Mystères à l'île de Batz - Michel Courat - E-Book

Mystères à l'île de Batz E-Book

Michel Courat

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Beschreibung

Mission impossible pour Laure Saint-Donge : une amie à qui elle doit beaucoup lui a donné trois semaines pour retrouver des bijoux volés en mai 1944 à Brest… Un délai bien trop court pour une LSD aux prises avec de très sérieux problèmes personnels. Aura-t-elle les ressources mentales suffisantes pour tenter de retrouver le trésor à temps ? Et si elle se trouvait une alliée inattendue ? Et si le chemin de la vérité passait par l’île de Batz ? Et si l’impensable se produisait ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Courat - Amoureux de la Bretagne depuis toujours, il y a exercé comme vétérinaire – dans le Trégor – durant une quinzaine d’années avant de partir s’occuper de la protection des animaux dans les Cornouailles anglaises pendant 9 ans. De 2008 à 2016 il a travaillé à Bruxelles comme expert en bien-être animal pour une ONG européenne. Ensuite, il a apporté son expérience au sein de l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir) pendant 6 ans, avant de couler maintenant une paisible retraite à Locquirec."


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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

AVANT-PROPOS

S’il vous prend l’heureuse envie de visiter ce petit coin de paradis en dehors du temps, ce petit bout de terre situé en face de Roscoff, dans le Finistère, n’oubliez jamais que l’on écrit « île de Batz », mais que l’on prononce « île de bâ ». Le T et le Z sont muets.

De ce fait les habitants se nomment « Bassiens » (Batziens) et « Bassiennes » (Batziennes).

La saga des aventures de LSD commence en 2006 ; le présent ouvrage, 24e de la série se déroule quelques années après, sans plus de précisions, donc dans les années 2010. Toute allusion à l’époque actuelle n’est due qu’à l’esprit facétieux de l’auteur.

PROLOGUE

LOCQUIREC

PLESTIN-LES-GRÈVES

SAINT-POL-DE-LÉON

Nous avons la douleur

de vous faire part du décès brutal de

Laure SAINT-DONGE

(dite LSD)

Journaliste et romancière

De la part de

Vincent Saint-Donge, son père,

Isabelle Lebech et Tanguy Rosnoën, ses amis, Bruxelles, son fidèle compagnon

Conformément à ses dernières volontés, son corps a été incinéré dans la plus stricte intimité.

Ses cendres ont été dispersées dans la rivière Fal, devant l’église de Saint-Just-in-Roseland (Cornouailles anglaises).

Ni messages, ni fleurs, ni messes, ni condoléances.

Un don à une association de protection animale serait apprécié.

Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciement à toutes ses lectrices et tous ses lecteurs, à tous ses amis, et à tous ceux qui auront une pensée pour elle.

I

Bienvenue au paradis de la mer ! L’un des surnoms donnés à l’île de Batz dont vous allez découvrir le charme si particulier. Mais comme beaucoup de touristes ou d’occupants de résidences secondaires, séjournant temporairement sur cette parcelle de beauté sauvage, d’environ 304 hectares, vous n’en découvrirez pas l’âme en quelques heures ou même quelques semaines. Il faut longtemps pour devenir un Batzien ou une Batzienne quand on vient du continent. Il faut tellement de temps que généralement une vie n’y suffit pas, et plusieurs générations doivent se succéder avant que l’on vous considère enfin comme un îlien.

À dire vrai, acquérir ce statut privilégié constitue le cadet des soucis de ces deux hommes qui éclusent leur deuxième muscadet à la terrasse du bar “Le Kernoc”, en cette belle matinée de septembre. Ils ont bien d’autres idées en tête.

— Bon ! On lève le camp, la marée n’attend pas…

— Et on a quelques milles à faire ! Il faut qu’on soit sur site avant 11 heures. Le temps de s’équiper et de plonger, on doit arriver quinze minutes avant l’étale de basse mer. D’après ce qu’on m’a dit, les courants peuvent être très forts même à 40 mètres de profondeur.

— Faut pas oublier d’acheter la bouffe, on en aura besoin.

— Et de quoi fêter notre possible découverte !

— Te fais pas trop d’illusions, Thibault ! Aujourd’hui on se contente de faire du repérage. On passera aux choses sérieuses la prochaine fois. Si tout va bien.

— On peut toujours rêver…

— Tu peux !

— Après tout, ce ne serait que du bonus !

— Cela ne me déplairait pas non plus, mais cela relèverait du miracle…

Et les deux silhouettes s’éloignent sur leur vélo électrique, direction les magasins d’alimentation de l’île, où ils trouveront tout ce qui leur faut : épicerie, charcuterie, eau minérale, petits gâteaux, et une bouteille de rhum pour fêter leur retour. Juste quelques centaines de mètres à parcourir.

*

Dans un des bars du Tintagel, l’un des deux bateaux de la Cornish Ferries qui assure les liaisons Roscoff-Plymouth, Laure pousse un cri de surprise à la vue de cet homme longiligne, élégamment vêtu d’un jean slim et d’un polo Ralph Lauren couleur mandarine, qui moule parfaitement sa carrure d’athlète.

— Peter ! Peter Clowance !

Trente ans et des poussières, un visage bronzé et un sourire à la James Bond. Ajoutez des yeux gris, aux reflets métalliques sortis directement d’un magazine de mode sans “photoshoppage”, la démarche assurée d’un séducteur sûr de lui, et vous entendrez les ovaires de Laure frissonner. Une sensation plus qu’inattendue dans sa situation actuelle, après un retour de Paimpol émaillé de sacrées surprises. Le beau mâle qui s’avance vers le zinc du “Macareux”, le bar du pont n° 7, la regarde pour s’assurer que c’est bien à lui que cette jeune femme parle. Quelques secondes encore et son cerveau “percute”. Il met un nom sur ce visage si spécial. Et à dire vrai inoubliable.

— My godness ! Laure ! Qu’est-ce que tu fais sur ce ferry ?

— Je pourrais te retourner la question ! Mais si on s’embrassait d’abord ? En tout bien tout honneur, évidemment ! Dis donc, la roue a tourné depuis notre… aventure à Pleumeur-Bodou*, mais toi tu n’as pas changé. Tu es toujours aussi beau mec ! ajoute Laure avec un petit sourire.

— « La roue a tourné » ? Excuse-moi, mais je ne “possède” pas le français encore parfaitement.

— Arrête ! Tu parles vraiment bien maintenant. Tu as juste gardé cette pointe d’accent british que nous aimons tant ! Mais tu as raison, c’est une expression impossible à traduire, et sans doute difficile à comprendre ; cela veut juste dire que de l’eau a coulé sous les ponts depuis notre dernière rencontre…

— Excuse me, but « la roue a tourné » et maintenant « de l’eau a coulé sous les ponts », je “souis”, pardon, je suis perdu, réagit Peter Clowance en lui lançant un regard effaré.

— C’est à moi de m’excuser ! Je suis tellement surprise et émue en te revoyant que je m’emmêle les pinceaux…

Manifestement cette dernière expression is the last straw that breaks the camel’s back. In French, mais je ne garantis pas l’exactitude de la traduction, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Peter éclate de rire, embrasse LSD très amicalement et lui lance :

— Je suis vraiment désolé, Laure, mais je ne comprends strictement rien à ce que tu me dis. Je crois qu’on devrait s’asseoir et discuter autour d’un verre. Je te laisse choisir la table et moi je vais chercher les boissons au bar. Qu’est-ce que tu veux ?

Une question simple, à laquelle Laure a déjà répondu des milliers de fois au cours de sa vie, et pourtant elle hésite. Son cœur balance entre pinte de bière et double calvados, mais sa raison s’arrête sur… un diabolo menthe. Un choix qui peut surprendre quand on connaît bien le personnage et son goût prononcé pour certains breuvages alcoolisés, mais qui n’étonnera pas les lecteurs de ses précédentes aventures dans la cité corsaire. Laure s’est installée tout près d’un des sabords. Pourtant ses yeux oublient bien vite cette étendue baignée de soleil qui lui offre son immensité parsemée de reflets moirés, dansant au gré des vagues. Son esprit vogue ailleurs sur un océan plus vert et étonnamment terrestre, en l’occurrence le practice du golf de Saint-Samson à Pleumeur-Bodou, du temps où le séduisant Peter Clowance avait bien failli faire basculer son cœur, et son corps, avec son charme et cette attirance magnétique qu’il dégageait. Quelle ahurissante coïncidence que de le retrouver dans ces circonstances, à ce moment précis de sa vie personnelle et sentimentale ! Le temps de poser sa pinte de Proper Job et le verre de Laure, Peter revient à cette conversation qui l’a laissé si perplexe.

— Bon ! Maintenant, tu m’expliques ce que tu voulais dire, avec des mots normaux ?

— Je voulais juste te faire comprendre que depuis la dernière fois qu’on s’est vus, il m’est arrivé beaucoup de choses, et que je ne suis plus tout à fait la même femme que celle à qui tu donnais des cours…

— En tout cas tu es toujours aussi jolie. Tu es mariée ? Tu as des enfants ?

Une double question qu’elle ressent comme un double coup de poing dans son ventre si fragile. Elle réussit pourtant à rester impassible, et trouve la force mentale pour sourire, de cette manière si spéciale due à la cicatrice qui creuse sa joue droite.

— Eh non ! Je suis restée une femme libre, sans attaches – elle lui montre ses deux mains exemptes de toute bague – et je suis très bien comme ça.

Oh la menteuse ! Si l’intérieur de son corps n’est plus qu’une larme, il y nage un minuscule embryon d’espoir. Pourtant ses yeux pétillent quand elle reprend :

— Je ne vais pas te raconter ma vie pendant ces quelques années. Je te dirai seulement que j’ai bien vécu, mené beaucoup d’enquêtes, rencontré les situations les plus invraisemblables et écrit beaucoup de livres et de nombreux articles. Mais comme ce serait trop long à t’expliquer, parle-moi de toi plutôt.

Les yeux du professeur de golf s’illuminent comme si un feu d’artifice jaillissait du fond de ses rétines.

— Moi, je vais devenir un daddy ! Un papa ! Tu te rends compte ! Si tu savais comme je suis heureux ! Et Claire aussi ! On veut partager ce bonheur avec nos parents, et c’est pour ça que nous avons pris ce ferry une semaine avant la date prévue. Là, comme elle se repose dans la cabine, j’en ai profité pour faire un tour dans les diverses boutiques du bateau… et je tombe sur toi ! Je trouve cela extraordinaire, isn’t it ?

Laure doit user de tout son courage pour affronter la nouvelle annoncée par son compagnon de rencontre, et garder un visage aussi impassible que faire se peut. Elle prend encore un peu plus sur elle pour ajouter d’une voix empreinte de fausse sincérité :

— Oh ! Quelle bonne nouvelle ! Je suis si heureuse pour toi, ou plutôt pour vous. Vas-y ! Raconte-moi comment vous vous êtes rencontrés et ce qui s’est passé dans ta vie depuis qu’on s’est perdus de vue.

*

Alex et son compère Thibault naviguent sur une mer plate comme une assiette de spaghettis sans sel. Ils naviguent – qu’écris-je ! – ils volent sur l’eau à bord de leur semi-rigide, propulsé par deux moteurs Yamaha de 80 chevaux, direction l’archipel des Sept-Îles, au large de la Côte de Granit rose. Un coup d’œil à son GPS et le barreur réduit un peu les gaz. Ils arrivent à proximité d’une zone protégée, et il ne ferait pas bon se faire repérer par la gendarmerie maritime ou les veilleurs du sémaphore de Ploumanac’h. Leur objectif n’est plus qu’à moins de deux milles. Pour être précis et si vous voulez les imiter, leur “cible” se situe à 5 milles nautiques (9,260 kilomètres) à l’est de l’île Rouzic, célèbre pour ses fous de Bassan et à 3 milles au nord de Port-Blanc. La position exacte : latitude 48° 53’ 228’’ nord et longitude 3° 18’ 697’’ ouest. Le Zodiac approche de la zone fatidique quand Alex diminue encore la vitesse. Thibault à ses côtés ne réagit pas. Ils ont tellement de fois répété ensemble cette manœuvre… Les moteurs tournant au ralenti sont presque inaudibles quand Alex murmure :

— La prudence s’impose : sur l’eau et surtout par mer plate, les sons se propagent très facilement. On est bons, tu peux larguer l’ancre, mais donne du bout*, il faut au moins 70 mètres. Dès que tu penses avoir croché, tu me dis.

Le cordage glisse en silence sur le davier de proue. Les secondes s’écoulent tout aussi calmement et les deux occupants du Lady Bird ne parlent pas. Trop excités par les minutes à venir, et les surprises qu’ils espèrent trouver au fond.

Le bateau sécurisé, les deux hommes s’équipent, n’échangeant que quelques mots. Combinaison, palmes, détendeur, bouteilles, masque, ceinture de plomb, poignard, montre connectée, profondimètre, GPS sous-marin, lampe, rien ne manque à leur équipement. Avant de se préparer à la plongée proprement dite, Thibault résume en quelques phrases leur objectif du jour, parlant toujours à voix basse :

— On est mouillés à environ 300 mètres de l’épave. Sur une base de 10 mètres par minute on doit donc l’atteindre en une demi-heure. Compte tenu des paliers de décompression à la remontée, cela nous laisse maximum vingt-cinq à trente minutes sur site. Cela ne fait pas beaucoup…

— Je sais, mais on n’a pas le choix ; à une telle profondeur, on est déjà limite avec de l’air comprimé seul. De toute façon, aujourd’hui, on se contente d’une exploration rapide. On ne fouille rien, on ne ramasse rien, on fait juste du repérage. Il va falloir faire attention, très attention. L’épave est cassée en plusieurs morceaux, et il faut essayer de retrouver les cabines des officiers. Je commencerai par les divers compartiments à partir de la proue, et toi de la poupe. Tu essaies de jeter un œil sur le maximum de pièces, et surtout de bien te repérer. Pour ne pas explorer les mêmes zones la prochaine fois…

— J’y ai pensé, j’ai apporté des dizaines de bouts de garcette rouge, et je pensais les accrocher à chaque fois que j’ai fini d’explorer une zone.

— Très bonne idée ! Et tu en as en rab pour moi ?

— J’en ai préparé une centaine, cinquante pour toi, idem pour moi. Tiens ! Je te file les tiennes.

Qui finissent aussitôt dans le sac que chaque plongeur se doit d’emmener, au cas où…

Un coup d’œil à sa montre et Alex enchaîne :

— Il va falloir y aller. À cause des courants, il faut vraiment qu’on soit en bas juste avant l’étale et qu’on remonte juste après. Et n’oublie pas de faire gaffe aux tacauds et aux congres, l’épave en est pleine et tu parles de saloperies ces bestioles !

— T’en fais pas, les tacauds c’est sympa et les congres à cette heure-là ils dorment.

— Mais si tu les réveilles, à mon avis ils seront de mauvaise humeur !

Le temps de capeler les masques, de bien “fixer” l’embout de leur détendeur, et les deux plongeurs s’enfoncent dans la mer.

*

— Donc, si je comprends bien, tu as séduit Claire en lui donnant des leçons de golf ? Je me rappelle que tu avais employé la même méthode avec moi… Et à part Claire et moi, j’imagine que tu as dû faire pas mal de conquêtes féminines…

Peter Clowance rigole un bon coup avant de répondre, sourire aux lèvres.

— Ne me dis pas que tu es jalouse ! Mon travail n’est pas si facile…

— Mais tu as des compensations… Pour expliquer les mouvements corrects pour bien frapper la balle, tu dois souvent te mettre tout près de ton élève, tout tout près. Et comme l’été la plupart de tes “clientes” sont plutôt bien foutues, et ne portent qu’une mini-jupette, un polo bien décolleté, et un parfum envoûtant, cela facilite les contacts, au propre et au figuré, non ?

— Je ne te dirais pas le contraire, mais ça c’était avant… Avant #balancetonporc, #metoo et le reste… Et, excuse-moi de te le rappeler, mais il me semble que quand je te donnais des leçons, je ne sais pas lequel de nous deux était le plus entreprenant…

Laure se réfugie derrière son grand verre de diabolo menthe pour cacher son sourire.

— Tu oublies aussi que la plupart de mes leçons, je ne les donne pas à de jolies demoiselles, comme vous dites en France, mais aussi à des messieurs. Ou à des femmes… plus mûres. Je peux te certifier que certaines de ces dames peuvent être très mignonnes, et… très insistantes, si tu vois ce que je veux dire. Que ce soit en Angleterre ou en Bretagne. Et de toute façon, tu ne m’as pas laissé finir : j’ai effectivement donné des cours à Claire en juin de l’année dernière ; mais je ne lui ai donné qu’une leçon.

— Une seule ?

— Eh oui ! En sortant du practice, elle a glissé sur une balle qu’un joueur avait dû faire tomber. Elle s’est fait une sale entorse, et n’a pas pu jouer pendant trois semaines. Mais elle logeait à l’hôtel du golf, et comme je prenais souvent de ses nouvelles quand je la voyais au bar…

— “Le 19” ?

— C’est ça ! Donc on a fini par boire un verre ensemble, dîner ensemble…

— Et à la fin des vacances vous êtes repartis tous les deux en Angleterre.

— Absolutely ! Elle préparait un PhD* de physiologie végétale à l’université d’Exeter. Moi j’étais pro dans un golf hôtel à Ashbury, dans le Devon aussi. J’étais à moins de quarante minutes de sa faculté, donc on se voyait souvent… Comme mes parents habitent en Cornwall et sa grand-mère aussi, tu vois, on était faits pour se rencontrer.

— Et le bébé, il était prévu si tôt ?

Le séduisant sourire du beau gentleman golfeur s’est terni brutalement. L’air redevenu plus sérieux, il lance :

— Assez parlé de moi ! Tu rencontreras sans doute Claire avant l’arrivée. Et toi, toujours avec ton pharmacien ? Comme tu m’as dit que tu étais une “femme libre” je me pose des questions.

*

Hugues, “son pharmacien” comme dit Peter, profite de son jour de congé pour traînailler son spleen derrière la fenêtre de sa maison de Trémel, les yeux rivés sur le barbecue de pierre qui borde la terrasse et le salon de jardin. Tandis que Sandra, sa nouvelle préparatrice et… compagne, s’affaire dans la cuisine en chantant, son cerveau dérive. Dans une mer de mirages où flotte un fantôme qu’il sait bien vivant : Laure. Sa silhouette danse et virevolte devant ses yeux vides de toute image réelle. Des jours et des jours qu’il n’a plus de nouvelles de sa Laurinette.

Isabelle et Tanguy, leurs amis communs, ne cessent de lui répéter qu’ils ne savent rien de plus, que Laure ne leur a fait aucune confidence. Comment pourrait-il gober un mensonge pareil ? À force de harceler Tanguy, celui-ci a fini par lui lâcher quelques éléments de réflexion.

— Que veux-tu que je te dise ? Elle nous a largués à Paimpol, après la fin de l’enquête de Saint-Malo, et elle ne nous a rien dit de spécial. Ah si ! Qu’elle était crevée et qu’elle dormirait peut-être chez elle, à Locquirec, au lieu de passer la nuit chez toi. Elle avait l’air un peu bizarre, c’est sûr ; je pense que l’enquête l’a beaucoup secouée. Comme en plus elle venait de revoir Annef*, elle a pu avoir envie de passer un peu de temps avec elle ? Elle savait que tu ne l’attendais pas ce jour-là et que de toute façon, tu étais en pleine saison. Peut-être qu’elle n’avait pas envie de te déranger ?

Et c’est tout ce qu’Hugues avait pu tirer du professeur d’informatique. Des explications en forme d’énigmes. Il avait appelé Laure des dizaines de fois sur son portable, pour tomber, inévitablement, sur sa messagerie. Il était allé à sa maison de Locquirec, sans jamais y trouver le moindre signe d’activité. Annef n’avait plus vu LSD depuis leur dernière soirée malouine, et Isabelle restait aussi muette que son conjoint. Mais la “disparition” soudaine de la femme de sa vie, comme il l’appelait si souvent avant sa rencontre avec Sandra, n’était pas le seul élément troublant. Hugues avait la garde du chien de Laure, Bruxelles, le curieux croisement d’un jack russell et d’un king-charles (à petites oreilles) et le chien s’était “évaporé” justement la nuit où Laure roulait sur la route du retour. Une coïncidence plus que troublante. Aurait-elle pu passer le reprendre ce soir-là sans qu’il n’entende rien ? Impossible ! Il aurait entendu du bruit, le chien aurait aboyé… À moins que ? Cette soirée n’avait pas été comme les autres, et cette voix guillerette qui chante à tue-tête Les Démons de minuit en cuisine le lui rappelle. À moins que Laure ne soit arrivée pendant que Sandra et lui… Il n’arrive même pas à finir sa phrase. Une partie de son cerveau voudrait bien, mais l’autre se laisse emporter par la voix veloutée de celle qui s’attaque désormais au répertoire de Céline Dion, avant de lui demander :

— Tu as allumé le charbon de bois, chéri ? J’ai préparé quelques amuse-gueules et j’ai découpé les légumes. On se prend du champagne en apéritif, ou tu préfères un whisky ?

Les yeux rivés sur le barbecue, le cerveau du pharmacien cherche désespérément une réponse à une question qu’il n’ose pas se poser.

*

Peter a déserté le bar pour rejoindre sa compagne et gagner avec elle le restaurant du pont 8, le “Seven Stars”, qui jouit d’une vue panoramique sur le Channel. Pardon, sur la Manche. Restée au Macareux, le bar situé deux ponts plus bas, Laure jette un coup d’œil distrait sur l’énorme porte-conteneurs qui va croiser la route du ferry à une distance respectable. La silhouette du navire aurait pourtant de quoi l’impressionner tant les caissons métalliques, soigneusement amarrés les uns aux autres, s’empilent sur une hauteur apparemment démesurée. Ses yeux font, au même moment, un voyage dans son subconscient identique à celui d’Hugues, mais elle ne le sait évidemment pas. « Aimer c’est regarder ensemble dans la même direction », disait Saint-Exupéry. Hugues et Laure sont-ils encore dans ce cas ?

LSD n’en doute pas une seconde, la réponse est non. Et si elle a fait bonne figure tout le temps où Peter lui tenait compagnie, si elle a réussi à lui cacher la vérité sous d’obscurs et vagues mensonges, le temps du retour à la réalité s’impose brutalement à elle. Les jours passés tournent comme un manège, et elle les laisse défiler comme s’ils avaient été vécus par une autre. Elle revoit son départ de Trémel, son retour en voiture à Locquirec, où dans un réflexe dérisoire elle faisait marcher les essuie-glaces de sa Mini, comme si elle les croyait capables de balayer ses larmes. Elle avait rempli à la va-vite une valise, bourré son coffre de vêtements essentiels, pris divers jouets que Bruxelles aimait bien, ses papiers et ceux du chien, son ordinateur et elle avait roulé sans but pendant une bonne heure. Précautions importantes qu’elle avait prises grâce à Tanguy : avant de partir, elle avait laissé son téléphone sous son oreiller et déconnecté le système de géolocalisation de sa voiture. Ainsi, elle était sûre que personne ne pourrait suivre sa trace, alors même qu’elle ne savait pas où elle allait. Son instinct de flic prenait des allures de celui d’un malfrat en cavale. Dernière étape, indispensable. Elle avait retiré le maximum de cash grâce ses diverses cartes bancaires au distributeur automatique de Plestin-les-Grèves. Maintenant elle savait qu’on ne pourrait pas non plus la suivre à travers ses paiements. Elle avait passé la nuit à Brest dans un hôtel ouvert 24 heures sur 24, tout près de la gare, où elle avait payé en espèces. Allongée sur son lit, elle avait repassé en boucle les derniers jours heureux passés avec Hugues… Au petit matin, la réalité avait percé avec le jour et elle avait pris sa décision.

*

Un peu plus de deux heures se sont écoulées depuis leur départ du Zodiac. Cent vingt minutes de plongée, une broutille pour deux plongeurs aguerris. Le temps de décapeler leur équipement, et ils ouvrent une bouteille d’eau minérale, geste indispensable pour éviter la déshydratation. Vient alors le moment du débriefing, autour d’un ti-punch préparé par Thibault. Quelques rondelles de saucisson, une bonne tranche de pâté de campagne, et une pizza constitueront leur repas.

— Bon, alors ! demande Alex. Qu’est-ce que tu en penses ?

— Je n’ai pu explorer que la portion arrière de l’épave, avec les deux énormes hélices et les safrans. J’ai trouvé une brèche dans la coque juste entre la quille antiroulis bâbord et le sable. Mais dès que je suis entré je peux te dire que j’ai dû faire très attention. Il y a des bouts de ferraille partout, t’as vite fait de t’accrocher, et avec tous les congres et les tacauds autour, tu ne vois pas très bien. Moi qui pensais qu’ils ne sortaient que la nuit, mon cul !

— À l’avant, il ne reste que trois morceaux de coque, et je n’ai pu entrer que dans celui qui est le plus en arrière. Mais tu tombes tout de suite sur une cloison, impossible d’aller plus loin. L’épave est trop abîmée. Et toi, tu as repéré des coursives ?

— Comme on avait peu de temps, et que j’avais eu du mal à entrer, je ne me suis pas beaucoup enfoncé dans la carcasse. Suffisamment en tout cas pour voir quelques squelettes, avec des lambeaux d’uniforme. Je m’apprêtais à faire demi-tour quand j’ai aperçu un trou noir qui semblait être resté intact. J’ai essayé de m’approcher, mais les poissons m’ont gêné, et j’étais trop juste. Il me restait à peine deux ou trois minutes si je ne voulais pas être piégé par le courant. Mais je suis quasiment sûr que c’était une coursive qui donnait sur le compartiment machine, ou sur les quartiers de l’équipage. La prochaine fois je commencerai par là.

— J’ai exploré un peu autour de la coque, mais je n’ai rien trouvé, elle est trop abîmée. Donc on oublie l’avant de l’épave. Après, je pensais te rejoindre, mais j’avais perdu trop de temps, et j’ai préféré commencer à remonter parce que je sentais le courant qui forcissait. Je crois qu’il va falloir faire très attention au timing la prochaine fois. On a encore trois jours de bons coefficients, et après il faudra attendre le début du mois d’octobre…

— Tu n’as pas peur que trois jours ce soit juste ? Je croyais l’épave mieux conservée…

— Et tu pensais qu’il te suffirait d’entrer, de faire deux mètres dans une coursive, de rentrer dans une cabine, d’ouvrir un tiroir et que là tu trouverais les bijoux de la Castafiore et une boîte remplie de diamants ?

— Déconne pas, je disais ça comme ça…

— Je vais te dire : j’ai plongé sur des dizaines d’épaves, de tous âges, et à toutes profondeurs. Eh bien ! Rentre-toi bien ça dans le crâne, un trésor ça se mérite !

— Je sais ! Mais tu crois vraiment qu’on a des chances de mettre la main dessus ?

— Si le trésor est là, je peux te certifier qu’on le trouvera. On y mettra le temps qu’il faut, mais on l’aura !

— Si on avait pu savoir dans quelle partie de l’épave se situaient les quartiers des officiers !

Et il se reverse un deuxième ti-punch qu’il avale cul sec.

*

Devoran, Cornouailles anglaises (Cornwall)

Milieu de quarantaine, de taille moyenne, physique passe-partout, lunettes on ne peut plus classiques, Olivier Riou ne paye vraiment pas de mine, avec son pantalon de toile bleue, et sa veste grège, en pur polyester vierge, qui aurait mérité d’être un peu plus cintrée. Si sa légère bedaine ne l’avait empêché… Face à lui, une élégante femme, plutôt grande, avec cette chevelure blonde et courte, et ce teint pâle qu’on retrouve chez beaucoup des habitantes de la blanche Albion. Et pourtant… Malgré ses 62 ans, on lui en donnerait facilement cinq de moins, et pas seulement à cause de cette robe en coton couleur jean, légèrement ample et plissée, boutonnée sur le devant, qui s’arrête au niveau du genou, camouflant avec élégance ses discrètes rondeurs. Son visage souriant, dont la légère couche de fond de teint cache parfaitement les quelques rides, la rend instantanément sympathique.

La conversation qui suit se déroule en anglais, aussi je vous laisse le temps d’aller chercher un dictionnaire afin de la comprendre. Mais non ! Ne vous inquiétez pas, madame Clowance, notre charmante sexagénaire, parle un français pratiquement sans accent. Et pour cause…

— Monsieur Riou, I presume ?

— Absolument ! Je suis enchanté de vous rencontrer enfin, après tous ces coups de téléphone et ces mails…

— Et moi je suis ravie que vous ayez pu venir. La traversée a été bonne ?

— Parfaite ! Je suis arrivé par le ferry de ce matin et la mer était très calme.

— Bien ! Je pense que nous serons mieux dans le conservatory, pardon, dans la véranda à l’arrière de la maison. Vous allez juger par vous-même, nous avons une très belle vue, surtout quand la marée est haute. Vous avez mangé ? Sinon je peux vous préparer quelques sandwiches !

— Merci ! J’ai grignoté au pub du village avant de venir…

Quelques instants plus tard, madame Clowance et son hôte se retrouvent dans une immense extension en PVC blanc, entièrement vitrée, qui fait toute la largeur de la maison. Une grande prairie où paissent quelques moutons s’étend juste devant leurs yeux. Puis viennent une haie de buissons sauvages et une grande crique où sont mouillés quelques bateaux.

— L’étendue d’eau que vous voyez s’appelle Devoran Creek. Presque le même son qu’en français… Toute cette zone de Cornwall est une succession de péninsules et de mini abers qui débouchent tous dans l’estuaire de la Fal, la rivière qui rejoint la mer à Falmouth.

— Chère Madame, votre maison est magnifique et la vue superbe, mais…

— Mais vous n’avez pas beaucoup de temps…

— Mon train part de Truro à 5 heures et mon ferry appareille de Plymouth à 7 h 15, alors c’est vrai…

— J’ai compris ! Donc, je vais aller “droit au but” comme vous dites je crois.

— Exactement ! Vous parlez très bien français !

— Merci ! Mais je suis française, je n’ai pas de mérite, même si en vivant longtemps à l’étranger avec un mari anglais, j’ai beaucoup perdu de vocabulaire. Heureusement, j’ai vécu pendant trois ans dans votre pays, qui reste aussi le mien, juste avant que mon mari prenne sa retraite. Après une carrière diplomatique aux quatre coins du monde, il était devenu Honorary British Consul, consul honoraire, à la gare maritime du Naye à Saint-Malo. Cela m’a permis de retrouver certains mots que j’avais oubliés. Et comme mon fils a une fiancée, enfin presque fiancée, ajoute-t-elle avec un délicieux sourire, qui est à moitié française, je parle régulièrement notre belle langue avec elle. En plus, nous allons régulièrement en Bretagne, une région que nous adorons, dans laquelle mes parents ont vécu longtemps. Mais je reviens à la raison de votre venue : c’est la première fois que j’ai affaire à un détective privé, et il y a certaines choses que je préférais vous dire de vive voix. Je voulais aussi vous montrer des photos. Et comme je n’ai pas vraiment confiance dans les mails et les réseaux sociaux…

— Je comprends, mais vous êtes restée très évasive lors de nos conversations téléphoniques ; j’avoue avoir…

— Hésité à venir ?

Un sourire, discret mais explicite, accompagné d’un léger hochement de tête…

— Je crois que j’aurais réagi comme vous, mais je pense que la confortable avance que je vous ai envoyée et le fait de payer tous vos frais de déplacement et de bouche pour venir ici ont – comment dites-vous… – levé vos inquiétudes.

— Absolument !

— Bien ! Comme je vous l’ai indiqué, je me suis adressée à vous parce que vous avez aidé une de mes amies dans une situation très difficile.

— Vous voulez parler de madame Patterson, je devine ?

— Exactement ! En lui fournissant les preuves de l’infidélité de son mari lors de son voyage avec sa prétendue secrétaire… vous lui avez permis d’obtenir le divorce dans des conditions inespérées. Elle vous a chaudement recommandé à moi. Et comme vous avez agi avec beaucoup de discrétion, je suis sûre que vous êtes l’homme qu’il me faut dans cette affaire, je dirai délicate, et pour laquelle je voudrais que mon mari ne soit pas au courant. Bien évidemment, tous nos échanges, passés, présents et futurs doivent rester strictement confidentiels.

Olivier Riou fronce les sourcils, et regarde madame Clowance, avec des iris en forme de points d’interrogation, ce qui demande beaucoup d’entraînement j’en conviens, mais pour un Breton, rien d’impossible !

— Évidemment ! La confidentialité est mon précepte de base, mais, excusez-moi, je n’avais pas saisi qu’il s’agissait d’une histoire d’adultère.

La mère de Peter éclate d’un rire spontané, en regardant les yeux effarés de son interlocuteur.

— Oh ! I beg your pardon, monsieur Riou. Je me suis mal exprimée apparemment. Il s’agit d’une histoire de famille très particulière, et vraiment très embarrassante pour moi, mais pas d’une question de “coucherie”. Laissez-moi vous expliquer.

*  Voir Coup de grisou à Pleumeur-Bodou, même collection.

*  Bout : se prononce « boute » ; nom donné à un cordage par les marins.

*  Équivalent d’une thèse de doctorat dans le cursus universitaire anglais.

*  Surnom d’une ancienne collègue de Laure.

II

Le retour du Lady Bird vers l’île de Batz s’avère à peine plus agité que l’aller. Comme souvent en Bretagne nord, la pétole du matin a laissé place à un vent thermique, et un léger clapot s’est levé. Il en faut plus pour impressionner deux anciens plongeurs-démineurs, ex-membres des commandos marine. Un petit signe à l’équipage d’une des vedettes qui appareille pour rejoindre Roscoff de l’autre côté du chenal et les deux marins n’ont besoin que de quelques minutes pour aller s’échouer sur la plage de Porz Kernoc, débarquer tout leur précieux matériel et le mettre à l’abri de la marée montante. Alors qu’Alex reste sur le sable pour surveiller, Thibault rejoint son vélo électrique, loué sur l’île évidemment, et parcourt une des ruelles si pittoresques de ce coin de paradis. Moins de cinq minutes plus tard il arrive à la maison qu’ils occupent non loin de la plage de Porz Alliou. De Pors Alliou si vous préférez. Le temps d’accrocher une petite carriole à l’arrière et retour à la case départ pour charger une partie du matériel embarqué à bord. Trois voyages plus tard, ils se retrouvent tous deux assis autour de la table en bois de cette typique demeure de pêcheur léguée à Alex par son grand-père, et qui leur sert de QG, le temps de leurs recherches.

— Écoute ! commence Thibault. J’ai bien réfléchi depuis tout à l’heure. Je crois qu’on n’arrivera à rien si on n’a pas plus d’informations sur l’endroit où peuvent se trouver les bijoux. On ne sait même pas quelle place ils prennent ! C’est comme si on voulait retrouver un écrou rouillé dont on ne connaît pas la taille au milieu d’un torpilleur de 102 mètres de long réduit en petits morceaux de ferraille par l’artillerie d’au moins cinq destroyers ou croiseurs anglais ou canadiens !

Le regard d’Alex s’est durci au-dessus de son mug de café. Il regarde son compagnon d’un air qui ne laisse aucun doute pour les deux baroudeurs qu’ils sont.

— Autrement dit, tu te déballonnes ? Tu laisses tomber, après juste une plongée exploratrice ? T’as peur des congres, ou peut-être des tacauds ? crache une voix chargée d’ironie. Peut-être as-tu la trouille de voir tous ces squelettes, ou ce qu’il en reste ? Tu ne voudrais pas faire de cauchemars, c’est ça ?

— Déconne pas, Alex ! Tu sais très bien ce que je veux dire. Il nous faut plus d’informations sur le gars qui avait les bijoux avec lui. Tu n’as pas moyen de retrouver ton informateur ?

Un éclat de rire sarcastique éclate dans la cuisine, où le soleil filtre difficilement à travers les fenêtres à petits carreaux.

— T’es marrant ! Je te l’ai déjà dit. Je l’ai rencontré par hasard dans un troquet, je ne sais pas comment le joindre !

— Tu finiras par le retrouver. En attendant, raconte encore, ça fait rêver…

— OK ! J’ai rencontré, par hasard, un vieux copain avec qui on avait fait un stage de commando, dans un bar de nuit à Brest.

— Il était bourré ?

— Même pas. Il m’a juste raconté une histoire qu’il tenait de sa grand-mère dont le père était gendarme. En mai 1944, il avait reçu un couple de Français dont la maison avait été réquisitionnée par des officiers de la Kriegsmarine. Ils venaient déposer plainte parce que leur coffre-fort personnel avait été forcé, et qu’on leur avait dérobé deux lingots d’or, plusieurs colliers de perles et d’émeraudes, un gros diamant de près de 50 carats monté en sautoir, plus une parure de diamants, et quelques dizaines d’autres déjà taillés, prêts à être sertis. Les plaignants estimaient leur préjudice à près de 400 000 francs de l’époque, soit plus de 5 millions d’euros d’aujourd’hui. Tout ça, à mon avis devait tenir dans une cassette, une boîte de la taille d’un carton à chaussures. Et ils avaient déclaré aussi le vol de deux toiles originales de Monet : La Jeune Fille au chapeau de paille et Le Pêcheur endormi. Deux tableaux qui à l’heure actuelle pourraient atteindre les 100 millions d’euros dans une vente aux enchères.

Thibault pousse un long soupir de satisfaction.

— Tu te rends compte : 5 bâtons, enfin 5 nouveaux bâtons. On aurait de quoi voir venir… Et je ne parle pas des tableaux. Par 40 mètres de fond pendant des dizaines d’années il ne doit rien en rester.