant, vous disiez que Fanny avait peut-être décidé elle-même de disparaître. Pourquoi vouloir la retrouver si c’est véritablement le choix qu’elle a fait ?
— L’instinct de la chasse !
La vieille dame se redressa.
— Elle est un gibier pour vous ?
— Il arrive bien trop souvent que la victime en soit un, Madame. Si elle a été contrainte, je veux savoir comment et pourquoi. Toutes les questions que les enquêteurs se posent habituellement – Lorraine regarda son interlocutrice d’un air inquisiteur – Surtout que j’ai cru comprendre…
La réaction ne se fit pas attendre.
— Que je n’allais pas forcément collaborer avec les autorités compétentes ? C’est parfaitement exact !
— Vous avez des choses à cacher ?
— Pas vous ?
— Là, vous marquez un point, avoua Lorraine en souriant.
— Je suis handicapée, vous le voyez bien.
Elle frappa des deux mains sur les roues de son fauteuil roulant et continua :
— Je n’ai pas envie d’essuyer des salves de questions imbéciles jusqu’à pas d’heure dans une gendarmerie fleurant bon la détresse humaine !
— Nous ne sommes quand même plus au temps des hirondelles, Madame !
— Bien sûr, bien sûr ! Mais vous me voyez passer la journée dans ce lieu sale et froid ?
— Les fonctionnaires ne font que leur travail. Les procédures sont parfois fastidieuses, j’en conviens.
— Harassantes, je dirais !
— Surtout pour les coupables !
— Les autres aussi fatiguent à force.
— Cela veut dire que vous avez l’intention de régler ça en famille ?
— “Aviez” puisque maintenant vous êtes là !
— Et si vous ne faisiez pas le bon choix en me laissant investiguer ?
— D’abord, je ne suis pas allée vous chercher ! Après tout, vous faites ce que vous voulez. Nous sommes en république, même si ce n’est pas le régime politique que j’affectionne. Ensuite, que vous trouviez des choses pas catholiques, j’en prends le risque. Enfin, j’ai envie de voir une femme à l’œuvre dans un domaine que les hommes protègent jalousement. Pour résumer, vous pouvez faire ce que vous voulez. Je souhaite simplement qu’il ne soit rien arrivé de grave à Fanny. Et qu’elle revienne à la maison !
Lorraine se pencha en avant.
— Et si vous me disiez tout ?
La vieille dame fourragea sous la couverture à carreaux et sortit une clochette à l’ancienne, de celles qui tintaient pour faire rentrer les nonnes dans leur alcôve pour ne pas qu’elles croisent un homme, fût-il un prêtre.
D’un geste très vif, elle actionna l’instrument. Une servante vêtue à l’ancienne arriva aussitôt.
— Jeanne, vous pouvez servir le thé !
— Oui, Madame.
La maîtresse de maison releva la cloche.
— À moins que vous ne préfériez autre chose ? Personnellement, je ne déteste pas un petit verre d’alcool de prune à cette heure-ci ! – Espiègle, elle ajouta : Deux quand le temps est clair comme aujourd’hui !
— Ce sera très bien ! dit poliment Lorraine.
Une fois que la soubrette un peu poussive eut disparu en direction de l’office, la vieille dame commença sa confession :
— Je suis l’épouse de Julius de Kerinjar…
— Il n’est pas là votre mari ?
— Il reste confiné dans sa chambre. Il descend pour les repas et il remonte aussitôt. S’il a besoin, il frappe le plancher avec sa canne. Il a abandonné Proust. Il passe son temps à feuilleter des romans-photos et des revues légères qui montrent des danseuses de cabaret d’avant-guerre en petite tenue qui ne masque rien de leur intimité. Il découpe leurs silhouettes affriolantes et il les colle dans un album épais comme l’encyclopédie.
Elle leva un index ridé tandis que son œil de jais s’allumait.
— Mais comme il souffre de la maladie de Parkinson, entre autres, le résultat est parfois désastreux. Ne vous étonnez pas si vous entendez des hurlements et des chocs sur le plancher. C’est qu’il aura tranché la gorge de l’une de ses préférées d’un coup de ciseaux et jeté l’outil à travers la pièce. De rage !
— Que faisait-il avant ? Dans la vie, je veux dire.
— Propriétaire terrien puis industriel. Il a fondé les conserveries qui portent encore son nom. Mais nous ne fabriquons plus rien aujourd’hui. Les poissons et les légumes sont mis en boîtes à l’étranger. Ici, c’est la gestion, le stockage et la vente, bien entendu.
— C’est géré par la famille ?
— Pas directement. J’aimerais bien que Fanny accepte de s’en occuper. Quand elle sera prête. Et puis nous sommes encore là, n’est-ce pas ?
Clémence de Kerinjar masqua un haut-le-cœur soudain par un toussotement de circonstance.
— C’est Albert Coatillon, l’oncle de Fanny, qui dirige l’affaire. C’est un meneur d’hommes, mais il ne connaît malheureusement rien à l’industrie. Nous lui avons trouvé un adjoint bardé de diplômes de gestion et autres qualifications. David Louestre, il s’appelle. Il revient de la région parisienne. À eux deux, ils font le nécessaire pour préserver le bien de la famille.
— Et cette maison ?
— C’est mon mari qui a fait construire cette bâtisse. Il voulait afficher sa réussite, lui qui n’était que valet de ferme avant d’hériter de ses parents puis de ses tantes. Nous avons emménagé ici un peu avant mon accident.
— Qu’est-il arrivé ?
— Je suis tombée de cheval. C’est le dos qui a tout pris. Mes enfants étaient encore petits. Mon époux n’a jamais voulu qu’on aille habiter ailleurs. C’était sa maison. Il l’avait rêvée puis dessinée et décorée. Il a pensé à tout. Sauf à l’escalier !
Sa bouche se déforma curieusement.
— Ici, c’est Kerinjar ! reprit-elle d’une voix forte. Cela ne supporte pas d’objection. C’est et ce sera toujours comme ça. À terme, Fanny y habitera avec sa famille puisqu’elle est l’aînée. C’est ainsi qu’iront les choses. En attendant, je vis au rez-de-chaussée.
— Et votre époux à l’étage, donc !
— C’est mieux ainsi.
— Vous parliez d’enfants ?
— J’en ai eu deux. Fanny est la fille de ma fille Marie.
— Et le second ?
— Paul était l’aîné. Il s’est suicidé. Jeune.
Lorraine serra nerveusement les mains.
— Excusez-moi…
— Mais non. Vous ne pouviez pas savoir. Et puis il y a si longtemps…
Un voile sombre sembla cependant passer devant ses yeux. Elle contracta ses mâchoires, puis elle se ressaisit, l’employée apportait le plateau. En jetant un œil sur le contenu, Lorraine sourit. Il y avait bien deux beaux verres de cristal taillé et une carafe sans étiquette posée à côté de la théière en argent.
— Comment vous avez su pour Fanny ? demanda Lorraine en remerciant d’un signe de tête la bonne qui servait le thé et l’alcool de prune.
— Elle passait toujours par ici, avant d’y aller. Pas après parce qu’elle avait sa douche à prendre.
Elle esquissa un geste en direction du parc.
— Les marais sont là, à la lisière. Derrière ces arbres !
Elle s’interrompit pour laisser Jeanne placer une tablette devant elle, puis elle reprit :
— Elle ne courait pas tous les matins. Elle me prévenait la fois d’avant. Le lundi, elle m’avait dit qu’elle ferait son tour le mercredi et qu’elle m’apporterait un petit gâteau pour mon déjeuner. J’adore les pâtisseries. Jeanne en fait d’excellentes mais, de temps en temps, j’aime bien que ça vienne d’ailleurs. Je raffole des polonaises et j’adore le baba !
— Et alors ?
— Alors, alors ! Le temps passait. Fanny n’arrivait pas !
— Vous pouviez l’appeler. Elle a sûrement un portable…
— Elle l’oublie tout le temps et partout.
— Pas facile, en effet.
Lorraine s’éclaircit la voix et reprit :
— Vous avez su tout de suite que ce n’était pas normal…
— …et nous sommes parties avec Jeanne !
— Comme ça ?
— Ben oui, comme cela ! Jeanne me soulève en riant, vous savez. Elle a de la force et un dos d’acier. Ce que je n’ai plus. Nous avons retrouvé la voiture abandonnée sur le parking. La boîte avec le baba au rhum était posée sur le siège passager. La liqueur avait bavé sur le carton. La voiture n’était pas fermée à clef et le trousseau de Fanny n’était pas au tableau.
— Vous avez refait le parcours ?
— Pas vraiment. Nous avons fait le tour par la digue pour rejoindre la Maison des Marais. Ensuite, nous avons pris le chemin à l’envers.
— Vous pensiez quoi à ce moment-là ?
— Qu’elle était tombée. Qu’elle s’était tordu la cheville. Quelque chose comme cela. Embêtant, mais pas si grave au final…
La grand-mère soupira. Elle arrivait au moment douloureux de son récit.
— Et puis nous y sommes arrivées.
— Comment avez-vous su que c’était l’endroit exact ?
— Il y avait des traînées de chaussures dans les feuilles et dans la terre meuble. Puis Jeanne a mis la main sur l’enregistreur de Fanny. Il ne la quittait jamais. Il n’était pas éteint.
— Elle s’en servait beaucoup ?
— Elle enregistre tout. Elle n’a aucune mémoire.
— Vous avez donné cet appareil aux gendarmes ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que !
Lorraine s’énerva.
— Mais parce que quoi ?
— C’est personnel. C’est à Fanny ! Si elle ne revient jamais, il ne me restera rien du son de sa voix. Sauf ce qu’il y a de gravé dans ce petit boîtier de plastique !
— Vous comprenez la gravité de votre geste ?
— Vous allez me dénoncer ?
— Je ne suis pas chargée de l’enquête. De plus, les gens majeurs ont le droit de disparaître s’ils en ont envie.
— Le droit de crier aussi quand on leur fait du mal !
— Il y a ça sur la bande ?
Lorraine tendit la main.
— Donnez-le-moi tout de suite !
La grand-mère sortit l’objet caché sous le plaid à carreaux.
— Mais vous avez tout là-dessous !
— Même une arme !
Elle exhiba un petit pistolet nacré.
— Et il est chargé !
— Vous avez peur ?
— Peur ? Non, je ne crois pas. Ce n’est pas dans mon tempérament de craindre quoi que ce soit. Ni qui que ce soit !
— Pourquoi sinon ?
— S’il vient quelqu’un, je me défendrai !
Madame de Kerinjar ferma un œil et visa la fenêtre.
Lorraine allait de surprise en surprise. Elle préféra passer à autre chose.
— On écoute ? demanda-t-elle.
— C’est ce que vous vouliez, non ?
La magistrate fit fonctionner l’appareil. On entendit des bruits, le jappement du chien, puis l’heure de départ suivie de l’annonce des dizaines de foulées. Un peu plus loin, on entendit un bonjour furtif jeté au vent, ensuite, des éclats de voix, puis Fanny qui parlait de bohémiennes.