Le Moine Rouge de Carantec - Serge Le Gall - E-Book

Le Moine Rouge de Carantec E-Book

Serge Le Gall

0,0

Beschreibung

Des personnages étranges, un château inquiétant et un triple meurtre sont au menu de cette enquête riche en rebondissements.

Debout sur un tabouret bancal, il ne tremble pas. Il sait que sa dernière minute de vie est entamée. Dans un instant, il va se balancer…
Théo court pour sauver Sandra, une Marilyn de province qui rêve d'Eldorado, et les douze dents acérées de la foëne transpercent le dos de l'agresseur. Le baron de Kervirac, hobereau de Carantec, est sur le point de ramener à la lumière le trésor des Templiers. C'est sans compter avec une organisation secrète, réminiscence d'un ordre nazi, qui espère bien le coiffer au poteau. Sophie, la femme de chambre, paraît bien énigmatique sous ses airs de Sainte Nitouche. Tuan Kho, exilé indochinois, se méfie de tout le monde. Amélie, comédienne antillaise, ne fait pas mystère de ses charmes dans un film qu'on tourne au château. Et le sang d'un triple meurtre coule sur les graviers de la cour…
Le décor est en place quand le commissaire Landowski débarque pour mettre son grain de sel dans l'affaire. En compagnie du lieutenant Mario Caral qui ne lui inspire pas confiance, il rassemble les pièces du puzzle meurtrier qui le mèneront en bateau… jusqu'à l'île Callot !

Embarquez au cœur de cette nouvelle aventure avec le 9e tome des enquêtes du commissaire Landowski !

EXTRAIT

Landowski soupira.
— Mais je dois te dire que j’ai souvent envie d’autre chose. J’en ai un peu marre de cette vie de flic pur et dur. Et, tu le sais peut-être, toi, je crois bien qu’il y a des gaziers, en interne comme en externe, qui seraient contents de me voir raccrocher les crampons !
Le lieutenant Caral ne fit aucun commentaire à ce sujet. L’amorce tombait à plat. Son passager en fut pour ses frais.
— Il y a une brochette de superflics qui ont rendu leur carte avant terme ! Vous pouvez faire partie du club !
— Pour me faire tartir dans un hameau désert en Ardèche avec des biquettes pour voisines ? Pour m’encroûter dans un gîte tout sombre à Trémaouézec avec des génisses qui me reluquent comme une locomotive ? Tu rigoles !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Éditions Bargain, le succès du polar breton . -  Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Serge Le Gall est né à Concarneau en 1951. Après d’autres productions littéraires, il s’est tourné vers le roman policier. Dans la collection Pol’art, il vous a proposé plusieurs énigmes mettant en scène le détective Samuel Pinkerton. Il vous invite à retrouver ici le commissaire Landowski dans sa septième enquête.

À PROPOS DE L'ÉDITEUR

"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." - Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 273

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

« Le trésor du princeSe cachait au tombeau.Les chiens de guerreEn cherchaient l’entrée.La rivière de leur sangA emporté la clef. »

Uchen Yang,Infatigable voyageur chinois(Période des Cinq Dynasties - Xe siècle)

« Tous les hommes rêvent mais pas de la même façon. Mais ceux qui rêvent de jour sont dangereux, car ils sont susceptibles, les yeux ouverts, de mettre en œuvre leur rêve… »

Thomas Edward Lawrence(Lawrence d’Arabie)

I

D’abord, il ne vit rien. Ou presque rien.

C’était comme un magma sombre, là-bas, près de l’embarcadère pourri, juste en amont de l’embouchure. Puis il perçut des bruits sourds qui furent suivis aussitôt par un clapotement irrégulier. Une minute plus tard, il entendit un cri étouffé, brutalement interrompu, comme si l’on bâillonnait quelqu’un. Il se passait des choses pas très catholiques dans les méandres de la Penzé.

Théo retira sa foëne de l’eau. Ce redoutable instrument de pêche à dents multiples laissait peu de chance aux poissons qui croisaient à proximité. Une douzaine de dards jouant une partition cruelle n’engendre pas le même plaisir que le spectacle des danseuses de cabaret aux jolies gambettes bougeant en un bel ensemble…

Deux superbes soles, luisantes sous la lune, se contorsionnaient, le corps transpercé par les dents acérées de l’outil meurtrier. Théo n’avait pas son pareil pour piquer les poissons plats avant que ceux-ci, alertés par un simple remous, déguerpissent vers des fonds plus cléments.

Même si ce harponnage artisanal mettait du beurre dans les épinards, cette pêche nocturne n’était qu’une couverture pour approcher les parcs à huîtres et se servir copieusement.

Surtout quand les fêtes de fin d’année approchaient. Les professionnels engageant des agents de sécurité pour patrouiller la nuit, le jeu devenait d’autant plus dangereux. Plus attrayant aussi.

Théo faisait commerce de ses larcins nocturnes autant pour soigner sa trésorerie moribonde que pour jouer avec le feu. Sa propre vie n’avait plus aucun sens à ses yeux.

Pour œuvrer plus simplement, Théo s’équipait d’un sac à dos renforcé par une plaque de plastique épais afin de rigidifier l’ensemble. Bien malin, il avait bricolé un système à la base du sac pour que la poche se vide en un rien de temps s’il était coincé par un poursuivant. Ainsi, il pourrait se parer d’innocence tout en jubilant intérieurement.

Sans jamais quitter des yeux l’endroit d’où parvenaient les bruits étranges et foncièrement terribles, le braconnier détacha les poissons d’un geste précis, la main grande ouverte et les doigts en pattes de crabe, et il les glissa dans son panier de plastique vert en prenant les précautions d’usage pour ne pas abîmer la marchandise. Cette sorte de vivier provisoire, brinquebalé par les mouvements de son porteur, créa un court clapotis en battant la surface de l’eau. Pas davantage.

— Encore des empêcheurs de braconner en rond ! dit-il à voix basse en reniflant comme s’il remontait sa charrette au grenier. Des voleurs d’huîtres ou de moteurs hors-bord.1 Ici, c’est selon ! Il y a toujours du miel à se faire. Peu leur importe les dégradations, à ces pirates, pourvu que la pêche soit miraculeuse ! J’aimerais tant qu’on me laisse en paix !

Une masse grise remontait la rivière avec la marée. Elle venait lentement dans sa direction, accompagnée du chuintement habituel de la coque d’un navire glissant sur l’eau calme. Comme les ciseaux du tailleur coupant un tissu épais avec précision.

Sans peine, l’homme immobile reconnut un chaland, du type de celui que l’on utilise couramment pour les activités ostréicoles. Celui-ci ne faisait pas partie des antiquités navales faites de bois enduit de goudron et imprégnées de la sueur des hommes. Non, il s’agissait plus simplement d’une barge moderne en aluminium récemment construite par un chantier de Carantec avec cabine fermée et mât de charge.

En plissant les yeux comme un reptile, Théo se parla encore à voix basse :

— Si je reste là, sans bouger d’un poil comme un imbécile, il va m’éperonner !

Il repositionna son sac à dos bourré d’huîtres charnues puis il releva son outil de harponnage et le saisit aux trois quarts du manche pour l’équilibrer avant d’entamer sa manœuvre de repli stratégique vers la terre ferme. Il affectionnait cette formule pudique souvent employée pour masquer les fuites les plus honteuses des armées en déroute.

— Mais que font-ils donc sur la rivière à cette heure-là ? marmonna-t-il d’une voix sourde que, seuls, les poissons épargnés par son instrument de torture auraient pu entendre.

Il gagna le bord du chenal en traînant les pieds pour réduire le son et, surtout, pour éviter de créer des remous. Tous les pêcheurs à pied connaissent bien les signes qui risquent de trahir leur présence sur l’amont du fil de l’eau. Ils n’ont aucunement envie de signaler les meilleurs coins de pêche aux concurrents à l’affût !

Dans un mouvement calculé et donc silencieux, il s’accroupit sur la vase pour offrir moins de prise aux regards. Le chaland passa lentement près de lui, presque religieusement. À la manière d’une veillée funèbre calquée sur la légende arthurienne. Pour un peu, on allait se mettre à chanter des cantiques tristes à pleurer en regardant le frêle esquif s’éloigner, nimbé d’un rayon de lune blafard.

L’heure n’étant pas à l’envolée lyrique, il reprit son observation. Il remarqua sans peine qu’il y avait plusieurs hommes à bord du chaland. Il lui sembla aussi qu’une forme – un corps ? – était allongée sur le pont. Il admit sans discussion qu’il n’était plus question de voleurs nocturnes. Son œil d’oiseau de nuit, regarda, un à un, les occupants de la barge. En signe de dégoût, il cracha un jet de salive. Précis comme du jus de chique ! Il comprit qu’il n’aurait jamais dû sortir cette nuit-là.

Il laissa l’étrange équipage se fondre dans le noir vers l’amont au gré de la marée montante puis il retourna au bord du chenal pour laver la vase molle et collante qui maculait le bas de son ciré et ses cuissardes. Il se dit qu’il avait bien fait de ne pas s’affubler d’un ciré jaune comme tous ces pêcheurs du dimanche. Le braconnier qu’il était devenu par choix n’aurait jamais fait cette faute de goût. Autant se signaler directement aux ostréiculteurs et autres garde-pêche à l’affût des noctambules dans son genre ! Ou à d’autres encore…

Une fois débarrassé du limon grisâtre salissant ses vêtements de travail, il marcha sur quelques mètres afin de retrouver la jonction du chenal avec un modeste affluent. Il s’engagea lentement dans le lit du ruisseau creusé dans la vase pour regagner la berge.

1. Lire Corps-mort à l’Île de Batz, même auteur, même collection.

II

François caressa délicatement le corps de Sandra.

Ce soir, elle ne s’était pas défilée, la garce. Depuis le temps qu’il l’observait à la dérobée quand elle manipulait avec dextérité les coquilles dans le petit hangar situé près des parcs ! Il y avait là une machine à godets basculants pour trier les huîtres selon leur calibre. Sandra l’alimentait en chantonnant. Elle couvrait ainsi le cliquetis métallique qui devenait agaçant à la longue. C’est avec gourmandise qu’il appréciait l’agilité de ses doigts au point d’en avoir le souffle court et le corps tendu, prêt, disponible.

Il l’imaginait très bien, dépouillée de ces horribles vêtements de travail qui cherchaient à masquer la moindre féminité sans réellement y parvenir. L’ouvrière savait toujours oublier de fermer le bouton du haut, échancrer sa blouse en prétextant la chaleur ou s’asseoir les genoux un peu hauts en suçotant un doigt comme une jeune fille rêveuse se dévoilant en toute innocence.

Mais il ne croyait pas une seconde à l’honnêteté du geste ou de l’attitude. Cette candeur délicieuse masquait mal les grosses ficelles qui se cachaient derrière.

François la soupçonnait de se donner des airs d’ingénue qu’elle n’était plus depuis belle lurette pour attirer les regards des hommes et le sien en particulier. Et elle y parvenait à coup sûr. Quand il fermait les yeux, il croyait la sentir le toucher et il était parcouru de frissons interminables. Il espérait connaître ce moment autrement que dans un rêve. Il savait qu’il n’y résisterait pas. Pas longtemps…

Elle aussi le regardait discrètement, semblant l’inviter de ses yeux humides comme une biche traquée par la meute sanguinaire. Elle avait envie d’autre chose, d’aventures insensées et de passions éphémères en usant du don d’elle-même pour être aimée en retour avec l’illusion d’avoir enfin rencontré le grand amour. Une aspiration devenue légitime à cause d’une vie quotidienne trop morne, faite de renoncements et d’accouplements incertains à force d’habitude. Mais son mari, un grand escogriffe pas facile à friser, la surveillait comme un magot, voire un pot-au-feu maison, vu son goût pour les nourritures roboratives.

À la nuit tombée, au moment où il fermait la fenêtre du pigeonnier lui servant de logement, François avait aperçu la donzelle qui se promenait nonchalamment le long du bassin servant à l’affinage des huîtres avant de les conditionner pour la vente. Le hasard faisait très bien les choses. Il était bien placé pour le savoir.

Sandra était vêtue d’une jupette très courte et serrée qui semblait la contraindre à avoir cette démarche un peu raide et saccadée à la manière des geishas. Elle portait une sorte de blouson rose de pom-pom girl à col Mao ouvert sur un tee-shirt largement échancré. De son poste d’observation, il pouvait voir la courbure inférieure des seins légèrement comprimés par le tissu tendu. Une panoplie complète pour une invitation à la débauche !

Elle tirait nerveusement sur sa longue cigarette, la bouche en cul-de-poule comme elle avait vu faire les vedettes dans les vieux films à la télé. Elle avait une singulière manière de tenir l’étui de tabac blond comme si elle faisait attention à des doigts manucurés aux ongles peints. Elle oubliait que les siens, plongés dans l’eau froide et triant des huîtres toute la journée, semblaient plutôt appartenir à un travailleur de force qu’à une gravure de mode. Ce n’était pas un problème pour elle. Sur ses ongles abîmés, elle appliquait du vernis sans pour autant les avoir débarrassés de la couche ancienne. Forcément, ça s’écaillait très vite, mais elle s’en fichait éperdument. Tout en jouant avec conviction son rôle de starlette en quête de contrat mirifique qui ne viendrait jamais, elle gardait les yeux fixés sur la fenêtre que François refermait très lentement pour ne rien perdre du spectacle. Elle rejetait la fumée en s’appliquant comme si elle tentait de créer des anneaux parfaits. Malgré son envie de bien faire, elle n’y parvenait pas vraiment. Elle gardait son sérieux au point de rendre émouvante et désespérée sa tentative de jouer dans la cour des grandes.

François sut tout de suite qu’il n’y aurait pas de meilleure occasion. Et surtout qu’il n’y en aurait pas d’autre du tout. La miss ne s’offrirait pas ainsi tous les soirs. Elle se lasserait bien vite de tenter le diable surtout que son mari veillait au grain. Il était question d’opportunité, de chance à saisir. De coup de cœur aussi.

Cascadec était bien occupé ce soir. Il ne viendrait pas les surprendre. Bientôt, il devrait tout laisser tomber et disparaître sans laisser de traces. S’il voulait garder un souvenir brûlant de la blonde Sandra, il était temps d’agir.

François avait chaud. Il sentait la sueur lui perler entre les omoplates. Sa nature primale de mammifère hurlait dedans son corps comme s’il y était lui-même mis en cage. Et ça commençait à faire mal…

En un instant, il fut près d’elle comme un affreux diablotin qui bondit hors de sa boîte. Sandra était formidablement désirable avec ses cheveux blonds oxygénés et son air de fausse ingénue. Elle jouait la Marilyn de campagne avec une conviction qui touchait au pathétique. Il est de ces shampouineuses qui espèrent toujours que le bus communal va les conduire sur Hollywood Boulevard. Pas moins que ça. Elle lui dit qu’un inconnu était venu chercher Louis, son époux, après le dîner. Il lui avait ordonné d’aller se coucher sans l’attendre et les deux hommes avaient disparu dans la nuit. Elle n’en savait pas davantage et les beuveries nocturnes de son mari ne l’intéressaient pas.

François avait remarqué qu’elle n’était certainement pas sortie dans le simple but de prendre l’air après le repas puisqu’elle avait pensé à emporter avec elle le trousseau de clefs du hangar à bateaux.

Qu’à cela ne tienne ! Il n’y avait donc pas de temps à perdre. Les protagonistes étaient d’accord sur le programme. Restait à le mettre en œuvre !

Ils se dirigèrent rapidement vers la cabane en se bousculant comme des collégiens au risque de se faire tomber. Sandra trébucha plusieurs fois, tirant sur le bord de sa jupe en se redressant dans un geste apparemment pudique mais diablement érotique pour un homme jeune passablement excité.

Elle dut s’y prendre à deux fois pour introduire la clé dans la grosse serrure. On aurait dit qu’elle caressait la tige de fer avant de la laisser s’enfoncer franchement dans la cavité. Elle s’en amusa d’un petit rire saccadé alors que François commençait à s’impatienter. Il eut un sourire carnassier quand le panneau de bois s’effaça enfin pour les laisser entrer. L’endroit sentait la peinture et la mer, avec des relents de goémon pourrissant. Qu’importe, ces odeurs-là faisaient partie de leur quotidien et ils n’y pensaient même plus. Ils n’étaient pas en villégiature et ils n’avaient guère le temps de faire la fine bouche en jaugeant l’environnement du lieu de leurs ébats imminents.

François serra Sandra contre lui. Il sentit immédiatement la chaleur de femme lui prendre le ventre. Il l’embrassa sur la bouche avec une vigueur qui essouffla sa partenaire. Il se détacha d’elle un instant pour lui ordonner d’enlever ses vêtements tandis qu’il ôtait les siens.

Une fois dévoilée, il la contempla nue. Elle avait des seins très ronds, façon bols Tupperware, portés hauts et un ventre plat. Il ne prit pas le temps de la détailler davantage. Il l’allongea sur un pan de voile étendu à la hâte sur le sol et il coupa court aux préliminaires. Le temps ne leur appartenait plus.

Un peu plus tard, François entendit la donzelle murmurer qu’il était le plus beau, le plus fort, qu’elle n’avait jamais connu cela avec un autre homme. Balivernes, il savait bien qu’elle employait des mots usés, de ces mots galvaudés par des cohortes d’amants en guise de remerciements.

Il prenait cependant un réel plaisir à les entendre caresser son oreille et, manifestement, son corps restait sensible à ce genre de compliments. Il sentait émerger concrètement un désir nouveau et il en ressentait une certaine fierté. Il la caressa à nouveau, se faisant plus pressant.

— Il faut que je m’en aille maintenant, dit-elle, coupant court aux envies renaissantes de son nouvel amant. Louis pourrait rentrer sans crier gare. Et ce serait ma fête !

Avec un sourire à deux balles découvrant ses dents blanchies aux gargarismes d’eau oxygénée, elle souffla :

— Je penserai à toi.

François ne trouva pas son compte. Il eut un rictus de dégoût.

— Parce qu’il va te le faire au retour, c’est ça ? dit-il avec une pointe d’accent germanique dans la voix.

— Je suis marié avec lui, je te signale ! répondit-elle dans un regain de respect des convenances.

— Après ce que nous venons de vivre ensemble, ça me fait mal de t’imaginer sous les coups de boutoir de ce primate !

François soupira avant d’ajouter :

— Et bien sûr, tu vas crier…

— Tu te fais du mal inutilement, dit-elle doucement en lui prenant la main. Ce soir, nous avons été heureux ensemble. C’est ce qui compte !

Elle avait eu ce qu’elle voulait. Lui aussi. Le reste n’était que phrases emportées par le vent de noroît.

— On le refera, dis ? susurra-t-elle comme une midinette aux joues empourprées qui croque une pomme d’amour.

Grand seigneur, l’amant satisfait répondit en détachant les syllabes :

— Quand tu as envie, tu me fais signe… On se débrouillera !

Debout près de la petite fenêtre aux vitres crasseuses donnant des airs de « Quai des Brumes » au décor, l’amant rajustait son pantalon en regardant machinalement au dehors. La faible lune éclairait une partie du chenal, soulignant ses méandres d’une touche laiteuse.

C’est alors qu’il remarqua un chaland qui remontait lentement vers l’amont. Il cacha mal sa surprise. Il n’attendait pas Cascadec de si tôt.

— Sandra, rhabille-toi vite ! dit-il, un peu affolé. Je crois que ton cher mari rentre à la maison !

Un vent de panique se leva comme une tempête en plein désert.

La jeune femme saisit fébrilement sa petite culotte à fleurs. Elle oscilla sur une jambe en tentant de l’enfiler en vitesse. Une fois le sous-vêtement ajusté sur ses hanches, elle s’aperçut finalement qu’elle l’avait mis à l’envers.

— Tu le vois mon bonhomme ? dit-elle, d’un air dégoûté.

— Tu as encore un peu de temps. Il est encore au milieu du chenal. Il doit être un peu chaud pour faire des régates à cette heure…

François scruta la nuit avec davantage d’intensité. Il ajouta :

— Tiens, tiens ! On dirait bien qu’il n’est pas seul ton cher et tendre !

Comme s’il ne le savait pas !

— Une femme ? demanda Sandra. C’est ça, tu vois une femme avec lui ! Je le savais bien qu’il allait voir ailleurs !

François la rassura hypocritement en sachant bien de quoi il parlait :

— Mais non, il ne s’agit pas de ça ! Il est avec des hommes !

— J’aime mieux ! Je t’ai dit tout à l’heure qu’il était sorti avec des amis à lui ! Je ne sais même pas qui, d’ailleurs ! Aide-moi plutôt à retrouver mes vêtements. Il faut que je sois à la maison avant lui sinon il va me tanner le cuir pour que je m’explique. Alors, c’est sûr, tu m’entendras crier ! Et ce ne sera pas pour la bonne cause !

Elle s’accrocha à lui en pliant une jambe, comme elle avait vu faire une actrice dans une scène de cinéma. Elle approcha sa bouche de l’oreille gauche de son amant.

— Dis, si tu m’entends appeler, tu viendras à mon secours ? Il me tuerait sans sourciller, la vache, surtout après ce qu’il a bu au dîner. Deux apéros bien tassés, des grands verres de rouge pour pousser des grands verres de blanc, c’est le tarif habituel. Il dit tout le temps que les mollusques adorent la chair humaine. Il me balancerait à la rivière sans sourciller. Comme une chiffe.

François lui tendit ses babouches.

— Si tu cries, je me boucherai les oreilles. La nuit, le bruit ça me dérange !

Sandra se détacha vivement de lui d’un geste brusque.

— Tu es un beau salaud. Tu as bien eu ce que tu voulais, non ?

— Je ne me rappelle pas t’avoir forcée, précisa-t-il. C’est bien toi qui tremblais tout à l’heure dans mes bras. Je n’ai pas rêvé !

Elle luit prit nerveusement la main.

— Sans cœur !

Elle fit la moue comme si elle allait pleurer avant d’ajouter :

— Tu me fais mal, tu sais !

Il l’enlaça et il sentit immédiatement la chaleur de son corps l’envahir à nouveau. Il regretta d’être dérangé, bousculé dans ce qui était un moment d’amour intense que d’autres n’auraient pas dû avoir le droit de perturber. Il leur en voulut terriblement.

Sandra se sentit tout à coup rassurée. Les bras de son amant d’un soir l’enveloppaient si bien. Elle aurait voulu arrêter le temps et se donner à lui encore et encore, jusqu’au bout de la nuit. Elle savait aussi que ce n’était qu’une chimère. Un rêve de midinette attardée.

En caressant l’oreille de François de ses lèvres humides et chaudes, elle l’implora :

— Surtout, demain au chantier, ne lui parle pas de sa sortie ! Ne fais aucune allusion. Pas un mot. Il serait furieux de savoir que tu l’as vu ce soir sur l’eau. Il n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires. En plus, il pourrait avoir des doutes à mon sujet. Tu me promets d’être sage ?

François hocha la tête.

— Ne t’inquiète pas. Je sais donner le change. Je ne dirai rien.

Il la détacha de lui en la tenant par les épaules.

— Tu sais ce qu’il fabrique sur la rivière en pleine nuit ? demanda-t-il, un peu inquiet.

— Non et je n’ai aucune envie de le savoir. Il traque les voleurs peut-être. Il dit toujours qu’il rêve d’en attraper un. Il le tuerait, j’en suis sûre.

— Il ne s’inquiète pas de savoir ce que tu fais pendant ce temps-là ?

Elle balaya la question d’un grand geste de la main.

— Il me croit sous la couette à lire le dernier Modes et Travaux. Pourvu qu’il se tourne tout de suite, une fois couché, et qu’il s’endorme !

François releva le menton.

— J’en doute ! dit-il avec une pointe d’ironie dans la voix.

* * *

Théo atteignit la berge. Il secoua soigneusement ses bottes puis il releva la tête. Soudain, il capta une lueur fugace passant derrière la vitre du hangar à bateaux situé en face, de l’autre côté du cours d’eau. Il se figea en statue de sel.

— Encore un insomniaque qui s’est planqué là-dedans dans l’espoir d’alpaguer quelqu’un, dit-il tout bas en ricanant. Peut-être un proprio de parcs veillant sur son patrimoine ! Qui que ce soit, je n’ai pas envie de servir de cible pour finir en trophée. Ils ne m’auront pas ! Passere mos !

Il enfourna ses affaires dans un sac de jute fermé par une garcette lustrée par le temps qui passe et il attendit un moment. La fuite n’aurait servi à rien. Il valait mieux rester le dos à la rivière. S’il se trouvait acculé par ses poursuivants, il devrait abandonner ses prises puis il n’aurait qu’à suivre le cours d’eau jusqu’au chenal et traverser celui-ci pour tenter de rejoindre l’autre rive. Il nagerait un peu si nécessaire. Théo avait plus d’un tour dans son sac. Quel que soit l’homme à l’affût, gaffe,1 ostréiculteur ou malfaisant, il pourrait toujours essayer de l’avoir.

Il avait envie d’allumer une cigarette, presque par défi, afin de débusquer le guetteur. Il savait qu’il n’en ferait rien. Il n’avait aucunement envie de brusquer les choses. Il n’avait qu’à attendre la suite de l’histoire. Au petit bonheur la chance.

C’est alors que la porte du hangar s’ouvrit brusquement. Une silhouette apparut aussitôt. Immédiatement, il reconnut Sandra. Impossible de la louper celle-là dans son accoutrement de starlette à la noix. Elle se mit à marcher vite vers la maison en ondulant de la croupe. Elle marchait mal à cause de ses minuscules chaussures plutôt faites pour un défilé de mode que pour cette randonnée nocturne. Il s’amusa de la voir se presser vers la maison comme une enfant s’attendant à être grondée. Puis il reconnut la silhouette carrée de l’employé qui suivait à bonne distance, les mains dans les poches. Lui, ne se hâtait point.

— Ça y est ! dit Théo, satisfait. Elle l’a son gigolpince. Depuis le temps qu’elle est excitée quand la marée monte, celle-là ! Si le mari les chope ensemble, leur compte est bon !

Théo scruta la nuit. Il commenta encore à voix basse :

— Surtout que le v’là le cornard qui remonte de l’embarcadère. Il a vu sa femme courir le long du bassin, c’est certain. Et le Boche qui suit à distance. Faudrait être bien naze pour ne rien piger ! Il vaut mieux que je quitte discrètement la scène. Ah, il est loin le temps des nuits calmes ! Les braves gens dormaient du sommeil du juste, ou à peu près ! Et moi, je faisais mon petit trafic !

Il ajusta le manche de la foëne sur son épaule et il se pressa vers le bassin abandonné où il avait l’habitude de laver ses bottes avant de prendre le chemin du retour.

* * *

Louis avait les mains rougies de sang comme s’il les avait trempées dans un seau d’abattoir. Manifestement, il n’était plus à un meurtre près. Sandra comprit très vite qu’elle avait rendez-vous avec son destin et elle se mit à crier comme un veau qui sent qu’il va mourir.

— Braille donc si tu veux, espèce de traînée, dit-il d’une voix pâteuse, je t’ai vue tout à l’heure. De la rivière, le panorama était saisissant. La femelle qui s’enfuit et le mâle repu qui suit tranquillement. Pour un peu, je l’aurais vu ramasser son outil et remonter sa braguette. J’espère que tu en as pris une bonne dose !

Elle tenta de se disculper.

— Qu’est-ce que tu vas chercher ! dit-elle timidement.

— Ne me raconte pas de salades, hein ! C’est trop tard maintenant. Je vais te faire ton affaire comme tu le mérites et, ensuite, il n’y a pas de raison, je m’occuperai de ton François. Je voyais bien depuis un moment qu’il te reluquait ce garcier-là. Forcément, madame se baladait sous son nez avec rien sur le cul ! Tu en pinces pour ses airs de sportif scandinave. Je vais le crever aussi. Comme bien d’autres ! Vingt et un mois d’Algérie, ça donne de la pratique. Le crime, tant qu’on n’a pas commencé, on ne sait pas ce que c’est. Puis, on en redemande, histoire d’avoir un peu plus d’expérience. C’est tout un art. Et j’aime le travail bien fait. Tu vas t’en apercevoir !

Sandra n’arrivait plus à crier. La détermination et la folie de son mari la submergeaient comme une vague de fond.

Elle commençait à accepter l’inéluctable. Elle ne pleurait plus. Une certaine torpeur l’envahissait progressivement comme si elle se préparait intérieurement à l’ultime voyage. Était-ce dans cet état second que les condamnés par Robespierre montaient vers la guillotine ?

Elle sentit les mains puissantes de son mari lui prendre le cou comme dans un étau et serrer progressivement. Pendant un court instant, elle put encore respirer normalement puis elle hoqueta avant de hurler sa peur. Son dernier cri.

Ensuite, elle se rappela qu’elle avait enfilé son slip à l’envers. Avant de sombrer définitivement dans le néant, elle sentit qu’elle avait mouillé sa jolie culotte de soie.

*

En entendant crier Sandra une seconde fois, François hésita. Il s’était vaguement promis de ne pas réagir. Mais ce cri n’avait vraiment plus rien d’humain. Il était obligé de s’en mêler malgré le risque de prendre des coups. Il devait bien ça à sa jolie maîtresse d’un soir. Avant de disparaître.

Tandis qu’il s’approchait, le gémissement cessa.

*

Théo vit François déboucher du sentier et s’approcher de la maison d’un pas déterminé. Le braconnier avait entendu l’appel lui aussi. Pas du tout le cri que l’on pousse quand on reçoit une claque. Plutôt quelque chose d’ultime, une sorte d’adieu à la vie. Comme les autres mammifères.

Il avait compris ce qui était en train de se passer et, au lieu de disparaître dans le sous-bois protecteur et de se désintéresser de la vie des autres, il choisit de marcher vers la maison. À deux, ils auraient davantage de chance face à la colère du grand Louis. Ils pourraient tenter de sauver Sandra s’il en était encore temps.

*

François entra lentement dans la cuisine. L’armoire à glace se lavait soigneusement les mains en chantonnant. Il se retourna, sourire aux lèvres.

— Ah ! Te v’là, toi ! Justement, j’allais passer te voir dans un moment.

— J’ai entendu ta femme crier, expliqua l’amant d’une voix mal assurée où l’accent germanique reprenait naturellement le dessus. Je ne dormais pas.

Louis éructa :

— Bien sûr que tu ne dormais pas puisque, l’instant d’avant, t’étais avec !

François tenta de protester. L’autre ne lui en laissa pas le temps.

— Je vous ai vus ! gueula Louis, les yeux exorbités et les poings serrés.

— Où est Sandra ? demanda timidement François.

Il était subjugué par la puissance de son adversaire.

— Dans le salon, répondit le mari.

Il rota avant d’ajouter :

— Elle refroidit !

François prit l’information de plein fouet.

— Tu l’as tuée ? demanda-t-il sans grand espoir dans la voix.

L’assassin jubilait.

— Étranglée, c’est mieux ! dit-il en levant l’index. J’aime les plats cuits à l’étouffée.

Il écarquilla les yeux, hilare.

— Elle a eu un petit gargouillis presque discret, ajouta-t-il. C’est curieux, elle qui était plutôt du genre à faire des éclats. En même temps, elle s’est pissée dessus. J’ai rigolé, tu penses bien.

Il fit un pas en avant et, sur un ton faussement badin, il ajouta :

— Je me demande bien quel air tu vas me jouer toi avant de passer l’arme à gauche.

François aurait pu décamper sans demander son reste et sauver sa vie. Au lieu de cela, il recula mollement vers la fenêtre. Il ne ressentait même pas l’impérieuse nécessité de s’enfuir devant une mort annoncée. Il ne s’en rendait même pas compte.

— Viens dehors, dit Louis en ricanant, j’en ai assez de salir ma maison. Je suis veuf depuis peu. Je vais avoir le ménage à faire maintenant !

*

Posté à l’extérieur, comme un chasseur à l’affût, Théo imaginait toute la scène en suivant le dialogue presque mot à mot. Pour plus de sûreté, il réajusta la pièce métallique de la foëne sur le manche. C’était la seule arme qu’il avait à portée de main pour assurer sa défense mais il la savait redoutable. Tout se passa dans la pénombre du couloir. François, déjà ailleurs, ne se méfiait plus assez. Il vit trop tard le couteau que Louis lui plongea dans le ventre en tournant sur lui-même à la manière d’un derviche en représentation. Le tueur aimait la beauté du geste.

Alors qu’il le poussait dehors d’une forte bourrade, il entendit son meurtrier dire :

— Va saigner à la belle étoile, il fait doux ce soir !

François tomba à genoux sur le gravier humide de la cour. Le sang sourdait entre ses doigts comme d’une outre éclatée. Il en avait la nausée. C’était tiède et visqueux. Il avait une envie forcenée d’en interrompre le flot. Il n’y parvenait pas.

Il sentit que son meurtrier le poussait du pied. Il roula sur le côté et ferma doucement les yeux. Il se rendait bien compte qu’il n’y avait plus rien d’autre à faire. Il était las. Définitivement las.

— Je vais te chercher ta copine, annonça Louis, rigolard. Ensuite, je vous balancerai tous les deux à la marée. Les bigorneaux n’en seront que meilleurs à la prochaine saison.

Théo s’approcha du carré de lumière dessiné sur le gravier. Il constata que François, qu’il surnommait le Boche, ne bougeait pratiquement plus. Il était trop près maintenant pour faire demi-tour. L’autre risquait de l’entendre décamper et le poursuivre. Le braconnier n’aurait plus l’avantage de la surprise et Louis était une force de la nature. Combat inégal perdu d’avance.

Un peu par hasard, il était impliqué dans cette affaire. Il ne pouvait plus rester un simple témoin. Et il n’avait pas envie d’être une victime de plus.

Il assura sa foëne de ses deux mains bien serrées comme un hallebardier avant le déferlement des assaillants et il attendit tout près de l’entrée. L’adversaire était redoutable, capable de tuer sans sourciller et à moitié fou de surcroît.

Il ne savait pas comment il allait s’y prendre. Sauf agir le premier. Il savait juste que la partie serait rude s’il ne prenait pas tout de suite l’avantage. Le costaud ne lui ferait pas de cadeau. Avec trois cadavres au tapis, il n’avait que le choix de tuer encore.

Au salon, Louis ne parvenait pas à extraire le corps de Sandra recroquevillé derrière le canapé. Les membres de la poupée désarticulée s’ingéniaient à s’accrocher aux meubles comme pour le gêner. Une dernière fois.

Faute de mieux, il la tira par une jambe et la traîna ainsi. Au passage de la porte, le crâne de la morte heurta le chambranle en faisant le bruit d’une noix de coco que l’on frappe pour la briser. La tête s’anima de gauche à droite comme un punching-ball malmené. Dans le couloir, le déplacement fut plus aisé quand il eut saisi les deux jambes et il progressa en marche arrière jusqu’au seuil.

Il fut douloureusement surpris de sentir les douze dents de la foëne lui pénétrer le dos dans un bruit de succion. Les tiges de métal fouillèrent profondément son corps comme des scalpels tranchants et un flot de sang lui emplit la bouche comme une régurgitation incoercible.

Il laissa choir son macabre fardeau sur la première marche de l’entrée et, piqué comme un hanneton, il se redressa sans se retourner. II cria sa douleur quand Théo arracha l’instrument dans l’autre sens déchirant organes et chairs d’une manière irréversible. Le sang se mit à gicler comme à travers les trous d’une passoire. Louis tomba à la renverse, les yeux figés d’une stupeur indéfinissable. La mort avait fait son marché.

Théo regarda à peine sa victime qui paraissait plus énorme encore une fois allongée sur le gravier de plus en plus rouge de sang frais. Il estimait avoir fait ce qu’il avait à faire. Un peu par obligation. Il s’était trouvé là à un moment précis. Bon ou mauvais.

Il s’éloigna de l’entrée de la maison. Il nettoya son arme avec une poignée de vase. Puis il la rinça à l’eau du bassin. Il sépara la pièce de métal du manche. Il ficela le tout qu’il plaça en bandoulière puis il quitta la scène sans demander son reste. Arrivé au bout du petit quai, avant de bifurquer à gauche pour attaquer le raidillon, il n’eut pas un regard pour les trois corps qui, là-bas, dans le carré de lumière, ne bougeaient plus.

1. Le garde-pêche (argotique).