Matin blême à Rosporden - Serge Le Gall - E-Book

Matin blême à Rosporden E-Book

Serge Le Gall

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Beschreibung

Le destin d'une famille sans histoire bascule...

On a tiré à Rosporden ! Une balle vient de trouer la surface tranquille de l’étang. Le joggeur lève les bras pour se rendre. C’est ainsi que commence cette affaire où une famille sans histoires va voir son destin bousculé par un sachet de diamants qui a disparu. Marina ne veut pas croire à la fatalité et décide de mener l’enquête coûte que coûte. Ceux d’en face vont payer, elle en fait le serment. Mais le risque est partout… Sollicité par l’épouse du joggeur, Landowski arpente villes et campagnes. De Concarneau à Scaër et Guiscriff en passant par Rosporden, il veille au grain tout en en restant à distance. Puis le drame arrive. Jamie, l’enfant du couple, est enlevé sur le chemin de l’école. Là, on ne joue plus et les hommes vont tomber avant les masques. Marina, en Mère Courage exemplaire, réussira-t-elle à sauver sa famille ?

Plongez-vous dans le 28e tome des enquêtes passionnantes de Landowski et suivez Marina, Mère Courage exemplaire, qui fera tout pour sauver sa famille !

EXTRAIT

Ange passa un petit portillon enchâssé dans la haie en évitant bien de faire grincer la ferraille puis il avança aussitôt vers la maison pour se mettre à l’abri du balcon. Ainsi l’occupant des lieux, s’il lui prenait l’envie de sortir sur son belvédère, ne remarquerait pas l’intrus. Valait mieux. Ange venait de s’apercevoir qu’il ne disposait pas vraiment de zone de repli et qu’il pouvait se faire arroser de plomb sans avoir beaucoup de chances de préserver sa peau. Les lieux étaient ainsi configurés. Il fallait faire avec. D’ailleurs, ce n’était pas la première fois. Il en avait régulièrement réchappé mais il aimait de moins en moins ces lieux sordides et trop calmes ou le silence s’apparentait trop à la mort.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Dans la collection Pol’Art, Serge Le Gall a mis en scène les tribulations du détective Samuel Pinkerton. Dans la collection Enquêtes et Suspense, il vous propose de participer ici à la nouvelle enquête du désormais célèbrec ommissaire divisionnaire Landowski.

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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

PROLOGUE

Un éclair bleuté traversant l’azur d’un matin sans nuages.

On dirait une sorte de signal.

Bref, unique, métallique et froid.

Comme une sentence de justice.

Peut-être.

C’est certainement un trait de lumière, parti de l’autre côté de l’étang où le jour nonchalant s’étire au réveil. Le moment idéal là-bas le long des arbres. Le soleil rasant a dû accrocher quelque chose au-delà des légers bancs de brume qui s’effilochent au-dessus de l’eau tranquille de l’étang.

Mare aux canards ou mare au diable ! C’est selon…

Pour les uns, c’est un moment calme et serein, apprécié des solitaires ou des esseulés. On a tout le loisir d’échanger avec soi-même des choses intimes qui n’intéressent personne d’autre. Tous ces actes manqués qu’il ne sera jamais possible de transformer en bonheur. Parce qu’il s’est enfui…

Ou croire encore à des choses, chercher à les réaliser.

Et puis, échafauder, c’est composer, créer, construire. Rêver certainement et essayer. Oui essayer.

Pour d’autres, c’est bousculer, saisir et prendre avant de s’approprier. C’est le moment où l’on se sent maître du monde puisqu’il n’y a personne pour vous contredire. Jusqu’au jour où…

Et puis courir aussi et marcher. Ça muscle les neurones, ça nettoie les esprits chagrins des nuits en dents de scie où l’oreiller que l’on malmène est rendu responsable d’un repos chaotique. Ensuite il faut embrayer sur une journée de travail, tenter de régler des problèmes sans solution, espérer des avenirs à s’ouvrir enfin. L’amour parfois.

Ce n’est pas toujours le moment des causes perdues. C’est aussi celui de l’embellie que tout un chacun espère voir se lever dans un petit matin superbe.

Ce joggeur-là aime bien ces matins blêmes où le temps accepte de marquer une pause. C’est le rythme de la nature, pas celui des hommes. Pas certain qu’il se gave déjà d’états d’âme. Il sera bien temps, tout à l’heure, de s’occuper du jour quand il sera vraiment levé. Et ça, si ce n’est pas l’éternité, ça y ressemble quand même un peu. Un moment de calme et de solitude dont on peut profiter avant de s’embarquer pour une journée de travail. Comme tous les matins de la semaine.

La vie tout simplement. Ou y croire un instant.

Mais le sportif matinal vient de saisir au vol un autre reflet. Un trait comme une flèche. Du vif-argent insaisissable. Probablement la vitre d’une portière de voiture que l’on vient d’ouvrir brusquement et qui a capté un rayon de soleil pour le renvoyer en boomerang. Le coureur n’est certainement pas le seul à développer quelques foulées régulières en cette période de l’année. Il fait encore jour de bonne heure. Pas de vent, pas de pluie. De quoi sortir du lit les adeptes de la course en solitaire. Un moment pour penser, un moment pour oublier. Un moment pour rien si l’on n’a pas grand-chose à se dire.

Les nombreux volatiles qui nichent en ces lieux de paix ne s’y trompent pas. Le bonheur, ils savent, eux, ce que c’est. Ils tirent quelques bords pour se dégourdir les pattes, rejoindre leurs congénères, jouer des ailes pour faire respecter la hiérarchie. Comme chez les humains.

Dans un moment qu’eux seuls devinent avant que ce ne soit l’heure, ils s’approchent des vannes pour profiter du grain que leur jette le préposé de la commune, responsable de cette opération quotidienne. Ils se dirigeront ensuite vers les herbiers chercher leur dessert avant d’entamer des palabres interminables avec des oiseaux de passage dont ils ne comprennent pas toujours le langage, puis de se prélasser au soleil pour chauffer leurs plumes parce que c’est la vie qui leur a été donnée. Et qu’il n’y a aucune raison d’en changer.

Chez les hommes, c’est différent, tellement différent…

L’homme en sueur brise son élan. Il entame un passage sous le pont de chemin de fer en utilisant la passerelle en bois dont les planches résonnent. Le dernier tour se termine dans le petit escalier de quelques marches seulement, mais qui cisaille les mollets déjà bien sollicités et le joggeur quitte le chemin de terre pour l’enrobé du parking situé tout près de l’église paroissiale. L’arrivée est proche.

Le sportif s’arrête et jette un dernier regard en direction de l’étang. Tout est calme, trop calme, et l’inquiétude lui serre la gorge mais rien ne sert d’avoir peur de ce qu’on ne connaît pas.

Le coureur reviendra demain. S’il est en forme. Si c’est possible. S’il est encore là. S’il n’est pas mort, tout simplement. Puisque le destin aime tellement s’amuser avec la vie des gens.

Le vénérable cygne, seigneur des lieux, est en retard. D’habitude il le voit s’approcher du petit-déjeuner. Avec nonchalance, parce que l’ancienneté rend serein tant qu’on ne déboulonne pas les statues.

Ou alors c’est le coureur à pied qui a forcé l’allure du retour. C’est vrai que son premier rendez-vous est plus tôt aujourd’hui. Le planning est plutôt chargé. Dans le privé, on prend quand ça fonctionne. On ne connaît pas la suite. En province, dans la France profonde, comme disent les citadins friqués avec un certain mépris dans la voix, l’emploi est volatil avant d’être une denrée rare. On ne peut pas lâcher la rampe. C’est elle qui vous lâche et ne vous rattrape jamais. Tout ça, il connaît. L’objectif est de ne pas figurer sur la liste. Du moins pas à la première page…

Encore une centaine de mètres à parcourir en marchant pour reprendre son souffle et il sera arrivé au bas de son immeuble. Quelques mouvements des bras pour se revigorer et respirer. Cracher aussi, les mains sur les hanches, pour être bien certain de retourner délibérément dans le monde des fourmis.

L’église classée fait face à une mairie résolument moderne. Un parvis désert. Les badauds qui traîneront dans le coin tout à l’heure, sont pour l’instant, assis à la table de la cuisine devant un bol de faïence de Quimper gravé à leur prénom et ils butent sur la dernière définition de la grille de mots croisés du quotidien local.

Quelques pavés pour cheminer en direction du presbytère. Un porche à côté. Plus loin sur l’arrière au premier étage, de la lumière comme pour signaler qu’on peut sonner à la porte et qu’on vous ouvrira.

C’est là qu’habite notre joggeur matinal. Avec son épouse Marina et Jamie leur fils, qui n’a pas encore dix ans.

*

Marina s’étire. Elle a mal dormi. Les températures ont baissé mais il fait encore chaud la nuit. On tourne, se retourne, se lève, se recouche et on espère retrouver un endormissement rapide. Parfois, c’est peine perdue. Comme cette nuit.

Elle replie le journal et le pose à côté de son bol vide. Elle reprendra un café avec Jean tout à l’heure. Elle n’a pas terminé son croissant. L’extrémité de la viennoiserie a pris un coup de chaud et elle s’est émiettée. La jeune femme n’aime pas le croustillant qui ne se respecte pas. Machinalement ses yeux vont d’un titre à l’autre sur la une du quotidien. Rien de bien souriant comme d’hab’. C’est quand le bonheur…

Là, elle vient d’entendre un bruit métallique. Comme un trousseau dont les clefs s’entrechoquent. Son mari rentre déjà ? Elle le connaît bien. S’il a écourté son jogging, c’est qu’il a une bonne raison ou que quelque chose le préoccupe. C’est vrai qu’il a dit hier soir qu’il avait un rendez-vous de première importance avant de commencer sa journée. Il ne sera pas en retard. Elle n’en doute pas. C’est un bon professionnel. Elle en est fière.

Marina fronce les sourcils tout en bougeant machinalement la petite cuillère dans laquelle stagne une ultime goutte de café tiède.

Pourquoi a-t-il dit « avant » ?

Ce rendez-vous, c’est pour le boulot non ? Ou bien…

Marina est pressée elle aussi ce matin. Elle doit déposer son fils à l’école puis passer chez sa mère pour vérifier que tout va bien et filer à son bureau. Sa maman commence à oublier des choses. Ce n’est pas encore très grave mais elle se doit d’être vigilante. La notion d’espace et de temps s’envole parfois. Ensuite ce sera souvent. Jusqu’au jour…

Marina passe le matin et le soir, vérifie que tout va bien, vérifie le gaz, ferme les volets, donne un tour de clef à la porte de la rue mais laisse ouverte celle du jardin. Sa maman aime bien son coin de verdure. C’est d’ailleurs là qu’elle la retrouve le plus souvent à grattouiller dans l’allée principale juste devant la porte. Ou à contempler ses fleurs, ne sachant plus très bien l’heure qu’il est. Mais elle sait ce qu’elle lui doit. Plus que d’autres peut-être…

La porte…

C’était quoi ce cliquetis tout à l’heure provenant du rez-de-chaussée ?

Et ce bruit sourd, là, maintenant.

S’ensuit comme un souffle qui proviendrait d’une masse en mouvement. Un groupe d’hommes armés, habillés de noir, font irruption, montent l’escalier, s’engouffrent dans l’étroit couloir et s’encadrent dans la porte de la cuisine.

— Gendarmerie ! Où est votre mari ?

Marina est médusée. Il n’y a que dans les séries télé qu’elle a vu ça ! Imaginez un peu. Vous êtes devant votre bol de café. Vous vous réveillez lentement mais pas tranquillement puisque vous avez de la visite de gens que vous n’avez pas invités et qui ne vous disent même pas bonjour. Y’a de quoi froncer les sourcils, ouvrir la bouche sans proférer un son et se demander à quelle heure va arriver le chef des ninjas. Tant qu’à faire…

— Je ne sais pas, répond Marina, la voix tremblante.

Juste ce qu’il faut pour que les musclés reculent dans le couloir et se mettent à ouvrir les portes une à une.

Le policier qui semble le chef du groupe d’intervention demande :

— Il se cache où votre mari ?

Marina ne comprend pas bien.

— Se cache ? De qui, pourquoi ?

— Il est dans quelle pièce ? Vite !

Le son est discret. Le ton tranchant. Boulot, boulot. L’épouse secoue la tête sans rien dire. Elle ne comprend toujours pas.

— Pourquoi il est pas là ?

— Il est sorti.

— Parti ? Travail ?

— Non. Jogging.

Elle fait comme l’homme en noir. Un mot, un autre. Pas de phrase. Pas le temps.

— Il revient ?

Ben oui ballot. Il va rentrer chez lui, tiens ! Il n’y a pas de raison ! Mais elle ne peut pas le dire de cette façon.

— Dans deux trois minutes, répond-elle.

Le gradé se retourne vers ses hommes.

— Tout le monde en place. Target en retour. On attend.

« Target », ça veut dire la cible non ? Elle a entendu ça dans un film américain. Marina en a le souffle coupé. C’est sur son mari qu’ils vont faire un carton ?

Elle se lève d’un bond et marche vers les intrus qui reculent.

— C’est quoi tout ce cirque ?

Elle s’est entendue hurler. Personne ne lui répond mais un index ganté de noir la fixe. On doit vouloir qu’elle la ferme et elle comprend immédiatement qu’elle n’est pas de taille à leur résister. C’était juste un réflexe de défense. De quoi parfois mettre un terme à la vie. Suffit, qu’en face, on le prenne mal. Et boum !

Dans l’équipe qui patiente dans le couloir étroit, elle voit un père de famille aux yeux fatigués. Derrière, un jeune au visage lisse et regard doux. Un autre plus grand qui baisse les yeux. Marina est une jolie femme. Légèrement habillée. Court aussi. Il y a un petit moment, elle était encore au lit. Insouciante et belle.

Puis c’est la porte d’entrée qui s’ouvre. On entend le bruit et le souffle d’un utilitaire qui passe dans la rue Prévost et la porte se referme.

Un bouton rouge s’allume au bras de celui qui a parlé, le chef probablement. Il ordonne :

— Silence partout !

Le couloir se vide. Le joggeur est tranquillement revenu chez lui sans se douter de rien. Sauf qu’aujourd’hui, ça va être sa fête alors qu’elle n’est même pas inscrite au calendrier. Il ôte son bonnet humide de transpiration puis monte lentement marche à marche l’escalier et pose le pied sur le tapis du palier. Il souffle bruyamment comme pour mettre un terme à son effort matinal et marquer son retour. Un rite peut-être. Une satisfaction certainement.

Le silence revient durant quelques secondes puis la porte du fond du couloir s’ouvre lentement. Un petit bonhomme en pyjama bleu passe la tête et crie :

— Ils sont là ! Cours, Papa ! Cours !

Le père ne sait pas qui ni pourquoi mais il fait demi-tour, dévale l’escalier, bouscule une ombre qui voulait s’interposer et claque la porte derrière lui. Pas de pêne à l’intérieur. Sécurité enfant. On s’agglutine en noir devant la porte qui s’en fout des bordées de jurons. Elle ne s’ouvrira pas sans un tour de clé. Basique.

En quelques enjambées, le fuyard se retrouve sur le parking de l’église et non loin du presbytère. Il aperçoit un fourgon bleu marine du côté de la place de la Victoire. Il ne peut donc pas filer en direction de la mairie. Il passe le porche, longe le grillage vert et rattrape le sentier au bord de l’eau. C’est toujours aussi calme. De quoi se demander s’il n’est pas en train de se faire un film.

Il réfléchira plus tard, quitte à sourire de sa réaction soudaine. Ce n’est pas le moment d’ergoter sur le sexe des anges. Il lui faut s’éloigner au plus vite. Les muscles encore chauds, il déroule aisément les foulées et file en direction de la route départementale. Arrivé aux vannes qui régulent le débit de l’Aven, il y a une trouée entre deux maisons qui donne de l’autre côté. Il aperçoit du bleu et du noir en mouvement dans la rue Hippolyte Le Bas. Non, ce n’est pas un jeu. La réalité s’impose. Le choc aussi.

Du côté de l’ancienne station-service, vers le bout du pont, il aperçoit deux fourgons qui ne se cachent même plus. Il comprend les éclairs bleutés et force l’allure sur le chemin qui tourne autour de l’étang. Il passe rapidement à couvert et file en direction du pont de chemin de fer. À pied, il a encore ses chances. Du moins, il s’en persuade.

Arrivé au pont, il gravit la butte à droite et passe le grillage pour rejoindre le ballast. Ses poursuivants sont en contrebas et à distance. Ils ne peuvent le voir sur lui. Ils ne sauront pas quelle direction il aura prise. De quoi donner du temps au temps. Tout est encore possible. Il traverse la voie, se faufile, dévale de l’autre côté et se retrouve devant le second étang.

Mauvaise pioche. Ils ont bouclé le secteur. Un comité d’accueil se met en mouvement du côté du petit jardin. Probablement sorti du fourgon bleu marine. Dans quelques mètres, ils seront à hauteur de la bouée de secours, mais ils ne semblent pas avoir repéré le fuyard. L’information concernant sa fuite n’est vraisemblablement pas encore passée et la zone est vaste. C’est un atout pour lui sauf qu’il ne comprend toujours pas ce qu’on lui veut. Des hommes en armes et habillés de noir comme à la télé et qui donnent l’assaut, on n’a jamais vu ça à Rosporden !

Pour l’instant, il faut fuir.

On vient sur sa droite. On approche sur sa gauche. Il n’a pas beaucoup de choix. Même pas cornélien le truc. Il pourrait rester là à les attendre et se rendre. Que faire d’autre, en fait, mais ce n’est pas son genre. Il ferme complètement sa veste de jogging, cale le sachet hermétique où il garde ses clefs, et, lentement, se glisse dans l’eau. Il s’éloigne en marchant dans les herbiers en se cachant sous la végétation sauvage de la berge. De quoi effrayer les saumons qu’il aperçoit parfois le matin. Il habite ici depuis des années. Il connaît probablement mieux la topographie des lieux que ses poursuivants. Il mise sur cet avantage. Si c’en est un. On verra plus tard.

Il fait péniblement une centaine de mètres en tentant de ne pas trop s’éloigner de la rive. L’eau est froide et elle rencontre un corps chaud. Il s’est enfoncé jusqu’à la ceinture quand il dérange un couple d’oiseaux qui s’envole en protestant. Dommage. Là-bas, les gendarmes l’ont repéré. Ils sont encore loin sur le sentier mais ils accélèrent. Il lui reste à les prendre de vitesse. Leur équipement ne les affûte pas vraiment pour la course. S’il parvient à passer la trouée de l’ancienne voie ferrée Rosporden-Carhaix, devenue piétonne, il peut les semer et disparaître dans la campagne. Derrière, il y a le troisième étang grignoté par une végétation plus folle. Une planche de salut. Plus loin, habite la mère de Marina. Il passera du garage à la cave du fond. Il sait ce qu’il y a dans l’armoire métallique. Il sait où l’on cache la clé. Marina lui a montré. Il se défendra si c’est nécessaire.

Alors il nage. Au crawl, il est excellent. Il a un objectif. Il a ses chances. Il constate très vite qu’il creuse l’écart. Il n’a pas encore perdu la partie. Avec tout leur barda, les poursuivants ont du mal à le rattraper, surtout qu’ils doivent suivre la berge d’en face dont la courbure augmente la distance. D’autres arriveront certainement par le parking mais ils ne savent pas forcément où il se trouve exactement. De quoi gagner quelques précieux mètres.

Parvenu à la jonction des deux étangs, le fuyard prend pied avant le pont, à l’endroit où les alluvions ont formé une sorte d’île naturelle. Malheureusement, le sol est mou et spongieux et, s’il convient au déplacement des canards, il est loin d’être suffisamment stable pour un humain. Le joggeur glisse, se rattrape à la végétation, glisse à nouveau et met les genoux sur le sol humide pour ne pas partir en arrière. Il n’avait pas prévu que la berge allait être une ennemie pour lui et qu’elle pouvait lui faire perdre les quelques précieuses minutes qui lui conservaient sa liberté.

Il est épuisé. Jogging, course, nage. Mental à la dérive. Cible mouvante. Tout cela, c’est beaucoup pour un petit matin qui s’annonçait si tranquille. C’est trop même. Il se débarrasse de ce qui finit par l’encombrer. La bascule est en marche. Il y a un moment où le coup se gagne ou se perd. Il relève la tête. Là-bas, il voit très bien le gendarme casqué qui s’est positionné en statique. Celui-ci crie quelque chose mais les mots se perdent sous les arbres. Le canon de l’arme se relève. Une détonation. Un plouf dans l’eau à cinq mètres du fuyard, juste dans le chenal qui se forme sous le pont. Là on ne rigole plus.

Le joggeur parvient à se redresser. Maintenant, ils sont deux à le tenir en joue. D’autres uniformes approchent sur la voie verte. Il a perdu. Il lève lentement les bras. Son équilibre est instable. Il vacille mais ne tombe pas. Il ne leur fera pas ce plaisir.

Il a quelque chose à leur dire.

Il crie :

— Ce n’est pas moi !

Dans ces quelques mots, il a mis toute sa conviction. Il plaide non coupable. Il rajoute :

— Je n’ai rien fait de mal ! Laissez-moi, vous faites erreur !

Il ne s’en est pas rendu compte mais quelques larmes mouillent ses yeux. Les hommes pleurent aussi. Discrètement.

Tu te lèves le matin et c’est aujourd’hui…

I

Le commissaire divisionnaire Landowski posa son mug sur la table de la terrasse. Plus précisément, il le poussa à toucher le bord de l’assiette où subsistaient les restes de son plat chaud.

Il venait de déjeuner simplement d’un axoa de veau mélangé avec un riz basmati du Penjab. Un délice très personnel parce qu’il parfumait le plat avec des baies roses savamment concassées par ses soins dans un creuset et rajoutées dans le plat une fois servi dans une assiette à soupe. Rien avant. Rien après. Ni vin ni eau. Café et c’est tout.

Le bocal de viande cuisinée venait tout droit du Pays Basque, où l’administration l’avait convié à donner une conférence sur les modes opératoires des importateurs de stupéfiants. Itinéraires, convois en go fast, leurres, armement. Rien de cela n’avait de secret pour lui. Idem pour les souvenirs douloureux de policiers morts en service pour avoir tenté de barrer la route à des trafiquants de drogue.

Il en avait serré quelques-uns de ces fondus, capables de tuer pour sauver leur saloperie de came en jouant aux quilles avec leurs bolides racés contre des fonctionnaires de police. Des premiers, il y en avait en taule à jouer les caïds sur les coursives quand les veuves de policiers pleuraient les seconds devant les tombes. De quoi faire grincer les dents du commissaire. Toujours ce différend entre police et justice.

Depuis quelques mois, le divisionnaire était sans réelle affectation. L’ex-directeur de la DGSI l’avait placé en réserve du service en attendant de lui confier de plus hautes fonctions et lui avait demandé d’intervenir devant les nouvelles promotions de gendarmes et de policiers. Une manière de découvrir les charmes de la France profonde tout en faisant profiter les stagiaires de sa très grande connaissance du métier.

Dans les couloirs de la direction à Levallois-Perret, on avait aussi parlé de lui pour une accession au grade de commissaire général de police. Une promotion convoitée. Nombre d’appelés, peu d’élus. Puis les élections étaient passées par là. Le directeur avait été remplacé. D’un fauteuil, l’autre. Dans les hautes sphères, c’était devenu une sorte de jeu comme s’il était essentiel de ne pas toujours laisser les bons éléments chercher à transformer utilement la République. Probablement que le nouveau pouvoir sorti des urnes au mois de mai allait prendre son temps. Voire faire d’autres choix…

Lorraine Bouchet, compagne du commissaire et magistrate au Parquet de Paris, se trouvait peu ou prou dans la même situation. Pour respecter le principe des chaises musicales ayant cours dans la magistrature tous les trois ou quatre ans, elle devait émigrer vers une autre juridiction et occuper une tout autre fonction.

Pour elle non plus, la nouvelle affectation n’était pas connue. Une sorte de flou pas très artistique mais que Lorraine Bouchet acceptait finalement assez bien. Elle continuait son travail comme si de rien n’était, à la grande satisfaction de sa greffière qui n’avait pas franchement envie de changer de patronne. C’est toujours aux subordonnés de s’adapter. L’inverse n’est pas entré dans les mœurs.

Et puis, le nouveau Palais de Justice étant en construction à Clichy, le Président du TGI l’avait chargée de proposer un plan de répartition des bureaux de magistrats à l’intérieur de cette tour de verre. Autrement dit, elle devait se coltiner une mission extrêmement délicate au cours de laquelle elle aurait bien du mal à faire avec les susceptibilités des uns, les exigences des autres et les impératifs de l’État.

En même temps, on sortait de l’été pour entrer dans l’été indien. Si d’aventure il y avait des Chinga-pooks à plumes sur le sentier de la guerre, il serait toujours temps de sonner la charge. Il était certainement urgent d’attendre…

Magistrate et commissaire avaient bien profité de quelques jours de vacances au bord de la mer.

Lorraine avait fait de la plongée autour des Îles Glénan, Landowski de la pêche au lancer en passant des heures sur la digue à se faire narguer par le menu fretin, avant de se retrouver ensemble le soir en terrasse pour ne rien faire du tout. Ou l’essentiel d’un couple.

En mer, la tourelle baptisée « Men Du » se laissait lécher à sa base par un mouvement d’écume bien blanche. Pour remarquer le clapot du rivage, il fallait que l’océan soit en train de taquiner vraiment. Les beaux jours allaient maintenant se compter mais la mer, avec l’archipel des îles Glénan en toile de fond, vaudrait toujours qu’on s’y attarde. Question de lieu, pas de temps. La mer n’a pas de limite à sa longévité, elle.

Tout à coup, Landowski la remarqua.

Une jeune femme aux cheveux clairs, bermuda en jean, chaussures de sport à bandes noires, coupe-vent bleu marine ouvert. Lunettes de soleil relevées. Avec une pointe d’insolence dans l’attitude et la certitude d’être remarquée.

Elle avait le regard franchement dirigé vers le vacancier debout sur sa terrasse à cent mètres. Le terme « rivé » aurait même pu être employé. Pas de doute sur le but de sa promenade à pieds. Le policier était visé. Landowski tiqua. Vivement que les arbustes en croissance plantés dans le terrain créent un peu d’intimité. Derrière un rideau de verdure, il serait enfin à son aise. Il préférait largement la discrétion à l’étalage. Pour vivre heureux, vivons cachés.

L’inconnue remontait le chemin venant de la route côtière et rejoignant tranquillement le petit village de Trévignon situé en retrait de la Pointe, bien à l’abri des caprices de l’océan. La maison avait été le choix de Lorraine. Un coup de cœur qui avait fait un trou béant dans ses économies puisqu’elle avait financé l’achat toute seule. Si Landowski était du genre solitaire, Lorraine, quant à elle, veillait jalousement sur sa liberté.

La promeneuse marchait sans se presser le moins du monde. Ce n’était même plus de la nonchalance à ce stade puisqu’on aurait dit qu’elle faisait du surplace pour bien être certaine d’être repérée. Peut-être même qu’elle simulait un déplacement pour ne pas quitter Landowski des yeux. Manifestement elle voulait absolument capter le regard du commissaire. Une attention appuyée qui ne pouvait que révéler un intérêt quelconque pour un vieux briscard de terrain.

Quelconque ? Pas si sûr. On ne tire pas des bords dans un lieu tranquille et à la lisière d’une parcelle privée sans raison. Surtout si l’insistance du petit manège commence à intriguer l’occupant. Il y a quelque chose de gênant, d’indécent à forcer le trait de cette manière même quand la raison peut paraître légitime. Était-ce un regard critique envers un nouveau venu ou un moment d’admiration devant un jardin bien entretenu ? Était-ce un rejet du principe de propriété ? De l’autorité ? De l’État ? De l’anti-flic primaire ?

Ou tout autre chose. Landowski avait eu les honneurs de la presse nationale et locale pour des affaires qu’il avait résolues en Bretagne. Incidemment, ici et là, on avait probablement cité le lieu habituel de ses vacances. Ensuite, pour le retrouver, il suffisait de… mener l’enquête !

Quand on ne sait pas, le mieux, eh, c’est de demander, vous ne croyez pas ?

Landowski rentra dans le séjour puis gagna la porte d’entrée donnant sur l’arrière de la maison. Avant de sortir, il glissa la main dans le premier tiroir du meuble du vestibule pour y pêcher une arme de poing qu’il engagea dans son dos sous sa ceinture de cuir. Il était du genre à sortir couvert en toutes circonstances.

Il marcha sur le fin gravier dont Lorraine exigeait qu’il soit régulièrement ratissé pour effacer les traces de pas et de roues et il s’avança jusqu’au portail à demi fermé. Eh oui, encore une manie de flic de ne pas permettre l’irruption rapide d’un véhicule. Simple précaution pas difficile à pratiquer. Et ça fait faire du sport…

En voyant Landowski s’approcher, la promeneuse s’était arrêtée au bord du jardin d’en face et elle regarda l’homme approcher puis s’arrêter derrière la partie fermée du portail.

— Bonjour ! lança-t-il. Vous cherchez quelque chose, quelqu’un ? Je peux vous renseigner peut-être ?

Le commissaire avait fait dans le léger pour ne pas effaroucher. Lorraine lui reprochait d’être parfois un peu trop abrupt dans sa prise de contact. Sauf qu’un policier ne l’est pas seulement aux heures de bureau. Au grand dam parfois des conjoints. Et puis, Landowski ne vivait pas dans un monde de Bisounours. Ceci expliquant cela.

L’inconnue sembla hésiter un instant, passant d’une jambe d’appui à l’autre en regardant ses chaussures. Landowski haussa les épaules. Libre à elle de ne pas répondre. Il n’allait pas insister. Les gens font ce qu’ils veulent et il ne leur demandait davantage que si la procédure l’exigeait. Quand elle aurait besoin de quelque chose, elle oserait le dire non ?

Le shérif avec ses gros revolvers a toujours fasciné. Le criminel aussi d’ailleurs. Certaines cherchent le frisson. S’il s’agissait d’une curieuse avide de sensations fortes, elle repasserait. Il n’avait pas envie de perdre son temps. Il avait fait le minimum syndical en posant une question de bon voisinage. Lorraine ne pourrait pas le traiter de vieux ronchon. Pas cette fois.

Il venait juste de se retourner pour rentrer et passer à autre chose quand il entendit la réponse fuser enfin.

— Euh bonjour !

Il fit face à la nouvelle venue qui dit :

— C’est vous le…

Comme ponctuation, la jeune femme usa d’un léger coup de menton.

— C’est moi le, dit-il comprenant qu’il valait mieux se passer d’effets de manches comme se gargariser de superlatifs.

— Ah !

— Vous vouliez me voir ?

— Oui. Enfin je ne sais pas si…

— Puisque vous êtes là !

Elle venait lentement de s’approcher du portail. Instinctivement Landowski regarda ses mains. Tant qu’elle les tenait devant elle, il n’y avait pas de souci. Il en connaissait de ceux qui avaient baissé la garde devant une jolie femme bien sous tous rapports avant de se faire fumer comme des harengs.

— Vous êtes bien le commissaire Landowski ?

— C’est moi oui ! Qui le demande ?

La jeune femme s’éclaircit maladroitement la voix.

— Moi ! Je voudrais vous dire quelques mots. En particulier. Enfin si c’est possible.

Il la regarda plus attentivement. Elle avait les yeux un peu rougis et la mine fatiguée mais elle ne semblait pas abattue.

— Vous venez d’où comme ça ?

— De Rosporden. Ma voiture est garée un peu plus bas sur la corniche. Mon fils est à l’intérieur.

— Il pouvait vous accompagner. Je ne mords pas vous savez !

En disant ça, il n’en était pas si sûr.

— Non, non. Il peut m’attendre. Il a sa tablette, ses jeux. Je ne vais pas vous déranger bien longtemps.

Landowski se dit que c’était plausible puisqu’on était mercredi.

Elle leva un regard mouillé vers le grand flic.

— Et puis je ne veux pas qu’il entende ce que j’ai à vous dire.

Landowski n’aimait pas beaucoup ces messes basses ou le clair ne sort pas du gris. Au bar de l’embrouille, il ne demandait jamais qu’on remplisse à nouveau les verres.

Avec juste ce qu’il fallait d’humanité, il dit :

— Venez à la maison. Le café est encore chaud.

Il se demanda aussitôt s’il n’avait pas tort d’être si urbain tout en comprenant que la courte sieste qu’il s’imposait en vacances était compromise. Mais puisqu’il avait affaire…

La visiteuse remonta l’allée en compagnie du commissaire. Sans un regard, sans un mot. Il y avait quelque chose de solennel dans ce parcours en duo et Landowski pensa aussitôt qu’il venait de se coller dans de belles emmerdes.

L’invitée entra la première puis elle attendit dans le vestibule que l’hôte referme la porte.

— Passons en terrasse, si vous le voulez bien. C’est par là.

Il indiqua le chemin.

— Quel que soit le sujet, on y est toujours mieux. Les embruns peut-être.

Il entendait déjà Lorraine lui dire qu’il n’était pas aussi avenant avec elle. Et qu’il suffisait d’une…

Il chassa ses craintes d’une grande inspiration puis il demanda :

— Le café, c’est oui ?

Invitée par un geste de Landowski, la visiteuse venait de s’asseoir sur un fauteuil en rotin.

— C’est oui, répondit-elle en souriant.

Landowski la quitta quelques minutes, le temps de redonner un coup de chaud à la cafetière qu’il avait éteinte après s’être lui-même servi tout à l’heure. Discrètement hein, puisqu’il avait légèrement travesti la vérité.

Mais elle ne le regardait pas faire. Elle avait les yeux vissés sur l’horizon liquide. Un peu comme si elle avait l’envie forcenée de s’y fondre. Et disparaître.

Il y a parfois de ces échappatoires disponibles qui s’offrent à ceux qui n’en peuvent plus et Landowski avait cru lire dans les yeux de cette femme inconnue une sorte de détresse infinie pouvant mener d’un drame à un autre. Même si la force était encore là.

Tous les deux au portail. Elle ne sachant pas comment se tenir. Lui restant campé sur ses jambes écartées. Il avait compris qu’il se rendrait responsable de quelque chose s’il la laissait repartir sans avoir daigné l’écouter.

— Et si vous me disiez pourquoi vous cherchez à me voir, dit-il en installant tranquillement la cafetière en verre et la tasse en grès.

Volontairement il ne l’avait pas regardée, se bornant à verser le breuvage noir goudron qu’il affectionnait, dans la tasse puis dans son mug qu’il avait laissé sur la table.

— Sucre ?

Il tendit une timbale en étain garnie de dosettes de couleur.

— Non merci.

— Attention hein. Je le fais fort !

— Ça me va.

Il comprit qu’elle ne dirait rien tant qu’il resterait debout. Alors il s’assit.

La visiteuse le fixa dans les yeux.

— Vous êtes armé.

Elle avait donc remarqué la bosse dans le dos.

— Réflexe professionnel. On ne sait jamais à qui on a affaire.

— Même devant une femme ?

— Tout individu. Le sexe n’a absolument rien à voir là-dedans. Sans sexisme aucun, bien entendu !

Landowski croisa les mains.

— Alors ? demanda-t-il, laconique.

La jeune femme inspira un grand coup et lâcha :

— Mon mari a été arrêté.

Information banale pour un commissaire ! D’où un visage impassible.

Elle gronda avant d’ajouter :

— Il est innocent. Vous comprenez ? In-no-cent !

La force de l’émotion, contenue le temps de se trouver face à face avec le policier, s’exprima aussitôt en pleurs.

— Calmez-vous, dit Landowski ne sachant pas vraiment quelle attitude adopter, racontez-moi plutôt.

La femme releva la tête, se passa la main dans les cheveux en oubliant les lunettes qui tombèrent sur la table. Elle les récupéra, replia les branches puis elle dit :

— Ils sont venus un matin de bonne heure. J’étais devant mon bol de café.

— Qui ça ?

— Des gendarmes casqués et armés. Ils ont fait irruption chez moi. Je n’ai pas eu le temps de réagir qu’ils étaient déjà massés devant la porte de la cuisine.

— Ils étaient combien ?

— Cinq ou six, je ne les ai pas comptés. J’étais tellement terrorisée.

— Et…

— Ils cherchaient mon mari.

— Il n’était pas là ?