Été meurtrier à Tréguier - Michel Courat - E-Book

Été meurtrier à Tréguier E-Book

Michel Courat

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Beschreibung

En général, trouver un message dans une bouteille jetée à la mer constitue le début d’une belle histoire.

Pas pour Laure Saint-Donge : cette découverte va l’entraîner dans une série d’aventures à haut risque !
Avec ses proches, de Perros-Guirec à Tréguier, en passant par Plougrescant, Port-Blanc et Plouguiel, elle va mener une course effrénée contre la montre, et contre la mort, car des tueurs sans le moindre scrupule la poursuivent. Cat-Coz va même devoir lui prêter main-forte pour éviter le pire…

Embarquez dans une nouvelle intrigue très périlleuse avec, au bout, la révélation d’un incroyable secret ! Le 8e tome des enquêtes de l'attachante Laure Saint-Donge !

EXTRAIT

Le fuyard a ralenti sa course. Il a de l’eau jusqu’aux mollets et, compte tenu de la faible déclivité de la grève, il se passera du temps avant qu’il ait assez d’eau pour nager. Si cela est son intention. L’homme, à bout de souffle, s’arrête net. Sans un regard pour ses poursuivants, il sort un crayon de sa poche et se met à griffonner quelques mots sur une page arrachée à son agenda. Un bref coup d’œil en arrière lui suffit pour savoir que ce n’est qu’une question de secondes à présent… Il enroule la feuille de papier et la glisse dans le récipient de plastique, avant d’y déverser une grosse poignée de pièces sorties directement de son porte-monnaie… D’un geste vif, il lance la gourde le plus loin possible devant lui et s’écroule à genoux, épuisé, essayant de retrouver sa respiration. Peine perdue. Ses jambes viennent à peine de toucher le sol qu’une paire de battoirs – avec une telle taille, on ne peut plus parler de mains – s’abattent sur ses épaules.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Editions Bargain, le succès du polar breton. – Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Si, pour des raisons professionnelles, Michel Courat vit actuellement en Belgique, après 9 ans passés en Angleterre, ce vétérinaire a laissé son cœur dans le Trégor. Amoureux de Locquirec depuis toujours, il y a exercé pendant des années avant de partir s'occuper de protection animale à l'étranger. Mais il revient dans "sa" Bretagne aussi souvent que possible, et c'est là qu'il a écrit Ça meurt sec à Locquirec, son premier roman policier.

À PROPOS DE L'ÉDITEUR

"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." - Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023

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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

À notre pêcheuse de palourdes.

« Si ce que tu as à dire, n’est pas plus beauque le silence, alors tais-toi. »

Proverbe chinois

REMERCIEMENTS :

- Groupe Subaquatique Morlaix-Plouézoc’h

- Bar Les Plaisanciers

- Coper Marine

- L’Auberge du Trégor

- Pub Bar L’Atelier

- La Place

- Taxis du Jaudy

PROLOGUE

Quelques années auparavant.

Ô douce nuit, ô belle nuit… Non, ce n’est pas la veillée de Noël mais une soirée paisible qui s’annonce sur le Trégor. La baie de Lannion se mire dans les étoiles, tandis que la lune pointe aux abonnés absents. Sur le parking qui fait face à la plage de Saint-Michel-en-Grèves, Côtes-d’Armor, pas une voiture de garée. À 2 heures 30 du matin, rien de vraiment étonnant à cette époque de l’année. Les promeneurs de chiens sur le sable se font rares, et les amants adeptes de l’amour automobile ont trouvé des coins plus discrets. Le silence règne, à peine troublé, ou plutôt souligné par le doux clapotis des vaguelettes qui viennent agoniser de bonheur sur cette plage à la pente si douce. Même pas une mouette insomniaque pour pousser un petit glapissement rieur. Pas même un hululement, comme si les rapaces, eux aussi, somnolaient.

La nuit n’est pas froide, un phénomène pas si courant en avril. Pas vraiment courant non plus, mais très perturbateur en revanche, ce crissement de pneus venu de la Côte des Bruyères, la D 786, ce que tout le monde dans le secteur appelle, plus simplement, les virages de Saint-Michel. Un crissement plus intense, presque interminable, confirme qu’un véhicule vient de passer le dernier virage, juste après l’embranchement de la route de Ploumilliau. Sans doute un jeune fou du volant qui oublie les limitations de vitesse pour épater sa petite copine, sûr que son talent de pilote le protégera à tout jamais des platanes, des pertes de contrôle et de ces imbéciles qui respectent bêtement le code de la route. Le bruit s’amplifie encore, les quelques centaines de mètres entre “Ty Tante Jeanne” et le bas de la côte sont dévalés en quelques secondes. Un dernier virage à gauche tout aussi bruyant, devant l’Hôtel de la Plage, et l’Audi A3, d’un orange flamboyant vient se garer sur le parking face à la grève, dans un dernier hurlement de freins, accompagné d’un dérapage plus ou moins contrôlé sur le revêtement, mélange de sable et de gravillons.

Mais quelle mouche a piqué l’homme au volant, qui n’a même pas l’excuse d’avoir voulu épater sa petite amie puisqu’il est seul ? Il ne prend même pas la peine d’éteindre son moteur, il ouvre sa portière à la volée, sans même la refermer. Un peu plus haut dans la côte, un autre grincement de pneus vient perturber encore ce qui était jusqu’alors le silence de la nuit. Le conducteur de l’Audi l’a entendu et se met à courir comme un fou sur la plage, en direction de la mer, sa main droite tenant ce qui ressemble à une gourde en plastique. La marée descend maintenant depuis une bonne heure, et l’homme parcourt les deux cents mètres qui le séparent de l’eau avec une énergie telle qu’il donne l’impression que sa vie en dépend. Sur le parking, l’autre voiture s’est garée, et les deux silhouettes noires qui en sont descendues précipitamment, s’élancent à leur tour, à la poursuite de l’ombre qui semble vouloir s’enfoncer dans la mer.

Le fuyard a ralenti sa course. Il a de l’eau jusqu’aux mollets et, compte tenu de la faible déclivité de la grève, il se passera du temps avant qu’il ait assez d’eau pour nager. Si cela est son intention. L’homme, à bout de souffle, s’arrête net. Sans un regard pour ses poursuivants, il sort un crayon de sa poche et se met à griffonner quelques mots sur une page arrachée à son agenda. Un bref coup d’œil en arrière lui suffit pour savoir que ce n’est qu’une question de secondes à présent… Il enroule la feuille de papier et la glisse dans le récipient de plastique, avant d’y déverser une grosse poignée de pièces sorties directement de son porte-monnaie… D’un geste vif, il lance la gourde le plus loin possible devant lui et s’écroule à genoux, épuisé, essayant de retrouver sa respiration. Peine perdue. Ses jambes viennent à peine de toucher le sol qu’une paire de battoirs – avec une telle taille, on ne peut plus parler de mains – s’abattent sur ses épaules. L’homme qui vient de mettre fin à ses espoirs, le soulève par son blouson comme s’il n’était qu’un fétu de paille, le remet sur ses pieds, face à lui, et lui assène une paire de claques d’une telle violence que le lanceur de bidon chancelle, avant de retomber dans l’eau glacée, la tête la première.

— Tu t’occupes de lui ! lance son acolyte, posté juste derrière l’armoire à glace. Il a balancé quelque chose à la mer, il faut absolument le retrouver.

— T’inquiète, je vais lui donner une dose de somnifère et je viens t’aider. De toute façon, cela ne peut pas être loin.

Je ne vous recommande pas le somnifère en question, à moins que vous ayez des tendances masochistes affirmées et une boîte crânienne en béton armé. L’individu, à la carrure impressionnante et au visage de brute épaisse, rattrape sa victime par le cou, l’extirpe de l’eau d’une seule main et, avant même que le plongeur involontaire ait pu recracher toute l’eau qu’il a avalée durant son bref séjour sous-marin, il lui assène un coup de matraque d’une violence inouïe, qui l’embarque au pays de morflé et de Morphée en même temps. Il traîne sa victime quelques mètres en arrière et, abandonnant son dormeur du mal allongé sur le sable, la tête émergeant à peine de l’eau, l’assommeur de service rejoint son complice, à la recherche de la bouteille perdue.

I

Dix heures du matin. Dimanche détente chez les Demaître. Rassemblés dans la maison du port Saint-Sauveur, à l’Île-Grande, commune de Pleumeur-Bodou, la famille est presque au complet. Même les pièces rapportées sont au rendez-vous. Un événement exceptionnel pour Hugues, pharmacien à Trémel de son état. Non seulement son fils Adrien vient d’arriver en compagnie de la douce et charmante Charlène, mais sa fille Aurélia, l’aînée de ses deux enfants, a fait aussi un gros effort en venant du Pays Basque voir son “Pôppa”. Un effort d’autant plus grand qu’elle a apporté dans ses bagages un nouveau jules – c’est elle qui le dit – au nom typiquement breton : Gustave. Malgré la brume de chaleur qui envahit l’île et ses alentours, la température s’annonce particulièrement douce en ce début juillet et la journée on ne peut plus ensoleillée. Mais pour cela, il faudra attendre que la brume se lève, autour de midi. Tandis que toute la famille Demaître met la table, enfin presque toute, car Hugues et son fils préfèrent parler football et mettre leurs pieds “sous” la table, Laure Saint-Donge, réfugiée dans la cuisine, s’affaire pour préparer le petit-déjeuner en regardant le spectacle de ces retrouvailles avec un air pensif. Bien sûr, ses yeux brillent de plaisir, bien sûr, elle partage la joie intense de voir cette famille enfin réunie, et savoure cette ambiance digne d’un film de Claude Sautet. Mais une insidieuse forme de tristesse ne peut s’empêcher de s’immiscer en elle, tandis qu’elle sent dans son ventre une boule qui se met à grossir, venant ternir son euphorie des premiers instants. Ce bonheur familial étalé devant elle, ces sourires complices, ces plaisanteries à usage interne que s’échangent les enfants… tout cela la déstabilise, elle qui n’a jamais connu ce type de rapports humains auparavant : une sœur en Australie, des parents disparus prématurément, de lointains cousins qui vivent dans le Nord, des amours de passage. Et un drame personnel, pour couronner le tout. Bref, un schéma familial bien loin de celui des Demaître. « Si seulement… » se met-elle à penser, tandis que ses yeux s’embuent, que sa main se pose doucement sur son ventre et se met à le caresser tendrement. « Si seulement… »

Mais la réalité reprend bien vite ses droits et elle a juste le temps d’enlever la main de son abdomen quand son Hugonounet fait irruption dans la pièce. Il semble n’avoir rien remarqué et lui demande, d’un ton badin (ce qui aurait horrifié Alfred de Musset qui n’aimait pas qu’on badine avec l’amour) :

— Tout va bien, ma chérinette, tu n’as pas besoin d’aide ? Parce que mes loustics m’ont l’air très fainéants…

— T’en fais pas, ça va ! Ça me fait tellement plaisir de te voir comme cela, au milieu de ta famille…

Il caresse doucement ses joues et s’arrête net dans son geste. Il lui prend le menton avec tendresse et lève délicatement sa tête pour mieux regarder ses yeux. Rougeoyants.

— Mais mon Amour, tu as pleuré, pourquoi ? Tu n’es pas heureuse de nous voir tous ensemble, ils te laissent trop de choses à faire ?

Laure essuie maladroitement ses larmes avec son tablier, pose la tête sur l’épaule réconfortante de son compagnon et s’efforce de sourire.

— Non, non, tout va bien, ça m’a juste refait penser au passé, à ma famille, à mes parents. Je ne connaîtrai jamais la même joie que celle que tu peux éprouver en ce moment. J’ai eu un peu de mal à encaisser, c’est tout. Mais je suis si heureuse pour toi.

Hugues la serre amoureusement dans ses bras, passe sa main dans ses cheveux, tendrement, très tendrement. Et lui murmure à l’oreille :

— Tu sais, j’ai bien réfléchi. Et je me disais… Toi comme moi, on n’est pas si vieux, il n’est pas trop tard pour la fonder, notre propre famille, non ?

Il espérait une réponse en douceur ou une explosion de joie. Et à la place, il devra se contenter d’une nouvelle poussée de larmes, sans la moindre parole. Laure se détache de lui, essuie ses yeux, lui sourit de cette manière qui n’appartient qu’à elle, et lui dit d’une voix tendre non dénuée de mystère :

— On en reparlera, Hugues, à tête reposée. Pour l’instant, j’ai une meute de fauves qui doit s’impatienter.

Et elle hurle d’une voix redevenue enjouée :

— Allez, les jeunes, à table, vous devez avoir une faim de loup !

*

Le soleil se fait de plus en plus entreprenant et gagne son combat contre la brume, minute après minute. Faute de vent, déjà un quart d’heure qu’ils naviguent au moteur, cap au sud, cap sur l’Île Verte, le petit îlot rocheux, légèrement recouvert d’herbe, d’où son nom, qui se trouve juste devant la Pointe du Château à Locquirec, de l’autre côté de la baie de Lannion. Le bateau, un Leisure 23, voilier à deux quilles, est bien chargé, chacun des passagers ayant apporté son équipement de plongée, bouteille incluse, ainsi que quelques provisions de bouche destinées à remonter le marin après l’effort. Comme souvent les jours de beau temps en Bretagne-Nord, la mer, en fin de matinée, est plate comme une soutane de curé. Des conditions idéales de navigation qui leur permettent d’être sur zone avant midi. Le temps d’amarrer le voilier, baptisé Aspirine, sur l’un des corps-morts “visiteurs” qui se balancent devant la plage de la Palud, et tous les explorateurs sous-marins embarquent à bord du Zodiac qui sert d’annexe. Quelques dizaines de mètres à faire pour être à l’aplomb du site, tout près de l’île chère à Michel Mohrt, l’une des célébrités locales. Le temps d’ancrer le pneumatique, d’installer les bouées de signalisation, et nos plongeurs sont à l’eau par groupes de deux. D’un côté, Adrien et Charlène, et de l’autre, Aurélia et Gustave. À leur programme, l’exploration d’une des fosses à congres les plus célèbres du secteur, avec l’espoir non seulement de rencontrer certains de ces monstres, même s’ils sont plutôt nocturnes, mais aussi l’envie de découvrir la vie des fonds marins entre vingt et quarante mètres de profondeur, que ce soient les poissons, les crustacés, les algues ou toutes les autres merveilles qui font la richesse des eaux bretonnes. Plongeurs chevronnés, grâce à leur apprentissage de haute qualité au GSMP, le groupe Subaquatique de Morlaix-Plouézoc’h, les quatre jeunes gens savourent leur exploration du monde du silence. Pas de fusil sous-marin, leur promenade se veut purement dédiée à la découverte de cette fosse réputée et de sa flore exceptionnelle. Regret ou soulagement, difficile à dire, mais les congres sont bien cachés et ne daignent pas montrer le bout de leur rostre. Mais quelques vieilles à écailles et autres poissons de roche suffisent à leur bonheur contemplatif. Une heure déjà qu’ils évoluent à près de trente mètres de profondeur. Les yeux encore emplis de la beauté du site, les quatre jeunes gens remontent lentement et se préparent à respecter leur palier de décompression de neuf minutes à trois mètres, quand… quand l’œil d’Aurélia est attiré par des éclats lumineux qui semblent sortir d’une cavité en bordure de la fosse. Le soleil généreux et très visible à trois mètres de la surface semble jouer avec des surfaces brillantes, métalliques vraisemblablement. « Sans doute une de ces canettes de bière balancées par des sagouins qui ne savent pas respecter la nature et la mer ! » pense-t-elle tout d’abord. Elle est toute prête à détourner son regard de ces étranges lueurs quand une pulsion inexpliquée la pousse à se rapprocher de ce kaléidoscope sous-marin, étrangement coincé dans une des failles rocheuses. Sous le regard impassible de ses compagnons de plongée, elle tend la main vers la source de brillance. Difficile d’identifier le phénomène car maintenant l’ombre de son corps fait obstacle au soleil et l’empêche de visualiser précisément les contours de l’objet. Il lui faut bien quelques minutes, beaucoup de précautions et un usage très prudent de son poignard pour qu’elle arrive à dégager sa trouvaille de son abri, et se rende compte enfin de ce qu’elle vient de découvrir : un étrange réceptacle couvert d’algues et de berniques, dont l’intérieur n’est pas suffisamment visible pour en identifier le contenu. Elle a beau regarder le récipient sous tous les angles, la seule chose qu’elle voit, au gré des rayons du soleil, ce sont des éclats de lumière qui dansent avec les reflets couleur turquoise des eaux de la baie de Lannion.

Les autres plongeurs n’ont rien compris aux activités d’Aurélia et la regardent d’un air un peu suspicieux quand elle revient lentement vers eux, exhibant son étrange trophée. Un grand sourire aux lèvres, elle affiche une joie qui laisse perplexes ses compagnons. Et ils ont bien raison de l’être, même s’ils ne savent pas encore pourquoi. Leur partie de plongée se termine, d’accord, mais leurs emmerdements, eux, commencent…

*

Hugues et Laure savourent tranquillement une petite sieste au soleil, histoire de récupérer, après une séance de jambes en l’air dans l’herbe douce et tiède de ce début d’après-midi, qui les a mis tous deux d’excellente humeur. Pour les âmes pudibondes, je rappellerai que la maison d’Hugues est située bien à l’écart de ses voisines, et que le jardin est si clos d’arbres au feuillage opaque que même un voyeur vicieux, à moins d’utiliser une grue, ou un défoliant instantané, ne pourrait rien voir des activités “kamasutresques” de nos deux héros. Ceci dit, il pourrait entendre… Main dans la main, tous deux allongés nus sur un grand drap de bain, flirtant avec le soleil, leurs pensées vagabondent au pays de la douceur et du farniente. Mais les quatre arrivants, encore vêtus de leur combinaison de plongée, ne sont pas du tout dans la même disposition d’esprit. Plus excités qu’une puce tombée dans du “Red Bull cocaïné”, ils posent, fermement mais néanmoins délicatement, le trophée d’Aurélia au milieu de la table de jardin. Tandis qu’Hugues et Laure se dépêchent de voiler leur nudité comme ils peuvent, les quatre mousquetaires, de retour de leur exploration sous-marine, arborent un sourire à rendre jaloux un vendeur de voitures d’occasion.

Jetant un regard rapide à ce qui semble être une gourde de randonneur cabossée, Hugues a du mal à comprendre ce qui motive la joie de sa jeune classe.

Il se lance néanmoins dans une double question de circonstance :

— Qu’est-ce que c’est ? D’où ça sort ?

Il en rajoute une troisième qui, même adoucie par un sourire, soulève une bronca du côté des plongeurs sous-marins :

— Vous avez fait les poubelles ?

Il en faut plus que ça pour démonter Aurélia qui connaît bien son père, même si elle ne le voit plus très souvent.

— Arrête, Papa, c’est génial, on a trouvé ça coincé dans un rocher de la fosse aux congres de l’Île Verte, et ça nous a tout l’air…

Laure empoigne à son tour l’objet insolite, le retourne dans tous les sens et enchaîne :

— D’être une drôle de bouteille à la mer. Mais elle a l’air bien abîmée… Vous l’avez ouverte ?

Les quatre jeunes se regardent, l’air un peu penaud. Adrien reprend :

— Aurélia voulait le faire, mais on n’était pas complètement sûrs qu’on avait le droit, alors on a préféré attendre et vous demander votre avis.

Laure échange avec Hugues un rapide regard qui exprime clairement sa grande ignorance sur le sujet. C’est donc en se basant uniquement sur son bon sens qu’elle répond :

— Autant que je sache, il n’y a pas de législation pour les bouteilles ordinaires. Si un enfant découvre une bouteille sur une plage, il l’ouvre, point barre. Ce n’est que s’il y a des scellés ou des marques officielles que, là, il vaut mieux prendre l’avis des gendarmes ou de la police. Vous avez vu quelque chose de spécial sur la bouteille ou autour du goulot ?

— On a essayé de voir au travers, mais avec les algues et les berniques, on n’a rien pu voir, ou en tout cas pas grand-chose, et on n’a pas voulu gratter au couteau.

— Tout ce qu’on sait, interrompt Charlène, c’est que ça fait un bruit métallique quand on la remue, comme des pièces de monnaie, et que ça scintille au soleil.

Hugues prend alors une voix qui se veut celle du capitaine Haddock en pleine crise de mauvaise humeur, et lance :

— Des pièces de monnaie ! Mais alors, mille millions de mille sabords, petits chenapans, bachi-bouzouks à palmes, vous avez peut-être découvert le trésor de Rackham le Rouge ! Allez ! Il faut l’ouvrir, et vite !

— Faites quand même attention ! conseille Laure. S’il y a des choses précieuses, il faut éviter de les abîmer…

*

Avec autant de précautions que Bruce Willis désamorçant une bombe nucléaire avec une lime à ongles, le tout en moins de quarante-cinq secondes, le “trésor de Rackham le Rouge” se trouve mis à jour en quelques minutes. Le temps de gratter algues et berniques, d’ouvrir, ou plutôt d’éclater le goulot soudé par le séjour dans l’eau salée avec une pince multiprises, et le contenu de la gourde atterrit sur un chiffon apporté là tout exprès. Mais en guise de trésor, les découvreurs doivent se contenter de ce qui semble un maigre butin : quatre-vingt-deux francs en pièces de 20, de 10 et surtout de 1 francs. Le tout accompagné d’une feuille d’agenda roulée, sur laquelle n’apparaissent qu’occasionnellement quelques signes d’écriture, quasi impossibles à déchiffrer. La feuille de papier, bien coincée par quelques pièces pour qu’elle ne s’envole pas, les quatre plongeurs, Laure et Hugues se sont assis autour de la table écrasée de soleil, et ne parlent plus. Devant le peu de valeur apparente de leur trouvaille, leur excitation des premiers instants a fondu comme glace au micro-ondes.

Ils regardent leur trésor, les yeux pleins d’une évidente déception. Depuis la découverte de la bouteille, leur excitation allait crescendo, mais maintenant, l’espoir d’avoir mis au jour une belle histoire de marin, ou un récit d’aventures, enfin, quelque chose “d’extraordinaire”, vient de s’évanouir comme la brume de chaleur. À tout hasard, Hugues, histoire de détendre un peu l’atmosphère, frotte avec son avant-bras le corps de la gourde. Mais les frottements n’y changent rien, nul génie ne se décide à sortir du récipient, et l’abattement creuse un peu plus les yeux attristés des explorateurs de la fosse aux congres.

— Bon ! réagit avec vigueur LSD, on ne va pas se laisser abattre ! Petit 1, votre père va aller nous chercher un peu de cet excellent cidre breton, brut et fermier, qui remonterait le moral à un déprimé suicidaire.

Pendant qu’Hugues obéit aux injonctions de sa belle, celle-ci continue ses efforts pour requinquer les troupes :

— Petit 2, Tanguy est en vacances et il va se faire un plaisir de venir jeter un coup d’œil sur la gourde et son contenu. En particulier, je suis certaine que ce bout de papier n’est pas là par hasard et qu’il peut nous en apprendre beaucoup.

— À moins, ajoute, dépité, le pauvre Adrien, à moins que tout ceci ne soit qu’une sale blague, faite par des gamins ou des ados…

— T’inquiète ! Laisse faire Tanguy, il ferait parler un pot de chambre !

*

La troisième bouteille de cidre n’a plus que quelques secondes à vivre, quand Tanguy, réfugié, seul, dans la cuisine dont il a fait fermer les volets, pousse un cri à rendre jaloux de honte Archimède, découvreur comme chacun sait, du principe selon lequel le téléphone sonne toujours quand on est sous la douche. Le cri de Tanguy n’est donc ni orthodoxe ni même grec et serait plutôt du genre franchouillard tendance grivoise. Ce qui en pratique se résume à cette formule imagée que ne renierait pas Fabrice Lucchini :

— Putain de putain ! Mais c’est énorme !

Et il ajoute en haussant la voix et en détachant bien les syllabes :

— É-nor-me ! É-nor-mis-si-me !

Toute la tribu jusque-là attablée au soleil se précipite dans la pénombre de la cuisine où ils retrouvent un Tanguy rayonnant de bonheur, qui a enlevé ses petites lunettes rondes pour bien s’éponger le front.

Alors que les questions fusent de toutes les bouches de la jeune classe, alors que Laure et Hugues brûlent de savoir ce qu’a découvert le professeur d’informatique, celui-ci se contente de déclarer :

— Je vous explique tout dans une seconde, mais j’aurais bien pris, moi aussi, un coup de cidre… agrémenté d’un petit coup de lambig fermier, s’il t’en reste…

Une fois désaltéré, un immense sourire aux lèvres, Tanguy résume enfin ses trouvailles. Dans un silence si profond qu’un soupir s’y noierait, à peine troublé par quelques lointains bruits de bateaux à moteur et de pleurs de goélands, le petit copain d’Isabelle Lebech prend enfin la parole :

— Bon ! Je vais vous la faire courte. D’abord, la gourde, c’est une gourde tout à fait banale, en plastique gaufré translucide, mais pas transparent, comme on en faisait avant l’invention des toutes premières bouteilles d’eau minérale équipées d’un embout pour permettre aux cyclistes ou autres sportifs de boire facilement pendant l’effort. Cela nous donne quand même quelques indications sur la date où ladite gourde s’est retrouvée à la mer. Personnellement, je dirais entre trente et quarante ans… Les pièces de monnaie maintenant : que des pièces de monnaie classiques, en francs français, dont les dates d’émission se situent toutes dans les années 75-80, à part deux pièces de 1 franc, à l’effigie de la Semeuse, qui datent de 1981.

— Je ne sais pas si tu nous la fais courte, maugrée Adrien… Mais qu’est-ce que ce serait si tu nous la faisais longue… !

— J’y arrive, mon bonhomme, j’y arrive… Reste le bout de papier. À première vue, il n’a pas pris l’humidité, ce qui est déjà un bon point, mais les quelques signes gribouillés dessus sont illisibles à l’œil nu. Alors j’ai utilisé quelques astuces pour voir s’il y avait autre chose d’écrit… J’ai scanné le document et après, j’ai utilisé mon logiciel de tripatouillage photo “Gimpshop”, j’ai pu redonner beaucoup plus de contraste au texte et j’ai retrouvé des mots ou des bribes de phrase qui étaient invisibles avant. Là, j’avais déjà reconstitué une bonne partie du texte. Et après, j’ai utilisé des techniques plus classiques : comme le texte avait été écrit au crayon papier, j’ai griffonné la feuille avec un crayon à mine blanche et j’ai chauffé délicatement le papier par en dessous avec la flamme d’une bougie… Et voilà le travail ! Je suis assez fier de moi ! dit-il en se resservant un autre verre de lambig. Bien mérité.

Laure, la seule à avoir, à peu près, gardé son calme, enchaîne d’une voix douce :

— Bravo pour la technique ! Et alors, le texte ?

— Ah oui, le texte ! Je vous l’ai recopié au propre en Word.

Tout le monde s’agglutine derrière le décodeur du message, tandis que le fac-similé du message s’affiche sur l’écran de son ordinateur Tosh-Hpackardbellibm SI 224-3i : « Ils sont après moi, je n’en ai plus que pour quelques minutes… J’ai la preuve… » Là, des mots indéchiffrables, Et après, le texte reprend : « tué. Hermine PL312406 / Voltaire, Char, Vian, Baudelaire et Christie _ +12. MT. »Voilà ! Intéressant, non ?

Le silence qui suit la brillante démonstration de Tanguy témoigne de l’étonnement et surtout de la déception de ses auditeurs. À l’évidence, ils s’attendaient à une belle histoire d’enfant ayant posté son message sur une plage anglaise ou américaine. Ou alors à un appel au secours d’un naufragé dérivant sur un radeau de sauvetage ou perdu sur une île déserte. Et là, ils ont affaire à un message incompréhensible venu d’on ne sait “zou” (je fais ce que je veux). Chez les jeunes, l’enthousiasme des premières heures est en chute libre. Leur possible conte de fées tout droit sorti de l’eau y retourne bien vite. Alors ils quittent la cuisine, abandonnent leur tenue de plongée et décident de partir à la plage la plus proche, celle de Pors Gwenn.

Restés seuls dans la cuisine, Tanguy, Hugues et Laure marquent bien plus d’intérêt pour la trouvaille que les jeunes gens. Encore que la tendance, côté Hugues, serait plutôt à l’abandon pur et simple des complications que pourrait attirer ce message sibyllin. Et il le dit en termes clairs et crus :

— Écoutez, vous êtes bien gentils, mais là, on est en week-end, peinards, je suis en vacances dans cinq jours et ce sera la première fois depuis une éternité que je peux prendre trois semaines en été ! J’ai la chance, ce qui ne m’était pas arrivé depuis des années, d’avoir mes deux enfants ensemble ! Et en plus, il fait un temps de Côte d’Azur ! Alors je n’ai au-cune-ment l’intention de gâcher ces moments de bonheur familial avec une enquête à la con, qui en plus ne nous concerne ni de près ni de loin, si je ne me trompe. Alors vous allez me faire le plaisir de refoutre cette simili-bouteille à la mer et de l’oublier à jamais !

Pour qui connaît bien le pharmacien de Trémel, le ton sans équivoque n’appelle pas à la discussion, sa décision est définitivement prise. L’enquête est close. Tanguy et Laure se regardent, l’air consterné, avant que leur discours pupillaire ne prenne une allure complice. Du genre, “officiellement”, on oublie tout mais, qui sait, quand tu auras le dos tourné, on pourrait peut-être se pencher sur l’affaire… Hugues à peine sorti de la cuisine, Laure demande à Tanguy :

— Tu crois que tu peux déchiffrer d’autres choses sur le message ?

— Je ne sais pas encore. Mais je vais me réattaquer au problème dès que je serai à la maison. Et surtout, je vais essayer de comprendre ce que tout cela veut dire !

— Tiens-moi au courant. Discrètement… Vu la réaction d’Hugues…

*

Le lendemain matin, tandis que son Hugonounet de pharmacien est retourné à son officine de Trémel, tandis que les enfants récupèrent de leur soirée au Smuggler, l’une des principales boîtes de nuit du secteur, tandis que Bruxelles, l’étrange mélange d’un Jack Russell et d’un cavalier King Charles, après avoir fait un grand tour, s’est étalé dans l’herbe encore toute fraîche, Tanguy arrive discrètement sur son nouveau quad, son Yamaha 500vgmkh 2041 GS. Laure est déjà à l’ouvrage, penchée sur le texte déchiffré par le copain d’Isabelle, la veille. Une quick bise, et LSD demande en montrant le message :

— Tu en as parlé à Isa ? Qu’est-ce qu’elle en pense ?

— C’est tout simple, elle m’a dit à peu près comme Hugues : qu’on a eu assez d’emmerdements avec toutes ces enquêtes, que là, on n’est pas concernés et qu’elle veut passer un été pépère entre repos, copains, balades, apéros et baignades… Voilà ce qu’elle m’a dit, le tout assorti de menaces plus ou moins directes sur notre vie… intime, si je ne tenais pas compte de ses remarques.

— Tu rigoles ! Elle irait jusqu’à faire la grève du sexe !

— Tu sais ! Elle la fait parfois aussi quand elle n’a rien à me reprocher, ajoute-t-il avec une ironie perfide.

— T’exagères ! Parce qu’elle m’en parle de temps en temps, et vous avez l’air de bien vous entendre sur ce plan-là…

— Pas trop mal… Surtout quand elle a un peu abusé de la dive bouteille… ajoute-t-il avec un petit sourire en coin. Mais on n’est pas là pour parler de nos problèmes de cul mais de ce message. Alors, qu’est-ce que tu en penses ?

— J’en pense surtout que tu n’as pas tout dit… Tu as bien reproduit le texte sur ton ordi : « Ils sont après moi, je n’en ai plus que pour quelques minutes… J’ai la preuve… » Là, des mots indéchiffrables, Et après, le texte reprend : « tué. Hermine PL312406 / Voltaire, Char, Vian, Baudelaire et Christie _ +12. MT. » Tu as juste oublié de nous donner la date…

— Je ne vous l’ai pas dit ?

— Bah non !

— Oh merde ! J’ai oublié, tu as raison. On voit bien la date imprimée sur la feuille de l’agenda : « 10 avril 1981 ! »

— 1981 ! Tu te rends compte ! 1981 ! Tu ne trouves pas ça troublant, 1981, particulièrement en avril ?

— C’étaient les élections présidentielles…

— On était en pleine campagne électorale, Giscard contre l’Union de la Gauche, et ça volait bas… On sortait les cadavres des placards…

— Et tu crois, demande Tanguy, que ce message pourrait avoir un rapport avec les élections ? Le message a été lancé d’on ne sait où mais est arrivé à Locquirec. On est loin de Paris et des affres des affrontements politiques nationaux, non ? Avant de penser au contexte national, tu ne crois pas que l’on devrait d’abord se pencher sur ce qui a pu se passer ici autour de la baie de Lannion, ou en Bretagne, en général ?

— Tu as certainement raison. Partons sans a priori. Essayons de reprendre à tête reposée. Que t’inspire ce message ? Ta première impression ?

Le professeur d’informatique ne répond pas tout de suite. Il semble soupeser les différents éléments qui l’intriguent avant de les exposer à Laure. Il parle enfin, avec lenteur, ce qui n’est pas dans ses habitudes, comme s’il ne voulait exprimer que des certitudes pas des suppositions :

— Je crois que le plus important, c’est la mise en scène autour de cette bouteille. De trois choses l’une… Première hypothèse, c’est un canular, un canular bien monté avec suffisamment d’incertitudes dans le texte pour qu’on ne puisse s’en rendre compte tout de suite. Ce peut être n’importe quoi, une blague isolée, un pari entre amis, une forme de bizutage, tout est possible.

— Et si c’était ça, comment on peut s’en rendre compte ?

Tanguy hoche la tête, tandis que la perplexité se lit sur son visage.

— Pas facile, ma petite Laure, pas facile. Parce que le canular semble si bien monté qu’on ne peut sans doute le déceler qu’en remontant tous les indices. Comme si le message était authentique.

— Deuxième hypothèse ?

— On peut envisager que le message soit juste une blague grossière, montée à la va-vite…

— Et dans ce cas-là, on devrait s’en rendre compte très rapidement ?

— C’est ce que j’espère en tout cas. Mais reste la dernière hypothèse : le message n’est pas du bidon, et dans ce cas, on a peut-être mis la main sur une bombe politique ou, en tout cas, une affaire policière grave.

— Mais pourquoi tu veux à tout prix que ce message ait une connotation politique ? On parle apparemment de quelqu’un de tué, mais cela peut juste être un fait divers familial ou une histoire liée au banditisme, voire au grand banditisme…

— Tu as raison, Laure, toutes les hypothèses tiennent la route. Donc il va falloir avancer avec méthode. Reprenons le message : « Ils sont après moi, je n’en ai plus que pour quelques minutes… J’ai la preuve… » Là, des mots indéchiffrables, Et après, le texte reprend : « tué. Hermine PL312406 / Voltaire, Char, Vian, Baudelaire et Christie _ +12. MT. »

*

Presque 11 heures quand la jeune génération émerge, dégageant autant d’énergie qu’une centrale nucléaire avant sa mise en fonction. Quelques bols de café accompagnés de crêpes venues directement de chez Yvette à Kerboulic, et quelques cuillers de confiture de figues garantie bio de chez Véronique ont vite fait de redonner la pêche aux grands adolescents qui regardent maintenant l’horizon brumeux, signe de chaleur, avec optimisme.

— Papa est déjà parti ? lance dans un bâillement Adrien.

— Sachant que son officine ouvre à 8 heures 30, heureusement, dis donc ! Alors qu’est-ce que vous allez faire de beau aujourd’hui ?

C’est Aurélia qui répond à la place de son frère :

— Tout va dépendre de la météo. On a envie de se faire une petite virée avec le bateau jusqu’à Port-Blanc ou Plougrescant. Puis là, on avisera. Soit on reste un ou deux jours à explorer le coin, soit on pousse sur Bréhat, voire Jersey.

— Vous faites ce que vous voulez, vous êtes grands et vous savez naviguer. Mais n’oubliez pas de nous dire où vous êtes et ce que vous faites, et n’oubliez pas non plus que votre père est en vacances à la fin de la semaine… Ce serait sympa que vous passiez un peu de temps avec lui, surtout que, lui aussi, a envie de faire du bateau…

— T’en fais pas, petite Laure, répond Adrien en la prenant tendrement par l’épaule. Au plus tard, on sera de retour vendredi soir ou samedi matin. Et rien ne vous empêche de venir nous rejoindre un soir… On se fera une bouffe !

— Pourquoi pas ? C’est une bonne idée et, en plus, je ne connais pas vraiment les coins où vous allez.

Adrien reprend avec une pointe d’ironie, car il commence à bien connaître Laure depuis leur sauvage farandole à Paimpol :

— Je sais que Papa a laissé tomber pour le message, mais Tanguy et toi, mon petit doigt me dit que ce n’est pas forcément le cas, non ?

Laure et Tanguy s’échangent un regard complice, qui vaut toutes les réponses du monde.

Adrien sourit à son tour devant ce discret mais explicite aveu.

— Nous, en tout cas, on abandonne. On s’est bien fait avoir quand même ! Dire que nous pensions avoir fait une découverte sensationnelle…

Tanguy, jusque-là bien silencieux, se charge de lui répondre :

— À vrai dire, on se pose toujours beaucoup de questions avec Laure… Donc je ne pense pas qu’on va abandonner tout de suite… On va essayer d’approfondir quelques petites choses et après, on prendra notre décision. Rien ne dit encore que votre découverte n’est pas sensationnelle…

— Eh bien, amusez-vous bien, nous, on file voir la météo, et si c’est bon, on fait les courses et on met les voiles ! lance Adrien, requinqué par son breakfast pantagruélique.

*

De nouveau seuls, Laure et Tanguy se sont repenchés sur le message. Ils restent silencieux un bon moment, avant de s’exclamer pratiquement ensemble :

— Voilà ce qu’il faut faire en premier !

S’ensuit un grand éclat de rire avant que Laure ne lance :

— Toi d’abord !

— Non ! Toi ! C’est toi la chef !

— Tu parles ! Mais comme on ne va pas se faire des politesses pendant deux jours, je veux bien commencer : il y a quatre choses essentielles dans ce message, mais deux sont plus importantes que les autres. La première chose qui me frappe, c’est que celui ou celle qui a écrit ces lignes était aux abois et vraisemblablement menacé de mort. Deuxième chose : si ce qui est dit est vrai, quelqu’un a été tué et le rédacteur du message savait qui était derrière ce meurtre. Et c’est sans doute pour cela qu’il était poursuivi. Troisième point, sans doute moins important dans un premier temps, le nom Hermine et la série de noms d’auteurs. Et enfin, cette série de chiffres et de lettres qui, pour moi, représente du chinois, mais qui correspond sûrement à quelque chose, un moyen d’identification, un code, une combinaison…

Sourire aux lèvres, Tanguy enchaîne :